Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 25 avril 2019, n° 18/07073

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-2, 25 avr. 2019, n° 18/07073
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/07073
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulon, 19 septembre 2013, N° 12/00429
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 25 AVRIL 2019

N° 2019/

Rôle N° RG 18/07073 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKX6

E B A

C/

SAS ALSEAMAR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Hélène BAU de la SELARL CABINET BAU – VIVES, avocat au barreau de TOULON

Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON – en date du 20 Septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/00429.

APPELANTE

Madame E B A, demeurant Campagne E Bât B 299, avenue d’Estienne d’Orves – 83160 LA VALETTE DU VAR

représentée par Me Hélène BAU de la SELARL CABINET BAU – VIVES, avocat au barreau de TOULON, vestiaire : 0006

INTIMEE

SAS ALSEAMAR Anciennement dénommée SAS BMTI prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant […]

représentée par Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 25 Février 2019 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Mme Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2019..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2019.

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Madame E B A a été embauchée le 20 janvier 2010, par contrat à durée déterminée, en qualité de responsable comptable par la SA Bmti, devenue Alseamar. Puis la relation contractuelle s’est poursuivie par contrat à durée indéterminée du 30 juin 2010.

Au dernier état de la relation contractuelle, régie par la convention collective de la plasturgie, la salariée percevait un salaire moyen brut de 4527,66 euros pour 169 heures par mois et bénéficiait du statut cadre coefficient 900

Le contrat de travail de la salariée a été suspendu à la suite d’un arrêt de travail à partir du 20 juillet 2012. Elle a été convoquée, par courrier du 27 février 2012, un entretien préalable un éventuel de licenciement puis licenciée pour faute grave par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 28 mars 2012 ainsi rédigé : '…….. Vous occupez le poste de responsable comptable et avez notamment pour mission : la tenue de la comptabilité, la gestion des déclarations fiscales et sociales et la gestion de la trésorerie. Je suis entré en fonction en tant que président de la société BMTI au mois de septembre 2010. Au cours de l’année 2011, j’ai été amené à constater que vous ne maîtrisez pas un certain nombre de notions pourtant fondamentales pour l’exercice de vos fonctions de responsable comptable au sein de la société. Par exemple, au mois de novembre 2011, vous avez commenté la situation intermédiaire arrêtée au 31 octobre 2011 en indiquant que les chiffres annoncés ne correspondaient pas à mes attentes alors qu’il s’agissait de chiffre d’affaires calculé sur la méthode comptable de l’avancement, méthode qui ne peut faire l’objet d’aucune interprétation. Par ailleurs, alors que j’avais évalué à 4238 K€ le chiffre d’affaires pour l’exercice 2011, vous avez largement contesté cette évaluation en la jugeant trop élevée et en vous permettant d’insinuer que je cherchais ainsi à arranger les comptes. Aussi, lors de la clôture des comptes pour l’exercice 2011, il s’est avéré que mon estimation était conforme à la réalité puisque le chiffre d’affaires audité par les commissaires aux comptes était de 4685 K€.

Compte tenu de l’activité de la société et de ses besoins de fonctionnement et des difficultés que vous rencontriez pour accomplir vos missions de responsable comptable, il a été décidé de renforcer le service comptabilité dans le but notamment de sécuriser la gestion financière de la société. C’est ainsi qu’a été prise la décision de recruter un responsable administratif et financier et qu’au mois de janvier 2012, Monsieur X a été engagé en cette qualité

. L’objectif de ce recrutement n’était aucunement, comme vous le

prétendez, de vous retirer tout ou partie de vos fonctions de responsable comptable. Il s’agissait uniquement, tout en vous maintenant dans vos fonctions, de répondre aux seuls besoins de l’entreprise, en regroupant au sein d’un même service, la comptabilité, la gestion et le contrôle financier ainsi que la gestion des affaires commerciales et industrielles complexes. Je vous ai fait part de l’embauche de Monsieur X lors de votre entretien individuel qui s’est déroulé au mois de décembre 2011 et je vous ai précisé que vous seriez désormais placée sous sa responsabilité sans pour autant que cela modifie le contenu de vos missions ou encore votre statut. Sans aucune raison valable de manière immédiate, vous avez catégoriquement refusé d’être placée sous la responsabilité de Monsieur X arguant du fait qu’il allait prendre votre place. J’ai ainsi été amené à vous rappeler à plusieurs reprises, que le recrutement de Monsieur X n’avait aucunement pour effet d’altérer vos fonctions qui demeuraient celles de responsable comptable, ni votre qualification ou encore votre rémunération, malgré ces explications, nous avez maintenu votre refus sans jamais justifier votre position par un motif légitime et avez, qui plus est, fait preuve d’un comportement déplacé et inacceptable.

En effet, dès l’arrivée de Monsieur X à son poste en janvier 2012, vous avez refusé de lui parler répondant à chaque fois que s’il avait quelque chose à vous dire où demander il n’avait qu’à le faire par mail. Vous avez également refusé de communiquer le moindre élément comptable demandé, l’empêchant ainsi délibérément d’exercer ses missions et son autorité. Aussi, nous nous sommes entretenus, en présence de Monsieur X, le 9 janvier 2012 pour clarifier la situation. Vous avez alors réitéré votre refus de voir Monsieur X devenir votre supérieur hiérarchique et avez, à partir de cet entretien, refusé toute communication avec Monsieur X. Le 16 janvier suivant, vous avez à nouveau demandé à me rencontrer et à cette occasion, je vous ai confirmé la nouvelle organisation du service ainsi que le fait que vos fonctions de responsable comptable restaient inchangées, de même que votre qualification et votre rémunération. Au cours des divers échanges que nous avons eu, j’ai été amenée à attirer votre attention sur les conséquences préjudiciables que votre position de refus pouvait avoir. Vous avez, malgré tout, persisté a refusé de travailler sous la responsabilité de Monsieur X et en collaboration avec celui-ci au seul motif que vous considériez , à tort, que celui-ci prenait vos fonctions. Il s’agit là d’un acte d’insubordination caractérisée et contraire à vos obligations contractuelles. Je vous rappelle, en effet, que votre contrat de travail stipule expressément que vous vous engagez « à exécuter vos fonctions avec toute la diligence, les soins requis, à respecter les consignes et directives données par l’entreprise et à respecter les méthodes de travail définies par elle ».

Qui plus est, j’ai récemment appris que vous vous êtes permise de contacter à plusieurs reprises au cours des mois de janvier et février, Monsieur C D, conseiller du président de la société Alcen, société mère de la société BMTI, pour l’informer que vous me soupçonniez de falsifier les chiffres de l’exploitation de la société BMTI et en particulier son chiffre d’affaires pour l’année 2011 dans des proportions importantes.

Il s’agit là d’accusations graves de nature à remettre en cause mon autorité ma légitimité en tant que président de la société BMTI.

Votre comportement est inadmissible et votre insubordination caractérisée ne saurait être tolérée au sein de l’entreprise.

Votre attitude est constitutive de manquements graves aux obligations contractuelles et manifestement de nature à préjudicier à l’organisation et bon fonctionnement de la société BMTI.

En conséquence, je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave

' »

Contestant la mesure prise à son encontre, par requête du 7 mai 2012, Madame E B A a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon, lequel par jugement du 20 septembre 2013, dans sa section encadrement, a statué comme suit:

' condamne la SAS BMTI ALCEM à payer à Madame E B A la somme de 2687,61 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour défaut d’information sur la portabilité du régime de prévoyance,

' déboute Madame E B A de toutes ses autres demandes,

' déboute la SAS BMTI ALCEM des chefs de sa demande reconventionnelle,

' laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 4 novembre 2013 la SAS BMTI ALCEM a relevé appel de ce jugement dont elle a reçu notification le 30 octobre 2013.

Un arrêt de ce siège en date du 13 mai 2016, a statué comme suit :

' réforme partiellement le jugement entrepris,

' statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

' rejette l’exception de nullité de l’acte d’appel,

' déboute Madame E B A de sa demande de rappel de salaire au titre du coefficient,

' dit que le licenciement de Madame E B A n’est pas nul et repose sur une cause réelle et sérieuse sans faute grave,

' condamne la SAS Alseamar à payer à Madame E B A les sommes de :

* 11'279,55 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1127,96 euros bruts au titre des congés payés subséquents,

* 1747,51 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant du défaut d’information sur la portabilité du régime de prévoyance,

* 5000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant du non-respect par l’employeur de ses obligations en matière de repos compensateurs,

* 1500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ,

' dit que les intérêts au taux légal pour les créances de salaires courront à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes avec capitalisation annuelle conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil et que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts à compter du présent arrêt,

' condamne la SAS Alseamar à remettre à Madame E B A les bulletins de salaire, certificat de travail et une attestation destinée à pôle emploi conformes au présent arrêt, le tout dans le délai de 3 mois à compter de la notification de l’arrêt et sous astreinte de 50 € par jour de retard passé ce délai ce, pendant 60 jours,

' déboute les parties de leurs autres demandes,

' condamne la SAS Alseamar aux dépens de première instance et d’appel.

Statuant sur le pourvoi formé par Madame E B A, par arrêt du 21 mars 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé ledit arrêt mais seulement en ce qu’il a dit le licenciement de Madame E B A fondé sur une cause réelle et sérieuse, remis en conséquence sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et condamné la société Alseamar aux dépens et au paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 24 avril 2018, Madame E B A a saisi la cour de renvoi .

Dans ses conclusions récapitulatives déposées et développées à l’audience par son conseil,

Madame E B A demande à la cour de:

' réformer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de toutes ses demandes à l’exception de la condamnation de la société BMTI au paiement de la somme de 2687,61 euros bruts ramenés à 500 € à titre de dommages-intérêts par l’arrêt du 13 mai 2016 pour défaut d’information sur la portabilité du régime de prévoyance,

' constater dire et juger que la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence en ce que le licenciement ne pourra être fondé que s’il est rapporté la preuve par l’emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs d’un abus dans l’exercice de liberté d’expression,

' dire en conséquence qu’il n’y a pas lieu de revenir sur les autres griefs de la lettre de licenciement sur laquelle la Cour de cassation ne revient pas et en cela définitivement jugés non fondés,

' prendre acte du caractère définitif des condamnations mises à la charge de la société Alseamar par arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 13 mai 2016 et plus précisément les sommes suivantes:

* 11'279,55 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1127,96 euros bruts au titre des congés payés subséquents,

* 1747,51 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant du défaut d’information sur la portabilité du régime de prévoyance,

* 5000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant du non-respect par l’employeur de ses obligations en matière de repos compensateurs,

* 1500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

' prendre acte de l’annulation par la Cour de cassation de l’arrêt rendu le 13 mai 2016 sur le seul motif retenu d’un prétendu abus d’expression de la salariée comme ne pouvant constituer un motif réel et sérieux de licenciement,

' constater dire et juger la nullité du licenciement de Madame E B A et en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

' condamner la SAS Alseamar à payer les sommes suivantes :

* dommages-intérêts pour nullité du licenciement et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse : 60'000 € nets de toute charge et contributions sociales

' dire que les condamnations porteront intérêts capitalisés au jour de la citation justice,

' ordonner la remise du certificat de travail, de bulletins de paie, d’une attestation pôle emploi conformes à la décision, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 8e jour de la notification du jugement, se réserver le droit de liquider l’astreinte,

' débouter la société Alseamar de ses demandes reconventionnelles,

' la condamner au paiement de la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles de procédure et aux entiers dépens.

Dans ses conclusions déposées et développées à l’audience par son conseil la SAS Alseamar, venant aux droits de la SAS BMTI, demande à la cour de:

' confirmer le jugement déféré en ce qu’il a considéré que le licenciement de la salariée était fondé sur des fautes graves et en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et d’indemnité conventionnelle de licenciement,

' dire et juger que les condamnations mises à la charge de la société dans son arrêt du 13 mai 2016 au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l’indemnité de licenciement ne sont pas définitives car il appartient à la cour d’appel de renvoi de se prononcer sur l’ensemble des faits et griefs ayant donné lieu au licenciement ainsi qu’à leur qualification,

' prendre acte du caractère définitif de la condamnation mise à la charge de la société Alseamar par l’arrêt du 13 mai 2016 la condamnant à payer à la salariée la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant du défaut d’information sur la portabilité du régime de prévoyance,

par conséquent,

' dire et juger que la salariée n’a pas subi d’accident du travail ,

' juger que le licenciement dont elle a fait l’objet n’est pas nul en l’absence d’accident du travail,

' juger que le licenciement est valablement fondé sur des fautes graves,

en conséquence,

' débouter Madame E B A de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

' la condamner au paiement de la somme de 3000 €au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur le périmètre de la saisine de la cour de renvoi,

Selon l’article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire. L’article 625 du même code précise que, sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elle se trouvaient avant le jugement cassé.

En l’espèce, la cassation ne porte que sur le chef de l’arrêt du 13 mai 2016 qui a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et ce, aux motifs suivants: au visa de l’article 1121 ' 1 du code du travail : 'Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que les accusations de falsification des comptes par le dirigeant de la société proférée par la salariée auprès du conseiller du président de la société mère, propos qui s’ils sont objectivement susceptibles de nuire à son employeur ne sont pas pour autant de nature calomnieuse puisqu’il n’était l’expression que d’un ressenti un ancien proche collaborateur constitue un comportement fautif par légèreté et imprudence de la responsable comptable ; qu’en statuant ainsi sans caractériser l’existence, par l’emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs d’un abus dans l’exercice de la liberté d’expression dont jouit tout salarié la cour d’appel a violé le texte susvisé'.

Par l’effet de cette cassation, la cour est saisie du licenciement, des griefs venant à son soutien, de leur qualification et des indemnités subséquentes, qui en dépendent nécessairement.

En revanche, la cour se renvoi ne saurait se prononcer sur les points définitivement jugés, portant sur les deux autres moyens. Ainsi, dès lors que l’arrêt de la Cour de cassation a rejeté le premier moyen du pourvoi, portant sur le chef de l’arrêt attaqué qui a dit que le licenciement n’était pas nul, soutenant que la cour a violé les dispositions des articles L 1226-7, L 1226-9 et L 1226-13 du code du travail en ne retenant pas l’application des règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail, la cour de renvoi ne peut se prononcer sur la nullité du licenciement tiré du 'non respect des dispositions d’ordre public attachées au statut protecteur des accidentés du travail'. A cet égard, la décision de la présente cour du 19 octobre 2018 est sans incidence en vertu du principe d’autonomie du droit du travail et du droit de la sécurité sociale. Il n’est pas invoqué d’autre moyen au soutien de la demande de nullité du licenciement.

De même, a été écarté le troisième moyen selon lequel la motivation retenue par l’arrêt du 13 mai 2016 portant sur le montant de l’indemnité compensatrice de préavis, fixée à 11 279,55 € 'au vu des bulletins de salaire versés aux débats’ ne permettait pas à la Cour d’exercer son contrôle.

Il n’y a pas lieu non plus de revenir sur les condamnations au paiement de la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant du défaut d’information sur la portabilité du régime de prévoyance et de 5000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant du non-respect par l’employeur de ses obligations en matière de repos compensateurs, non visés par le pourvoi.

2. Sur le licenciement,

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l’employeur d’alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

Au regard des termes de la lettre de licenciement, reprise ci-dessus in extenso, la salariée soutient vainement qu’elle ne contiendrait pas l’énonciation de faits suffisamment précis, alors qu’y sont relatés trois griefs, portant sur des faits matériellement vérifiables, peu important l’absence de référence à une date, dès lors qu’il n’existe aucune incertitude quant aux faits visés.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’en apporter la preuve.

Sur l’absence de maîtrise des notions fondamentales de comptabilité, il est reproché à la salariée de ne pas maîtriser la technique comptable du chiffre d’affaires à l’avancement, et ainsi, pour seul exemple, d’avoir au mois de novembre 2011, commenté la situation intermédiaire arrêtée au 31 octobre 2011 en indiquant que les chiffres annoncés ne correspondaient pas aux attentes de la direction alors qu’il s’agissait de chiffre d’affaires calculé sur la méthode comptable de l’avancement, laquelle ne peut faire l’objet d’aucune interprétation. Il est observé que ce grief est en totale contradiction avec l’évaluation du 21 décembre 2011 où les rubriques ' compétence et connaissances du métier’ et ' assimilation et fonctions du poste’ sont notées B, soit 'Dépasse quelques attentes'. En tout état de cause, en l’absence de mauvaise volonté délibérée de Mme B A, ce grief, ne présente aucun caractère fautif.

Sur l’insubordination caractérisée par le refus de travailler avec M. X, son supérieur hiérarchique, nommé le 9 janvier 2012, il est essentiel de relever que les relations professionnelles entre la salariée et M. X, ont été de courte durée, dès lors que Mme B A a été placée en arrêt de travail à partir du 20 janvier 2012 et n’a pas repris le travail jusqu’au licenciement. Au soutien de ce grief, l’employeur produit l’attestation de M. X selon lequel la salariée '...s’est enfermée dans un processus de défiance qui, après de longues conversations stériles s’est muté en refus de communiquer oralement. Elle a également refusé de me transmettre les processus internes et divers codes permettant d’accéder aux portails des banques, des impôts ou des déclarations sociales….'

. Cette attestation,

relate pour seul fait objectif et précis le refus de cette dernière de lui communiquer divers codes ou processus internes demandés par e-mail du 19 janvier 2012, cependant, par la pièce n° 20 de la salariée établit qu’elle a répondu à cette demande par un e-mail du même jour à 14h42. En cet état, ce grief n’est pas davantage établi.

Sur les accusations graves portées à l’encontre du dirigeant de la société, il est reproché à la salariée d’avoir tenu auprès de M. D C, fils et conseiller de M. F C, président de la société Alten, société mère de la société BMTI, des propos selon lesquels, elle soupçonnait M. Y de 'falsifier les chiffres de l’exploitation de la société BMTI et en particulier son chiffre d’affaires pour l’année 2011 dans des proportions importantes'.

Il est rappelé que si le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées, il ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

En l’espèce, le grief de propos diffamoires, repose sur l’attestation de M. D C, avec laquelle la salariée a travaillé de février à octobre 2010, qui affirme ' Madame E A m’a contacté à plusieurs reprises aux mois de janvier et février 2012 sur mon téléphone portable. Elle m’a notamment dit qu’elle soupçonnait M. G Y d’avoir trafiqué le chiffre d’affaires dans des proportions importantes'

. Est également versée au dossier l’attestation de la directrice juridique de la holding

affiliée à la société Bmti, Mme Z, à laquelle M. D C a rapporté que la salariée l’avait contacté à trois reprises au mois de février, laquelle déclare '……à cette dernière reprise, il ma fait part de son étonnement quant à la teneur des propos tenus par Mme A. En effet, celle-ci accusait M. G H de truquer les chiffres d’exploitation de BMTI et en particulier les chiffres d’affaires. Après contrôle, il s’est avéré que de bonne ou mauvaise foi, Mme A avait elle-même commis une erreur d’interprétation et de compréhension.

…'.

Ces propos sont à rapprocher du premier grief quant à l’incompréhension alléguée de la salariée,fin 2011, de la méthode de la technique comptable du chiffre d’affaires à l’avancement, le chiffre

d’affaires dégagé par la salariée étant celui réalisé. En l’absence de toute mauvaise foi de Mme B A, du caractère limité et non public de ces propos, dans un contexte de remise en cause de ses compétences, il n’est pas démontré d’abus de la liberté d’expression de cette dernière ayant un caractère fautif.

En conséquence, aucun des griefs visés par la lettre de licenciement n’étant établi, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

3. Sur les indemnités,

Mme B A est en droitd’obtenir, au vu des bulletins de salaire versés au dossier le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis égale à 11 279,55 €, somme sur laquelle les parties s’accordent, outre les congés payés afférents, soit 1127,96 €. S’agissant de l’indemnité de licenciement, compte tenu de l’ancienneté de 2 ans 2 mois et 11 jours de la salariée et des conclusions des parties, il est dû à ce titre la somme de 1747,51 €. Ces sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2012, à défaut pour la cour de connaître la date à laquelle l’employeur a réceptionné sa convocation à cette audience.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme B A qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 43 ans, de son ancienneté de 2 ans 2 mois et 11 jours dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle et de la justification de ce qu’elle a été reconnue en invalidité catégorie 2 à partir du 1er juin 2014, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi la somme de 28 000 €, qui doit s’entendre en brut, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

4. Sur les autres demandes,

Il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Il sera ordonné la remise de documents de rupture: certificat de travail, bulletin de salaire et attestation Pôle emploi, conformes au présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Les dépens, comprenant ceux de l’arrêt cassé, seront supportés par la société Alseamar, qui sera condamnée à payer à Mme B A la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant sur renvoi de cassation,

Dans la limite de sa saisine,

Déclare irrecevable la demande aux fins de voir déclarer le licenciement nul,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté Madame E B A de toutes ses autres demandes et en ses dispositions relatives aux dépens,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Madame E B A est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Alseamar à payer à Madame E B A les sommes suivantes:

—  11 279,55 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1127,96 € au titre des congés payés afférents,

-1747,51 € à titre d’indemnité de licenciement,

et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2012,

—  28 000 € bruts, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

—  2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à la SAS Alseamar de remettre à Madame E B A des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SAS Alseamar aux dépens, comprenant ceux de première instance et ceux de l’arrêt cassé.

Le greffier, Le président,

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