Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 2 décembre 2021, n° 18/19795

  • Salariée·
  • Harcèlement moral·
  • Congés payés·
  • Salaire·
  • Sociétés·
  • Contrat de travail·
  • Paye·
  • Acte·
  • Titre·
  • Exécution déloyale

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-4, 2 déc. 2021, n° 18/19795
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/19795
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nice, 26 novembre 2018, N° 17/978
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 02 DECEMBRE 2021

N° 2021/

NL/FP-D

Rôle N° RG 18/19795 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDPT3

B Y épouse X

C/

SASU ALBAREA

Copie exécutoire délivrée

le :

02 DECEMBRE 2021

à :

Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE

Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 27 Novembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/978.

APPELANTE

Madame B Y épouse X, demeurant […]

représentée par Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Lise KLINGUER, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SASU ALBAREA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège., demeurant […]

représentée par Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2021.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2021

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Albarea (la société) a pour activité la gestion d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Suivant contrat à durée indéterminée, la société a engagé Mme Y en qualité d’infirmière diplômée d’Etat, coefficient 279, à temps partiel à compter du 1er mai 2010.

Les parties ont établi un nouveau contrat de travail pour le même emploi au coefficient 284 à temps complet.

Suivant avenant du 29 avril 2016, la durée mensuelle du travail de la salariée a été portée à 154 heures, soit 15 heures supplémentaires par mois, à compter du 1er mai 2016.

En dernier lieu, la salariée a perçu une rémunération mensuelle brute de 4 094.30 euros.

A compter du 1er juin 2017, la société a intégré le groupe Medeos et Mme Z a été nommée directrice de l’établissement.

La salariée a été placée en arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif à compter du 06 septembre 2017 sur un formulaire dédié aux maladies professionnelles non-professionnelles.

Par courrier du 14 septembre 2017, la salariée a mis en demeure la société de lui régler l’intégralité

des heures supplémentaires des mois de juin et juillet 2017, et lui a fait part de la dégradation de ses conditions de travail.

Par courrier en réponse du 19 septembre 2017, la société a indiqué que les régularisations seraient effectuées sur le salaire du mois de septembre 2017.

Par courrier du 19 octobre 2017, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à la société de ne pas avoir procédé aux rappels de salaire pour les mois de juin, juillet et août 2017.

La veille, soit le 18 octobre 2017, la société a adressé à la salariée les bulletins de paie des mois de juin à septembre 2017, outre un chèque de 600 euros pour la régularisation des heures supplémentaires de juin, juillet et août 2017.

Le 09 novembre 2017, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Nice pour obtenir la requalification de la prise d’acte en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, et pour obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement rendu le 27 novembre 2018, le conseil de prud’hommes:

— a dit que la salariée a démissionné;

— a débouté la salariée de ses demandes;

— a rejeté la demande de la société au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

— a condamné la salariée aux dépens.

°°°°°°°°°°°°°°°°°

La cour est saisie de l’appel formé le 14 décembre 2018 par la salariée.

Par ses dernières conclusions régulièrement notifiées auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la salariée demande à la cour de:

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame X de l’intégralité de ses demandes,

Statuant de nouveau,

Constater les manquements graves commis par la société intimée,

Dire et juger que bien fondé la prise d’acte du contrat de travail de Madame X

A titre principal,

Dire et juger que Madame X a été victime de harcèlement moral,

Dire et juger que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul,

Condamner la société intimée au paiement des sommes suivantes :

- Rappel de salaire 748.44 € bruts

- Congés payés sur rappel de salaire 74.84 € bruts

- Rappel de salaire sur congés payés abusivement décomptés 917.56 € bruts

- Indemnité compensatrice de préavis 8202.88 € bruts

- Congés payés afférents 820.29 € bruts

- Indemnité de licenciement 7 690.20 € nets

- Indemnité pour licenciement nul (soit 12 mois de salaire) 49 217.28 € nets

- Dommages et intérêts pour harcèlement moral 30 000 €

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la Cour de céans devait considérer que Madame X n’a pas été victime de harcèlement moral, elle devra :

Dire et juger que la société intimée n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail de Madame X,

Dire et juger que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamner la société intimée au paiement des sommes suivantes :

- Rappel de salaire 748.44 € bruts

- Congés payés sur rappel de salaire 74.84 € bruts

- Rappel de salaire sur congés payés abusivement décomptés 917.56 € bruts

- Indemnité compensatrice de préavis 8202.88 € bruts

- Congés payés afférents 820.29 € bruts

- Indemnité de licenciement 7 690.20 € nets

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 32 811.52 € nets (soit 8 mois de salaire)

- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 16 405.76 € nets (soit 4 mois de salaire)

En tout état de cause,

Faire sommation à la société intimée de justifier qu’elle a accompli les diligences nécessaires auprès de l’organisme de prévoyance. Lui faire sommation de communiquer l’identité de cet organisme,

Condamner la société intimée à payer :

- Rappel de salaire 748.44 € bruts,

- Congés payés sur rappel de salaire 74.84 € bruts,

- Rappel de salaire sur congés payés abusivement décomptés 917.56 € bruts,

- Dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la remise et de l’établissement tardifs des documents sociaux de fin de contrat 5 000 € nets,

- La remise des documents sociaux de fin de contrat sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement,

- 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens,

- Intérêts au taux légal à compter de la date de saisine de la juridiction de céans avec capitalisation des intérêts.

Par ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 28 mai 2019 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de:

CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Nice du 27 novembre 2018 qui a jugé:

" Considère que la demanderesse a démissionné et ne reconnaît pas la prise d’acte.

Déboute Madame B X de l’ensemble de ses demandes.

Déboute le défendeur de sa demande de l’article 700 du CPC.

Met les dépens à la charge du demandeur ".

EN CONSEQUENCE ,

DIRE et JUGER que la société ALBAREA n’a commis aucun manquement dans le cadre de l’exécution du contrat de travail,

DIRE et JUGER que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Madame X produit les effets d’une démission,

EN CONSEQUENCE ,

DEBOUTER Madame X de l’ensemble de ses demandes,

CONDAMNER Madame X au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du C.P.C. ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 04 octobre 2021.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de la salariée tendant à faire sommation à la société de justifier qu’elle a accompli les diligences nécessaires auprès de l’organisme de prévoyance et de communiquer l’identité de cet organisme, la salariée ne justifiant par aucun élément du bien fondé de cette demande.

1 – Sur le harcèlement moral

En application des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail dans leur

rédaction applicable au litige, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet des dégradations de ses conditions de travail susceptibles notamment d’altérer sa santé physique ou mentale; en cas de litige reposant sur des faits de harcèlement moral, le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral; il incombe ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement; le juge forme alors sa conviction.

Un acte isolé et unique ne peut pas constituer un harcèlement, quand bien même cet acte se serait maintenu dans le temps.

En l’espèce, la salariée sollicite le paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant d’un harcèlement moral. Elle invoque à l’appui des faits qui se présentent comme suit:

— Mme Z a ordonné à toutes les infirmières de contacter la salariée pour tout problème survenant sur le site même en son absence, la salariée ayant donc été réveillée à plusieurs reprises en pleine nuit;

— Mme Z lui a dit que son niveau de rémunération était trop élevé;

— son bulletin de salaire du mois d’août 2017 ne lui a pas été remis;

— des jours de congés payés lui ont été retirés en lieu et place de jours de repos au mois d’août 2017;

— la société n’a pas réglé les 15 heures supplémentaires au titre des 2 jours de coordination au mois de juin 2017, a réglé les 15 heures supplémentaires au titre des 2 jours de coordination au mois de juillet 2017 sans tenir compte de la prime d’ancienneté, n’a pas réglé les indemnités kilométriques au mois de juillet 2017, n’a pas réglé les 15 heures supplémentaires au titre des 2 jours de coordination au mois d’août 2017, et n’a pas réglé la totalité des indemnités kilométriques au mois d’août 2017;

— la société lui a transmis un règlement pour régularisation des heures supplémentaires postérieurement à la prise d’acte (chèque qui porte la date du 20 octobre 2017), la prise d’acte ayant en réalité été cachée au groupe par Mme Z.

Elle conclut en indiquant que ces faits sont à l’origine de la dégradation de son état de santé et de son arrêt de travail prolongé.

D’abord, la cour dit que les faits reposant sur une régularisation postérieure à la prise d’acte ne peuvent pas être invoqués au titre d’un harcèlement moral dès lors que la salariée les invoque comme étant commis postérieurement à la rupture du contrat de travail qui résulte de sa prise d’acte.

Ensuite, la cour relève après analyse des pièces du dossier que:

— les faits reposant sur l’astreinte permanente de la salariée ne sont pas établis dès lors que cette dernière se borne à se prévaloir d’une part de relevés téléphoniques qui ne permettent pas d’identifier les motifs des appels qui y sont mentionnés, et d’autre part de l’attestation de Mme A, collègue de la salariée, qui affirme en des termes très généraux et imprécis que Mme Z a demandé que la salariée soit appelée en cas de difficulté, comme le manque de personnel, cette attestation n’étant au surplus corroborée par aucune autre pièce;

— les faits reposant sur les propos de Mme Z relatifs au niveau de rémunération de la salariée ne sont pas établis dès lors qu’ils ne résultent d’aucune des pièces du dossier.

S’agissant ensuite du décompte de jours de congés payés en lieu et place de jours de repos, il ressort des pièces du dossier que la société a décompté 10 jours de congés payés au lieu de 3 jours de congés payés à l’occasion du cycle de 9 jours de repos consécutifs pris par la salariée du 2 août 2017 au 10 août 2017, cycle auquel elle avait accolé 3 jours de repos.

Au vu des pièces du dossier, la cour dit que ces faits sont établis.

En outre, sont établis comme non discutés les faits reposant sur:

— l’absence de règlement de l’intégralité des salaires des mois de juin à août 2017;

— l’absence de remise du bulletin de salaire du mois d’août 2017.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la salariée établit la matérialité de trois faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral en ce qu’ils auraient eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment d’altérer sa santé physique ou mentale.

S’agissant des faits reposant sur l’absence de remise du bulletin de salaire du mois d’août 2017 et des faits reposant sur l’absence de règlement des heures supplémentaires de juin à août 2017, ceux-ci sont justifiés par des éléments objectifs dès lors que la société a adressé à la salariée les deux courriers suivants:

— l’un en date du 19 septembre 2017 pour lui indiquer qu’une régularisation interviendrait sur le salaire du mois de septembre 2017;

— l’autre en date du 18 octobre 2017 pour lui rappeler qu’il lui a été expliqué à plusieurs reprises que les retards constatés étaient imputables à des dysfonctionnements liés à la mise à jour et à la construction des variables de paie sur le logiciel du fait de la mise en place de la nouvelle direction.

Ces faits reposant sur l’absence de remise du bulletin de salaire du mois d’août 2017 et sur l’absence de règlement des heures supplémentaires de juin à août 2017 ne constituent donc pas un harcèlement moral.

En revanche, la société ne justifie par aucun élément objectif le troisième fait reposant sur le décompte des jours de congés payés, décompte qui est donc abusif.

Toutefois, ce fait unique ne saurait être constitutif de harcèlement moral.

Il y a donc lieu de dire que la salariée est mal fondée en sa demande à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, de sorte que la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il l’a rejetée.

2 – Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l’employeur d’exécuter le contrat de bonne foi.

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

En l’espèce, la salariée sollicite à titre subsidiaire le paiement de la somme de 16 405.76 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail imputable à la société.

Force est de constater que la salariée n’énonce aucun fait à l’appui de sa demande mais il se déduit de ses écritures qu’elle reprend à ce titre les faits énoncés au titre du harcèlement moral.

Comme il a été précédemment dit, seul le fait qui repose sur un décompte abusif de jours de congés payés au mois d’août 2017 est établi.

Il y a lieu de dire que ce fait constitue un manquement qui caractérise une exécution déloyale du contrat de travail.

Pour autant, la salariée ne justifie par aucune des pièces qu’elle produit que ce manquement de l’employeur à ses obligations lui a causé un préjudice.

En conséquence, la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

3 – Sur les rappels de salaire au titre des heures de coordination

La salariée sollicite le paiement de la somme de 748.44 euros à titre de rappel de salaire pour les 15 heures supplémentaires qu’elle a effectuées mensuellement au titre de la coordination.

Au titre de cette demande, elle a inséré en page 21 de ses écritures un paragraphe intitulé 'explications' comprenant un décompte se présentant comme suit:

* 76.02 euros pour le mois de juin 2017;

* 208.03 euros pour le mois de septembre 2017;

* 388.17 pour le mois d’octobre 2017.

D’abord, la cour relève après analyse de ce décompte que le total des sommes s’établit à 672.22 euros, la salariée ne livrant donc aucun décompte pour l’intégralité de la somme qu’elle réclame à hauteur de 748.44 euros, et ne fournissant au surplus, et singulièrement, aucune explication sur cette discordance.

Il s’ensuit que la demande ne peut être examinée que dans la limite de la somme de 672.22 euros.

Ensuite, il n’est pas discuté que la salariée avait réclamé lors de sa saisine du conseil de prud’hommes la somme de 798.34 euros.

Or, force est de constater que la salariée n’explique pas les raisons pour lesquelles elle a ici réduit le montant de sa réclamation.

Enfin, il n’est pas discuté que la salariée a perçu la somme de 600 euros que la société lui a versée sous forme d’un chèque joint à un courrier en date du 18 octobre 2017, lequel avait pour objet la régularisation des salaires de juin, juillet et août 2017 après des dysfonctionnements imputables à la mise à jour et à la construction des variables de paie sur le logiciel liés à la mise en place d’une nouvelle direction.

Au surplus, la société fait valoir, sans être contredite par la salariée, que cette dernière a perçu un salaire au mois de novembre 2017 suite à une erreur de l’employeur qui n’a alors pas tenu compte de la rupture du contrat de travail résultant de la prise d’acte de la salariée le 19 octobre 2017.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

4 – Sur l’indemnité compensatrice de congés payés

La salariée réclame le paiement de la somme de 917.56 euros au titre des jours de congés payés que la société lui a décompté à l’occasion du cycle de 9 jours de repos consécutifs pris par la salariée du 2 août 2017 au 10 août 2017, cycle auquel elle avait accolé 3 jours de repos, en ce que la société a décompté 10 jours de congés payés au lieu de 3 jours de congés payés.

La société se borne par un phrase laconique à dire que la réclamation n’est pas justifiée sans invoquer aucun moyen.

La cour dit au vu des éléments produits, et notamment des bulletins de paie, que la salariée est bien fondée en sa demande.

En conséquence, et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à payer à la salariée la somme de 917.56 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés.

L’indemnité compensatrice de congés payés ayant la nature d’un salaire, cette somme produira des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2017, date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.

3 - Sur la prise d’acte

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Si les faits justifient la prise d’acte par le salarié, la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La prise d’acte fondée sur des faits de harcèlement moral produit les effets d’un licenciement nul.

Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

Le juge doit examiner tous les manquements invoqués par le salarié, y compris ceux qui ne figurent pas dans l’écrit de prise d’acte, lequel à l’inverse de la lettre de licenciement ne fixe pas les limites du litige.

En l’espèce, la salariée invoque un harcèlement moral à l’appui de sa demande à titre principal tendant à voir juger que la prise d’acte du 19 octobre 2017 produit les effets d’un licenciement nul.

Comme il a été précédemment dit, il n’est pas établi que la salariée a subi le harcèlement moral qu’elle allègue, de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes au titre d’une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul.

À titre subsidiaire la salariée demande à la cour de dire que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en invoquant à l’appui une exécution déloyale du contrat de travail.

Comme il a été précédemment dit, seul le manquement au titre d’un décompte abusif de jours de congés payés au mois d’août 2017 est établi et constitue une exécution déloyale du contrat de travail.

La cour dit toutefois que ce manquement de la société n’est pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, de sorte qu’il ne peut pas justifier la prise d’acte, laquelle ne produit donc pas les effet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais ceux d’une démission.

En conséquence, la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté l’intégralité des demandes au titre de la prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a dit que la prise d’acte produit les effets d’une démission et en ce qu’il a rejeté la demande au titre de la remise des documents de fin de contrat.

4 – Sur les dommages et intérêts au titre de la remise des documents de fin de contrat

La salariée réclame le paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de rupture.

La société n’a pas conclu sur cette demande.

La cour relève qu’il n’est pas discuté que la société a remis avec retard les documents de fin de contrats à la salariée dès lors que cette remise a eu lieu le 19 décembre 2017 alors que sa prise d’acte résulte de son courrier du 19 octobre 2017.

Le manquement de la société est donc établi.

Sur le préjudice, la salariée fait valoir que postérieurement à sa prise d’acte, son arrêt de travail pour maladie a été prolongé; qu’en l’absence de documents de fin de contrat, la caisse primaire d’assurance maladie a refusé de procéder au versement des indemnités journalières de sécurité sociale jusqu’au 29 janvier 2018; qu’elle a donc subi une absence d’indemnisation durant trois mois.

Elle verse aux débats les attestations de paiement des indemnités journalières de sécurité sociale des 23 janvier 2018 et 29 janvier 2018 portant régularisations.

La cour dit, au regard de l’ensemble de ces éléments, que le manquement de la société a occasionné à la salariée un préjudice qui mérite d’être réparé, au vu des pièces du dossier, à hauteur de 500 euros.

En conséquence, et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à payer à la salariée la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de rupture, cette somme produisant des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt conformément à l’article 1231-7 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016 et applicable aux instances introduites à compter de cette date.

5 – Sur les demandes accessoires

Les dépens de première instance et d’appel seront supportés par la société, partie succombante.

L’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a:

— rejeté la demande à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

— rejeté la demande à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

— rejeté la demande de rappel de salaire,

— rejeté la demande de la salariée tendant à faire sommation à la société de justifier qu’elle a accompli les diligences nécessaires auprès de l’organisme de prévoyance et de communiquer l’identité de cet organisme,

— dit que la prise d’acte produit les effets d’une démission;

— rejeté les demandes au titre d’une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul,

— rejeté les demandes au titre d’une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— rejeté la demande de remise des documents de fin de contrat rectifiés,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société Albarea à payer à Mme Y la somme de 917.56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2017 à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

CONDAMNE la société Albarea à payer à Mme Y la somme de 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de rupture,

DIT que les sommes allouées par le présent arrêt sont exprimées en brut et qu’en conséquence elles supporteront, s’il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel,

CONDAMNE la société Albarea aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 2 décembre 2021, n° 18/19795