Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 28 octobre 2021, n° 20/00439

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-5, 28 oct. 2021, n° 20/00439
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 20/00439
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grasse, 23 décembre 2019, N° 17/00602
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 28 OCTOBRE 2021

N° 2021/

MS

Rôle N° RG 20/00439 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFNIO

Société ANTYAS

C/

X-P Y

Copie exécutoire délivrée

le : 28/10/21

à :

— 

Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

— 

Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de GRASSE en date du 24 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00602.

APPELANTE

SAS ANTYAS, demeurant […]

représentée par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et Me Kevin GRAZIANI, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur X-P Y, demeurant […]

représenté par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 17 Juin 2021 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code

de procédure civile, Madame Michelle SALVAN, Présidente, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Octobre 2021.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Octobre 2021,

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur X-P Y et Monsieur E Z étaient actionnaires, respectivement président fondateur et directeur général de la société Antyas.

Lors de la cession, le 31 août 2016, du capital social de la société Antyas à la société Meritis Group, M. Y a démissionné de son mandat social pour être engagé en qualité de directeur général salarié moyennant une rémunération fixe annuelle brute de 100.000 euros outre une rémunération variable indexée sur la marge brute de la société. M. Z a quant à lui été engagé en qualité de directeur commercial salarié.

Après en avoir vainement fait la demande, la société Antyas, le 31 mars 2017 a procédé à la récupération des données et du matériel informatique mis à disposition du salarié, durant ses congés par voie de constat d’huissier. Par la suite M. Y a revendiqué la propriété de deux ordinateurs en produisant deux factures datées du 30 décembre 2016.

A compter du 3 avril 2017, M. Y était placé en arrêt de maladie.

Le 5 mai 2017, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé à la date du 29 mai 2017, auquel il s’est présenté assisté, puis par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 3 juin 2017, il a été licencié pour faute grave.

Le 11 août 2017, la société Antyas a saisi la juridiction prud’homale, aux fins de voir sanctionner la vente frauduleuse de matériel de l’entreprise au profit de M. Y dans le but de détourner ou de retenir les données de l’entreprise, prononcer en conséquence la nullité de la cession des deux

ordinateurs, ordonner leur restitution et prononcer la nullité de la cession au profit de M. Y de la ligne téléphonique professionnelle mise à sa disposition.

À titre reconventionnel, M. Y, a notamment, sollicité la restitution du matériel informatique ou son remboursement, contesté le bien-fondé de son licenciement et formé diverses demandes indemnitaires et tendant à la suppression par la société Antyas de l’usage de sa messagerie professionnelle nominative sous astreinte.

Par jugement du 24 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Grasse, statuant en sa formation de départage, a :

— rejeté la demande de sursis à statuer (dans l’attente de l’issue d’une procédure pénale du chef de fausse attestation),

— rejeté l’ensemble des demandes de la société Antyas,

— déclaré le licenciement dépourvu de faute grave comme de cause réelle et sérieuse,

— condamné la société Antyas à payer à M. Y les sommes suivantes :

—  9.133 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 913,30 euros de congés payés y afférents,

—  60.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-10.000 ' à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

-1.728 euros en remboursement de deux ordinateurs retenus,

— dit que ces condamnations portent intérêts au taux légal,

— condamné la société Antyas à supprimer la messagerie jpberti@antyas.com dans un délai de 15 jours à compter du jugement, d’en justifier auprès de M. Y sous astreinte de 50 ' par jour de retard passé ce délai, en se réservant la liquidation de l’astreinte,

— condamné la société Antyas à payer à M. Y la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Antyas aux dépens de l’instance,

— ordonné le remboursement par la société Antyas au Pôle emploi des indemnités versées à M. Y du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de 6 mois d’indemnité de chômage,

— prononcé l’exécution provisoire du jugement,

— rejeté toutes les autres demandes.

La société Antyas a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 21 mai 2021, la Société Antyas explique avoir fait le constat à la fin du mois de mars 2017 qu’elle ne disposait que de très peu d’informations de la part de Messieurs Y et Z sur l’activité opérationnelle de l’entreprise,

alors qu’elle les avait engagés pour assurer le bon déroulement de la cession, ce qu’elle leur faisait connaître par courriel du 29 mars 2017 Confrontée au refus de Messieurs Z et Y de déménager avec le reste des équipes dans les locaux constituant le nouveau siège de l’entreprise, soupçonnant de leur part une rétention de données et une activité concurrentielle, et devant transférer tous les dossiers de l’entreprise à son nouveau siège social au plus tard le 3 avril 2017, elle décidait de procéder à la récupération des données de l’entreprise, ce à quoi s’opposait M. Z, M. Y se trouvant alors en congés payés. Elle décidait finalement de confisquer tout le matériel.

Au soutien de son appel, elle invoque :

— le comportement d’entrave de ses salariés et anciens associés, Messieurs Y et Z dans le cadre de la cession des actions de la société Antyas, caractérisé, par le détournement des données et des actifs de la société,

— la cession frauduleuse au profit de M. Y des ordinateurs mis à sa disposition et l’incapacité de M. Y de justifier de leur cession régulière, la nullité desdites cessions à défaut de pouvoir du salarié pour engager la société,

— la nullité de la cession de la ligne téléphonique professionnelle utilisée par M. Y à défaut pour ce dernier de disposer du pouvoir lui permettant de réaliser ce transfert,

— le développement d’une entité concurrente à la société par M. Y et M. Z dont l’unique préoccupation était l’encaissement du complément du prix de cession de leurs actions,

— la violation par M. Y de son obligation de loyauté en tant que salarié et de son obligation de non-concurrence en tant qu’ancien associé.

En réplique aux demandes de M. Y la société Antyas fait valoir :

— que M. Y ne saurait lui reprocher de l’avoir empêché d’exercer ses fonctions durant son arrêt de maladie à compter du 4 avril 2017 jusqu’à son licenciement, dès lors qu’elle ne pouvait obliger son salarié à travailler,

— que le licenciement pour faute grave repose sur trois griefs : la mise en place d’un système étanche visant à priver l’entreprise de nombreuses informations relatives à sa propre activité, l’accaparement des informations et de certains moyens de l’entreprise, le sabotage des perspectives de développement de l’activité de l’entreprise, dont la découverte n’est intervenue que le 31 mars 2017 pour les deux premiers et au cours du mois d’avril 2017 pour le troisième,

— que l’ensemble de ces comportements doit s’apprécier à la lumière de divers témoignages établissant que le salarié a développé avec M. Z une activité concurrente au travers d’une société Alligator, exerçant une activité identique à celle de la société Antyas, constituée sous couvert d’un prête-nom, ce qu’elle a constaté après le licenciement, et qu’elle est en, mesure de prouver,

— qu’elle a introduit une action en concurrence déloyale devant le tribunal de commerce de Grasse, lequel a commis le 19 janvier 2020 un huissier de justice pour procéder à diverses mesures d’instruction au siège de la société Alligator et de son gérant M. A, qui ont confirmé les relations affaires entre ladite société, M. Y et M. Z,

— subsidiairement, qu’eu égard l’ancienneté inférieure à deux ans du salarié, seules les dispositions de l’article L 1235-5 trouvent à s’appliquer ; et que M. Y ne justifie pas du préjudice qu’il allègue pour prétendre aux indemnités qui lui ont été allouées, alors qu’il a bénéficié d’une couverture maladie antérieurement à son licenciement et jusqu’au mois de mars 2019 bénéficie depuis cette date des allocations servies par le Pôle emploi soit 4.500 '.

Elle demande d’infirmer le jugement, et de :

— condamner M. Y à procéder sous astreinte de 500 ' par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à la restitution du PC portable LDLC NKW740SU0004L00001 et du PC bureau omega quad core, dans l’état où il se trouvait au 30 décembre 2016, entre les mains de la société ou de tout mandataire qu’elle viendrait à constituer à cet effet,

— ordonner à M. Y d’avoir à procéder à ses frais exclusifs à toutes démarches nécessaires auprès de tout tiers en vue de la restitution de la ligne téléphonique à la société Antyas.

A titre subsidiaire,

— sur la demande principale :

Prononcer la nullité de la cession desdits ordinateurs,

Condamner M. Y à procéder sous astreinte de 500 ' par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à leur restitution dans l’état où il se trouvait au 30 décembre 2016, entre les mains de la société Antyas ou de tout mandataire qu’elle viendrait à constituer à cet effet,

Ordonner à M. Y d’avoir à procéder à ses frais exclusifs à toutes démarches nécessaires auprès de tout tiers en vue de la restitution de la ligne téléphonique à la société Antyas.

— sur les demandes reconventionnelles :

Infirmer le jugement et subsidiairement limiter à un euro le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En tout état de cause, débouter M. Y de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, le condamner à lui verser la somme de 10.000 ' au titre de l’article 700 et aux entiers dépens distraits au profit de Maître Gilles Alligier.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 18 novembre 2020, M. Y soutient que la véritable cause du licenciement réside dans la volonté de la société de l’évincer en le privant d’une partie importante du prix de cession et de sa rémunération variable. Il explique avoir étroitement collaboré avec le dirigeant de la société Meritis Group, M. B, et facilité une bonne transmission des informations entre les sociétés jusqu’à ce que les relations de travail se détériorent à la fin de l’année 2016 lorsque les résultats de l’exercice ont confirmé l’importance du complément de prix de cession à la charge de l’acquéreur, la stratégie des nouveaux actionnaires consistant alors à organiser un transfert d’activité de la société Antyas sur la société Meritis Group afin de minorer les résultats de la société Antyas.

Il précise qu’à cette période il connaissait une situation personnelle difficile ; que le revirement du ton employé par M. B fin 2016 s’accompagnait d’une absurde urgence d’un déménagement de bureaux puis de sa décision intempestive de récupérer et finalement de confisquer ses outils de travail, notamment sa messagerie alors même qu’il était absent de l’entreprise, la société continuant néanmoins de faire usage de son adresse email.

Il fait valoir :

— sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

— qu’en sa qualité de directeur général de la société, il détenait le pouvoir de procéder au rachat de matériel informatique,

— qu’il a payé le prix de cession sans que la signature des factures d’achat ne soit exigée par le code général des impôts,

— que la société avait connaissance de la cession des deux ordinateurs qu’il utilisait lorsqu’il était mandataire social de la société, que cette opération n’est pas frauduleuse,

— que la ligne téléphonique mobile était à l’origine sa ligne privée dont il avait effectué le transfert lors de la création de la société en 2010, qu’il en avait acquitté les frais lors du transfert à son bénéfice, qu’il ne s’agit pas d’une appropriation frauduleuse d’un bien professionnel,

— que sa rémunération variable a été modifiée unilatéralement par la prise de mesures ayant eu pour conséquence de modifier la marge brute de la société,

— que la convention de cession d’actions ainsi que le contrat de travail prévoyaient le règlement d’un complément de prix de vente au cédant par le groupe Meritis selon la marge brute de production réalisée par la société Antyas pour les exercices 2016 et 2017, ainsi qu’une part variable de rémunération sur les mêmes critères ; que le tribunal de commerce d’Antibes, par jugement du 19 juillet 2019 a fixé le complément de prix dû par la société Meritis Group à Messieurs Y et Z.

— sur la rupture du contrat de travail :

— que la plupart des griefs sont prescrits,

— que l’employeur n’en rapporte pas la preuve,

— que ces griefs sont contestables et contestés.

— que les faits relatés par l’attestation de Mme C sont mensongers, que cette attestation n’a été produite qu’après le licenciement soit plus d’un an après celui-ci, que le témoin rapporte des faits qu’il n’a pas personnellement constatés,

— qu’il subit un lourd préjudice : étant en arrêt de maladie longue durée, suivi par un psychiatre, il n’a retrouvé d’emploi salarié qu’en 2020, rémunéré au Smic, qu’il a perdu la chance de percevoir une retraite plus importante,

— que le montant de l’indemnité compensatrice de préavis est erroné et doit être rectifié en fonction de son coefficient hiérarchique.

M. Y demande en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a constaté l’exécution déloyale du contrat de travail, déclaré le licenciement dépourvu de faute grave comme de cause réelle et sérieuse, ordonné la suppression par l’employeur de sa messagerie professionnelle sous astreinte de 50 ' par jour de retard, et de débouter, en conséquence, la société Antyas de l’ensemble de ses demandes.

Formant appel incident, il demande de constater le caractère abusif du licenciement, et statuant à nouveau, de condamner la société Antyas à lui payer les sommes suivantes :

—  25.000 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis (3 mois),

—  2.500 euros brut au titre des congés payés y afférents,

—  200.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  50.000 euros à titre d’indemnité pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail,

—  5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes pour les demandes à caractère salarial et à compter de la décision à intervenir pour les demandes à caractère indemnitaire, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil,

et de condamner la société Antyas en tous les dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 3 juin 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

Le 29 mars 2017, la société Antyas informait M. Y, qu’elle allait procéder à la récupération du matériel informatique et documentation physique de la société qu’elle placerait dans une armoire à laquelle il aurait accès si besoin.M. Y se trouvant alors en congés, et M. Z s’y étant opposé, le 31 mars 2017, en présence d’un huissier de justice, la société Meritis Group récupérait l’intégralité des ordinateurs au nombre de huit.

En réplique, M. Y déplorait une privation de l’accès à ses outils de travail, l’absence de concertation préalable et fustigeait une stratégie d’éviction planifiée. Il revendiquait la propriété de deux ordinateurs.

Postérieurement au licenciement pour faute grave de MM Y et Z, la société Antyas engageait une action en concurrence déloyale devant le tribunal de commerce, et sollicitait la consultation des données informatiques contenues sur les ordinateurs récupérés par l’huissier de justice le 31 mars 2017. Maître D et la SCP Sorrentino- G étaient commis à cet effet.

Au soutien de sa demande de restitution du matériel informatique, subsidiairement d’annulation de la cession de ce matériel par la société au salarié, sont produits au dossier de la cour, outre le constat dressé par Maître H D, huissier de justice à Grasse en date du 31 mars 2017, deux factures en date du 30 décembre 2016 respectivement au nom de Monsieur Z et de M. Y, la première portant la mention « réglé par chèque le 23 février 2017 », le journal des ventes du mois de décembre 2016, en date du 5 janvier 2017, sur lequel la cession des PC n’apparaît pas et un autre journal des ventes en date du 11 janvier 2017 sur lequel la vente des deux ordinateurs ainsi que cinq autres cessions de matériel apparaissent, des échanges de mails en date du 5 janvier 2017 et du 22 février 2017 entre M. Y et la société Meritis Group, cette dernière informant le premier du projet de transfert de la gestion des messageries électroniques, des relevés de banque faisant apparaître que le paiement des ordinateurs a été effectué le 23 février 2017.

En sa qualité de directeur général, M. Y avait le pouvoir d’engager celle-ci pour réaliser des dépenses courantes de matériel. Il apparaît que les ordinateurs en cause étaient ceux utilisés par M. Y avant le rachat de la société.

Toutefois, la vente ordinateurs litigieux, tout comme cinq autres cessions de matériels, n’apparaît pas sur le journal des ventes du mois de décembre 2016, et elle ne figure sur ce journal des ventes qu’une fois celui-ci rectifié.

Alors que la lettre de licenciement mentionne à juste titre que M. Y devait obtenir l’autorisation de l’employeur préalablement à la cession de ce matériel à son profit, M. Y ne justifie pas d’une

telle autorisation.

Dans ces conditions, il ne peut être jugé que le transfert de propriété de ce matériel dans le patrimoine de M. Y a été effectif avant son enlèvement, celui-ci ayant été opéré en fraude des droits de la société.

Il s’ensuit que la décision entreprise sera infirmée en ses dispositions condamnant l’employeur au paiement de la somme de 1.728 euros en remboursement des deux ordinateurs retenus par M. Y.

A l’inverse, il n’est pas sérieusement contesté que l’employeur a continué de faire usage de la messagerie professionnelle nominative du salarié alors que celui-ci n’était plus présent dans l’entreprise. C’est très justement que la décision déférée a ordonné qu’il soit mis fin à cette utilisation sous peine d’astreinte.

En application des dispositions combinées des articles L1221-1, L1222-1 du code du travail et 1134, devenu article 1103, du code civil, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, la partie défaillante étant condamnée au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1147, devenu 1231-1 du code civil.

En l’espèce, la société Antyas a méconnu cette obligation en continuant d’utiliser la messagerie nominative du salarié.

La modification alléguée de la rémunération variable du salarié par l’employeur n’est en revanche pas démontrée. Le préjudice subi par le salarié du fait de l’inexactitude invoquée de la cause de son licenciement, est quant à lui réparé au titre des conséquences de la rupture du contrat de travail et non de son exécution.

Il s’ensuit que le préjudice découlant pour M. Y de la méconnaissance par la société Antyas de son obligation de loyauté contractuelle sera intégralement réparé par l’allocation d’une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts, par voir infirmation du jugement déféré.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement en date du 3 juin 2017 est ainsi rédigée :

(…)

Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d’une faute grave, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du lundi 29 mai 2017 en présence de Monsieur I J qui vous assistait en qualité de conseiller.

Vous êtes devenu directeur général salarié de la société Antyas à compter du 1er septembre 2016, immédiatement après avoir cédé à Meritis Group cette société que vous avez fondée, dont vous déteniez directement et indirectement plus de la moitié du capital et dont vous étiez jusqu’alors le président mandataire social.

Si Meritis Group nouvelle présidente d’Antyas a souhaité que vous rejoignez immédiatement après l’acquisition, la société Antyas, en tant que directeur général salarié c’était pour que vous facilitiez durablement la transition avec la nouvelle équipe dirigeante tout en exerçant sur le long terme une activité administrative financière et commerciale avec toute la loyauté requise par ses fonctions

L’intérêt évident d’Antyas, était que vous puissiez assurer la continuité pour conserver la confiance des clients et des consultants, tout en promouvant les intérêts d’une intégration d’Antyaz à un groupe plus structuré.

Cependant depuis le démarrage de vos fonctions nous avons constaté que :

• vous cherchez à l’inverse de ce que nous étions en droit d’attendre en vous recrutant, à créer systématiquement le maximum d’étanchéité entre votre activité administrative financière et commerciale au sein d’Antyas et moi-même, représentant légal de Meritis Group, Présidente d’Antyas ; vous aviez tout mis en 'uvre pour dissimuler autant que possible le rachat d’Antyas par Meritis Group au nouveau consultant et salarié et pour éviter de me mettre en relation avec les clients ; vous aviez également 'uvré de manière dissimulée avec Monsieur E Z, ancien directeur commercial de notre société, pour accaparer les informations et certains moyens de notre société

• vous aviez enfin oeuvré toujours avec la plus grande opacité pour saboter les perspectives de développement de l’activité d’Antyas.

Concernant tout d’abord votre attitude pour créer de manière systématique le maximum d’étanchéité entre votre activité administrative, financière et commerciale, au sein d’Antyas et Meritis Group, sa Présidente, vous avez usé de tous les prétextes pour éviter une présentation à Meritis Group des clients D’Antyas, cette attitude ayant conduit à ce que je ne rencontre aucun des clients depuis le 1er septembre 2016.

À l’occasion d’entretiens avec de nouveaux salariés Antyas vous n’avez jamais évoqué l’appartenance au groupe Meritis.

Vous avez ensuite refusé de déménager, le 2 janvier 2017, au sein des nouveaux locaux d’Antyas, regroupés avec ceux de Meritis Paca alors même qu’un tel déménagement avait été planifié largement en amont, à partir du mois d’octobre 2016, et que vous nous aviez toujours fait part de votre accord sur ce point. Ce refus non anticipé, puisqu’exprimé le jour du déménagement, vous a permis de limiter les contacts avec Meritis Group et de limiter la transmission d’information, tout en vous permettant de dissimuler vos agissements allant à l’encontre des intérêts d’Antyas.

Vous avez d’ailleurs, malgré nos instructions contraires et alors même que vous n’en aviez pas le pouvoir, décidé de renouveler jusqu’au 31 décembre 2017, le contrat d’utilisation des locaux Regus, que vous occupiez seul avec E Z depuis le déménagement des équipes qui devaient prendre fin au 31 mai 2017, dans le but de vous maintenir isolé des autres membres de l’entreprise dont moi-même, représentant la présidence ; et cela alors que je souhaitais être le signataire de tout éventuel renouvellement, pour qu’Antyas ne soit, le cas échéant, engagé sur une nouvelle période qu’au dernier moment et seulement si nous étions parvenus à une organisation satisfaisante quant à mon accès aux données.

Vous avez également donné des instructions à Regus pour que le courrier ne soit pas remis au siège social d’Antyas après transfert de celui-ci dans les mêmes locaux que Meritis Paca, mais à vous-même directement dans l’établissement secondaire.

Vous avez enfin ralenti au maximum le transfert de la gestion des différents outils aux équipes dédiées, ne répondant pas aux sollicitations écrites et orales visant au transfert de la gestion des messageries entières dans l’univers Meritis, ne mettant qu’un minimum d’informations à disposition des équipes RH et ne répondant pas aux sollicitations visant à une harmonisation des pratiques.

Pour mettre fin à ces pratiques et avoir enfin accès à la gestion administrative financière et commerciale d’Antyas, nous avions décidé de rapatrier au siège tous les dossiers tout début avril, à votre retour de congés.

Les graves incidents survenus avec E Z avant ce transfert et dont vous connaissez la teneur, nous ont fait craindre que vous ne fassiez disparaître des informations, ce qui nous a conduit anticiper ce transfert dans des circonstances qu’il n’est pas nécessaire de rappeler.

Depuis lors, du fait de votre arrêt de travail pour cause de maladie vous n’avez pas repris votre poste de travail et les difficultés auxquelles nous sommes confrontées pour reprendre en main la gestion administrative financière et commerciale sont le résultat de votre attitude de dissimulation depuis votre entrée en fonction.

Concernant ensuite l’accaparement des informations et de certains moyens d’Antyas, nous avons constaté que vous aviez 'uvré avec Monsieur E Z de façon dissimulée pour céder à votre profit deux ordinateurs de la société que vous utilisiez à titre professionnel sans aucune autorisation, ni même concertation ou information, alors même que vous n’en aviez pas le pouvoir.

Nous avons découvert la cession au profit de E Z le 31 mars dernier, alors qu’il prenait ce prétexte pour nous refuser tout accès aux données d’Antyas.

Cela nous avait conduit à vouloir protéger les données figurant sur les autres ordinateurs de l’entreprise que vous utilisiez, en les confiant à un huissier.

Or, vous nous avez ensuite appris début avril que vous vous étiez également cédés deux des ordinateurs qui constituent vos outils de travail ! Vous n’avez fourni aucune explication crédible sur ces agissements graves lors de notre entretien préalable.

Nous sommes en outre aperçu que vous aviez d’ailleurs présenté sécession pour les dissimuler davantage,comme si elles avaient été réalisées en décembre 2016 alors même que de nombreux éléments montrent que ces sessions ne sont intervenues qu’au mois de février 2017, à un moment ou nos demandes visant à avoir enfin accès aux informations se faisaient plus pressantes.

Ayant récemment récupéré des dossiers administratifs d’Antyas, nous avons découvert que vous aviez par ailleurs transféré à votre profit, en tant que ligne personnelle, en janvier 2017, la ligne téléphonique mobile Antyas que vous utilisiez à titre professionnel, dont le numéro était connu de tous les clients et consultants. Une fois encore, ce transfert a été réalisé de façon occulte, sans aucune autorisation, ni même concertation ou information de notre société, et alors même que vous n’en aviez là encore pas le pouvoir.

Concernant enfin le sabotage des perspectives de développement de l’activité d’Antyas, vous n’avez pas répondu à un appel d’offres européen lancé par la société pro BTP alors même que vous avez une parfaite connaissance de l’importance que ce client avait dans les perspectives de développement de l’entreprise, et donc de l’importance du maintien du référencement d’Antyas auprès de cette société. Outre cette absence de réponse, vous n’avez pas communiqué la moindre information à Meritis Group, Présidente, sur l’existence de cet appel d’offres, afin de vous assurer qu’aucune réponse ne serait apportée.

Vous avez mis en difficulté Antyas, vis-à-vis de son fournisseur et tout à la foi concurrent Ausy en 'uvrant pour que la nouvelle direction s’adresse à un certain salarié d’Ausy comme s’ils étaient des salariés d’Antyas puis en tentant de débaucher l’un de ses salariés placés en sous-traitance auprès d’un de nos clients sans aucune autorisation, ni même concertation ou information ; alors même que les relations avec les intervenants du secteur ayant la même activité que nous doivent être régie par la plus grande déontologie et délicatesse.

Vous avez enfin tenté de détériorer les relations d’Antyas avec Sopra Steria en mettant directement en cause la nouvelle direction concernant le non versement d’une remise de fin d’année alors même que vous aviez initié ce paiement. Cette tentative a par ailleurs été réalisé en répondant aux clients directement avec votre adresse de courriel personnel, en violation flagrante des règles les plus élémentaires de loyauté vis-à-vis de votre employeur.

Il est précisé que l’ensemble des comportements susvisées doit s’apprécier à la lumière de témoignages obtenus concernant le développement programmé dès décembre 2016 d’une activité concurrente de celle d’Antyas avec Monsieur E Z, à qui devaient profiter à terme vos agissements.

L’ensemble de ces agissements dissimulés déloyaux commis par un cadre assumant des fonctions de direction et bénéficiant d’une rémunération à hauteur de l’implication qui doit avoir pour 'uvrer au développement et la bonne marche de l’entreprise et de la confiance que place en lui la présidence nuit gravement à la pérennité même de l’entreprise et va à l’encontre de ses intérêts.

Les explications recueillies au cours de notre entretien du 29 mai 2017 nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. En conséquence nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. Compte tenu de la gravité de ces agissements et de leurs conséquences, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.

(…)

Sur la prescription

Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement de poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites.

En l’espèce, la société Antyas n’a pu apprécier la réalité et la gravité des griefs reprochés au salarié pour le licencier qu’à partir du moment où elle a eu des doutes sur sa loyauté, soit dès le 31 mars 2017, date du procès-verbal de constat dressé par Maître H D, huissier de justice à Grasse. L’exception de prescription des faits fautifs a donc été justement écartée par la décision déférée.

Sur la preuve des griefs

Le licenciement doit reposer sur des éléments objectifs, imputables au salarié.

Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu’il reproche au salarié.

En l’espèce, la société Antyas produit :

— un mail adressé par K B à X-P Y le 25 avril 2017 s’étonnant que le client Stopra Steria ait envoyé un message sur la messagerie personnelle de Monsieur Y « sans l’avoir envoyé sur son adresse Antyas » et lui faisant observer « qu’il ne pouvait pas utiliser une messagerie personnelle pour répondre à un client d’Antyas qui plus est en signant avec ses coordonnées personnelles », poursuivant en lui défendant « d’agir ainsi à l’avenir » ;

— les statuts de la société Alligator en date du 27 mars 2017 accompagnés d’un procès-verbal de constat de la SCP d’huissiers de justice Sorrentino-G en date du 16 janvier 2020, dressé à la demande de Meritis groupe aux fins d’identifier Messieurs Y et Z comme étant « les réels animateurs de la société Alligator, en violation de leur obligation de non-concurrence prévue aux actes de cession », et un autre procès-verbal de constat dressé le 16 novembre 2020 par Maître D, aux fins de « vérification des disques durs se trouvant dans les ordinateurs préalablement portés par ses soins le 31 mars 2017 (…) et plus précisément l’ordinateur se trouvant dans le bureau de M. X-P Y.»;

L’employeur produit également l’attestation de Madame L F, salariée de la société Antyas, chargée de recrutement, en date du 22 mai 2017 déclarant en substance que M. Y et E Z avaient comme stratégie de créer une nouvelle structure en dehors d’Antyas, comme

il l’avaient déjà fait auparavant avec une autre société (Auzy), qu’ils ne voulaient pas déménager, parlaient à voix basse et en privé de manière à dissimuler le plus d’information possible à Meritis, en se montrant particulièrement démotivés, ceci pendant plusieurs longs mois :

(extraits) :

- depuis le mois de septembre 2016, E (Z)n’a cessé de faire des allusions au fait de créer une nouvelle entreprise en dehors de Meritis, il a déclaré : « j’ai déjà vécu cette situation avec Auzy à l’époque, lors de la vente de mon ancienne société Axylog. J’étais président-directeur général et X-P (Y) était directeur général(chez Antyas c’était l’inverse). Je suis restée pendant 2 ans au sein de la société après le rachat par Auzy. Pendant ce temps X-P créait petit à petit Antyas et je l’aidais en parallèle de mon poste chez Auzy.

- pour moi il sous-entendait clairement qu’il allait suivre le même schéma avec Meritis mais cette fois-ci ce serait X-P qui resterait quelque mois années chez Antyas après ce serait autour de E de créer en parallèle une nouvelle structure,

- vers la fin d’année 2016 entre novembre et décembre le frère de X-P est venu dans notre bureau pour changer l’ordinateur de E et transférer les données sans que Meritis soit au courant,

- la semaine avant les vacances de Noël K(B) s’est mis d’accord avec E et X-P pour que le déménagement vers les nouveaux locaux soit fait la première semaine de janvier, retour de vacances (bien sûr on en avait déjà parlé plusieurs fois depuis le rachat au mois de septembre).

A notre retour, début janvier, plus question de déménager dans la tête de E. Il me répète sans cesse qu’il n’est pas pressé de s’y mettre. qu’ils n’ont pas fixé de date précise’ puis au fil du temps sans que les autres le sachent il a clairement laissé sous-entendre devant moi qu’il ne déménagerait pas'

- ne voyant pas la situation évoluer, K M de multiples réunions avec X-P et E pour aborder ce sujet et pouvoir accueillir tout le monde dans les meilleures conditions (achat de mobilier ordinateur création d’espaces pour chacun pose d’un grand logo Antyas sur l’une des vitres de l’open space, commande de nouvelles cartes de visites pour chaque protagoniste. Tout était prêt…. E imposa ses conditions, quant à X-P il affichait moins aux yeux de tous sa réticence à déménager mais il n’en pensait pas moins. Ayant mis tout cela en place, n’ayant pas eu de volonté de déménager de la part de E K M une énième réunion. Le lendemain E m’annonce alors que j’avais désormais le choix rester dans mon ancien bureau avec lui ou intégrer seuls les nouveaux locaux Meritis. C’est là que commença alors une pression psychologique très forte à mon égard.

L’atmosphère est ensuite devenue invivable dans le bureau…

- c’est là qu’il (E) commence à me parler « d’une nouvelle aventure professionnelle », « j’ai d’autres projets j’ai eu des contacts avec une société en Allemagne il y a des perspectives. J’étudie plusieurs pistes, mais avec l’étendue de mon réseau, ce ne sera pas très difficile

En matière prud’homale, la preuve est libre et rien ne s’oppose donc à ce qu’en cas de contestation portant sur le caractère réel et sérieux du licenciement, l’employeur produise une attestation de l’une de ses salariées.

Les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité ; l’attestation d’L F ne peut être écartée des débats au seul motif qu’elle est entièrement

dactylographiée et ne répond donc pas en la forme aux prescriptions légales, le juge devant seulement en apprécier la valeur probante. Son auteur est clairement identifiable et Mme F a écrit de sa main avoir pris connaissance des dispositions de l’article 441-7 du code pénal et des sanctions encourues en cas de fausse attestation, elle ne comporte aucun indice de nature à mettre en doute son authenticité ; il n’y a pas lieu de l’écarter.

Il n’est pas justifié des suites données à la procédure pénale initiée auprès du procureur de la République de Grasse par la société Antyas du chef de fausse attestation.

Toutefois, ce témoignage n’objective aucun fait précis et matériellement vérifiable imputable à M. Y, dont il puisse être déduit avec la certitude nécessaire la réalité et le sérieux des comportements déloyaux reprochés au salarié pour le licencier, Mme F relatant son propre ressenti face à un certain nombre de situations qu’elle a vécues sans qu’il puisse en être déduit avec la certitude nécessaire la réalité des comportements déloyaux reprochés au salarié. Il est donc sans portée utile.

La société Antyas expose avoir saisi le tribunal de commerce pour obtenir la désignation d’un huissier « faute de disposer d’éléments de preuve suffisants démontrant la concurrence déloyale », et être aujourd’hui en mesure de démontrer l’étendue des agissements frauduleux reprochés à ses deux salariés. Elle produit divers constats d’huissier de justice dressés postérieurement au licenciement sur autorisation du président du tribunal de commerce dans le cadre d’une action en concurrence déloyale.

Il est constant que l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier de la réalité des motifs invoqués.

En l’espèce, la société Antyas déduit des diverses pièces afférentes à la société Alligator et des divers constats de Maître D et G que MM Y et Z ont constitué une société de prestation de services informatique (ESN) au capital de 50.000 ' le 24 Mars 2017 par l’intermédiaire d’un dénommé N A, associé unique et prête nom ayant une activité identique à celle d’Antyas, « la société Alligator ». Elle expose que M. Z affichait publiquement des opérations de mécénat en faveur de cette société, notamment en effectuant un virement le 31 juillet 2016, au profit d’une association sportive de Hand Ball.

Elle souligne que le constat de Maître G fait apparaître : que le club sportif, a cru que la société Alligator était « la continuité de la société Antyas » que des échanges téléphoniques, sms et emails ont été échangés par M. Y et M. A entre le 14 mai 2018 et le 9 mars 2020, que plusieurs rendez-vous ont été organisés entre M. Z et ce dernier entre le 20 janvier 2017 et le 24 juillet 2020, que 51 appels téléphoniques on été échangés entre eux du 9 Mars 2021 au 4 Mai 2021.

Elle fait observer que les consorts Y Z qui recherchaient des locaux ont échangé le 21 Février 2017 toute une série d’emails concernant une éventuelle disponibilité du nom de domaine : www. alligator.fr, que l’extrait K bis et les statuts de la société Alligator montrent que M. A était gérant d’une Sarl Malson, distributeur exclusif de produits de la marque « Avezi », fabricant des luminaires, soit un domaine sans rapport avec l’activité de prestataire de services informatiques et qu’il était en relation avec M. Y comme le montre le constat de Maître D, qu’en outre Maître G a constaté la présence d’une copie d’une reconnaissance de dette manuscrite du 24/03/17, rédigée par Mme O A, reconnaissant devoir la somme de 50.000 euros à M. E Z, somme correspondant au montant du capital social de la société Alligator.

Ce faisant, la société Antyas ne prouve pas que la société Alligator prétendument constituée sous un prête-nom par Messieurs Y et Z avait démarré son activité à une époque où ils se trouvaient encore dans les liens d’un contrat de travail avec la société Antyas.

Force est de constater que la société Antyas ne produit aucun autre élément tandis que M. Y

soutient, sans être contredit de manière opérante :

— avoir mené des actions permettant le transfert de la clientèle de la société Antyas à la société Meritis Group, en organisant plusieurs rendez-vous,en favorisant la mise en place d’une nouvelle force de vente,

— n’avoir pas expressément refusé de déménager le 2 janvier 2017, (ce que confirme le témoignage de Mme F)mais souhaitant le faire plus tard car il n’était pas disponible à cette date, dans les suites du décès de sa mère et de son épouse,

— n’avoir pas eu connaissance du refus opposé par l’employeur au renouvellement jusqu’au 31 mars 2017, du bail de location des locaux Regus qu’il occupait jusqu’alors.

Le salarié n’est pas d’avantage utilement contredit lorsqu’il fait valoir :

— que le fait d’avoir continué à recevoir le courrier de la société directement dans ses locaux n’est pas fautif, car connu de l’employeur depuis neuf mois,

— que le ralentissement volontaire invoqué par l’employeur du transfert de la gestion des différents outils aux équipes dédiées n’est étayé par aucun exemple précis,

— que la ligne téléphonique mobile dont il bénéficiait, était à l’origine sa ligne personnelle qu’il utilisait à titre professionnel et dont il avait effectué à ses frais le transfert à la société Antyas lors de la cession de ses actions, comme le montre un formulaire de cession de la ligne téléphonique de M. Y et un e-mail SFR du 19 mai 2017,

— que le défaut de réponse à un appel d’offre européen n’est pas fautif, car cet appel date de mars 2016, soit bien avant la cession de la société Antyas à la société Meritis Group et était connu de celle-ci à l’occasion d’un audit précédant l’opération de cession,

— que le débauchage de salariés de la société Auzy ne lui est pas imputable car il découle d’une erreur dans la liste de diffusion d’un mail demandant confirmation à des salariés de leur présence à un déjeuner RH commise par une salariée du service des ressources humaines, dont l’organisation était connue de l’employeur.

En définitive, se trouve seul établi à l’encontre de M. Y le fait d’avoir fautivement acquis deux ordinateurs de l’entreprise grief qui n’est pas sérieux pour justifier un licenciement au regard du statut qui était le sien dans la société devenue son employeur.

Il en découle que, comme l’a justement relevé la décision entreprise, le licenciement de M. Y n’est justifié ni par une faute grave ni par une cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnisation du licenciement

L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est constituée sur la base du salaire mensuel brut en tenant compte des primes et avantages dont le salarié est bénéficiaire en sus de son salaire de base.

En l’espèce, le salaire de référence de M. Y a été exactement fixé par la décision déférée à la somme de 9.133 euros compte tenu du montant du salaire brut moyen mensuel du salarié qui était de 8.834euros auquel s’ajoute sa rémunération variable.

Selon le contrat de travail M. Y a été engagé par la société Antyas à compter du 1er septembre 2016. Ses bulletins de salaire mentionnent cette date comme point de départ du calcul de son

ancienneté.

M. Y étant cadre position 3.2 coefficient 210, selon la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseils (Syntec), le montant de l’indemnité compensatrice de préavis lui revenant a été exactement calculé.

Compte tenu de l’âge du salarié au moment de son licenciement (58 ans comme étant né en 1959), de son ancienneté dans l’entreprise (10 mois), du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits le préjudice résultant pour M. Y de la perte de son emploi est intégralement réparé par le versement d’une somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts.

La décision sera en conséquence partiellement infirmée pour être statué en ce sens.

Sur l’application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail

M. Y n’ayant pas plus de deux ans d’ancienneté, la décision frappée d’appel ne pouvait ordonner le remboursement par l’employeur aux organismes concernés des indemnités chômage payées au salarié.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais non-répétibles

Eu égard aux succombances respectives chacune des parties supportera ses propres frais irrépétibles et dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

— condamné la société Antyas à payer à M. Y:

—  60'000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  10'000 ' à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

—  1.728 euros en remboursement de deux ordinateurs retenus,

L’infirme en ce qu’il a :

— ordonné le remboursement par la société Antyas au Pôle emploi des indemnités chômage versées à M. Y,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

- condamne la société Antyas à payer à Monsieur X-P Y:

—  30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- déboute la société Antyas de sa demande de remboursement de deux ordinateurs retenus par le salarié,

- dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail,

Confirme le jugement en ses autres dispositions et y ajoutant,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 devenu 1343-2, du code civil,

Dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens par elle exposés en instance d’appel,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 28 octobre 2021, n° 20/00439