Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 23 juillet 2021, n° 19/07153

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-8, 23 juill. 2021, n° 19/07153
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/07153
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nice, 4 avril 2019, N° 16/2775
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUILLET 2021

N°2021/

Rôle N° RG 19/07153 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEGKQ

Organisme CAISSE LOCALE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS COTE D’AZUR

C/

Y X

Copie exécutoire délivrée

le :

à

 : Me Clémence AUBRUN

Me Jean de dieu MBANZE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 05 Avril 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 16/2775.

APPELANTE

Organisme CAISSE LOCALE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS COTE D’AZUR, demeurant […]

représentée par Me Clémence AUBRUN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame Y X, demeurant 11 avenue Henri Musso – Bella vista-verdale B – 06100 NICE

représentée par Me Jean de dieu MBANZE, avocat au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Juin 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juillet 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juillet 2021

Signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre et Madame Laura BAYOL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par lettre adressée le 6 décembre 2016, Mme X a formé opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes Maritimes à la contrainte délivrée à son encontre le 12 octobre 2016 par la caisse du régime social des indépendants de Côte d’Azur, signifiée le 24 novembre 2016, aux fins de recouvrement de la somme de 60.142,92 euros au titre des cotisations et majorations de retard pour les régularisations des années 2011 à 2014.

Par jugement du 5 avril 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Nice, remplaçant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes Maritimes a :

— déclaré l’opposition diligentée par Mme X recevable mais mal fondée,

— annulé la contrainte du 12 octobre 2016, émise par l’URSSAF PACA à l’encontre de Mme X pour la somme de 60.142,92 euros,

— dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné l’URSSAF PACA aux dépens, en ce compris les frais de signification.

Par acte expédié le 24 avril 2019, le directeur de la caisse locale déléguée de sécurité sociale des travailleurs indépendants Côte d’Azur a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a annulé la contrainte en date du 12 octobre 2016 et l’a condamnée aux dépens, en ce compris les frais de signification de contrainte.

Par conclusions déposées et développées oralement à l’audience, l’URSSAF PACA demande à la cour de :

— infirmer le jugement,

— valider la contrainte émise le 12 octobre 2016 et signifiée le 24 novembre 2016 au titre des cotisations personnelles dues pour les périodes de régularisation 2011, 2012, 2013 et 2014, pour un montant ramené à 19.649,92 euros à titre de principal, assorti des majorations de retard de 14.703 euros à parfaire jusqu’au complet règlement des cotisations qui les génèrent, soit un total de 34.352,92 euros,

— en tout état de cause, condamner Mme X au paiement des cotisations dues pour les périodes de régularisation 2011, 2012, 2013 et 2014, pour un montant ramené à 19.649,92 euros à titre de principal, assorti des majorations de retard de 14.703 euros à parfaire jusqu’au complet règlement des cotisations qui les génèrent, soit un total de 34.352,92 euros,

— prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir conformément à l’article R133-3 alinéa 4 du Code de la sécurité sociale,

— condamner la partie adverse aux frais de signification et autres frais de justice subséquents nécessaires à l’exécution du jugement,

— rejeter toutes les autres prétentions de Mme X.

L’URSSAF soutient que les mises en demeure ont été valablement notifiées à Mme X, au visa des articles L.244-2 et L.244-3 du code de la sécurité sociale et de la jurisprudence, laquelle considère que la mise en demeure n’est pas contentieuse et donc que les règles de notification des actes de procédure ne lui sont pas applicables, concluant ainsi que la mise en demeure dont l’accusé de réception est revenu 'non réclamé’ doit être considérée comme étant valable.

Sur la base de calcul des cotisations retenue par la caisse, elle précise avoir invité Mme X à transmettre ses revenus et en l’absence de revenus déclarés, avoir calculé les cotisations de 2011 et 2012 en fonction de revenus issus d’une taxation forfaitaire, conformément à l’article R.242-14 du Code de la sécurité sociale et en fonction des revenus fournis par la Direction Générale des Finances Publiques pour 2013 et 2014.

Elle fait valoir la transmission par la cotisante de ses revenus pour les années 2011 à 2013 égaux à zéro le 29 janvier 2019, mais explique n’avoir pu la prendre en compte pour 2013 et 2014 au vu des incohérences remarquées en comparant les revenus déclarés par la cotisante d’un côté et ceux déclarés par la Direction Générale des Finances Publiques de l’autre, conformément à l’article R.243-43-3 du même code. Elle indique qu’en l’absence de transmission des bilans comptables de ces années, elle a conservé la taxation forfaitaire pour 2011,2013 et 2014 et explique avoir pris en compte les revenus modifiés pour 2012.

Visant l’article 1353 du code civil et l’article 9 du code de procédure civile, elle soutient que la preuve des faits nécessaires au succès de sa prétention n’est pas rapportée, Mme X devant prouver le caractère mal-fondé de la contrainte et rappelle l’absence d’obligation de répondre aux allégations sans preuve.

Sur la prétendue nullité de la contrainte, l’URSSAF se prévaut de la jurisprudence et de l’article R.244-1 du code de la sécurité sociale. Elle soutient que la contrainte litigieuse satisfait à l’obligation d’indiquer la nature des cotisations réclamées (cotisations et contributions sociales visées à l’article L 133-6 du code de la sécurité sociale, autrement dit, dues par les travailleurs indépendants), le montant des cotisations réclamées qui figure dans le total à payer, en détaillant la somme correspondant au principal des cotisations et contributions et celle correspondant aux majorations avant déduction des versements et régularisations intervenus après mise en demeure, mais encore les périodes concernées.

Elle précise que si la juridiction estimait que la contrainte n’était pas régulière pour un motif de pure forme, il n’en demeure pas moins que des cotisations et contributions sociales restent dues au titre des périodes concernées et conclut à la condamnation de Mme X au paiement de la totalité des sommes dues.

Sur les sommes réclamées, après rappel des articles L.133-6, L.131-6, R.133-26 et D.633-1 du Code de la sécurité sociale, l’URSSAF soutient que Mme X a exercé son activité non salariée du 8 avril

2009 au 2 janvier 2014, en qualité de commerçante, associée gérante de la SARL «AZUR ORIENTAL », pour une activité de « Commerce de détail d’habillement en magasin spécialisé » sous le numéro SIREN 512 131 459 et la considère donc redevable des cotisations et contributions sociales obligatoires depuis cette date et sur toute sa période d’affiliation.

Elle précise les taux applicables, les revenus retenus et expose les montants dus au titre de chaque année, obtenus par calculs auxquels il convient de renvoyer.

Sur l’encours de la dette, elle précise que suite à transmission par la Direction Générale des Finances Publiques des revenus 2013 et 2014, mais encore de l’enregistrement des revenus transmis en 2019, certaines sommes ont été déduites de la contrainte. Elle affirme que la contrainte reste due pour la somme de 19.649,92 euros à titre principal et 14.703 euros à titre de majorations de retard, soit 34.352,92 euros au titre des régularisations 2011 à 2014.

Mme X, reprenant oralement ses conclusions déposées à l’audience, sollicite la confirmation du jugement du 5 avril 2019, et par conséquent :

— la constatation de la nullité de la contrainte du 24 novembre 2016 pour manque de motivation

— le rejet des demandes de l’URSSAF,

— la condamnation de l’URSSAF aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu’elle n’a plus exercé depuis fin 2012, le fonds de commerce ayant été perdu, suite à un jugement du tribunal de commerce de 2012, pour loyers impayés.Son commerce ayant été fermé, n’ayant plus de fonds et étant salariée chez des employeurs particuliers, elle estime ne devoir aucune cotisation.

Elle conteste la validité de la contrainte, soulignant que la contrainte évoque une régularisation quand les mises en demeure font état de cotisations provisionnelles.

Elle souligne les incohérences entre le montant des cotisations sollicitées et ses faibles revenus.

Elle reproche l’absence de notification des taxations d’office pour 2011 et 2012, et fait valoir qu’à défaut de notification de cette taxation d’office aucune pénalité ne saurait lui être infligée pour déclaration tardive de revenus.

Elle reproche l’absence de déclenchement de procédure de radiation, malgré l’absence de transmission des déclarations de revenus, et conclut que l’URSSAF ne peut prétendre à des majorations et pénalités, au sens de l’article R.242-14 I du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l’article L.244-2 du code de la sécurité sociale, 'Toute action ou poursuite effectuée en application de l’article précédent ou des articles L.244-6 et L. 244-11 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d’un avertissement par lettre recommandée de l’autorité compétente de l’Etat invitant l’employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n’a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l’employeur ou au travailleur indépendant.

Le contenu de l’avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.'

• L’article R.244-1 du code de la sécurité sociale précise notamment que 'L’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.'

En outre, l’article R.133-3 du même code dispose que 'Si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, le directeur de l’organisme créancier peut décerner la contrainte mentionnée à l’article L.244-9 ou celle mentionnée à l’article L.161-1-5. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la lettre recommandée mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.'

Il est constant qu’il résulte de ces dispositions que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation.

A cette fin, il importe qu’elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.

Il est également constant que le cotisant peut connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation, dès lors que la contrainte fait référence à la mise en demeure antérieure et que celle-ci détaille précisément pour chacune des périodes les sommes dues au titre des cotisations et des majorations de retard ainsi que les versements effectués.

En l’espèce, Mme X a formé opposition à l’encontre d’une contrainte du 12 octobre 2016 d’un montant total de 60.142,92 euros, laquelle vise deux mises en demeure :

— l’une du 27 octobre 2014 portant sur les périodes suivantes : 'REGUL 11« , 'REGUL 12 » et 'REGUL 13" pour un montant de 38.236 euros,

— l’autre du 12 mai 2015 portant sur la période intitulée 'REGUL 14" pour un montant de 21.906 euros.

Or, les mises en demeure produites par l’URSSAF PACA, en guise d’invitation impérative adressée à Mme X préalablement à cette contrainte, visent:

— en ce qui concerne la mise en demeure du 27 octobre 2014, les 'REGUL 11« , 'REGUL 12 » et 'REGUL 13" pour les montants respectifs de 52.940 euros, 85.053 euros et 60.172 euros, soit un total de 198.165 euros,

— et en ce qui concerne la mise en demeure du 12 mai 2015, les 'REGUL 13« et 'REGUL 14 », respectivement pour 100.608 euros et 247.193 euros, soit un total de 347.801 euros.

S’il est admis que la contrainte puisse renvoyer à des mises en demeure afin de permettre au cotisant de connaître la nature, l’étendue et la cause de son obligation, encore faut-il que celles-ci soient suffisamment motivées et claires.

Or, il convient de constater que tant la mise en demeure du 27 octobre 2014 que celle du 12 mai 2015 visent à réclamer le paiement des cotisations au titre de la régularisation de l’année 2013, sous le terme 'REGUL 13", et que les montants de cette régularisation différent, ceux-ci s’élevant d’abord à 60.172 euros, puis à 100.608 euros, sans qu’aucun élément ne soit porté à la connaissance de Mme X pour justifier un telle augmentation.

Dans la contrainte du 12 octobre 2016, la 'REGUL 13" n’apparaît plus comme étant visée par la mise en demeure du 12 mai 2015, là encore sans explication.

Ainsi, Mme X n’est pas en mesure de connaître avec précision le montant et les périodes concernées par son obligation.

En outre, comme l’a souligné le tribunal judiciaire en première instance, sous l’intitulé 'nature des sommes dues', les mises en demeure précisent toutes deux 'provisionnelle', avec l’utilisation parallèle du terme de 'REGUL', quand la contrainte ne fait état que de la mention 'REGUL’ sans préciser s’il s’agit de cotisations provisionnelles ou définitives, de sorte que la nature des cotisations réclamées n’est pas clairement précisée.

Enfin, si le montant initial des cotisations et majorations visées dans la contrainte est retrouvé, abstraction faite de ce que les deux mises en demeure évoquent toutes deux la 'REGUL 13", dans les deux mises en demeure auxquelles elle se réfère, il n’en demeure pas moins que ni les déductions qui apparaissent dans la contrainte à hauteur de 159.839 euros et 225.287 euros, ni le versement de 89,08 euros ne sont justifiés par l’URSSAF.

Les conclusions de l’URSSAF n’éclairent pas la cour,puisque celle-ci précise que Mme X n’a pas déclaré ses revenus avant l’émission de la contrainte, ce qui aurait pu expliquer une modification des quantum suite à leur transmission.

En outre, elle indique 'qu’entre l’émission des mises en demeure et celle de la contrainte, aucun versement n’a été effectué', que 'les montants sont identiques, il n’y a pas eu non plus de déduction suite à la transmission', et que ' les sommes indiquées sont donc parfaitement identiques', ce qui ne correspond pas à la lecture de la contrainte produite aux débats.

Ni les déductions, ni les versements auxquels l’URSSAF a procédé ne trouvent une justification dans ses écritures, et encore moins dans la contrainte elle-même, laquelle doit être motivée, sous peine de nullité.

Il en résulte que ni la nature, ni le montant des cotisations réclamées, ne sont déterminables par Mme X.

Par conséquent, au vu de tout ce qui précède, Mme X n’a pas été en mesure de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation, et la contrainte du 12 octobre 2016 est nulle, faute de motivation suffisante.

Il y a lieu confirmer le jugement du 5 avril 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Nice, sauf en ce qu’il déclare l’opposition diligentée par Mme X mal fondée.

L’URSSAF PACA supportera les éventuels dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par décision contradictoire

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Nice, sauf en ce qu’il déclare l’opposition diligentée par Mme X mal fondée ;

Dit que l’opposition diligentée par Mme X est bien fondée ;

Condamne l’URSSAF PACA aux éventuels dépens de l’instance.

Le Greffier Le Président

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