Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 8 avril 2022, n° 18/20060

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-6, 8 avr. 2022, n° 18/20060
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/20060
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Draguignan, 5 décembre 2018, N° 16/00243
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 08 AVRIL 2022

N° 2022/ 139

Rôle N° RG 18/20060 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQLH

Y X


C/

SCI SCI CHAMPAGNE


Copie exécutoire délivrée

le :08/04/2022

à :


Me Christine TOSIN, avocat au barreau de NICE


Me David REBIBOU, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :


Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 06 Décembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/00243.

APPELANT

Monsieur Y X, demeurant […]

représenté par Me Christine TOSIN, avocat au barreau de NICE


INTIMEE

SCI CHAMPAGNE, demeurant […]

représentée par Me David REBIBOU, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.


Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Avril 2022.

ARRÊT

contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Avril 2022


Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***


A compter du 29 mars 2016, M. X a été recruté par la SCI Champagne en qualité de régisseur. Il a été licencié le 16 septembre 2016. Le 3 novembre 2016, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Draguignan d’une demande portant principalement sur un rappel d’heures supplémentaires et la contestation de son licenciement.


Par jugement du 6 décembre 2018, Il a été débouté de ses demandes.

M. X a fait appel de ce jugement le 19 décembre 2018.

A l’issue de ses conclusions du 26 février 2020 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M. X demande de':


- 'réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Draguignan du 06 décembre 2018 en toutes ses dispositions et jugeant à nouveau';


- 'dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse';

en conséquence';


- 'condamner la SCI Champagne à lui régler':


- 33.045'€ nets au titre de l’indemnité de travail dissimulé';


- 1500'€ nets de rappel de salaire du mois d’août 2016';


- 29.914'€ bruts de rappel d’heures supplémentaires +10'% au titre de l’indemnité de congés payés soit 2991'€ sur heures supplémentaires';


- 18.000'€ nets au titre de l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse';
- 'La remise des documents sociaux et bulletins de salaires rectifiés sous astreinte de 100'€ par jour durant 40 jours à compter de la notification de la décision à intervenir';


- 'condamner la SCI Champagne à lui payer la somme de 2000'€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile';


- 'condamner la SCI Champagne aux dépens.

Au terme de ses conclusions du 17 mai 2019, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SCI Champagne demande de':


- 'voir déclarer irrecevables les conclusions d’appelant de M. X';

en conséquence';


- 'voir constater la caducité de l’appel interjeté';

à titre subsidiaire';


- 'voir confirmer le jugement rendu le 6 décembre 2018 par le conseil de prud’hommes de Draguignan';

en conséquence,


- 'voir constater que le salaire de M. X tel qu’agréé dans le contrat de travail et versé par la Société s’élevait à 3.568,19'€ bruts (2.769,23'€ nets)';


- 'voir constater que les griefs contenus dans la lettre de licenciement sont établis';


- 'voir constater que M. X était soumis à un forfait hebdomadaire en heurs établi à 39 heures, incluant 4 heures supplémentaires forfaitaires rémunérées';


- 'voir constater que M. X n’apporte aucun élément venant clairement étayer ses demandes au titre de prétendues heures supplémentaires';

en conséquence,


- 'voir dire et juger que le licenciement de M. X est parfaitement fondé sur une cause réelle et sérieuse';


- 'voir débouter M. X de ses demandes de rappel de salaires et congés payés afférents à titre d’heures supplémentaires';


- 'voir débouter M. X de ses demandes de rappel de salaires au titre d’un prétendu salaire mensuel net de 4.500'€ nets';


- 'voir débouter M. X de sa demande d’indemnité de travail dissimulé';


- 'voir débouter M. X de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions';


- 'voir condamner M. X à lui payer la somme de 3.000'€ du chef des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’en tous les dépens.


La clôture de l’instruction a été prononcée le 14 janvier 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE':

sur l’irrecevabilité de l’appel ainsi que des conclusions de M. X et la caducité de l’appel':

moyens des parties':


La SCI Champagne expose que la régularité de conclusions en cause d’appel postule une critique du jugement et non la reprise des moyens de première instance, que M. X, dans ses conclusions, s’est borné à indiquer que le conseil de prud’hommes de Draguignan avait rejeté l’ensemble de ses demandes sans motivation et qu’il sollicitait la réformation du jugement en tous ses points et que l’appel, conformément à l’article 954 du code de procédure civile, devra être déclaré irrecevable.

M. X n’a pas conclu sur ce point.

réponse de la cour':


L’article 954 du code de procédure civile prévoit que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Par ailleurs, l’article 6 du même code dispose qu’à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder.


Il n’y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité de l’appel de M. X dès lors que la SCI Champagne ne formule aucune demande de ce chef dans son dispositif. Par ailleurs, la SCI Champagne ne développe dans la partie discussion de ses conclusions aucun moyen relatif à l’irrecevabilité des conclusions de M. X ni à la caducité de l’appel. Il n’appartient pas à la cour d’appel de pallier sa carence dans la charge de l’allégation. La SCI Champagne sera par conséquent déboutée de ses demandes de ce chef.

sur les heures supplémentaires et l’indemnité pour travail dissimulé':

moyens des parties':

M. X expose qu’une partie de son salaire a fait l’objet d’une dissimulation aux motifs qu’il a été recruté par le biais d’une agence de placement sur la base d’un salaire mensuel de 4'500'€ nets, qu’il a été rémunéré, selon son contrat de travail, sur une base de 3'000'€ nets mensuels et qu’il a perçu, ainsi que d’autres salariés, le surplus de son salaire en espèces, soit 1'500'€ nets et qu’il est donc fondé, à raison de la dissimulation par la SCI Champagne de son emploi, à réclamer sa condamnation au paiement de l’indemnité pour travail dissimulé.


Il expose en outre qu’il a réalisé pour le compte de la SCI Champagne de nombreuses heures supplémentaires impayées dont il s’estime fondé à réclamer le paiement.


La SCI Champagne répond que M. X a été recruté dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée sur la base d’une rémunération mensuelle nette de 2.769'€ sur 13 mois et que le salaire de 4'500'€ nets qu’il invoque correspondait à un contrat à durée déterminée.


Elle s’oppose en outre à la demande en rappel d’heures supplémentaires formée par M. X aux motifs que sa durée hebdomadaire de travail était de 39 heures prenant déjà en compte 4 heures supplémentaires, que le calcul de M. X est erroné puisqu’il se fonde sur une base de 35 heures hebdomadaires, que ses décomptes sont erronés concernant le volume des heures supplémentaires revendiquées, que sur la seule base de ses déclarations, il devait se prévaloir de 330,75 heures supplémentaires, et non des 487,62 heures dont il sollicite le paiement, que les décomptes de M. X ne prennent pas en compte ses temps de pause, que M. X a calculé les taux de majorations applicables sur une base mensuelle et non hebdomadaire, que le salaire de référence est erroné puisqu’il s’élève à 3.568,19'€ bruts mensuels et non à 5.507,55'€ bruts mensuels, que le mode de calcul du taux horaire applicable est également erroné puisque M. X omet de prendre en compte la rémunération dans ce salaire de 4 heures supplémentaires hebdomadaires et que si les heures supplémentaires invoquées par M. X étaient dues, elle serait redevable d’un rappel de salaire de 3.956,41'€ bruts.


Elle conteste en outre le décompte versé aux débats par M. X aux motifs que ce document, établi unilatéralement par M. X, n’est corroboré par aucun élément probant, que le contrat de travail de M. X prévoyait que, outre le forfait hebdomadaire en heures prévu au contrat de travail, les heures supplémentaires réalisées au-delà de ce forfait ne pourraient être effectuées qu’avec l’autorisation préalable expresse de la société, qu’il est également de jurisprudence que les juges doivent vérifier que si les heures supplémentaires ont bien été effectuées à la demande et pour le compte de l’employeur et qu’elle n’a jamais autorisé tacitement ou expressément les heures supplémentaires revendiquées par M. X et que ce dernier ne l’a jamais informé de leur réalisation.


La SCI Champagne s’oppose enfin à sa condamnation à paiement d’une indemnité pour travail dissimulé aux motifs que le paiement d’une telle indemnité, outre la commission de faits constitutifs de faits de travail dissimulé, suppose de démontrer la volonté chez l’employeur de se soustraire à ses obligations, que la preuve de la dissimulation d’une partie de la rémunération de M. X n’est pas rapportée et que, concernant les heures supplémentaires, la démonstration du caractère intentionnel de se soustraire à ses obligations ne peut se déduire du seul défaut de paiement de ces sommes.

réponse de la cour':

sur les heures supplémentaires':


Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.


Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre’d'heures’de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des’heures’de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.


Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre’d'heures’de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux’heures’non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des’heures’de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence’d'heures’supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, M. X produit aux débats un décompte quotidien de ses heures d’arrivée et de départ de son lieu de travail pour les mois de mai à août 2016. Ce faisant, M. X présente des éléments suffisamment précis quant aux’heures’non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies permettant à son ex-employeur, chargé d’assurer le contrôle des’heures’de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments, peu important à ce stade des débats qu’il ait établi unilatéralement ce décompte ni qu’il ne soit corroboré par aucun élément de preuve.

M. X verse en outre à l’instance ses relevés de télépéage pour la même période de temps, mentionnant ses heures de passage au péage d’Antibes, soit à proximité de son lieu de travail, et sur la base desquels il a calculé ses heures d’arrivée et de départ au sein de la résidence dans laquelle il était employé.


De son côté, la SCI Champagne produit aux débats le contrat de travail de M. X dont il ressort que ce dernier était rémunéré à raison de 36'000'€ nets sur treize mois, somme correspondant à une durée hebdomadaire de 35 heures, outre 4 heures supplémentaires. Le même contrat de travail précise en outre que ce forfait de 4 heures supplémentaires par mois n’exclut pas de demander au salarié d’effectuer, si nécessaire, en dehors de ce forfait mais que, toutefois, les heures en dehors de ce forfait ne pourront être effectuées qu’avec l’autorisation préalable expresse de l’employeur.


Il convient de relever en premier lieu que M. X a inclus dans le décompte des heures supplémentaires dont il réclame le paiement les quatre heures supplémentaires par mois déjà prévues par le contrat de travail et dont il a obtenu paiement par le biais du salaire convenu. En outre, M. X a évalué le taux de majoration applicable aux heures supplémentaires dont il réclame le paiement sur la base d’un calcul mensuel alors qu’il est de principe que ce taux se calcule sur la base d’un calcul hebdomadaire.


Il est de jurisprudence constante que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.


Il n’est pas démontré par M. X que les heures supplémentaires excédant le forfait hebdomadaire de quatre heures supplémentaires, dont il réclame le paiement, ont fait l’objet d’une autorisation expresse de la part de son employeur. Il n’est pas non plus établi par ce dernier que la réalisation de ces heures de travail a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées par la SCI Champagne. M. X ne peut en conséquence prétendre à rappel supplémentaire. Le jugement déféré, qui l’a débouté de ses demandes ce chef, sera infirmé.

sur le travail dissimulé':


L’article L'8221-5 du code du travail énonce qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur':

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche';

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie';

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’article L'8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.


Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l’article L'8223-1, de la volonté chez l’employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement.


Il a été retenu que M. X ne pouvait prétendre à heures supplémentaires impayées par la SCI Champagne. Ce grief ne peut en conséquence fonder la condamnation de la SCI Champagne au paiement de l’indemnité pour travail dissimulé.


Concernant le montant réel du salaire de M. X, il ressort des pièces produites aux débats que ce dernier a été recruté par le biais de l’agence Mac Mahon, qu’au terme d’une facture du 29 mars 2016, cette dernière a facturé son intervention à la SCI Champagne pour un montant de 2700'€ hors-taxes correspondant à l’embauche de M. X, sous la forme d’un contrat à durée déterminée de trois mois, moyennant un salaire mensuel net de 4'500'€. Au terme de son contrat à durée indéterminée du 29 mars 2016, M. X a été embauché sur la base d’un salaire net de 2769,23'€. M. X produit aux débats la reddition des comptes qu’il a adressés à la gérante de la SCI Champagne et qui fait état à plusieurs reprises de paiement liquide au profit de divers salariés, dont M. X, et dont certains portent l’intitulé «'Salary'». Les versements opérés au profit de la SCI Champagne sont dans la majorité des cas d’un montant de 1500'€. Ces versements, sur lesquels la SCI Champagne n’apporte pas d’explications convaincantes, corroborés par les termes de la facture du 29 mars 2016, peu important la référence erronée à la conclusion d’un contrat à durée déterminée au lieu d’un contrat à durée indéterminée, démontrent que les parties étaient convenues de rémunérer M. X sur la base d’un salaire mensuel net de 4500'€.


Il ressort en conséquence que la SCI Champagne ne s’est pas acquittée de son obligation de déclarer auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ainsi que de l’administration fiscale, le salaire réel de M. X. Le paiement de cette somme en liquide réitéré à plusieurs reprises permet de caractériser la volonté chez la SCI Champagne de se soustraire à ses obligations justifiant ainsi sa condamnation à payer à M. X l’indemnité pour travail dissimulé prévu par l’article L.'8223-1 du code du travail soit, compte tenu des cotisations sociales, la somme de 33'045'€ nets.

Sur le licenciement de M. X':

moyens des parties':

M. X conteste le bien fondé de son licenciement par la SCI Champagne, fondé sur de nombreuses faiblesses et insuffisances dans l’exécution de son travail, préjudiciables d’après l’employeur au bon fonctionnement de la propriété. Il expose, en premier lieu, que la procédure de licenciement dont il a fait l’objet intervient postérieurement à la main courante qu’il a déposée le 20 août 2016 en raison du refus de la SCI Champagne de payer les heures supplémentaires et des menaces larvées dont il aurait fait l’objet.


Il dénie en outre les griefs invoqués par la SCI Champagne aux motifs, en substance, que ces derniers ne sont ni circonstanciés ni datés, ni prouvés et sont d’ordre général et ne peuvent constituer un motif réel et sérieux de licenciement et remet en cause le caractère probant des attestations versées aux débats par la SCI Champagne.


La SCI Champagne soutient que M. X ne peut contester le bien fondé de son licenciement aux motifs qu’elle n’a eu connaissance de la main courante déposée par M. X le 20 août 2016 qu’après le licenciement de ce dernier, que pendant l’exécution de la relation de travail, le comportement de M. X s’est dégradé à l’issue de la période d’essai, qu’il a procédé à des recherches d’emploi pendant ses heures de travail, qu’il est donc incontestable qu’il préparait son départ et que les griefs reprochés à M. X, qui avait pour attribution d’assurer la gestion quotidienne de la Propriété Champagne ce qui comprenait l’encadrement du personnel de maison, la gestion de travaux de maintenance, l’entretien des véhicules, la relation avec les prestataires et l’organisation de loisirs lors de la présence des propriétaires, sont justifiés.

réponse de la cour':


Aux termes des dispositions de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.


Le 20 août 2016, M. X a déposé une main courante auprès du commissaire de police de Nice exposant, en substance, être en litige avec son employeur en raison des heures supplémentaires qu’il avait accomplies et de la volonté de la SCI Champagne de mettre fin à son contrat de travail et à préciser aux services de police que le client pour lequel il travaillait était de nationalité russe, qu’il avait une réputation sulfureuse, qu’il était susceptible d’être dangereux et a précisé à ces derniers qu’il craignait pour sa sécurité ainsi que celle de ses proches.


Il n’est pas démontré par M. X que son employeur avait connaissance de cette main courante lors de son licenciement. Il ne peut donc soutenir que la décision de la SCI Champagne de rompre son contrat de travail était constitutive d’une mesure de représailles à la suite de la main courante précitée.


La lettre de licenciement adressée par la SCI Champagne à M. X le 13 septembre 2016 est rédigée dans les termes suivants:

«'Vous avez été embauché à compter du 29 mars 2016 afin de vous occuper de la Propriété Champagne à Tanneron. À ce titre, vos missions principales étaient en particulier d’organiser et gérer le quotidien et la banne marche de la

Propriété, y compris en encadrant le personnel de maison, en assurant gestion des travaux de maintenance, la relation avec les entreprises extérieures, l’entretien des véhicules, l’organisation des loisirs pendant la présence des propriétaires, etc.

Pourtant, nous avons constaté de nombreuses faiblesses et insuffisances dans l’exécution de votre travail, qui sont préjudiciables au bon fonctionnement de ta Propriété.

Ainsi, à l’inverse des qualités requises pour votre fonction, vous vous montrez très désorganisé et désordonné, et commettez de nombreux oublis ou négligences.

De très nombreux exemples peuvent être fournis, parmi lesquels':

Pendant votre absence, nous avons constaté que le bureau était en complet désordre et qu’une gestion correcte et professionnelle des papiers administratifs faisait visiblement défaut . les papiers n’étaient clairement pas classés, et nous avons même retrouvé parmi eux des couverts sales. Vous ne conservez par ailleurs pas systématiquement des copies papier classées des divers documents administratifs et justificatifs, contrairement à ce qui vous a été demandé nous sommes donc dans l’incapacité de localiser certains documents et informations dont nous avons besoin lorsque vous êtes absent. Pourtant, vous passez de nombreuses heures isolé dans le bureau, en particulier lorsque les occupants sont absents

des documents importants relatifs à la Société vous ont été confiés le 4 juillet, que vous deviez remettre à ta maîtresse des lieux pour qu’ils soient placés au coffre. Or non seulement avez-vous omis de le faire, mais nous avons de surcroît trouvé lesdits documents sur le sol du bureau le 24 août

vous avez émis un chèque de plus de 16.000 euros, destiné à notre prestataire de sécurité/gardiennage, sans y indiquer

l’ordre- Le chèque a en conséquence été rejeté par la banque et la somme correspondante a été bloquée sur le compte de la Société. En conséquence, suite à votre inattention, le paiement a été suspendu, ce qui a porté préjudice à nos relations avec le prestataire

il est très fréquent que vous reveniez des courses en ayant oublié une partie des articles qui vous avaient été demandés, ou avec les mauvais articles

vous omettez parfois de prévenir la gouvernante ou te Superviseur assistant de la venue de prestataires quand vous vous absentez, la sécurité n’étant alors pas autorisée à les laisser rentrer. De la même manière, alors que ta sécurité vous avait avisé d’un problème de fonctionnement (mémoire) de la vidéosurveillance qui l’empêchait de revoir les images, vous ne nous en avez pas tenus informés, ni pris la moindre mesure. Vous n’avez pas davantage informé la compagnie

d’assurance de l’installation des alarmes incendie, bien que cela vous ait été demandé

il vous a été demandé en avril de faire changer les verres d’un casque de ski. Nous avons cependant constaté que le casque détérioré se trouvait toujours dans le bureau

vous aviez pour instruction d’effectuer un envoi en DHL à l’étranger, mais vous avez fait une erreur dans l’adresse et

n’avez pas fourni le numéro de téléphone du contact local. En conséquence, l’envoi, qui était urgent, a pris dix jours au lieu de deux jours, et nous n’avons de surcroît pas été en mesure de le suivre, n’ayant pas réussi à trouver le bordereau de suivi. qui vous n’aviez pas correctement classé ,

alors qu’il vous avait été demandé de vous charger de retirer le robot de la piscine, vous avez oublié à plusieurs reprises et, alors qu’il vous en était fait la remarque vous avez rétorqué que ce n’était pas votre travail.

De la même manière, alors que certaines tâches vous avaient été expressément confiées, vous avez décidé, sans solliciter la moindre autorisation ni même en référer à quiconque, de vous en décharger sur des personnes à qui elles

n’incombaient nullement. Ainsi, vous avez sollicité d’un Jardinier qu’il achète quotidiennement le pain, et avez imposé au

Superviseur assistant l’entretien des voitures.

Vous estimez également que certaines tâches ne vous reviennent pas et refusez de les effectuer, y compris de manière occasionnelle, et lorsqu’il s’agit d’aider vos collègues alors que vous-même n’êtes pas occupé.

Votre gestion des prestataires et intervenants est, elle aussi, défaillante, puisque vous avez eu recours plusieurs fois à des personnes non dignes de confiance. Par exemple vous avez fait appel, de votre propre chef et sans en avertir votre hiérarchie, à un plombier inhabituel, que vous avez au demeurant laissé sans surveillance dans la maison en violation des instructions reçues, et qui a remplacé un accessoire coûteux, qu’il a de plus emporté avec lui, par un matériel de piètre qualité. Sur notre insistance, l’accessoire nous a été restitué, mais certains compartiments étaient manquants et il

a fallu acheter un nouvel accessoire , alors qu’il vous avait été demandé de contacter un spécialiste Epson pour intervenir sur une imprimante défaillante, vous avez recouru à un prétendu réparateur de matériel informatiques visiblement non agréé Epson, qui s’est montré totalement inefficace.

La qualité de votre travail s’est ainsi avérée insuffisante et vous n’avez pas su répondre de manière satisfaisante aux attentes de la Société, d’autant que ces insuffisances dans vos fonctions se doublent d’un manque de professionnalisme et

d’un comportement fautif parfaitement inacceptable de votre part.

A titre d’illustration

Vous vous montrez particulièrement grossier, tant envers votre hiérarchie qu’envers vos collègues, à qui vous manquez fréquemment de respect, à qui vous tentez de faire porter vos responsabilités, et qui se sont d’ailleurs plaints de votre attitude. Ainsi . vous haussez fréquemment le ton, que ce soit envers moi ou vos collègues ce qui n’est pas compatible avec le bon fonctionnement de la Propriété

la Gouvernante s’est plus d’une fois retrouvée très incommodée du fait de votre attitude envers elle

votre communication et vos relations avec le Superviseur assistant sont mauvaises et vous ne vous adressez plus guère ta parole vous m’avez verbalement agressée, en vociférant que j'«'étais stupide'» et que je 'faisais seulement semblant d’être intelligente'.

En dépit d’instructions très claires que je vous ai données de ne pas fumer et de rappels que j’ai été contrainte de vous faire, je vous ai vu fumer dans la cuisine du personnel et constaté une odeur persistante de tabac dans le bureau que vous utilisez et dans la cuisine du personnel.

Vous avez admis devant des collègues être responsable des dommages sur le rétroviseur de la voiture de location, mais

m’avez soutenu par la suite que les dommages devaient avoir été causés après votre arrêt. Au demeurant. vous aviez souscrit, sans m’en informer, une assurance basique lors de la location de ce véhicule, ce dont il résulte que la Société est redevable de plusieurs centaines d’euros pour les dommages constatés. A cet égard, vous m’avez indiqué que vous aviez laissé votre numéro de carte personnelle à la société de location, et non celui de ta Société, et que vous devriez être remboursé ; je vous ai demandé de me confirmer le montant dû afin qu’il puisse vous être restitué, mais n’ai à ce jour pas reçu de réponse.

Nous avons découvert que vous aviez à plusieurs reprises abusé des ressources de la Société

Vous avez ravitaillé indûment votre véhicule personnel en carburant à la charge de la Société, en profitant du fait qu’en vertu d’un contrat avec une station-service locale, la Société règle ses dépenses de carburant une fois par mois ' et alors que la Société met à votre disposition un véhicule de service pour vos déplacements professionnels'; Nous nous sommes aperçus récemment que vous utilisez pour vos déplacements quotidiens, sans autorisation, un badge de télépéage Vinci

Escota qui a été enregistré pour la Propriété sans que nous en ayons connaissance; ces passages nous étant en conséquence facturés. Le dernier état disponible de Vinci Escota, en date du 23 août 2016, montre d’ailleurs que ce badge était encore utilisé à cette date.

Ces éléments participent d’un manque de professionnalisme avéré et sont inacceptables de la part d’une personne en charge de l’organisation et de la gestion d’une Propriété de standing. De surcroît ils nuisent à l’ambiance et au bon fonctionnement de la Propriété.

Au regard de ce qui précède, nous sommes donc contraints de vous licencier pour les motifs personnels mentionnés ci-dessus'».


L’article L.'1232-6 du code du travail prévoit que la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Il est de jurisprudence constante que l’absence d’énonciation des motifs ou leur imprécision prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.


Il résulte clairement des termes de la lettre de licenciement adressée à M. X que la SCI Champagne a indiqué avec une précision suffisante les griefs reprochés à ce dernier. Par ailleurs, il est de principe que la datation, dans la lettre de licenciement, des faits invoqués n’est pas nécessaire. Dès lors, M. X ne peut reprocher à la SCI Champagne l’absence de mention dans la lettre de licenciement de la date des faits retenus par son ex-employeur pour procéder à son licenciement.


Les éléments de preuve versés à l’instance par la SCI Champagne ne permettent pas d’établir qu’il a omis de mettre dans le coffre des documents importants relatifs à la société et que ceux-ci ont été retrouvés sur le sol du bureau, qu’il a ravitaillé en carburant son véhicule personnel aux frais de son employeur ni qu’il a utilisé à des fins personnelles la carte télépéage de la SCI Champagne.


En revanche, le surplus des griefs formulés dans la lettre de licenciement est établi par le courrier adressé à la SCI Champagne par les autres employés de la société, l’attestation de la société de gardiennage du 31 décembre 2016 dont il ressort que M. X n’a pas accompli les diligences utiles afin de faire intervenir sur le domaine la société chargée de l’entretien du système d’alarme des caméras, la facture d’un montant inhabituellement élevée relative à une intervention sur une chasse d’eau et un courriel du 31 août 2016 démontrant qu’un chèque de plus de 16'000'€ a été débité sans que son destinataire ne soit identifié. Ces éléments démontrent que M. X n’a pas adopté un comportement adéquat vis-à-vis des autres salariés de la société et qu’il n’a pas été en mesure d’exercer l’attribution ressortissant de son champ d’intervention justifiant ainsi son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

M. X ne peut en conséquence contester la validité de la rupture de son contrat de travail et sera débouté de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

sur le surplus des demandes':


Enfin, la SCI Champagne partie perdante qui sera condamnée aux dépens est déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer à M. X la somme de 2000'€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,


DECLARE M. X recevable en son appel,


DEBOUTE la SCI Champagne de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions d’appelant de M. X';


DEBOUTE la SCI Champagne de sa demande en caducité de l’appel';


INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Draguignan du 6 décembre 2018 en ce qu’il a':


- débouté M. X de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,


- condamné M. X à payer à la somme de 500'€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamné M. X aux dépens';


LE CONFIRME pour le surplus,


STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation et y ajoutant';


CONDAMNE la SCI Champagne à payer à M. X les sommes suivantes':


- 33'045'€ nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé';


- 2'000'€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile';


DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,


CONDAMNE la SCI Champagne aux dépens de première instance et d’appel.


Le Greffier Le Président
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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 8 avril 2022, n° 18/20060