Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4 1, 10 mars 2023, n° 19/15738

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4 1, 10 mars 2023, n° 19/15738
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/15738
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 19 septembre 2019, N° F17/02162
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 17 mars 2023
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 10 MARS 2023

N° 2023/94

Rôle N° RG 19/15738 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFACT

[R] [C]

C/

SAS INFOCOM-EDITION

Copie exécutoire délivrée

le :

10 MARS 2023

à :

Me Laurent LAILLET de la SELARL CARLINI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/02162.

APPELANT

Monsieur [R] [C], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laurent LAILLET de la SELARL CARLINI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS INFOCOM-EDITION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège., demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cécile DEFAYE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [R] [C] a été engagé par la SAS INFOCOM FRANCE suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3 novembre 2014 en qualité de délégué régional chargé des relations publiques, statut cadre, classification III 3, à temps complet. La SAS INFOCOM FRANCE a pour objet la mise à disposition gratuite de véhicules dans l’édition de diverses publications et réalisations de mobilier urbain pour les collectivités locales et territoriales, ainsi que la vente par démarchage auprès de commerçants, artisans et industriels, d’espaces publicitaires permettant le financement de ces opérations.

Par avenant au contrat de travail du 4 janvier 2016, il a été convenu que Monsieur [C] était engagé à temps à temps partiel (75,84 heures de travail effectif par mois) par la SAS INFOCOM FRANCE pour l’activité « véhicules » et à temps partiel (75,84 heures de travail effectif par mois) par la SAS INFOCOM-EDITION pour l’activité « éditions ». Dans ce cadre et en contrepartie de ses fonctions au sein de la SAS INFOCOM-EDITION, Monsieur [C] a perçu une rémunération mensuelle brute composée d’une partie fixe de 550 € et d’une partie variable résultant de commissions sur objectifs.

Le contrat de travail de Monsieur [C] a été suspendu à compter du 21 janvier 2017 pour maladie.

Par courrier du 29 mai 2017, la SAS INFOCOM-EDITION a convoqué Monsieur [C] à un entretien préalable en vue d’une mesure de licenciement puis, par courrier du 15 juin 2017, a informé le salarié de ce qu’elle ne donnait pas suite à la procédure envisagée.

Par courrier du 21 juin 2017, la SAS INFOCOM-EDITION a mis en demeure Monsieur [C] de reprendre son travail sous huitaine et ce, au visa de l’article 63 de la convention collective de la publicité.

Par courrier du 6 juillet 2017, Monsieur [C] a été convoqué à un entretien préalable et par courrier du 20 juillet 2017, il a été licencié pour le motif suivant :

'Par courrier en date du 6 juillet 2017, nous vous avions convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement le 17 juillet 2017. Vous ne vous êtes pas présenté à cette convocation.

Nous souhaitons revenir sur les faits qui nous ont conduit à envisager cette mesure. Votre absence qui perdure depuis le 21 janvier 2017 désorganise l’entreprise. En effet, il ne nous a pas été possible de recourir à vos homologues afin de traiter votre secteur, et vos fonctions rendent totalement inefficace et inenvisageable un quelconque recours à un contrat court ou d’intérim. Aujourd’hui, force est de constater une chute particulièrement significative des conventions en portefeuille sur votre secteur.

Or, cette chute emporte deux conséquences majeures. En premier lieu, la place laissée libre est occupée par nos concurrents et nous accusons donc une perte de part de marché. En outre, votre activité conditionne celle des VRP dont la mission consiste à commercialiser les encarts publicitaires sur les supports dont vous assuriez la prescription. En l’absence de support, l’entreprise ne pourra pas honorer ses engagements contractuels vis-à-vis des autres collaborateurs.

Nous nous trouvons donc aujourd’hui dans l’obligation de pourvoir de manière définitive à votre remplacement du fait des perturbations importantes dans l’activité de l’entreprise et de la nécessité de réactiver notre activité sur votre secteur.

Votre préavis, d’une durée de trois mois, débutera à compter de la date de première présentation du présent courrier recommandé. Nous vous rappelons que pendant ce préavis, vous restez tenu de l’ensemble des obligations stipulées par votre contrat de travail '.

Contestant son licenciement et sollicitant le paiement de diverses sommes, Monsieur [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille, lequel, par jugement du 20 septembre 2019, a dit que le licenciement de Monsieur [C] reposait sur une cause réelle et sérieuse, a débouté Monsieur [C] de l’ensemble de ses demandes, a débouté la SAS INFOCOM-EDITION de sa demande reconventionnelle et a condamné Monsieur [C] aux dépens.

Monsieur [C] a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 7 mai 2021, il demande à la cour de :

— infirmer le jugement rendu le 20 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a dit que le licenciement de Monsieur [C] reposait sur une cause réelle et sérieuse, débouté Monsieur [C] de l’intégralité de ses demandes et condamné Monsieur [C] aux dépens.

Et statuant à nouveau :

— dire et juger le licenciement de Monsieur [C] sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence :

— condamner la société INFOCOM-EDITION à lui verser les sommes suivantes :

* 25.410 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

* 2.541€ nets à titre de dommages-intérêts, soit un mois de salaire, pour violation des dispositions sur les contrats de travail à temps partiel.

* 30.000 € bruts à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les commissions.

— la condamner au paiement d’une somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— la condamner aux dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 30 juin 2021, la SAS INFOCOM-EDITION demande à la Cour de :

In limine litis :

— acter que Monsieur [C] abandonne les demandes suivantes :

' 35.987 € bruts pour les renouvellements de commercialisation.

' 3.598 € au titre des congés payés afférents.

' au titre des compléments d’IJSS : Mémoire.

' 2.271,50 € bruts au titre du non-respect des minima conventionnels.

' 227 € bruts au titre des congés payés afférents.

— déclarer irrecevable la nouvelle demande présentée par Monsieur [C] par conclusions postérieurement à sa requête introductive d’instance, à savoir 30.000 € bruts à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les commissions.

— à défaut, déclarer prescrite la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les commissions conformément à l’article L.1471-1 du code du travail.

A titre principal :

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 20 septembre 2019.

— juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

— débouter Monsieur [C] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

— juger que les dispositions concernant les contrats à temps partiel ont été respectées.

— débouter DEBOUTER Monsieur [C] de sa demande de dommages-intérêts pour violation des dispositions sur les contrats à temps partiel.

— débouter Monsieur [C] de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les commissions.

— débouter Monsieur [C] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— débouter Monsieur [C] de l’ensemble de ses demandes.

— condamner Monsieur [C] au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A titre subsidiaire :

— juger que Monsieur [C] a été rempli de ses droits en matière de rémunération variable liée aux commissions.

— débouter Monsieur [C] de sa demande indemnitaire pour perte de chance de percevoir les commissions.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur le licenciement

Au titre de la contestation de son licenciement, Monsieur [C] fait valoir que :

— la procédure de licenciement s’est déroulée en deux étapes et dès la notification de la première convocation à entretien préalable, soit le 29 mai 2017, ses deux employeurs avaient déjà pris leur décision de le licencier et ce n’est que pour se conformer aux dispositions conventionnelles qu’une mise en demeure lui a été adressée, au demeurant sans motif alors qu’il était toujours sous le coup d’un arrêt de travail en bonne et due forme, justifiant son absence.

— il appartient à la SAS INFOCOM-EDITION de justifier des perturbations graves dans son fonctionnement ayant justifié son remplacement définitif alors même que :

* Monsieur [M] a indiqué, dès le 17 février 2017, reprendre la gestion de ses dossiers sur l’ensemble des départements dont il avait la responsabilité (notamment il reprenait le contrôle de tous les mails et de sa ligne téléphonique sur les deux sociétés et avait accès au compte rendu de tous les rendez-vous clients grâce au logiciel informatique qui permettait à la direction de contrôler les rendez-vous).

* les sociétés INFOCOM FRANCE et INFOCOM-EDITION font parties du groupe PVG MEDIAS composé d’un nombre important de sociétés, qui ont des liens juridiques très étroits et des intérêts économiques communs puisque certaines sociétés exercent la même activité, sur le même secteur géographique, dans le but de faire croire qu’il s’agit de sociétés concurrentes alors qu’il existe entre ces différentes sociétés de tels intérêts qu’il en résulte de fait une permutabilité du personnel. Des salariés de la SAS INFOCOM FRANCE pouvaient être amenés à prendre des rendez-vous pour le compte d’autres sociétés du groupe et ce pour pallier l’absence d’autres salariés en arrêts de travail. De même, certains commerciaux (Monsieur [O] et Monsieur [M]) connaissaient parfaitement son secteur pour y être déjà intervenus. La SAS INFOCOM-EDITION dispose d’un « service téléprospecteur » qui prend tous les rendez-vous pour les déplacements de tous les responsables de toutes les sociétés même concurrentes, sous la direction de Madame [M] (Responsable administratif) et Monsieur [M] s’assurait d’envoyer un autre responsable de secteur d’une autre société en cas de tentative infructueuse, afin que l’on puisse être sûr que le contrat soit signé avec une des sociétés du groupe PVG MEDIAS.

* ses fonctions ne justifiaient pas la mobilisation de compétences techniques irremplaçables. Il n’a jamais reçu de formation à son poste car il n’en existait aucune. N’importe quel commercial pouvait prendre le relai des rendez-vous ou des encours et prospects, afin de « pouvoir pallier l’absence de son délégué » de manière temporaire. Son planning du mois de décembre 2014 permet de constater que, du 15 au 18 décembre 2014, soit en 4 jours seulement et avec une ancienneté d’un mois, il a eu 14 rendez-vous et 9 contrats ont été signés, de sorte que la signature des contrats n’a pas nécessité une « longue négociation», comme le prétend l’employeur. Il conteste l’existence d’un 'cycle de vente long’ et le fait que la signature d’un contrat reposait sur une relation particulière de confiance avec les responsables des collectivités locales qui, par ailleurs, changeaient régulièrement.

* au regard du nombre de contrats qu’il avait déjà obtenu, il existait un très fort potentiel de commercialisation que l’employeur aurait pu exploiter, et non pas de se précipiter après seulement quatre mois d’absence, période qui n’est pas de nature à justifier la gravité de la perturbation au regard de ses fonctions.

* les résultats économiques de la SAS INFOCOM-EDITION ont augmenté en 2017 (année de son absence) par rapport à 2016, ce qui démontre que son absence n’a pas perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise.

— Monsieur [S] l’aurait remplacé à son poste de délégué, à compter du mois de septembre 2017 après avoir quitté la société VISIOCOM, en juillet 2017. La société VISIOCOM fait partie du groupe PVG Medias et le rachat de cette société a été effectué avant l’engagement de la procédure de licenciement, ce qui laisse supposer que la décision de licenciement a pu être prise au mois de mai 2017.

La SAS INFOCOM-EDITION conclut à :

— la désorganisation de la société en ce que d’une part, le poste de Monsieur [C] est un poste important et qu’elle a été dans l’impossibilité de recourir aux homologues de Monsieur [C] pour traiter son secteur car ceux-ci auraient été contraints d’assurer encore plus de déplacements les éloignant d’autant plus de leur secteur, augmentant leur rythme de travail quotidien et rendant plus difficile la réalisation de leurs propres objectifs. Cette organisation nécessitait, de plus, l’accord exprès des autres commerciaux. D’autre part, les contrats signés par les 'délégués ville’ correspondent à un cycle de vente qui est long et qui repose sur des liens privilégiés de confiance mutuelle avec les élus. Par ailleurs, l’absence prolongée de Monsieur [C] et l’impossibilité de pourvoir à son remplacement temporaire a eu pour conséquence une chute particulièrement significative des conventions en portefeuille sur son secteur, d’autant que l’activité de Monsieur [C] conditionne celle des VRP dont la mission consiste à commercialiser les encarts publicitaires sur les supports dont il assurait la prescription. Si Monsieur [C] n’a pas reçu de formation spécifique pour occuper son poste de « délégué ville », ce dernier a nécessairement dû apprendre à connaître les spécificités de son activité en lien avec les collectivités locales, nouer des contacts avec ses interlocuteurs locaux et les entretenir puis enfin connaître parfaitement les produits proposés par son employeur afin de les vendre au mieux aux dites collectivités en fonction de leurs besoins. Par conséquent, son poste ne pouvait aucunement être confié à des collaborateurs inexpérimentés car il nécessitait une connaissance particulière des produits et des spécificités des clients. Enfin, il n’était pas possible de permuter le personnel entre les sociétés du groupe, qui plus en dehors d’un cas de reclassement, chaque société ayant son activité, son secteur et ses salariés propres et les attestations produites par Monsieur [C] pour tenter de démontrer le contraire, qui émanent de sa compagne, de Monsieur [W] et de Madame [Y], ne respectent pas les formes de l’article 202 du code de procédure civile.

— elle a donc été contrainte de pourvoir au remplacement définitif de Monsieur [C] en embauchant Monsieur [G] [S], à compter du 4 septembre 2017.

*

Il est de principe que si l’article L.1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ce texte ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Celui-ci ne peut, toutefois, être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié.

Pour prétendre à une perturbation du fonctionnement de la société du fait de l’absence de Monsieur [C], la SAS INFOCOM-EDITION produit la répartition des secteurs entre les 'délégués régionaux', les résultats par secteur en 2016, les objectifs de Monsieur [C] en 2017, l’attestation de Monsieur [J], cadre commercial, qui indique : 'qu’une grande partie de notre travail consiste à obtenir de nouveaux partenariats avec les collectivités locales afin de développer le secteur qui nous est attribué, l’autre partie de notre travail consistant à renouveler les conventions existantes et à les pérenniser. Vu le temps que demande la signature d’une convention, les distances kilométriques et l’énergie demandée pour la bonne gestion du secteur qui nous est attribué, cela ne permet pas le développement et la gestion d’un secteur supplémentaire laissé vacant par un membre de l’équipe pour une absence de longue durée’ et l’attestation de Monsieur [N] qui indique : 'lorsque l’absence de Monsieur [C] a commencé à poser problème vis-à-vis d’INFOCOM, Monsieur [I] [M], directeur Villes, s’est rapproché de moi pour réfléchir à une solution de remplacement. Nous avons éliminé les solutions de remplacements externes inadaptées tant au cycle de commercialisation qu’à l’activité. Nous avons donc proposé aux homologues de Monsieur [C] des modifications contractuelles temporaires de leur secteur d’activité afin de pallier à cette difficulté. Nous n’avons pas reçu de réponse positive, principalement pour deux raisons. En premier lieu, les secteurs d’activités sont déjà vastes et nécessitent un temps complet pour couvrir et gérer sans déperdition tant le renouvellement des conventions existantes que la création de nouvelles conventions. En second lieu, le cycle de commercialisation des créations, point crucial de l’activité est sur un temps long inadapté au remplacement temporaire, l’effort déployé serait donc sans intérêt (…) Or, si nous avons pu partiellement et à distance, assurer certains renouvellements sur des communes où les liens étaient suffisamment forts, il était impossible de surseoir à la conclusions de nouvelles conventions alors qu’il s’agissait du poumon de notre modèle économique'.

Monsieur [C] a été en arrêt de travail à compter du 21 janvier 2017.

Dès le 29 mai 2017, l’employeur a entendu licencier Monsieur [C] mais a renoncé à la procédure ainsi initiée pour la mettre en conformité avec les dispositions de la convention collective, ce fait attestant de la précipitation de l’employeur à licencier son salarié.

D’autant que la SAS INFOCOM-EDITION procède par affirmation dès lors que l’énonciation figurant dans la lettre de licenciement, selon laquelle les fonctions de Monsieur [C] rendent totalement inefficace et 'inenvisageable’ un quelconque recours à un contrat court ou d’intérim, n’est étayée par aucune pièce et que les fonctions occupées par Monsieur [C] sont de simples fonctions de nature commerciale (prospection et renouvellement des conventions) sans spécificité ni compétences particulières, la SAS INFOCOM-EDITION ne contestant pas qu’elles n’exigent aucune formation particulière et que Monsieur [C] n’en a d’ailleurs reçu aucune.

La SAS INFOCOM-EDITION produit les résultats des délégués régionaux en 2016 (pièce 14) et un document intitulé 'objectifs 2017' (pièce 15) dont il ne ressort pas qu’il s’agit des résultats des délégués régionaux de la société, d’autant que les chiffres qui sont attribués à Monsieur [C] sont identiques ou dans la moyenne de ceux des autres salariés et n’attestent pas d’une 'chute particulièrement significative des conventions en portefeuille’ sur son secteur.

Monsieur [J] et Monsieur [N] attestent de généralités qui ne sont pas corroborées par des pièces précises.

Notamment, aucun élément n’est produit pour justifier de pertes de marchés au bénéfice de concurrents ni de la conséquence de l’absence de Monsieur [C] sur l’activité des VRP de la société, faits évoqués dans la lettre de licenciement.

Ainsi, et alors que l’absence de Monsieur [C] n’était que de cinq mois au moment de l’engagement de la procédure de licenciement, la SAS INFOCOM-EDITION ne justifie pas – preuve qui lui incombe également pour sa part – des perturbations à son fonctionnement qu’elle invoque dans la lettre de licenciement.

Le licenciement de Monsieur [C] est donc sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (50 ans), de son ancienneté (un an et six mois), de sa qualification, de sa rémunération (2.541 € ), des circonstances de la rupture mais également de l’absence de justification de sa situation professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail (les éléments produits ayant trait au versement d’indemnités journalières pour la période postérieure au 1er janvier 2018), il sera accordé à Monsieur [C] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 7.000 €.

II. Sur les demandes liées à l’exécution du contrat de travail

1- Sur la demande de dommages-intérêts pour violation des dispositions sur les contrats de travail à temps partiel

Monsieur [C] fait valoir que le contrat de travail à temps partiel est contraire aux dispositions légales en ce que les mentions obligatoires sont absentes et les limites des temps de travail n’ont pas été respectées. Ainsi, la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue n’est pas conforme à l’article L.3123-27 du code du travail qui fixe une durée minimale hebdomadaire de travail à 24 heures, à laquelle il peut être dérogé notamment en cas de cumul de contrat, sous forme d’une demande écrite et motivée du salarié. Or, en l’espèce, il a été employé à raison de 17.49 heures par semaine, soit 6.51 heures non payées par semaine, soit sur la période du 1er janvier 2016 au jour du licenciement en juillet 2017 (78 semaines), de sorte que la perte de chance d’avoir pu percevoir le salaire correspondant soit 3.682 € dont il demande le paiement. Les mentions obligatoires font défaut (la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies les heures complémentaires).

La SAS INFOCOM-EDITION conclut qu’une dérogation à cette durée minimale est prévue dans l’hypothèse d’un cumul d’emploi, ce qui est le cas en l’espèce puisque Monsieur [C] cumulait deux emplois à temps partiel de 75,84 heures par mois, soit 151.67 heures au total. Les mentions spécifiques au contrat de travail à temps partiel font effectivement défaut mais il s’agissait d’une convention tripartite portant finalement sur la réalisation d’un temps complet et, au regard de ses fonctions, il n’était pas possible d’opérer une répartition de son temps de travail entre les entre les jours de la semaine comme le précise l’avenant au contrat de travail du 4 janvier 2016. Par ailleurs, le fait de travailler pour un autre employeur permet d’établir que le salarié connaissait à l’avance ses rythmes de travail et n’était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l’employeur avec qui il a conclu le contrat à temps partiel d’autant que Monsieur [C] ne justifie d’aucun préjudice.

*

Il ressort des dispositions de l’article L3123-14-1, dans sa rédaction applicable à la relation contractuelle, soit antérieurement au 8 août 2016, que la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à vingt-quatre heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L. 3122-2.

Selon les dispositions de l’article L3123-14-2, alors applicables, une durée de travail inférieure à celle prévue à l’article L. 3123-14-1 peut être fixée à la demande du salarié soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée au même article'.

En l’espèce, à compter du 1er août 2016 et par avenant du 4 janvier 2016, Monsieur [C] a cumulé, en accord avec son employeur, deux emplois à temps partiel de 75,84 heures par mois, soit 151.67 heures au total, étant précisé que l’avenant a été signé le 4 janvier 2016 dans le cadre d’un apport partiel d’actif de la branche d’activité éditions de la SAS INFOCOM FRANCE à la société INFOCOM- EDITION. Monsieur [C] n’a pas subi le préjudice salarial qu’il invoque.

Par ailleurs, si l’avenant du 4 août 2016 ne comporte pas les mentions prescrites pour les contrats à temps partiel, Monsieur [C] ne demande pas la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à temps complet mais l’indemnisation d’un préjudice. Or, Monsieur [C] n’invoque ni ne justifie d’aucun préjudice en lien avec le défaut des mentions obligatoires dans le contrat de travail.

Dans ces conditions, la demande sera rejetée.

2. Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les commissions

— sur la recevabilité de la demande

La SAS INFOCOM-EDITION soulève l’irrecevabilité de la demande, présentée par conclusions postérieurement à la requête introductive d’instance, au motif qu’il s’agit d’une demande nouvelle qui est interdite depuis le décret du 20 mai 2016 qui a supprimé le principe de l’unicité de l’instance.

Monsieur [C] conclut qu’il s’agit d’une demande additionnelle qui se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant puisque les demandes qu’il a présentées devant les premiers juges étaient toutes des demandes afférentes à un non-paiement de commissions et tendaient à réparer le même préjudice.

*

Si le décret du décret du 20 mai 2016 a supprimé le principe de l’unicité de l’instance et si l’article R.1452-2 du code du travail prévoit que la requête introductive d’instance doit mentionner chacun des chefs de demande, les dispositions relatives aux demandes reconventionnelles et additionnelles, prévues par le code de procédure civile, sont désormais applicables à la procédure prud’homale.

Ainsi, selon l’article 65 du code de procédure civile, constitue une demande additionnelle la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures et selon l’article 70 du code de procédure civile, la demande additionnelle n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Or, en l’espèce, Monsieur [C] avait présenté aux premiers juges les demandes suivantes:

* dans la requête introductive d’instance du 21 septembre 2017:

— rappels de commissions (Commissions brutes) : 32.778 €.

— congés payés afférents : 3.277 €

— indemnité de licenciement (mémoire).

— dommages-intérêts pour licenciement abusif : 25.410 €.

— dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 5.000 €.

— dommages-intérêts pour non-respect des dispositions sur le temps partiel : 2.541 €.

— article 700 du code de procédure civile : 2.500 €.

* dans ses conclusions du 12 novembre 2018 :

— dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les commissions : 30.000 € bruts.

— dommages-intérêts pour licenciement abusif : 25.410 € nets.

— dommages-intérêts pour violation des dispositions sur les contrats de travail à temps partiel soit un mois de salaire : 2.541€ nets.

— article 700 du code de procédure civile : 2.500 €

Ainsi, la demande en dommages-intérêts pour perte de chance constitue une demande additionnelle en ce que Monsieur [C] modifie sa prétention originaire au sujet des commissions.

Par ailleurs, la demande originaire en paiement des commissions et la demande en dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les commissions ont toutes les deux pour fondement le non-paiement des commissions prévues au contrat de travail – commissions qui constituent pour partie le salaire de Monsieur [C] – et tendent à réparer le même préjudice subi par le salarié du fait du non-paiement des dites commissions. Ainsi, la demande additionnelle de dommages-intérêts pour perte de chance est recevable en ce qu’elle se rattache à la prétention originaire par un lien suffisant.

— sur la prescription de la demande

Sur le fondement de l’article L.1471-1 du code du travail, la SAS INFOCOM-EDITION soutient que la demande est prescrite car Monsieur [C] a formulé une demande nouvelle le 12 novembre 2018, soit une demande antérieure à plus de deux ans à compter du jour de sa demande introductive, s’agissant d’une demande indemnitaire portant sur une prétendue perte de chance de percevoir des commissions pour la période de juillet 2015 à septembre 2016.

Monsieur [C] conclut que, s’agissant d’une demande additionnelle, aucune prescription ne peut être soulevée car la demande se rattache à la demande originaire et dont la prescription a été interrompue par la requête introductive d’instance.

*

Si en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d’une même instance, concernent l’exécution du même contrat (ou de la même relation) de travail. Ainsi, la saisine de la juridiction prud’homale, par requête du 21 septembre 2017, emporte interruption de la prescription pour l’ensemble des actions nées du même ensemble contractuel, et notamment pour la demande additionnelle présentée le 12 novembre 2018. L’action n’est donc pas prescrite.

— sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les commissions

Monsieur [C] fait valoir que, sur la base de son contrat de travail, il aurait dû percevoir des rémunérations complémentaires variables générées par la conclusion des contrats supports, qui dépend de lui mais également par la commercialisation des espaces publicitaires sur ces supports, qui dépend exclusivement de son employeur et pour lequel il est totalement soumis au libre arbitre de ce dernier sur les moyens mis en 'uvre pour atteindre les objectifs. Il soutient que, sur les 149 contrats, 30 % des dossiers signés seulement ont été donnés aux commerciaux et donc avoir subi un préjudice évident, puisque du fait de la carence de son employeur, il a perdu la chance de percevoir des commissions, alors même qu’il a rempli, voire même, a été au-delà de ses obligations. Monsieur [C] soutient également qu’il n’a pas perçu les commissions liées aux renouvellements contractuels de plein droit des contrats liés aux véhicules MEDIACITYCAR et MEDIACITYBUS.

La SAS INFOCOM-EDITION conteste l’argumentation de Monsieur [C] qui, d’une part, revendrait à dire que son employeur ne menait pas à terme le processus commercial, ce qui est totalement contraire aux intérêts commerciaux de la société, et que, d’autre part, il a été convenu que le commissionnement relatif à la seconde période du contrat n’est pas dû si le salarié ne fait plus partie des effectifs de la société au jour anniversaire de la livraison du véhicule concerné.

*

Celui qui réclame l’indemnisation d’un manquement doit prouver cumulativement l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En l’espèce, Monsieur [C] produit un tableau (pièce 28) qui liste les contrats signés par lui et soutient, pour certains d’entre eux, qu’ils 'ont été validés par la direction et non soldés'. Ce seul tableau est insuffisant à établir un manquement de l’employeur quant au traitement commercial postérieur des contrats de supports qu’ils a conclus et donc, d’une perte de chance de percevoir une commission du fait d’un manquement de l’employeur, simplement allégué et non prouvé.

Par contre, si le contrat de travail prévoit qu’ 'il est convenu d’un commun accord que Monsieur [C] ne pourra pas prétendre au paiement de ses commissions relative à la seconde période s’il ne fait plus partie des effectifs de l’entreprise, pour quelques raisons de ce soit, au jour de la date anniversaire de la livraison du véhicule concerné', il doit être considéré que Monsieur [C] n’a pas pu percevoir les commissions qui lui sont dues au titre de la seconde période des contrats qu’il a fait signer et qui avaient donné lieu, pour la première période, à des avances sur commissions puis au paiement de leur solde, car son absence des effectifs de la société résulte de son licenciement infondé et donc du manquement de l’employeur, qui l’a ainsi privé de la chance de percevoir lesdites commissions. Il convient ainsi d’ allouer à Monsieur [C] la somme de 6.000 € à ce titre.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmés.

Il est équitable de condamner la SAS SAS INFOCOM-EDITION à payer à Monsieur [C] la somme de 2.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a engagés en première instance et en cause d’appel.

Les dépens de première instance et d’appel seront à la charge de la SAS INFOCOM-EDITION, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Infirme le jugement déféré sauf en sa disposition ayant rejeté la demande de dommages-intérêts pour violation des dispositions sur le contrat de travail à temps partiel,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit recevable et non prescrite la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les commissions,

Dit que le licenciement de Monsieur [R] [C] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS INFOCOM-EDITION à payer à Monsieur [R] [C] les sommes de:

—  7.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  6.000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les commissions,

—  2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS INFOCOM-EDITION aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4 1, 10 mars 2023, n° 19/15738