Cour d'appel d'Amiens, Chambre baux ruraux, 10 octobre 2017, n° 15/02836

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, ch. baux ruraux, 10 oct. 2017, n° 15/02836
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 15/02836
Décision précédente : Tribunal paritaire des baux ruraux d'Abbeville, 20 mai 2015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

N°66

X

D

C/

F

NL/IPC

COUR D’APPEL D’AMIENS

Chambre BAUX RURAUX

ARRET DU 10 OCTOBRE 2017

*************************************************************

RG : 15/02836

JUGEMENT DU TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D’ABBEVILLE EN DATE DU 21 mai 2015

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

Monsieur B X

[…]

[…]

Madame C D épouse X

[…]

[…]

Représentés initialement par Me Bernard CORSAUT, avocat au barreau d’AMIENS, puis représentés et plaidant par Me Laëtitia RICBOURG substituant Me Laurent JANOCKA de la SCP FRISON ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AMIENS

ET :

INTIME

Monsieur E F

[…]

[…]

Représenté et plaidant par Me Anne WADIER de la SCP BOUQUET FAYEIN-BOURGOIS WADIER, avocat au barreau d’AMIENS

DEBATS :

A l’audience publique du 08 Juin 2017 devant Mme N O-P, Conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2017.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. G H

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme N O-P en a rendu compte à la Cour composée en outre de :

Mme Marie-Thérèse GILIBERT, Présidente de chambre,

Mme Pascale PELISSERO, Conseillère,

et Mme N O-P, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 10 Octobre 2017, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Marie-Thérèse GILIBERT, Présidente a signé la minute avec M. G H, Greffier.

*

* *

DECISION

Le tribunal paritaire des baux ruraux d’Abbeville saisi le 15 juillet 2011 par M. B X et Mme C D épouse X d’une demande formée à l’encontre de M. E F propriétaire de deux parcelles […] et […] d’une contenance totale de 4 ha 18 a 49 ca données à bail rural en vertu d’un bail verbal en vue d’être autorisés à céder ce bail à leur fils M. K X et par M. E F d’une demande reconventionnelle en résiliation de bail et en paiement des fermages, après échec de la tentative de conciliation et un jugement de sursis à statuer dans l’attente de l’issue du recours formé contre l’autorisation d’exploiter délivrée à M. K X, par jugement du 21 mai 2015, et aux termes de son dispositif pour l’essentiel, les a déboutés de leur demande d’autorisation de cession de bail, a prononcé la résiliation du bail, dit que M. B X et Mme C D épouse X et tout occupant de leur chef devront libérer les parcelles dans les deux mois de la signification du jugement, débouté M. E F de sa demande en paiement des fermages, a condamné M. B X et Mme C D épouse X au paiement d’une indemnité d’occupation égale au double du montant du fermage jusqu’à complète libération des terres et au paiement d’une somme de 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le tribunal après avoir retenu que les époux X étaient tous les deux titulaires du bail verbal, leur a refusé l’autorisation de céder leur bail au motif que Mme C D épouse X avait cessé d’exploiter sans que M. B X n’ait usé de la faculté prévue par les dispositions transitoires de la loi du 13 octobre 2014 de demander que le bail se poursuive à son seul nom avant le 15 janvier 2015 et qu’ayant ainsi manqué à leurs obligations, ils ne pouvaient être considérés comme des preneurs de bonne foi. Le tribunal pour faire droit à la demande reconventionnelle du bailleur en résiliation de bail a retenu que M. B X avait ainsi contrevenu aux dispositions de l’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime (ci-après code rural) permettant au bailleur en application de l’article L.411-31 du même code d’obtenir la résiliation sans avoir à démontrer l’existence d’un préjudice.

Ce jugement a été notifié à M. B X et Mme C D épouse X le […] qui en ont interjeté appel par déclaration d’appel transmise le 8 juin 2015 par voie électronique.

Les parties ont été régulièrement convoquées par les soins du greffe à l’audience du 8 novembre 2016 ; l’affaire à la demande de l’une ou l’autre des parties, a été plusieurs fois renvoyée pour revenir utilement à l’audience du 8 juin 2017 à laquelle elle a été retenue et plaidée.

A cette audience, M. B X présent et assisté représenté par son conseil et Mme C D épouse X représenté par celui-ci ont repris et développé oralement les demandes et moyens figurant dans leurs dernières écritures visées à l’audience tendant à (les) voir :

— dire et juger recevables et bien fondés en leur appel,

— infirmer le jugement entrepris dans tous les chefs qui leur font grief,

Statuant à nouveau :

— accueillir la demande de cession de bail et les autoriser à céder au profit de leur fils, M. K X, le bail rural portant sur deux parcelles, propriété de M. E F, sises commune de […] et Z1 n°72 d’une contenance totale de 4 ha 18 a 49 ca ,

— déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondé M. E F en sa demande de résiliation de bail,

— débouter M. E F de l’ensemble de ses autres demandes,

— condamner M. E F à leur payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, les époux X affirment que seul M. B X était titulaire du bail verbal et critiquent le jugement pour avoir retenu qu’ils étaient tous les deux co-titulaires du bail aux motifs qu’ils avaient saisi tous les deux le tribunal paritaire des baux ruraux alors que seul M. B X avait la qualité d’exploitant agricole, Mme C D épouse X ayant été seulement conjointe participant aux travaux, puis conjointe collaboratrice, qu’en vertu des dispositions de l’article 1202 du code civil, la solidarité ne se présume pas, que le bail étant verbal, il est régi par les dispositions du bail type départemental qui ne prévoient aucunement que deux époux seraient nécessairement co-preneurs et solidaires, que l’arrêté du préfet autorisant M. K X à exploiter évoque le cédant et non les cédants, et que la saisine par eux deux du tribunal paritaire des baux ruraux se justifiait par les dispositions de l’article L.411-68 du code rural qui interdit au titulaire d’un bail rural de le céder sans le consentement exprès de son conjoint à peine de nullité.

Ils contestent en conséquence que l’absence d’exploitation par Mme C D épouse X des terres louées verbalement soit constitutive d’un quelconque manquement aux obligations du bail et l’application à l’espèce des dispositions nouvelles de l’article L.411-35 du code rural issues de la loi d’Avenir du 13 octobre 2014 dès lors que M. B X n’avait pas la qualité de co-preneur. Ils démentent l’existence de toute cession de bail au profit de M. K X ou de leur autre fils Z, lequel pouvait parfaitement aider son père, faisant, en outre, valoir que les terres sont toujours été inscrites à la MSA au nom de M. B X qui a continué à les déclarer dans ses déclarations PAC.

Ils exposent que M. B X perçoit sa retraite mais continue à exploiter les deux parcelles données à bail, ayant obtenu comme le permettent les articles D.732-54 et 7.732-56 du code rural de la Direction départementale des territoires de la Somme une autorisation de poursuite temporaire d’activité ; n’exploitant plus que la surface donnée à bail par M. E F, le matériel qu’il possède est amplement suffisant quand bien même il ne serait pas neuf.

Ils soulèvent l’irrecevabilité de la demande de résiliation de bail sur le fondement de l’article 70 du code de procédure civile au motif qu’elle ne se rattache pas avec un lien suffisant à la demande originaire d’autorisation de cession car elle ne tend pas aux mêmes fins et sur le fondement de l’article 887 du même code faute d’avoir été soumise au préliminaire obligatoire que constitue la conciliation.

Ils affirment que M. K X satisfait à toutes les conditions exigées du candidat par l’article L.411-58 du code rural du candidat à la reprise, justifiant de l’expérience professionnelle requise pour exploiter depuis le 1er mai 2002 une surface de 35 ha 87 a, demeurant à 8 km des parcelles, il pourra en assurer l’exploitation directe, disposant du matériel et des moyens financiers pour l’exploitation des parcelles données à bail, son emploi salarié à raison de 35 heures par semaine dans une entreprise située à proximité lui laissant la disponibilité suffisante pour exploiter les terres données à bail en nature de pâture et au regard des caractéristiques de son exploitation à vocation d’élevage de vaches allaitantes (33 têtes) et de moutons (200 têtes) qui faisant partie de l’appellation d’origine protégée « pré salé » sont mis en pension chez un tiers du 20 avril environ au 20 décembre environ et ayant obtenu une autorisation préfectorale définitive d’exploiter les parcelles louées, laquelle autorisation était en outre superfétatoire. Ils ajoutent qu’en toute hypothèse les intérêts du bailleur pourront toujours être préservés dans le cadre d’un contrôle a posteriori des conditions d’exploitation par M. K X des terres données à bail.

M. E F présent et assisté par son conseil a repris et développé oralement les demandes et moyens figurant dans ses dernières écritures visées à l’audience tendant à voir :

— dire et juger M. B X et Mme C D épouse X mal fondés en leur appel, ainsi qu’en leurs demandes, fins et conclusions développées au soutien de cet appel dirigé à l’encontre du jugement entrepris,

— débouter M. B X et Mme C D épouse X de l’intégralité de leurs demandes,

— le dire et juger recevable et bien fondé en ses demandes, prétentions et moyens,

— confirmer en toutes ses disposition le jugement entrepris, sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande en paiement des fermages et fixation d’une astreinte, ainsi qu’en sa demande de condamnation de M.

B X et M. B X aux dépens de première instance,

Statuant à nouveau :

— condamner M. B X et Mme C D épouse X au paiement du fermage dû pour la période antérieure à la résiliation du bail prononcée par le tribunal paritaire des baux ruraux, soit pour la période antérieure au jugement du 21 mai 2015,

— dire et juger qu’à défaut de départ spontané des parcelles de terres en cause, M. B X et Mme C D épouse X seront condamnés à une astreinte provisoire de 100 € par jour de retard, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

Y ajoutant :

— condamner M. B X et Mme C D épouse X au paiement d’une indemnité d’occupation d’un montant de 250 € par hectare et par an, courant à compter du 21 mai 2015 et jusqu’à leur départ définitif, volontaire ou forcé,

— condamner M. B X et Mme C D épouse X à lui verser la somme de 5.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile complète ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de sa demande de confirmation du jugement, M. E F expose que c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les deux époux X étaient co-titulaires du bail, les termes de l’acte de saisine du tribunal en constituant la preuve irréfragable ; il fait valoir, en outre, que l’inscription à la MSA en qualité de chef d’exploitation agricole ne présume pas de la qualité ou non de preneur à bail et fait observer que Mme C D épouse X n’a jamais justifié de sa situation, qu’aucune conclusion ne saurait être tiré du terme « cédant » employé par l’arrêté préfectoral autorisant M. K X à exploiter et que les dispositions de l’article L.411-68 du code rural sont destinées à protéger les droits du conjoint de son époux A qui tenterait de résilier ou de céder un bail au mépris des droits qu’il tire du régime matrimonial. Il explique la saisine par les deux époux X du tribunal paritaire des baux ruraux par le fait que la Loi et la jurisprudence exigent que la demande de cession de bail à peine de son irrecevabilité soit faite par les co-preneurs. Le recours des appelants à la notion de solidarité pour en déduire qu’elle ne se présume point est vain, dès lors que la question est celle de la co-titularité du bail qui est une notion distincte. Il en est de même de leur invocation du contrat de bail département type qui n’interdit nullement à deux époux d’être co-titulaires du bail.

Il tire comme conséquence de la co-titularité des époux X qu’ils sont tous les deux soumis à une obligation de mise en valeur personnelle et effective des terres données à bail alors même qu’il est acquis qu’à la date de la saisine du tribunal, Mme C D épouse X à supposer qu’elle exploitait auparavant, avait cessé toute participation à l’exploitation. Il rappelle qu’en application de l’article L.411-46 du code rural que pour avoir droit au renouvellement le preneur et le co-preneur doivent réunir les mêmes conditions d’exploitation et d’habitation que celles exigées du bénéficiaire du droit de reprise par l’article L.411-59 et invoque les nouvelles dispositions de l’article L.411-35 issues de la loi d’Avenir du 13 octobre 2014 et reproche à M. L M de ne pas l’avoir informé de la cessation de son épouse à l’exploitation avant la date du 15 janvier 2015.

Il reproche à M. B X d’être en infraction avec le statut du fermage, celui-ci ayant fait valoir ses droits à la retraite en 2011 et n’ayant obtenu une autorisation préfectorale temporaire d’exploiter les terres données à bail que jusqu’au 31 décembre 2014 sans pouvoir les exploiter dans le cadre d’une surface dite de subsistance en raison de leur superficie. Il soutient qu’en fait M. B X a cédé l’intégralité de son matériel à son fils et qu’il ne dispose pas du matériel nécessaire pour les exploiter, s’agissant contrairement à ce que prétendent les appelants de terres de labour et non de prairies et conclut en fait que c’est son fils auquel il a déjà cédé son exploitation qui exploite les parcelles.

S’agissant des conditions d’exploitation de M. K X, il conteste que celui-ci compte tenu de son emploi de salarié soit en mesure d’exploiter personnellement les terres alors que l’exploitation étant à vocation principalement d’élevage,elle nécessite un temps de présence effectif sur l’exploitation important.

Sur la demande de résiliation de bail, il fait valoir que le moyen d’irrecevabilité invoqué par les appelants tenant au fait qu’elle n’a pas été soumise au préalable de conciliation invoqué pour la première fois en cause d’appel ne saurait prospérer et que cette demande se rattache avec un lien suffisant à ses demandes, ayant toujours manifesté sa volonté de reprendre la jouissance des terres.

Il fonde sa demande de résiliation sur les infractions aux dispositions de l’article L.411-35 du code rural que constitue la cessation par Mme C D épouse X de sa participation à l’exploitation et par la cession irrégulière au fils des preneurs caractérisée par la cessation d’exploitation personnelle de M. B X et son absence de matériel.

L’affaire a été mise en délibéré au 10 octobre 2017.

SUR CE :

L’action en justice opposant les parties ayant été introduite avant le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-31 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, celle-ci n’est pas applicable au présent litige ; il sera donc fait référence aux articles du code civil selon leur numérotation antérieure à cette entrée en vigueur.

***

La faculté que se voit reconnaître par l’article L411-35 du code rural le preneur de céder son bail avec l’agrément du bailleur ou sur autorisation judiciaire notamment à l’un de ses descendants majeurs constitue une exception au principe d’incessibilité du bail rural et est réservée au preneur qui a strictement respecté l’ensemble des obligations nées du bail ; de plus, la cession projetée ne doit pas nuire aux intérêts légitimes du bailleur, entendus comme la garantie d’une bonne exploitation du fonds par le candidat cessionnaire, sans que n’aient à entrer en compte les projets personnels du bailleur sur les biens donnés à bail.

Le preneur à bail rural est tenu d’exploiter les terres donnés à bail aux termes de l’article 1766 du code civil auquel renvoie l’article L.411-27 du code rural qui relève du statut du fermage, lequel est d’ordre public.

En cas de bail consenti à plusieurs preneurs, cette obligation pèse sur chacun d’eux.

C’est à juste titre que les premiers juges pour retenir que M. B X et Mme C D épouse X étaient co-titulaires du bail verbal portant sur les deux parcelles en cause se sont fondés sur les termes de la requête par laquelle M. B X et Mme C D épouse X ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux, se présentant comme étant « locataires des deux parcelles ci-après désignées » et par laquelle ils « sollicitent du tribunal l’autorisation de céder le bail verbal dont ils sont titulaires », ceux du jugement du 20 décembre 2012 ayant ordonné le sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive sur le recours formé à l’encontre de l’arrêté préfectoral autorisant M. K X à exploiter qui fait état de cette situation locative sans qu’il n’ait donné à une demande en rectification d’erreur matérielle, de leurs conclusions en réponse au moyen soulevé par M. E F du défaut d’exploitation par Mme C D épouse X où ils se présentent à nouveau comme « locataires sur la commune d’Arrest des deux parcelles ci-après désignées qui sont la propriété de M. E F … » et comprenant le chef de dispositif suivant « les autoriser à céder, au profit de leur fils M. K X, le bail dont ils sont titulaires sur deux parcelles, propriété de M. E F … ».

Les termes employés par les époux X dans leurs propres écritures constituent un commencement de preuve par écrit au sens de l’article 1347 du code civil combattu par aucun autre moyen de preuve de ce qu’ils sont l’un et l’autre co-preneurs du bail ; leur dénégation ultérieure de la qualité de co-preneur de Mme C D épouse X dictée par les conséquences de son absence d’exploitation ne retire pas à ces commencements de preuve par écrit leur valeur probante.

Aux termes de l’article L.411-35 du code rural dans sa version issue de sa modification par la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014, lorsque l’un des co-preneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le co-preneur qui continue l’exploitation dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom. En vertu des dispositions transitoires de cette loi, ce texte est applicable aux baux en cours à la date de sa publication, le délai de trois mois courant à compter de cette même date.

M. B X et Mme C D épouse X étant co-preneurs du bail, les dispositions précitées sont applicables sans qu’il n’y ait lieu de rechercher l’existence d’une obligation de solidarité à l’égard des preneurs, s’agissant d’une condition non exigée par la loi de sorte que le moyen invoqué par les appelants de ce que la solidarité ne se présume point est inopérant.

N’étant pas discuté que Mme C D épouse X n’exploitait plus les terres données à bail lors de la demande d’autorisation de cession, M. B X disposait d’un délai de trois mois à compter de la publication de cette loi, soit jusqu’au 15 janvier 2015 pour demander à M. E F par lettre recommandée avec avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom.

M. B X n’ayant pas formé une telle demandé, le défaut d’exploitation par Mme C D épouse X et l’exploitation des terres par un seul des co-preneurs constituent un manquement aux obligations du bail constitutif d’une cession prohibée de nature à priver les appelants du droit de céder leur bail à leur fils. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il débouté M. B X et Mme C D épouse X de leur demande tendant à se voir autoriser à céder à leur fils leur bail sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres moyens qui sont surabondants.

La demande reconventionnelle de M. E F en résiliation fondée sur l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article L.411-35 du code rural également invoquée pour s’opposer à la demande originaire des preneurs de se voir autorisés à céder leur bail se rattache avec un lien suffisant à cette demande au sens de l’article 70 du code de procédure civile.

Bien qu’il n’apparaît pas que la demande reconventionnelle en résiliation de bail ait été soumise au préliminaire de la conciliation existant devant le tribunal paritaire des baux ruraux, l’article 567 du code de procédure civile admettant en cause d’appel la recevabilité de la demande reconventionnelle, cette demande est recevable.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail, ayant retenu à bon droit que le bailleur peut demander en application de l’article L.411-31 du code rural la résiliation du bail sans avoir à démontrer l’existence d’un préjudice, s’il justifie de toute contravention aux dispositions de l’article L.411-35 du même code.

Il sera également confirmé en qu’il a dit que les époux X devront libérer les terres de leurs personnes ou occupant de leur chef et de tous biens, à défaut de quoi, ils pourront en être expulsés, sauf à le réformer en ce qu’il leur a accordé un délai de deux mois courant à compter de la signification du jugement avant de pouvoir être expulsés. Etant relevé que la date du prononcé de l’arrêt correspond à la fin de la période culturale, il n’y a pas lieu de leur accorder en cause d’appel un délai pour libérer les terres. Il ne résulte d’aucun élément que les époux X résisteront à l’exécution du présent arrêt, il n’y a pas lieu comme l’ont justement retenu les premiers juges de prononcer une astreinte.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a fixé le montant de l’indemnité d’occupation due par les époux X au double du montant du fermage en réparation du préjudice que causerait au bailleur son maintien irrégulier sur les terres.

C’est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. E F de sa demande en paiement des fermages, celle-ci n’étant étayée par aucun élément et étant indéterminée. Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’allègue M. E F, le jugement a condamné les époux X aux dépens de première instance ; ces derniers succombant en appel, le jugement sera confirmé de ce chef ainsi que de son chef ayant statut sur l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau, les dépens d’appel seront mis à leur charge et ils seront condamnés à payer à M. E F une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 1.200 €.

Par ces motifs,

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux d’Abbeville le 21 mai 2015 sauf en ce qu’il a accordé à M. B X et Mme C D épouse X un délai de deux mois suivant la signification du jugement pour libérer les lieux avant d’y être contraints au besoin par la force publique ;

Statuant du chef réformé :

Dit n’y avoir lieu de leur accorder un délai pour libérer les lieux ;

Statuant à nouveau :

Condamne M. B X et Mme C D épouse X à payer à M. E F la somme de 1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Met les dépens d’appel à la charge de M. B X et Mme C D épouse X.

Le Greffier, La Présidente,

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