Cour d'appel d'Angers, Chambre commerciale, 12 avril 2011, n° 10/02809

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. com., 12 avr. 2011, n° 10/02809
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 10/02809
Décision précédente : Tribunal de commerce de Le Mans, 24 octobre 2010, N° 07/00371

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE COMMERCIALE

PV/SM

ARRÊT N°

AFFAIRE N° : 10/02809

Jugement du 25 Octobre 2010

Tribunal de Commerce du MANS

n° d’inscription au RG de première instance : 07/003716

ARRÊT DU 12 AVRIL 2011

DEMANDERESSE AU CONTREDIT :

LA SOCIÉTÉ GROUPE APPRO SA

XXX

XXX

XXX

Représentée par Maître HILLEL et Maître ALFANDARI, avocats au barreau de PARIS.

DÉFENDERESSE AU CONTREDIT :

LA SOCIÉTÉ SOVOPA

XXX

XXX

XXX

Représentée par Maître BEAUGE-GIBIER et Maître VANDENBOGAERDE, avocats au barreau de CHARTRES.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Février 2011 à 13 H 45 en audience publique, Monsieur VALLEE, Président ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :

Monsieur VALLÉE, Président de Chambre

Madame RAULINE, Conseiller

Madame SCHUTZ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Y

ARRÊT : contradictoire

Prononcé publiquement le 12 avril 2011 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur VALLEE, Président, et Monsieur Y, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

XXX

Le 8 novembre 2010, la société Groupe Appro SA a régulièrement formé contredit au greffe du tribunal de commerce du Mans à un jugement prononcé par cette juridiction le 25 octobre 2010 dans une affaire qui l’oppose à la société Sovopa.

La société Groupe Appro est une société anonyme dont les actionnaires sont des producteurs d’oeufs qu’ils commercialisent dans la grande distribution. La société Sovopa, créée en 1978 a pour objet social la production et la vente d’oeufs.

Le groupement d’intérêt économique Appro a été constitué en 1987.

Le 3 juin 1990 la société Sovopa a rejoint le Groupe Appro pour la distribution des marques distributeurs dédiés et des oeufs de sa ferme de ponte en restant directement vendeur auprès de toute distribution des oeufs produits sous la marque Oeufs de Loué.

En 1999, les adhérents du GIE ont créé la société Groupe Appro dont l’activité a consisté à acheter des oeufs ou des ovo produits à ses actionnaires dans le cadre d’un contrat d’approvisionnement exclusif et de les revendre aux grandes et moyennes surfaces, chaque actionnaire étant lié au Groupe Appro par une contrat de fourniture exclusive.

Le 28 juin 2000, un contrat de location-gérance a été conclu entre la société Groupe Appro et la société Sovopa, aux termes duquel celle-ci a commercialisé les Oeufs de Loué.

En mars 2002, un protocole d’accord se substituant à tous les accords antérieurs est venu préciser les relations entres les parties sur le droit à produire.

En 2003, un des actionnaires, la Ferme du Vieux Pays s’est mis en liquidation amiable. Un litige a opposé les actionnaires lorsque le liquidateur amiable a décidé de céder les titres et droits à produire aux sociétés Pampr’oeuf, Ferme du Pré et Sovopa. En effet huit autres actionnaires ont manifesté leur intention de préempter les titres. Ils ont estimé que les droits à produire étaient indissociablement liés aux droits d’actionnaires alors que les trois autres sociétés ont estimé le contraire.

Le 2 juillet 2004, le tribunal de commerce de Bobigny a annulé les cessions formalisées par le liquidateur au bénéfice des trois sociétés Sovopa, Pampr’oeuf et Ferme du Pré et dit que les actions de la société Ferme du Vieux Pays devaient être réparties entre les actionnaires qui avaient décidé d’acquérir, au prorata de leur participation au capital.

Sur appel des sociétés Pampr’oeuf et Sovopa, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Bobigny le 11 mai 2010, le long délai s’expliquant par les opérations de liquidation judiciaire de la société Ferme du Vieux Pays, le dépôt d’une demande de récusation, et en raison d’une instance au pénal suite à une plainte avec constitution de partie civile du Groupe Appro et de ses actionnaires entre les mains du doyen des juges d’instruction de Bobigny, aux termes de laquelle Monsieur X, ancien président du Conseil d’administration du Groupe Appro, également président de la société Pambr’oeuf, et Monsieur A, ancien directeur général ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour faux et usage de faux. La société Sovopa n’a jamais été mise en examen. Un appel a été formé par la société Groupe Appro contre l’ordonnance qui a été confirmée et cette décision a été frappée d’un pourvoi.

Monsieur Z est devenu président du Groupe Appro le 2 septembre 2005. Un litige civil est apparu entre le Groupe Appro et les sociétés Pampr’oeuf et Sovopa concernant la rupture de leurs relations contractuelles, les créances et dettes réciproques des parties, l’exécution du contrat de location-gérance, des agissements de concurrence déloyale.

La société Pampr’oeuf a, par acte du 5 mai 2006, saisi le tribunal de commerce de Bobigny d’une demande en paiement à l’encontre de la société Groupe Appro au titre de livraisons effectuées à celles-ci.

Par acte du 13 novembre 2006, la société Groupe Appro a assigné en intervention forcée la société Sovopa, la société Ovalis, B X, D-E A et Huguette A devant le tribunal de commerce de Bobigny dans l’instance introduite le 5 mai 2006 en concurrence déloyale contre ces cinq défendeurs et en rupture d’un contrat de location gérance contre la seule société Sovopa et sollicité des dommages-intérêts.

Par acte du 8 juin 2007, la société Sovopa a introduit à l’encontre de la société Groupe Appro une instance devant le tribunal de commerce du Mans, aux fins de paiement d’une somme de 2 303 630 euros au titre de factures impayées.

Le 8 mai 2008, à l’audience devant le tribunal de commerce de Bobigny, la société Sovopa a soulevé l’incompétence de cette juridiction et, subsidiairement, a conclu à titre reconventionnel à l’encontre de la société Groupe Appro, en formant la même demande en paiement que celle formée devant le tribunal de commerce du Mans.

Par jugement du 30 mars 2010 le tribunal de commerce de Bobigny s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce du Mans sur la demande de Groupe Appro au titre de la rupture abusive d’un contrat de location gérance ainsi que sur la demande reconventionnelle de la société Sovopa et a débouté la société Groupe Appro de ses prétentions à l’encontre des différentes défenderesses.

Par déclaration du 19 avril 2010, la société Groupe Appro a relevé appel de ce jugement.

Le 25 octobre 2010, cette même société a formé contredit contre cette décision.

Le tribunal de commerce du Mans est saisi de la demande en paiement initiée par Sovopa le 8 juin 2007, de la deuxième affaire résultant de la déclaration d’incompétence du tribunal de commerce de Bobigny et d’une troisième tenant à la demande faite par la société Sovopa de condamnation solidaire des sociétés associées du groupe Appro suite à une demande de levée de l’exécution provisoire prononcée par le tribunal de commerce de Bobigny notamment pour les sommes mises à la charge d’Appro au profit de Pampr’oeuf, demande rejetée, bien que la société Appro ait indiqué qu’elle devrait déposer son bilan.

A l’audience du 27 septembre 2010, le tribunal de commerce du Mans a renvoyé ces deux dernières affaires à une audience ultérieure.

Par jugement du 25 octobre 2010, le tribunal de commerce du Mans a jugé que selon l’article 100 du code de procédure civile, il n’y avait pas litispendance dans l’affaire opposant la société Sovopa et la société Groupe Appro (RG 2007 /003716.

Pour se déterminer, le tribunal de commerce a indiqué que le tribunal de commerce de Bobigny, dans son jugement du 30 mars 2010, s’est déclaré incompétent en la demande en paiement des factures relatives à l’exécution du contrat de location gérance de la société Sovopa à l’encontre de la société Groupe Appro au profit du tribunal de commerce du Mans. Il a ensuite constaté que l’appel formé par la société Groupe Appro auprès de la cour d’appel de Paris de ce jugement du tribunal de commerce de Bobigny ne concernait nullement la demande de la société Sovopa en paiement des factures relatives à l’exécution du contrat de location gérance suite à l’incompétence de Bobigny. Il en a déduit l’absence de litispendance puisque le litige n’est pas concerné dans le cadre de l’appel devant la cour de Paris.

La société Groupe Appro a régulièrement formé contredit contre ce jugement le 8 novembre 2010.

L’affaire a été fixée à l’audience des plaidoiries du 1er février 2011 et renvoyé à l’audience du 15 février 2011 à la demande de la société Groupe Appro afin de lui permettre de répondre à des écritures que lui a adressées la société Sovopa le 28 janvier 2011.

LA COUR

Vu le contredit formalisé le 8 novembre 2010 par la société Groupe Appro ;

Vu les mémoires de la société Groupe Appro aux termes desquels elle demande à la cour, avec une indemnité de procédure :

— qu’il lui soit donné acte de ce que, contrairement à ce qu’elle avait annoncé dans son acte de contredit, elle n’a pas formé appel-nullité, estimant que, par voie de contredit, la Cour a le pouvoir d’annuler le jugement objet de ce recours et qu’au surplus, même si elle venait à considérer l’inverse, elle demeurerait saisie de la demande d’annulation, l’affaire devant alors être instruite et jugée selon la procédure applicable à l’appel ;

— qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle entendait, devant les premiers juges, soulever une exception de litispendance ; qu’elle n’a cependant pas eu l’occasion de le faire à l’audience du 27 septembre 2010, l’affaire ayant été renvoyée à celle du 25 octobre 2010 à la suite de la présentation d’une demande de renvoi à une autre juridiction pour cause de suspicion légitime.

Vu notamment les dispositions des articles 3, 4, 14, 16, 440 (al. 2), 450 (al. 1 et 2) et 455 (al. 1) du code de procédure civile, les stipulations de l’article 6§ 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que de l’article 14, §l, du Pacte international relatif aux droits civils et politique, annuler le jugement frappé de contredit,

— à titre subsidiaire, constater que le jugement du 30 mars 2010 contient des dispositions sur le fond et sur la compétence et que la cour d’appel, sous réserve de ce qu’il lui appartiendra de juger, apparaît être saisie de l’ensemble,

— constater qu’il y a litispendance entre, d’une part, l’instance introduite par Sovopa devant le Tribunal de commerce du Mans à l’encontre de Groupe Appro et, d’autre part, en ce qu’elle porte sur la demande déjà formée par Sovopa à l’encontre de Groupe Appro devant le Tribunal de commerce du Mans, l’instance pendante devant la Cour d’appel de Paris, sur appel du jugement prononcé le 30 mars 2010 par le Tribunal de commerce de Bobigny;

— dire en conséquence le tribunal de commerce du Mans dessaisi au profit de la cour d’appel de Paris ;

Vu les mémoires en réplique aux termes desquels la société Sovopa demande à la cour, avec une indemnité de procédure, au visa des articles 42, 80, 82 et 103 du code de procédure civile de déclarer irrecevable et en toute hypothèse mal fondé la société Groupe Appro dans sa demande en nullité du jugement rendu par le tribunal de commerce du Mans en date du 25 octobre 2010, la débouter de son exception de litispendance et, au visa de l’article 89 du code de procédure civile, renvoyer l’affaire à une autre audience pour qu’il soit statué sur le fond ;

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 mars 2011, produit par les parties à la demande de la cour à l’issue des plaidoiries, demande réitérée par le président de la chambre par courriers adressés aux Conseils des parties le 11 mars 2001 ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

En transmettant l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 mars 2011, les Conseils de la société Goupe Appro ont pris l’initiative d’adresser une note en délibéré datée du 11 mars 2011 à laquelle ont répondu les Conseils de la société Sovopa le 15 mars 2011. La société Groupe Appro a adressé une nouvelle note le 18 mars 2011 à laquelle la société Sovopa a à nouveau répondu le 21 mars 2011. La société Goupe Appro, à nouveau, a adressé à la cour une note parvenue au greffe le 23 mars 2011.

Le président de la chambre a rappelé aux parties les dispositions de l’article 445 du code de procédure civile par courriers du 24 mars 2011.

La société Groupe Appro a adressé deux nouvelles notes en délibéré le 30 mars et le 7 avril 2011. La société Sovopa a également fait parvenir une note le 4 avril 2011

~~

Si la cour a jugé utile d’avoir communication, au cours de son délibéré, de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 mars 2011, elle n’a nullement sollicité une quelconque note en délibéré, se réservant ainsi la possibilité de susciter les observations des parties si la solution dégagée par cet arrêt était de nature à changer les termes du litige soumis à la cour, point qui sera examiné avec l’analyse subséquente du bien fondé de l’exception de litispendance. En conséquence, il convient d’écarter des débats les notes en délibéré susvisées.

Sur l’annulation du jugement

La société Groupe Appro soulève la violation du principe dispositif (le tribunal s’est prononcé sur une prétention dont il n’était pas saisi) celle du principe de la contradiction puisque une décision a été rendue sans que les parties aient été entendues sur la litispendance, les avocats de Sovopa ayant été

admis à plaider le fond, en violation du principe de la loyauté des débats, du principe général du procès équitable, de quelques principes édictés par le code

de procédure civile (440 sur les prétentions, 450 a 1 et 2 sur la date de délibéré, 455 sur le visa des prétentions et moyens des parties). Il y a, selon la demanderesse au contredit tout au moins excès de pouvoir pour avoir statué sur une exception de litispendance qui n’a pas été débattue. Le jugement rendu le 25 octobre 2010 a été rendu par surprise et sans débats, le fait que l’affaire ait été à la fois renvoyée et mise en délibéré en est la preuve.

La société Sovopa fait valoir qu’à l’audience du 27 septembre 2010, la société Groupe Appro et les sociétés associées se sont concertées pour refuser tout débat au fond alors que l’affaire avait été plaidée sur le même litige à Bobigny et que les écritures et pièces étaient les mêmes ; qu’une simple erreur d’un greffier ou d’un tribunal (sur la mise en délibéré et le renvoi) ne peut être la cause de la nullité d’un jugement ; que la nullité d’un jugement ne peut être demandée que lorsque le juge a excédé ses pouvoirs, ce qui doit être fait, dans une procédure spécifique et non par le biais d’un contredit ;

~~

L’appel nullité auquel se réfère la société Sovopa et qui concerne les décisions qui ne sont pas susceptibles de recours, lorsqu’elles sont estimées avoir été rendues par un juge ayant excédé ses pouvoirs, ne peut être admis dans le cadre du présent litige puisque la décision déférée est précisément susceptible d’une voie de recours qui est le contredit.

La voie de l’appel, voie de recours ordinaire, qui peut tendre à l’annulation d’un jugement au principal, pour des motifs tenant soit à l’irrégularité de la saisine de la juridiction, soit à une violation d’un principe directeur du procès, et le cas échéant à sa réformation à titre subsidiaire, est interdite, selon les dispositions combinées des articles 80 et 104 du code de procédure civile, lorsque le juge admet ou rejette la litispendance.

Ainsi, une partie qui estime que les premiers juges qui ont statué sur une exception d’incompétence ou de litispendance en méconnaissance de certaines règles de procédure protectrices de ses droits ne peut faire annuler la décision que par la voie du contredit. La société Sovopa fait une interprétation erronée de l’arrêt de la cour de cassation du 15 décembre 1999 en déduisant à tort que la demande d’annulation présentée par la société Groupe Appro ne serait pas recevable, la cour ayant précisé que la voie de recours du contredit excluait celle de l’appel à fin d’annulation. En effet, dans cet arrêt, la cour de cassation a plus précisément indiqué que, valablement saisi, le juge du contredit est tenu, préalablement à la décision sur la compétence et indépendamment de l’évocation éventuelle du fond du litige, de statuer sur les exceptions de nullité tirées de l’irrégularité de la composition de la juridiction de première instance et la violation de l’article 96 du Code de procédure civile, en sorte que l’ouverture de la voie de recours du contredit exclut celle de l’appel à fin d’annulation.

Il s’en déduit que, l’ouverture de la voie de recours du contredit excluant celle de l’appel à fin d’annulation, la cour d’appel saisie par voie de contredit est juge de l’annulation comme elle l’est, le cas échéant, de la réformation.

Sans qu’il soit nécessaire de s’appesantir sur les circonstances dans lesquelles s’est déroulée l’audience du 27 septembre 2010 et a été rendue la décision du 25 octobre 2010, éléments factuels sur lesquels la société Groupe Appro a consacré de très longs développements tant dans le cadre de la présente instance qu’à l’occasion de deux requêtes en suspicion légitime sur lesquelles la cour a déjà statué, il convient de relever, hors les perceptions subjectives sur lesquelles les parties divergent, les points constants et non discutés qui sont susceptibles de caractériser des violations des principes directeurs du procès.

Le jugement déféré a été rendu suite à une audience qui s’est effectivement tenue le 27 septembre 2010. Il y est indiqué que le Groupe Appro a soulevé une exception de litispendance. Il n’est pas discuté par la société Appro que celle-ci a effectivement fait part de son intention de soulever cette exception. Il n’est pas davantage discuté par les parties qu’aucune conclusion écrite n’a été remise au tribunal sur le moyen tiré de la litispendance. Le dossier du tribunal ne comporte aucune écriture des parties en ce sens, préalablement à l’audience du 27 septembre. Les dernières écritures déposées à cette date sont du 28 juin 2008 pour la société Appro, qui soulevait d’ailleurs le moyen tiré de la litispendance eu égard à la saisine parallèle du tribunal de commerce de Bobigny au visa de l’article 100 du code de procédure civile, et du 7 juillet 2010 pour la société Sovopa, ces écritures étant muettes sur cette exception de procédure. Il s’ensuit que le jugement entrepris a examiné l’exception de litispendance soulevée par la société Groupe Appro, eu égard à la saisine de la cour d’appel de Paris, sans être en possession d’écrits comportant les échanges des parties sur ce point et en visant des conclusions qui ne l’évoquaient point.

Il s’agit certes d’une procédure orale qui permettait au tribunal de se satisfaire, pour trancher, des plaidoiries à l’audience. Si les parties sont contraires sur les circonstances dans lesquelles elles ont été amenées au cours d’une audience houleuse, à faire entendre leurs observations, le plumitif de l’audience, qui indique seulement que le Conseil de la société Sovopa développe ses conclusions et que le Conseil du Groupe Appro s’oppose à toutes plaidoiries sur le fond et qu’il n’est ici que pour le problème de la litispendance, rappelant que l’affaire jugée à Bobigny est en appel, ne suffit pas à démontrer que l’affaire a été réellement plaidée sur la litispendance.

Ainsi, faute d’être en possession d’écritures des parties sur cette exception et d’observations orales dépassant les seules intentions, le tribunal a méconnu le principe du contradictoire qui seul lui aurait d’ailleurs permis de rendre une décision éclairée et de répondre aux moyens soulevés par les parties, dans des écritures que le Groupe Appro avait remises à son adversaire, la société Sovopa ne contestant pas ce point, mais sans les produire au tribunal, abstention qui confirme une absence de plaidoirie sur cette question, et dans des conclusions produites par les parties et évoquant la litispendance le 25 octobre 2010, date à laquelle le jugement déféré a été rendu.

Cette méconnaissance de la contradiction suffit pour que le jugement rendu dans ces conditions soit annulé. La cour a déjà indiqué dans un arrêt statuant sur requête en suspicion légitime que la mention du plumitif 'délibéré et renvoi au 25 octobre 2010" est à la fois contradictoire et irrégulière car une affaire ne peut être à la fois mise en délibéré et renvoyée à la même date, même si la décision à rendre ne concerne pas l’ensemble du litige, une voie de recours tel que le contredit étant ouverte et empêchant tout examen par le tribunal du fond de l’affaire tant que le recours n’est pas tranché. Il est admis par la société Sovopa qu’elle n’ a pas davantage entendu ou compris, à l’audience du 27 septembre 2010, qu’un jugement sur la litispendance serait rendu le 25 octobre suivant, les conclusions précitées qu’elle a formées postérieurement à l’audience notamment sur ce point de droit étant révélatrices de cette incompréhension. Cet incident confirme que le principe du contradictoire a été méconnu par le jugement qui doit être annulé.

Sur la litispendance

La société Groupe Appro fait valoir les éléments suivants :

— La société Sovopa confond le contredit de litispendance, formé par Groupe Appro, au jugement du Tribunal de commerce du Mans du 25 octobre 2010, avec le contredit, également formé par Groupe Appro, au jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 30 mars 2010, le premier contredit étant un contredit de litispendance et, le second, un contredit de compétence. La société Sovopa se trompe de débat et développe, pour s’opposer au premier, une argumentation qui en réalité concerne le second.

— Il résulte des propres termes du jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 30 mars 2010 que la même demande exactement, ayant le même objet et la même cause, visant au paiement d’une créance invoquée de 2 305 630,37 euros à titre principal, au titre de factures prétendument impayées, a été formée par Sovopa à l’encontre de Groupe Appro, d’une part, à titre principal, devant le Tribunal de commerce du Mans, selon assignation en date du 8 juin 2007, et, d’autre part, sous forme de demande incidente, par voie de conclusions soutenues à l’audience du 7 mai 2008, devant le tribunal de commerce de Bobigny ; le tribunal de commerce de Bobigny s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce du Mans pour connaître de cette demande incidente de Sovopa à l’encontre de Groupe Appro ; le Groupe Appro a interjeté appel du jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 30 mars 2010 sans limiter son appel à certains chefs, lequel appel tend à l’annulation du jugement déféré.

— L’objet du litige est indivisible et il appartiendra à la Cour d’appel de Paris de se prononcer sur la recevabilité de l’appel et sur le périmètre de sa saisine ; en l’état, I’appel ayant pour effet de remettre la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit, et la dévolution s’opérant pour le tout lorsque l’appel n’est pas limité à certains chefs, ce qui, en l’espèce, apparaît résulter des conclusions des appelants devant la Cour d’appel de Paris ou, ce qui apparaît également résulter des dites

conclusions, lorsqu’il tend à l’annulation du jugement, la cour d’appel de Paris, par l’effet de l’appel du jugement du 30 mars 2010 du tribunal de commerce de Bobigny, qu’a formé Groupe Appro, est saisie de la totalité de la matière litigieuse de première instance et donc de la demande formée par Sovopa à l’encontre de Groupe Appro.

— La société Sovopa ayant saisi deux juridictions différentes, Ie tribunal de commerce du Mans, d’une part, et le Tribunal de commerce de Bobigny, d’autre part de la même demande à l’encontre d’une même partie, ladite demande, à raison de l’appel du jugement prononcé par la seconde juridiction saisie de celle-ci (le tribunal de commerce de Bobigny), se trouve soumise à la cour et il en est de même des moyens opposés en première instance par Groupe Appro pour s’y opposer.

— La cour d’appel de Paris, par l’effet dévolutif de l’appel, se trouve saisie de l’entière matière litigieuse de première instance et donc saisie en l’espèce tout à la fois de la demande principale, des demandes incidentes, au rang desquelles la demande de Sovopa à l’encontre de Groupe Appro formée devant le tribunal de commerce de Bobigny et des moyens de défense, au rang desquels les exceptions de procédure, soulevés, d’une part, à l’appui de ces demandes, et, d’autre part, pour s’y opposer.

La société Sovopa réplique :

— Le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 30 mars 2010 a été frappé d’appel puis sept mois plus tard de contredit, c’est à dire hors délai, au motif erroné qu’elle n’avait pas eu connaissance de la date de délibéré et donc pas pu avoir eu connaissance de ce jugement dont elle a pourtant relevé appel ; seul un contredit devait être effectué à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny si la société Groupe Appro considérait que c’est à tort que ce dernier avait retenu son incompétence et l’effet dévolutif de l’appel n’a pas joué car le tribunal de commerce n’a statué que sur la compétence.

— La société Groupe Appro a introduit deux procès différents dans la même assignation du 13 novembre 2006, de sorte que la société Sovopa ne peut être considérée comme tiers mis en cause au sens des dispositions de l’article 333 du code de procédure civile qui impose à ce dernier de procéder devant la juridiction saisie sans pouvoir décliner la compétence territoriale en invoquant une clause attributive de compétence.

— Il n’y a pas connexité et indivisibilité du litige ; d’un côté le Groupe Appro a introduit un procès contre les dirigeants Sovopa et Pampr’oeuf, Ovalis, Monsieur B X (dirigeant Pampr’oeuf) Monsieur A (dirigeant Ovalis) et son épouse en concurrence déloyale, demande à laquelle s’est jointe 11 associés. La demande contre Sovopa concerne le contrat de location gérance et sa rupture abusive et est donc spécifique, les autres associés de la société Appro n’y faisant allusion que dans le dispositif de leurs conclusions pour qu’il leur soit donné acte de leur soutien à cette demande.

— Les parties, l’objet et la cause du litige opposant les parties sont différents ; l’article 78 du code de procédure civile qui prévoit que le jugement qui statue sur la compétence et tranche le fond du litige ne peut être attaqué que par la voie de l’appel n’est pas applicable puisque le jugement ne s’est pas prononcé sur le fond du litige concernant la rupture du contrat de location gérance.

~~

L’appel à fin d’annulation étant exclu par la voie de recours qu’est le contredit, et la cour ayant la faculté d’annuler un jugement contre lequel ce recours est formé, et ce préalablement à la décision sur la compétence, doit, dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, ce n’est pas la saisine des premiers juges qui est cause de la nullité prononcée, trancher l’exception de litispendance qui lui est soumise.

L’examen du bien fondé du contredit formé contre le jugement déféré qui a rejeté l’exception de litispendance exige que soit vérifié si la cour d’appel de Paris est bien saisi, par la voie de l’appel de la société Groupe Appro, d’un jugement qui a statué à la fois sur la compétence et sur le fond, pour en tirer ensuite, le cas échéant, les conséquences eu égard à l’effet dévolutif de l’appel.

Or, il résulte de la décision du 8 mars 2011 de la cour d’appel de Paris, communiquée à la demande de la cour, qu’après avoir rejeté le moyen tiré de sa tardiveté, cette juridiction a déclaré irrecevable le contredit formé par la société Goupe Appro aux motifs que le jugement dont il est formé contredit se prononce à la fois sur la compétence et sur le fond du litige et qu’il est établi qu’appel en a été relevé le 19 avril 2010 par la société Groupe Appro.

Ces éléments mentionnés par la cour de Paris n’apportent rien d’autre aux débats que le seul constat objectif que cette juridiction est effectivement saisie de l’appel contre un jugement qui a statué sur la compétence et sur le fond. Ce fait n’est pas nouveau puisqu’il est précisément à l’origine de l’exception de litispendance en litige. Les parties ont, dans leurs mémoires déposés en vue de l’audience des plaidoiries, très longuement et contradictoirement débattu sur les conséquences qu’il fallait tirer de l’instance pendante devant la cour d’appel de Paris et du périmètre de la saisine de celle-ci, de sorte qu’il n’est nullement nécessaire de provoquer les explications complémentaires des parties sur ce point.

L’article 100 du code de procédure civile dispose que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande. L’article 102 du même code dispose que lorsque les juridictions saisies ne sont pas de même degré, l’exception de litispendance ou de connexité ne peut être soulevée que devant la juridiction de degré inférieur.

Il est constant que le tribunal de commerce du Mans a été saisi le 08 juillet 2007 par la société Sovopa d’une demande dirigée contre le Groupe Appro en paiement d’une somme de 2 305 630, 37 euros relative à des factures prétendument impayées.

Il est tout aussi constant que, dans le cadre de l’instance devant le tribunal de commerce au cours de laquelle la société Groupe Appro a appelé la société Sovopa en intervention forcée, pour lui reprocher, avec d’autres sociétés du Groupe, des faits de concurrence déloyale, et, à elle seule, une rupture abusive d’un contrat de location gérance liant ces deux parties depuis un protocole d’accord du 28 juin 2000, la société Sovopa a, après avoir soulevé l’incompétence de cette juridiction sur la demande formée contre elle par le Groupe Appro, reconventionnellement formé la même demande en paiement que celle soumise au tribunal de commerce du Mans. La société Groupe Appro a, de son côté, conclu au rejet des exceptions d’incompétence.

Le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 30 mars 2010 a, notamment, condamné la société Groupe Appro à payer certaines sommes à la société Pampr’oeuf qui avait introduit l’action principale, débouté la société Groupe Appro , et les autres sociétés qui s’étaient associées à son action, de leurs demandes tendant à voir condamner la société Sovopa, avec d’autres, pour concurrence déloyale, et, après avoir reçu la société Groupe Appro et les autres sociétés qui s’étaient associées à son action en leurs demandes reconventionnelles tendant à voir condamner la société Sovopa seule, sur le fondement de la résiliation du contrat de location gérance, pour concurrence déloyale, s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce du Mans.

Ce même tribunal a 'reçu’ la société Sovopa en sa demande reconventionnelle en paiement de factures relatives à l’exécution du contrat de location gérance et s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce du Mans.

S’agissant de ces deux déclarations d’incompétence, le tribunal a dit qu’à défaut de contredit dans les délais légaux, l’affaire serait renvoyée dans les conditions prévues à l’article 97 du code de procédure civile.

La société Groupe Appro a relevé appel de cette décision le 19 avril 2010. Il s’agit d’un appel général tendant à l’annulation ou à la réformation du jugement dans son ensemble.

Il résulte des dispositions de l’article 561 du code de procédure civile que l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit. L’article 562 du même code ajoute que la dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel n’est pas limité à certains chefs, lorsqu’il tend à l’annulation ou si l’objet du litige est indivisible.

Il n’appartient pas à la cour de céans, saisie par la voie du contredit de la seule exception de litispendance, de se prononcer sur la question de la divisibilité du litige soumis à la cour d’appel de Paris. Il n’entre pas davantage dans ses attributions d’examiner si, dans le cadre du procès soumis au tribunal de commerce de Bobigny, l’assignation en intervention forcée dirigée contre elle lui interdisait ou non de contester la compétence de la juridiction par application de l’article 333 du code de procédure civile puisque cela nécessiterait l’analyse préalable de la divisibilité du litige. Il suffit de constater que par l’effet de l’appel général du Groupe Appro contre le jugement du tribunal de commerce de Bobigny, qui n’est donc pas limité à certains chefs et qui tend par surcroît à l’annulation du jugement, et par application de l’article 562 précité, qui n’envisage l’hypothèse de l’indivisibilité du litige comme cause de dévolution du litige que de matière alternative et non cumulative, comme l’indique la conjonction 'ou', la cour d’appel de Paris est objectivement saisie de l’entier litige opposant les parties.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que la cour d’appel de Paris étant bien saisi, de fait, du même litige que celui qui est pendant devant le tribunal de commerce du Mans, il convient d’ordonner le dessaisissement de ce tribunal au profit de la cour d’appel de Paris par application de l’article 102 du code de procédure civile.

Sur les frais

Aucun critère d’équité ne justifie l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La partie qui succombe doit les dépens du contredit.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Ecarte des débats les notes produites en cours de délibéré,

Annule le jugement du tribunal de commerce du Mans prononcé le 25 octobre 2010,

Ordonne le dessaisissement du tribunal de commerce du Mans au profit de la cour d’appel de Paris du litige opposant la société Sovopa à la société Groupe Appro (N°RG 2007 / 003716)

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Sovopa aux dépens du contredit.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

D. Y P. VALLÉE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel d'Angers, Chambre commerciale, 12 avril 2011, n° 10/02809