Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 31 janvier 2017, n° 14/07441

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 31 janv. 2017, n° 14/07441
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 14/07441
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, chambre : 7°, 24 novembre 2014, N° 13/08887
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE -------------------------- ARRÊT DU : 31 JANVIER 2017 (Rédacteur : Jean-Pierre FRANCO, conseiller,)

N° de rôle : 14/07441

O Y DE Z

B DE K Z

c/

SARL I J

SA G H

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 novembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 7°, RG : 13/08887) suivant déclaration d’appel du 18 décembre 2014

APPELANTS :

O Y DE Z

né le XXX au PORTUGAL

de nationalité Portugaise

XXX

B DE K Z

née le XXX au PORTUGAL

de nationalité Portugaise

XXX

représentée par Maître Charlotte DE LAGAUSIE de la SCP GRAVELLIER – LIEF – DE LAGAUSIE – RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES : SARL I J, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX

non représenté, assignée à personne habilitée

SA G H, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis XXX – XXX

représentée par Maître Françoise GELIBERT de la SCP DGD, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 décembre 2016 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Jean-Pierre FRANCO, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Michèle ESARTE, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

Greffier lors des débats : Irène CHAUVIRE

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. ***

EXPOSE DU LITIGE:

Selon acte authentique en date du 17 février 2006, M. O Y de Z et son épouse Mme B de K Z ont acheté à la société Sogil une parcelle de terrain à bâtir formant le lot numéro 6 du lotissement la pinède de l’Océan, commune de Grayan l’Hospital, sur lequel ils ont édifié deux maisons mitoyennes destinées à la location.

Le 28 septembre 2006, un important effondrement est survenu sur le lot contigu numéro 5 appartenant aux consorts A-N, lors d’opérations de forage d’un puits réalisées à leur demande par la société I J, assurée auprès de la société AGF IART devenue G.

Mme Selon, voisine, est décédée ensevelie.

Suivant arrêtés des 28 et 30 septembre 2006, le maire de la commune a interdit la circulation sur les voiries du lotissement, affectées d’importants désordres, et a ordonné l’évacuation de l’ensemble des habitants du lotissement. Désigné en qualité d’expert par ordonnance de référé en date des 23 octobre 2006 et 5 février 2007, M. X a déposé son rapport le 17 janvier 2008, après avoir mené ses opérations au contradictoire de la société Sogil, lotisseur, de son assureur la société Covea Risks, de la société I-J, des entreprises chargées de l’aménagement du lotissement et de l’ensemble des colotis.

Il a conclu, principalement, que l’action du foreur avait perforé une cavité karstique à 36 m de profondeur entraînant un effondrement important du sol ainsi que des effondrements secondaires.

Par actes en date des 17 et 18 septembre 2008, les époux Y de Z ont fait assigner la société Sogil et la compagnie Covea Risks devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés.

La société Sogil a appelé en cause M. A, Mme D, la société I-J, et son assureur la compagnie AGF, afin d’être relevée et garantie des condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre.

Par jugement en date du 28 juin 2011, le tribunal de grande instance de Bordeaux a débouté les époux Y de Z de leur action en garantie des vices cachés.

Le tribunal a en revanche retenu la responsabilité de la société I J à leur égard, sur le fondement de l’article 1382 ancien du Code civil, pour avoir réalisé un forage à plus de 37 mètres de profondeur sans tenir compte de la nature du sol ni prendre de précautions particulières, et l’a en conséquence condamnée à payer aux consorts Y de Z, sous la garantie de la société G, la somme de 62700 € au titre des pertes locatives subies jusqu’en juin 2011, outre 10000 € au titre du préjudice moral, sous réserve de l’application des plafonds de garantie, en faisant par ailleurs application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a débouté les époux Y de Z du surplus de leurs demandes indemnitaires.

Considérant que leur préjudice locatif perdurait, et qu’il leur était toujours interdit d’accéder à leur immeuble, les époux Y de Z ont, par actes en date des 19 et 20 septembre 2013, fait de nouveau assigner la SARL I J et son assureur la compagnie G H en réparation des préjudices consécutifs à l’impossibilité définitive et absolue de jouir de leur immeuble, à la perte locative subie entre juillet 2011 et juin 2013, sauf à parfaire (31200 euros) outre 5000 € en réparation de leur préjudice moral complémentaire et 2000 € pour frais irrépétibles.

Par jugement réputé contradictoire en date du 25 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Bordeaux a rejeté les demandes des époux Y de Z, en considérant que les pièces produites ne permettaient pas de démontrer que le préjudice de jouissance invoqué trouvait sa cause dans l’exécution du forage.

Dans des conditions de régularité non discutées, les époux Y de Z ont relevé appel de ce jugement le 18 décembre 2014 en intimant la société I J et la société G Iardet.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 13 juillet 2015, ils demandent à la cour, au visa de l’article 1382 (ancien) du Code civil :

— de réformer le jugement en toutes ses dispositions, – de condamner la société I J, in solidum avec son assureur la compagnie G à leur payer les sommes suivantes :

—  53900 € en réparation de leur préjudice locatif,

—  216713,07 euros en réparation du préjudice consécutif à l’impossibilité d’utiliser leur immeuble,

—  5000 € en réparation de leur préjudice moral,

—  3000 € sur le fondement de l’article 700 de procédure civile.

Ils font principalement valoir :

— que le tribunal a mal apprécié les faits qui lui étaient soumis, puisque dans un courrier en date du 27 juillet 2012, le maire de la commune a confirmé que son arrêté du 30 septembre 2006 était toujours en vigueur, de sorte qu’il est toujours impossible d’accéder au lot numéro 6, puisque cet accès doit obligatoirement se faire en empruntant les voiries internes du lotissement affectées d’importants effondrements,

— qu’en outre, les anomalies de la structure du sous-sol existent en dehors même de la zone des effondrements du 28 septembre 2006, et concernent en réalité la totalité de l’emprise du lotissement,

— que l’expert n’a pu déterminer les modalités de réparation du fait des risques présentés par la réalisation d’autres sondages,

— que le principe tiré de la concentration des moyens ne peut lui être opposé dès lors qu’il existe un fait nouveau, à savoir l’interdiction maintenue par le maire de circuler sur les voies intérieures.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 7 octobre 2016, la société G sollicite la confirmation du jugement ainsi que la condamnation des appelants à lui payer la somme de 5000 € pour frais irrépétibles.

Elle souligne, pour l’essentiel :

— qu’il n’existe pas de preuve d’un lien de causalité entre la faute commise en 2004 par la société I-J et les préjudices allégués par les époux Y de Z,

— qu’en réalité, les demandes actuelles découlent toujours du refus provisoire de l’autorité communale de rétablir la circulation dans le lotissement, et non de la faute initiale lors de l’exécution du forage, d’autant plus que l’immeuble litigieux se situe en dehors de la zone d’effondrement et même du périmètre d’influence du sinistre,

— que la demande formée au titre de la valeur de l’immeuble a été définitivement rejetée par le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 28 juin 2011 aujourd’hui revêtu de l’autorité de la chose jugée, de sorte qu’elle doit être déclarée irrecevable en application de l’article 122 du code de procédure civile,

— que de même, le préjudice moral a été définitivement fixé par jugement rendu le 28 juin 2011 par le tribunal de grande instance de Bordeaux,

— que le préjudice relatif à la perte de loyers n’est pas certain, puisque que les consorts Y de Z n’ont engagé aucune démarche pour faire lever l’interdiction d’accès maintenue par le maire depuis 2006,

— que le préjudice par perte de loyers n’est pas démontré,

— qu’elle est fondée à opposer le plafond de garantie prévu au contrat.

La société I J est restée défaillante devant la cour, bien qu’elle ait reçu signification de la déclaration d’appel à la personne de son gérant, par acte d’huissier du 10 février 2015.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des faits de l’espèce, des prétentions et moyens des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2016.

MOTIFS DE LA DECISION:

1 – Il sera statué par arrêt réputé contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile, dès lors que la société I J a été assignée à personne.

2 – Sur la fin de non-recevoir :

Selon les dispositions de l’article 1351 ancien du Code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité.

Lors de la précédente instance devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, les époux Y de Z avaient, dans leurs dernières conclusions du 12 août 2010, sollicité la condamnation de la société I J et celle de son assureur G à leur payer la somme de 413550 € au titre de la restitution du prix de leur immeuble, en ce compris la plus-value liée à l’évolution du coût de l’immobilier.

Dans son jugement en date du 28 juin 2011, dont le caractère définitif n’est pas contesté, le tribunal les a déboutés de cette demande, en considérant qu'«ils restaient propriétaires de leur immeuble, qui était situé en dehors de la zone d’effondrement, et même du périmètre d’influence défini par l’expert, et qui ne subissait aucun désordre».

Dans le cadre de la présente instance, ils sollicitent la condamnation de la société I J, in solidum avec la compagnie G, à leur payer la somme de 216713,07 euros en réparation du préjudice lié à l’impossibilité d’user de leur immeuble.

En dépit d’une qualification légèrement différente de ce préjudice, et d’une réduction de son montant, cette demande correspond toujours à une restitution du prix de l’immeuble et de frais accessoires liés à son achat, puisqu’elle est détaillée comme suit :

— acquisition du lot : 45000 euros

— frais notariés : 4147,60 euros

— travaux de construction : 82157,77 euros – coût total du crédit : 74616,17 euros

— facture d’eau: 891,71 euros

— facture EDF : 4658,22 euros

— diverses impositions, taxe foncières et taxes permis de construire : 2697 €

— assurance habitation jusqu’à ce jour : 2544,70 euros.

L’identité d’objet n’est d’ailleurs pas contestée par les appelants, mais ceux-ci invoquent l’existence d’un fait nouveau, postérieur au jugement du 28 juin 2011.

Or, leur situation est strictement identique en fait et en droit à celle qui existait lors de la première procédure, et qui a été analysée par le tribunal: ils sont dans l’impossibilité de donner leurs pavillons en location par suite de l’arrêté du maire de la commune de Grayan et l’Hôpital en date du 30 septembre 2006, qui ferme le chemin du Carreau et les accès du lotissement à la circulation des véhicules et des personnes.

Dans son jugement du 28 juin 2011, le tribunal de grande instance de Bordeaux n’avait d’ailleurs pas considéré que la situation de fait était temporaire, et qu’il n’existait qu’une perte de jouissance limitée dans le temps pour les époux Y de Z, mais que les biens immobiliers se trouvaient implantés hors zone d’effondrement et du périmètre d’influence.

La seule circonstance que le maire ait, par courrier du 27 juillet 2012, refusé de retirer cet arrêté et de rétablir l’accès au lotissement compte tenu «du risque subsistant» (en se fondant au demeurant sur les mêmes conclusions expertales de M. X du 15 janvier 2008) ne saurait être considéré comme un fait nouveau de nature à écarter le principe de l’autorité de la chose jugée.

Il appartenait aux époux Y de Z de tirer toutes les conséquences du jugement du 28 juin 2011, et de former un appel limité s’ils estimaient que le tribunal avait commis une erreur d’appréciation en ce qui concerne la perte de leur immeuble, d’autant plus que la solution retenue par la juridiction était contraire à la plupart des autres décisions déjà intervenues dans des instances distinctes (jugements des 20 avril 2010, 23 novembre 2010, 22 mars 2011).

En application des articles 1351 ancien du code civil, 122 et 125 du code de procédure civile, il convient en conséquent de déclarer irrecevable leur actuelle demande en indemnisation de l’impossibilité d’user de leur immeuble.

En revanche, dès lors qu’elle concerne une période postérieure à celle indemnisée dans le jugement du 28 juin 2011, la demande d’indemnisation de la perte de loyers à compter de juillet 2011 jusqu’au jour de la décision à intervenir n’a pas le même objet et demeure recevable.

Il en est de même pour le préjudice moral complémentaire allégué au titre de cette nouvelle période.

3 ' L’action en indemnisation est fondée sur l’article 1382 ancien du code civil, devenu article 1240 du code civil à la suite de l’ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016.

Il incombait donc aux appelants de démontrer, dans le cadre de la présente instance, l’existence d’une faute, celle d’un dommage, et celle d’un lien de causalité entre la faute et le dommage invoqué.

Il n’existe entre les parties aucune discussion sur la faute sur la faute commise par la société I J par absence d’étude de faisabilité et de précautions lors d’un forage de 37 mètres de profondeur dans un sol karstique, à proximité immédiate de maisons. Cette faute d’ailleurs été caractérisée dans le premier jugement rendu entre les mêmes parties le 28 juin 2011.

Contrairement à ce que le tribunal a retenu dans son jugement du 25 novembre 2014, au vu des pièces qui lui étaient alors soumises, les époux Y de Z subissent toujours un préjudice locatif en raison de la faute commise par la société Prats J le 28 septembre 2006.

En effet, il résulte du rapport d’expertise judiciaire de M. X que les voiries et réseaux enterrés sont devenus inopérants à la suite du sinistre par suite d’effondrements et d’anomalies structurelles. Il est est ainsi pour le collecteur central des eaux usées affecté par l’effondrement numéro 4, pour les rues du lotissement (4 effondrements ayant entraîné au total la disparition de 30 m3 de terre), et pour le réseau EDF passant sous des trottoirs effondrés.

La reconnaissance des anomalies structurelles du sous-sol à proximité immédiate des effondrements a été rendue impossible dans la mesure où les risques pris par les opérateurs n’étaient pas couverts par les assurances, et par ailleurs la faisabilité même des réparations se trouve affectée de graves aléas puisque seuls des travaux très conséquents réalisés sous une maîtrise d''uvre adaptée avec une ingénierie géotechnique seraient susceptibles de redonner une destination normale à cette voirie.

De plus les colotis ne peuvent envisager la réparation de ces voiries, puisque le lotisseur en est resté propriétaire.

Par ailleurs, en pages 25 et 26 de son rapport, l’expert cite, parmi les 5 propriétés affectées par les anomalies structurelles les plus importantes, celle des époux Y de Z, avec une superficie concernée de 700 m², dont 250 m² d’anomalie zone 3 (dont 100 m² de forte anomalie), et 350 m² d’anomalie de zone 4 (dont 20 m² en forte anomalie devant la maison).

En raison de l’impossibilité de procéder à des sondages afin de déterminer l’étendue des cavités et anomalies du sous-sol sous les immeubles, l’expert judiciaire n’a pu proposer des solutions réparatoires.

La déstabilisation importante et durable des sous-sols du lotissement provoquée par les opérations de forage est donc incontestable, de sorte qu’il existe bien un lien de causalité certain entre la faute commise le 28 septembre 2006 par la société I J et le préjudice de jouissance subi par les appelants à compter de juillet 2011.

Il ne saurait être reproché aux appelants de ne pas avoir déféré au juge administratif le refus du maire de lever son arrêté, alors que la situation de danger dans le lotissement consécutive à la faute demeure objectivement la même, et qu’il n’est justifié d’aucun moyen de nullité susceptible d’être valablement invoqué par les époux Y.

A l’appui de leur demande au titre des pertes de loyers, les époux Y de Z produisent la copie du bail qui avait été signé le 16 septembre 2006 pour une durée de trois ans par Mme E F, pour un loyer de 550 euros par mois.

Dans un courrier en date du 18 novembre 2006, leur mandataire l’agence Hourdin immobilier confirme par ailleurs qu’une seconde location devait intervenir le 1er octobre 2006 pour l’autre maison, à la suite de la réservation de M. et Mme C.

Il est donc justifié d’évaluer à 550 euros x 2 = 1100 euros par mois la valeur locative cumulée de ces deux pavillons T 3 identiques. Cette valeur locative demeure d’actualité.

Toutefois, ainsi que le souligne à bon droit la compagnie G, il est impossible de considérer que les deux pavillons seraient restés loués tous les deux en permanence depuis octobre 2006.

Le préjudice de jouissance des appelants réside donc dans la perte de chance de percevoir à compter de juillet 2011 jusqu’au 13 juillet 2015 (date des dernières conclusions des appelants) la somme de 1100 x 49 = 53900 euros.

La perte de chance, qui doit se mesurer à la chance perdue, et qui ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée, sera fixée à 90 % pour tenir compte des périodes de vacances possibles dans l’un ou l’autre des pavillons sur une période de quatre années.

Il convient en conséquence de fixer à 53900 x 90 % = 48510 euros les dommages-intérêts dus aux appelants au titre de la perte de loyers.

Par ailleurs, le premier juge a rejeté à bon droit la demande au titre du préjudice moral complémentaire de 5000 euros, dès lors que les époux Y de Z ne justifient pas avoir subi à ce titre, depuis le 28 juin 2011, un préjudice distinct de celui déjà indemnisé par l’allocation d’une somme de 10000 euros.

3 -sur le plafond de garantie :

En application de l’article L.112-6 du code des assurances, l’assureur est fondé à opposer au tiers lésé les exceptions opposables au souscripteur originaire de la police d’assurance de responsabilité civile.

Il résulte des conditions particulières du contrat d’assurance de responsabilité civile «entreprises industrielles et commerciales» souscrit par la société I J à effet au 18 octobre 1999 pour l’activité de forage depuis, arrosage intégré et petits terrassements que les risques généraux d’exploitation (avec tous dommages corporels, matériels et immatériels qui en sont la conséquence) sont garantis dans la limite d’un montant de 30 millions de francs par sinistre (soit 4573470,52 euros), dans lequel sont compris et limités les dommages matériels et immatériels qui en sont la conséquence pour un montant maximum de 5 millions de francs soit 762245,09 euros.

Ainsi que l’assureur le rappelle à juste titre, le plafond de garantie s’applique pour toutes les conséquences du même sinistre et non pas par tiers lésé, au regard des dispositions de l’article L. 124-1-1 du code des assurances, selon lequel un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique.

Or, en l’espèce, la compagnie G justifie avoir réglé les indemnités suivantes, en exécution de décisions judiciaires relatives aux demandes formées par différentes personnes lésées à la suite de l’accident de forage :

—  244153,45 euros selon quittance du 30 septembre 2009, en exécution de l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 7 janvier 2009 (instance SCI Gomez Eduardo), – 12325,78 euros selon lettre-chèque du 8 décembre 2010, en exécution du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 23 novembre 2010 dans l’instance au fond concernant la SCI Gomez Edouardo,

—  266963,88 euros, suivant procès-verbal de mainlevée de saisie attribution du 1er mars 2013, en exécution du jugement rendu le 10 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Bordeaux, dans le cadre de l’instance Garnier Sellon.

—  52352 euros, selon chèque CARPA adressé le 9 mai 2011, en exécution du jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 22 mars 2011 (instance Perez),

—  256815,90 euros, suivant chèque CARPA du 17 mai 2010, en exécution du jugement rendu le 20 avril 2010 par le tribunal de grande instance de Bordeaux (instance A D),

—  77700 € en exécution du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 28 juin 2011 dans le cadre de l’instance Y de Z.

Soit un total de 910311,01 euros dûment justifié.

L’assureur est donc fondé à opposer un refus de paiement pour cause de dépassement d’ores et déjà avéré de son plafond de garantie pour les dommages matériels et immatériels.

Il convient en conséquence de débouter les époux Y de Z de leurs demandes à l’encontre de la compagnie G.

Le jugement sera donc en définitive confirmé, mais par substitution de motifs, en ce qu’il a débouté les époux Y de Z de leurs demandes à l’encontre de la compagnie G.

Il sera en revanche infirmé pour le surplus, et la société I J sera condamnée à payer aux époux Y de Z la somme de 48510 euros en réparation de leur perte de chance.

4 – Sur les demandes accessoires :

Il est équitable de condamner la société I J à payer aux époux Y de Z la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais de procédure irrépétibles de première instance et d’appel.

En revanche, les autres demandes formées sur ce fondement seront rejetées.

La société I J supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare M. et Mme Y de Z irrecevables en leur demande en paiement de la somme de 216713,07 euros en réparation du préjudice lié à l’impossibilité d’user de leur immeuble,

Confirme le jugement, par substitution de motifs, en ce qu’il a débouté M. et Mme Y de Z de leur demande de condamnation de la compagnie G au titre du préjudice locatif,

Confirme le jugement, en ce qu’il a débouté les époux Y de Z au titre du préjudice moral complémentaire,

Infirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la société I J à payer à M. et Mme Y de Z la somme de 48510 € en réparation de leur préjudice locatif,

Y ajoutant,

Condamne la société I J à payer à M. et Mme Y de Z la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société I J aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Michèle ESARTE, président, et par Madame Irène CHAUVIRE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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