Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 9 février 2017, n° 16/00135

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bourges, 1re ch., 9 févr. 2017, n° 16/00135
Juridiction : Cour d'appel de Bourges
Numéro(s) : 16/00135
Décision précédente : Tribunal d'instance de Châteauroux, 3 décembre 2015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

SA/OG

XXX

XXX

SELARL AVELIA AVOCATS

SCP ROUET-HEMERY, ROBIN

LE : 09 FÉVRIER 2017

COUR D’APPEL DE BOURGES CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 09 FÉVRIER 2017

N° – Pages

Numéro d’Inscription au Répertoire Général : 16/00135

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d’Instance de CHÂTEAUROUX en date du 04 Décembre 2015

PARTIES EN CAUSE :

I – SA CABINET X, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

XXX

XXX

Représenté et plaidant par Me Thierry DECRESSAT de la SELARL AVELIA AVOCATS, avocat au barreau de CHÂTEAUROUX

timbre dématérialisé n° 1265 1748 6700 7433

APPELANTE suivant déclaration du 28/01/2016

INCIDEMMENT INTIMÉE

II – M. Z A

né le XXX à XXX

XXX

Représenté et plaidant par Me Sébastien ROBIN de la SCP ROUET-HEMERY, ROBIN, avocat au barreau de CHÂTEAUROUX

timbre dématérialisé n° 1265 1819 8251 0915

INTIMÉ

INCIDEMMENT APPELANT

09 FÉVRIER 2017

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Novembre 2016 en audience publique, la Cour étant composée de :

M. FOULQUIER Président de Chambre

M. GUIRAUD Conseiller, entendu en son rapport

M. PERINETTI Conseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Y

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

***************

La SA CABINET X, expert-comptable, a été chargée de présenter les comptes annuels et de l’établissement de la comptabilité et des déclarations fiscales et sociales de Monsieur Z A qui exploitait un garage automobile à Issoudun.

Estimant ne pas avoir été réglée de l’intégralité de ses honoraires, la SA CABINET X a déposé une requête en injonction de payer auprès du juge du tribunal d’instance de Châteauroux. Par ordonnance en date 27 mars 2014 le juge du tribunal d’instance enjoignait Monsieur Z A de verser à la SA CABINET X la somme de 4 904,84 €.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 19 mai 2014 Monsieur Z A a formé opposition à ladite ordonnance.

Par jugement date du 4 décembre 2015 le tribunal d’instance Châteauroux a :

— déclaré recevable l’opposition formée par Monsieur Z A,

— rétracté l’ordonnance d’injonction de payer et statuant à nouveau,

— rejeté la demande en paiement formée par la SA CABINET X,

— enjoint à la SA CABINET X de fournir à Monsieur Z A le bilan pour l’année 2012,

— rejeté le surplus des demandes reconventionnelles de Monsieur Z A,

— condamné la SA CABINET X à payer à Monsieur Z A la somme de 500 euros au titre de ses frais de défense,

— condamné la SA CABINET X aux dépens.

Par déclaration date du 28 janvier 2016 la SA CABINET X a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions reçues par voie électronique le 11 octobre 2016, auxquelles il est renvoyé plus ample exposé des moyens invoqués à l’appui de son appel, la SA CABINET X demande à la cour :

' vu les articles 1134 et 1315 du Code civil,

' infirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance Châteauroux le 4 décembre 2015 en toutes ses dispositions ;

statuant de nouveau,

' déclarer recevable et bien-fondée la SA CABINET X en ses demandes,

En conséquence,

' condamner Monsieur Z A à payer à la SA CABINET X la somme principale de 4 980, 34 € augmentée des intérêts de droit à compter de la réception de la mise en demeure du 11 janvier 2014 ;

' condamner Monsieur Z A à payer à la SA CABINET X la somme de 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 de procédure civile ;

' déclarer l’appel incident irrecevable et mal fondé ; ' débouter en conséquence Monsieur Z A de l’intégralité de ses demandes plus amples ou contraires ;

' condamner Monsieur Z A aux entiers de la procédure qui comprendront ceux de la procédure d’injonction de payer, donc distraction au profit de la SA AVELIA par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 30 septembre 2016, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués à l’appui de ses prétentions et de son appel incident, Monsieur Z A demande à la cour de :

' confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la SA CABINET X de ses demandes et reconnu la faute de cette dernière en ne remplissant pas ses obligations ;

' infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Monsieur Z A de sa demande indemnitaire ;

Statuant à nouveau,

' dire et juger Monsieur Z A bien-fondé en sa demande indemnitaire ;

condamner la SA CABINET X à lui payer les sommes suivantes :

' 8 000 € au titre du préjudice résultant de l’impossibilité de produire sa comptabilité et de ce fait, constituant une perte de chance d’effectuer une déclaration conforme aux attentes des organismes sociaux et fiscaux ;

' 3 000 € au titre du préjudice résultant de la perte de chance d’avoir pu exposer sa situation dans le cadre de la procédure amiable prévue par le code de déontologie en cas de mise en 'uvre d’un droit de rétention ;

' 3 000 € au titre du préjudice résultant de la résistance abusive du CABINET X au cas où il échouerait à justifier de la mise en 'uvre des conditions d’exercice du droit de rétention ;

' 1 000 € au titre de son préjudice moral ;

' Enjoindre la SA CABINET X de communiquer à Monsieur Z A ses bilans pour les années 2012 et 2013 sous astreinte de 300 € par jour de retard passé le huitième jour après signification de l’arrêt à intervenir ;

' débouter la SA CABINET X de ses demandes ;

' confirmer pour le surplus le jugement attaqué ;

y ajoutant,

' condamner la SA CABINET X à payer à Monsieur Z A la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; ' condamner la SA CABINET X aux entiers dépens, lesquels incluront les frais nécessités par l’éventuelle mise à exécution de la décision à intervenir.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 octobre 2016 et la cause a été fixée à l’audience du 22 novembre 2016 à 14 heures.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la créance de la SA CABINET X

En application des anciennes dispositions de l’article 1134 du code civil applicables aux faits de l’espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Aux termes de l’article 1126 du code civil tout contrat a pour objet une chose qu’une partie s’oblige à donner, ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire.

Selon l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

L’objet de l’obligation de l’expert comptable est d’accomplir une prestation qui doit être déterminée et celle du client de rémunérer cette prestation. Ce contrat, en ce qu’il met à la charge du comptable une obligation de faire, s’analyse comme un contrat d’entreprise.

La charge de la preuve de l’existence du contrat et du coût de sa prestation repose sur l’expert comptable lorsque celui-ci en réclame le paiement.

Comme pour tout contrat d’entreprise, en application des dispositions de l’article 1315 précité du code civil, il appartient au prestataire d’établir que les prestations dont il réclame le paiement ont été effectivement réalisées, et de fournir les éléments de preuve permettant d’apprécier si les sommes facturées correspondent aux dites prestations.

Il est constant que la SA CABINET X, expert-comptable, est intervenue pour le compte de Monsieur Z A en vue de la présentation de ses comptes annuels et d’établissement de ses déclarations fiscales entre 2010 et 2013 tel que cela ressort des écritures respectives des parties.

La SA CABINET X expose détenir une créance à l’encontre de Monsieur Z A d’un montant total de 4 981,34 € au titre de factures impayées établies entre le 10 mai 2011 et le 10 août 2013 s’établissant comme suit:

— facture d’un montant de 598 € du 10 mai 2011 au titre du solde des honoraires pour l’année 2010 ;

— facture d’un montant de 293,02 € du 10 juin 2011 au titre de l’acompte n°2 de juin 2011 ;

— facture d’un montant de 293,02 € du 10 décembre 2011 au titre de l’acompte n°8 de décembre 2011 ;

— facture d’un montant de 388,70 € du 10 septembre 2012 au titre de l’acompte n°5 de septembre 2012 ; – facture d’un montant de 388,70 € du 10 octobre 2012 au titre de l’acompte n°6 d’octobre 2012 ;

— facture d’un montant de 388,70 € du 10 novembre 2012 au titre de l’acompte n°7 de novembre 2012 ;

— facture d’un montant de 388,70 € du 10 décembre 2012 au titre de l’acompte n°8 de décembre 2012 ;

— facture d’un montant de 388,70 € du 10 février 2013 au titre de l’acompte n°10 de février 2013 ;

— facture d’un montant de 388,70 € du 10 mars 2013 au titre de l’acompte n°11 de mars 2013 ;

— facture d’un montant de 388,70 € du 10 avril 2013 au titre de l’acompte n°12 d’avril 2013 ;

— facture d’un montant de 358,80 € du 10 mai 2013 au titre de l’acompte n°1 de mai 2013 ;

— facture d’un montant de 358,80 € du 10 juillet 2013 au titre de l’acompte n°2 de juillet 2013;

— facture d’un montant de 358,80 € du 10 août 2013 au titre de l’acompte n°3 d’août 2013.

Il ressort de ce qui précède qu’au titre de l’année 2010, la SA CABINET X sollicite le paiement d’une facture d’un montant de 598 €, établie le 10 mai 2011, intitulée 'solde des honoraires 2010".

Monsieur Z A fait observer qu’aucune lettre de mission n’a été régularisée contrairement aux obligations déontologiques de l’expert-comptable et qu’en conséquence, en l’absence de devis chiffré et du fait des règlements intervenus, il n’est rien dû.

Cependant, le contrat entre un expert-comptable et son client étant un contrat d’entreprise, sa validité n’est soumise à aucune formalité spéciale et dès lors, les exigences de l’article 151 du décret du 30 mars 2012, dit code de déontologie des expert-comptables, qui prescrit un contrat écrit définissant la mission du professionnel et précisant les droits et obligations des parties, ne relèvent que des règles déontologiques, dont la violation serait susceptible d’être sanctionnée disciplinairement sans que puisse être remis en cause la validité de la convention.

La SA CABINET X ne conteste pas qu’aucune lettre de mission n’a été régularisée pour l’année 2010 et pour justifier de sa créance, elle produit le compte-rendu de mission signé entre les parties le 12 mai 2011 sur l’établissement des comptes annuels au 31 décembre 2010.

Hormis la facture et le compte-rendu de mission, la SA CABINET X ne produit aucun élément sur le détail des prestations à réaliser pour l’année 2010 ni leur prix de sorte qu’il ne peut être déterminé si le solde de facture dont il est sollicité le paiement peut être dû.

En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge l’a déboutée de sa demande, celle-ci étant défaillante à rapporter la preuve de l’obligation dont elle demande l’exécution relative au paiement du solde de ses honoraires pour l’année 2010.

Au titre de l’année 2011, la SA CABINET X sollicite le paiement de deux factures d’un montant de 293,02 € chacune, la première correspondant à l’acompte n° 2 et l’autre à l’acompte n°8. Si pour la période susmentionnée la réalité de la relation contractuelle est avérée, il ne peut être déterminé ni l’accord sur l’étendue de la mission ni le coût des prestations réalisées dont il est demandé paiement.

En effet, hormis les deux factures et le compte-rendu de mission, la SA CABINET X ne produit aucun élément précis sur le coût de sa mission, étant observé que l’accord régularisé entre les parties le 13 juin 2012 par lequel il a été convenu qu’il serait établi les écritures comptables du journal de banque du 1er septembre au 31 décembre 2011 moyennant le versement d’un honoraire qui ne pourra excéder 1 000 € HT ne saurait pallier à cette carence dans la mesure où cet accord ne prévoit qu’un coût maximal d’une prestation qui n’entrait pas dans le champ contractuel initial et dont il n’est pas justifié de la réalisation.

En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge a débouté la SA CABINET X de sa demande de paiement du solde de ses honoraires pour l’année 2011.

Au titre des années 2012 et 2013, les parties ont régularisé un accord le 16 février 2012 par lequel la SA CABINET X s’engageait à la tenue de la comptabilité à l’exception du journal de caisse et l’établissement des comptes annuels, des déclarations de fin de période et des bulletins de salaires avec les charges moyennant un honoraire annuel d’un montant de 3 600 € HT, à parfaire en fonction des temps passés et des prestations fournies, outre 315 € HT pour l’établissement des bulletins de salaire et par salarié et 90 € HT pour la rédaction d’un contrat de travail.

L’accord ainsi conclu prévoyait que celui-ci se renouvellerait chaque année par tacite reconduction sauf dénonciation par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de trois mois avant la fin de l’exercice en cours.

L’accord ainsi intervenu a été confirmé par un courrier à l’en-tête de Monsieur Z A, signé par les deux parties, en date du 20 mars 2012.

Dès lors, non seulement la relations contractuelle entre les parties est démontrée mais également le coût de la prestation de l’expert-comptable a été chiffré.

Monsieur Z A soutient qu’il n’est pas tenu au paiement des sommes réclamées au titre des années 2012-2013 au motif qu’à compter du mois de septembre 2012 la SA CABINET X a cessé d’effectuer tout travail comptable pour son compte et que son bilan pour cette même année n’a jamais été établi ainsi que celui de l’année 2013.

Cependant, il résulte des pièces produites aux débats qu’un compte-rendu de mission a été établi le 22 mars 2013 pour l’année 2012 duquel il ressort une analyse comptable de l’activité de Monsieur Z A en comparaison avec l’année 2011.

Si ce document n’a pas été signé par Monsieur Z A, il ne peut se déduire, comme il le prétend, que la prestation convenue n’a pas été effectuée pour l’année 2012.

Il résulte en outre de l’analyse des factures d’acomptes que celles-ci correspondent à un montant légèrement inférieur à celui initialement convenu pour la tenue de la comptabilité avec un salarié qui n’était autre que l’épouse de Monsieur Z A. Ce dernier ne saurait prétendre non plus que la SA CABINET X a cessé d’effectuer tout travail comptable pour son compte, même si certaines déclarations n’ont pas été effectuées, alors qu’il reconnaît l’avoir sollicitée pour la mise en place de la rupture conventionnelle du contrat de travail le liant à son épouse en février 2013.

Dès lors Monsieur Z A est débiteur à l’égard de la SA CABINET X de la somme de 3 797,30 € pour le solde de ses honoraires qui lui sont dus du 1er janvier 2012 au 30 août 2013 date à laquelle ont été arrêtés les comptes après que ce dernier ait cessé son activité.

En conséquence le jugement dont appel doit être infirmé en ce qu’il a débouté la SA CABINET X de sa demande de paiement de ses honoraires pour les années 2012 et 2013.

En raison du caractère erroné des montants réclamés dans la mise en demeure adressée par la SA CABINET X à Monsieur Z A, la somme allouée ne portera intérêts qu’à compter du prononcé du présent arrêt.

Sur la demande de dommages et intérêts de Monsieur Z A

En application de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable aux faits de l’espèce, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Monsieur Z A demande de condamner la SA CABINET X à lui payer la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts du préjudice résultant de l’impossibilité de produire sa comptabilité constituant une perte de chance d’effectuer une déclaration conforme aux attentes des organismes sociaux et fiscaux.

Il est justifié par Monsieur Z A que ses déclarations de résultats pour les années 2012 et 2013 n’ont pas été déposées et qu’il a rencontré des difficultés pour faire établir un chiffrage des cotisations qu’il devrait au RSI.

L’article 156 du décret du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable dispose que l’expert-comptable doit exercer sa mission jusqu’à son terme normal. Toutefois, il peut, en s’efforçant de ne pas porter préjudice à son client ou adhérent, l’interrompre pour des motifs justes et raisonnables, tels que la perte de confiance manifestée par le client ou l’adhérent ou la méconnaissance par celui-ci d’une clause substantielle du contrat.

S’il n’est pas établi par Monsieur Z A qu’il ait fait l’objet d’une taxation d’office ou qu’il ait dû régler des pénalités et s’il est en partie à l’origine de ses désagréments en n’ayant pas respecté lui-même les termes de la convention qui le liait à son expert-comptable en s’abstenant de régler certaines mensualités prévues par la convention, il convient d’observer que la SA CABINET X ne l’a pas mis en demeure de régler ce qu’il lui devait ni menacé d’interrompre sa mission.

La cour observe par ailleurs que l’appelante ne justifie nullement avoir relancé Monsieur Z A pour le règlement de ses honoraires en 2012 ou en 2013. Dès lors, la SA CABINET X se devait d’établir les documents comptables et procéder aux déclarations sociales et fiscales qui relevaient de sa mission jusqu’à ce qu’elle prenne les mesures nécessaires pour suspendre sa prestation.

Le défaut de diligence de la SA CABINET X a nécessairement causé un préjudice à Monsieur Z A en raison des démarches que ce dernier a dû et devra accomplir pour régulariser sa situation.

En considération de ce qui précède, il convient d’allouer à Monsieur Z A la somme de 1 000 € dommages et intérêts du préjudice résultant de l’impossibilité de produire sa comptabilité constituant une perte de chance d’effectuer une déclaration conforme aux attentes des organismes sociaux et fiscaux.

Il convient d’observer qu’en l’absence de demande liée à un dédommagement sur les erreurs invoquées sur la rupture conventionnelle du contrat de travail qui liait Monsieur Z A à son épouse et qui a été mise en oeuvre par la SA CABINET X, il n’y a pas lieu de prendre en compte ce fait invoqué dans l’évaluation du préjudice.

Monsieur Z A demande de condamner la SA CABINET X à lui payer la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant de la perte de chance d’avoir pu exposer sa situation dans le cadre de la procédure amiable prévue par le code de déontologie en cas de mise en oeuvre d’un droit de rétention.

Le droit de rétention de l’expert-comptable résultant de l’article 1948 du code civil est expressément réglementé par l’article 168 du décret du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable.

Selon ce texte, le droit de rétention de l’expert-comptable ne peut porter que sur les travaux effectués par lui et ne peut être exercé pour des actes qu’il a réalisés correspondant à des missions précédentes qui lui ont déjà été réglées ni sur des documents qui ne résultent pas de la création de l’expert-comptable ou ne comportent pas un apport personnel de sa part.

L’expert-comptable doit informer le président du conseil régional de l’ordre de la circonscription dans laquelle il est inscrit de tout litige contractuel qui le conduit à envisager de procéder à la rétention des travaux effectués faute de paiement des honoraires par le client ou adhérent.

Enfin, les sommes réclamées par l’expert-comptable doivent, en outre, correspondre à une créance certaine, liquide et exigible.

En l’espèce, il n’est nullement justifié par la SA CABINET X qu’elle ait accompli les démarches nécessaires en vue de l’exercice de son droit de rétention qui aurait pu permettre l’arbitrage éventuel du Président du conseil de l’Ordre des expert-comptables.

La cour observe qu’en première instance la SA CABINET X n’avait nullement invoqué l’exercice de son droit de rétention.

Cependant en l’absence de démonstration par Monsieur Z A d’un préjudice lié au défaut de l’accomplissement des modalités d’exercice du droit de rétention de son expert-comptable, il convient de le débouter de sa demande de dommages et intérêts. Monsieur Z A demande également de condamner la SA CABINET X à lui payer la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant de la résistance abusive de la SA CABINET X au cas où il échouerait à justifier de la mise en oeuvre d’un droit de rétention.

Ce chef de demande ne saurait prospérer dans la mesure où le préjudice indemnisable doit être né et actuel et qu’il est sollicité l’indemnisation d’une situation dommageable, si tant est qu’elle soit fautive, éventuelle.

En conséquence, il convient de débouter Monsieur Z A de ce chef de demande.

Monsieur Z A demande de condamner la SA CABINET X à lui payer la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

À défaut de démonstration du préjudice invoqué, il convient de débouter Monsieur Z A de ce chef de demande.

Sur la demande de remise des bilans des années 2012 et 2013

L’article 156 du décret du 30 mars 2012 précité, relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable, dispose que l’expert-comptable doit exercer sa mission jusqu’à son terme normal. Toutefois, il peut, en s’efforçant de ne pas porter préjudice à son client ou adhérent, l’interrompre pour des motifs justes et raisonnables, tels que la perte de confiance manifestée par le client ou l’adhérent ou la méconnaissance par celui-ci d’une clause substantielle du contrat.

Il est constant que la convention liant les parties n’ayant pas été dénoncée, la SA CABINET X se devait d’accomplir sa mission.

En conséquence, le jugement dont appel doit recevoir confirmation en ce qu’il a enjoint la SA CABINET X à remettre à Monsieur Z A le bilan pour l’année 2012.

En cause d’appel, la SA CABINET X n’invoque plus l’impossibilité pour elle d’établir le bilan pour l’année 2013 en raison d’un défaut de communication de certains éléments comptables, son refus de remise de ce document étant fondé sur l’exercice de son droit de rétention.

Dès lors, en l’absence de dénonciation du contrat liant les parties, la SA CABINET X se devait de remettre à Monsieur Z A son bilan pour l’année 2013.

En conséquence, le jugement dont appel sera infirmé en ce qu’il a débouté Monsieur Z A de ce chef de demande.

Les faits de l’espèce ne justifient pas d’assortir l’injonction de remettre les bilans comptables de Monsieur Z A au titre de son activité de garage automobile d’une astreinte.

Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Eu égard à la solution du litige, le jugement dont appel sera infirmé en ce qu’il a condamné la SA CABINET X à payer à Monsieur Z A la somme de 500 € au titre de ses frais de défense. L’équité ne justifie pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer recevable, débouté la SA CABINET X de ses demandes en paiement pour les années 2010 et 2011 et ordonné la remise du bilan pour l’année 2012 ;

Infirme le jugement dont appel pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Condamne Monsieur Z A à payer à la SA CABINET X la somme de 3 797,30 €, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt, au titre du solde de ses honoraires pour les années 2012 et 2013 ;

Condamne la SA CABINET X à payer à Monsieur Z A la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Enjoint à la SA CABINET X de fournir à Monsieur Z A le bilan pour l’année 2013 au titre de son activité de garage ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.

L’arrêt a été signé par M. FOULQUIER, Président, et par Mme Y, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. Y Y. FOULQUIER

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