Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 19 novembre 2020, n° 19/01240

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, ch. soc. sect. 1, 19 nov. 2020, n° 19/01240
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 19/01240
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lisieux, 24 février 2016, N° F15/00107
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 19/01240

N° Portalis DBVC-V-B7D-GJ2Z

Code Aff. :

ARRET N° C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LISIEUX en date du 25 Février 2016 RG n° F 15/00107

COUR D’APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2020

APPELANT :

Monsieur A X

[…]

[…]

Non comparant, ayant pour conseil Me Urielle SEBIRE, avocat au barreau de LISIEUX

INTIMEE :

Association CLUB HONFLEURAIS D’ACTIVITES NAUTIQUES représentée par son Président, Monsieur C D

[…]

[…]

Représentée par Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme NIRDÉ-DORAIL, Présidente de chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 01 octobre 2020

GREFFIER : Mme LE GALL

ARRÊT prononcé publiquement le 19 novembre 2020 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme NIRDÉ-DORAIL, présidente, et Madame POSÉ, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

M. A X a été embauché par l’Association Club Honfleurais d’Activités Nautiques (l’Association Chan) à compter du 1er septembre 2010 en qualité d’enseignant à temps plein.

Le contrat de travail prévoyait un accord de modulation du temps de travail.

Le 8 juillet 2011, M. A X a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 19 juillet 2011.

Le 23 août 2011, il s’est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, le 22 septembre 2011, il a saisi le conseil de prud’hommes de Lisieux qui par jugement en date du 25 février 2016 a :

— condamné l’Association Club Honfleurais d’Activités Nautiques à lui payer les sommes de :

. 1 900 euros bruts au titre du défaut de procédure,

. 3 800 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— débouté M. A X de ses demandes de 1 793,74 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,

de 11 400 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de 4 000 euros au titre du préjudice moral,

— ordonné la remise de l’attestation Pôle Emploi modifiée sous astreinte.

Le 17 mars 2016, l’Association Chan a relevé appel de ce jugement.

L’affaire a fait l’objet d’une radiation le 29 mai 2017.

Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions communiquées et déposées le 17 avril 2019 pour M. A X et le 27 novembre 2019 pour l’Association Chan.

M. A X demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’Association Chan à lui verser la somme de 1 900 euros au titre du défaut de procédure,

— l’infirmer pour le surplus et de condamner l’Association Chan à lui payer les sommes suivantes :

. 1 793,74 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,

. 179,37 euros au titre du rappel de congés payés y afférents,

. 11 400 euros bruts au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

. 15 200 euros à titre de dommages pour rupture abusive du contrat de travail,

. 4 000 euros en réparation du préjudice moral,

. 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— de lui remettre des bulletins de paie, une attestation Pôle Emploi ainsi qu’un solde de tout compte rectifié sous astreinte.

L’Association Chan demande à la cour de :

— infirmer le jugement,

à titre principal,

— dire que le licenciement est régulier et repose sur une cause réelle et sérieuse,

— débouter M. A X de toutes ses demandes,

à titre subsidiaire,

— dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

— allouer à M. A X une indemnité pour irrégularité de procédure d’un montant maximum de 1 900 euros bruts,

— le débouter du surplus de ses demandes,

si la cour juge le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

— rejeter la demande pour irrégularité de procédure au visa de l’article L. 1235-5 du code du travail dans sa version en vigueur au moment du licenciement,

— confirmer le jugement en ce qu’il a fixé le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 3 800 euros bruts,

— statuer ce que de droit sur les dépens.

L’affaire appelée pour la première fois à l’audience du 16 janvier 2020 a été renvoyée au 2 avril 2020 puis au 25 juin 2020 pour cause de grève des avocats puis au 1er octobre 2020 pour refus des parties de la procédure sans audience prévue par l’ordonnance du 25 mars 2020.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- SUR L’EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

- Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Le contrat de travail de M. X se référait à l’article 5.2.3.1 de la Convention Collective Nationale du Sport du 7 juillet 2005 étendue par arrêté du 21 novembre 2006 qui dispose :

« La modulation du temps de travail devra s’effectuer sur une période définie de 12 mois consécutifs, dans les conditions et limites suivantes :

1. Sur cette période annuelle, la durée de travail ne pourra pas excéder 1575 heures auxquelles s’ajoute la journée de solidarité définie à l’article L.3133-7 du code du travail. Cette réduction du temps de travail correspond au moins à 3 jours non travaillés, en dehors des congés payés et des jours fériés.

2. Le plafond de la modulation est fixé à 48 heures, le plancher à 0 heure.

3. Une période de haute activité correspond à une durée hebdomadaire égale ou supérieure de 41 heures. Chaque période de haute activité ne pourra être organisée sur plus de 8 semaines consécutives, les intervalles entre 2 périodes hautes ne pouvant être inférieurs à 2 semaines de 35heures hebdomadaires ou de congés payés.

4. Le nombre de semaines travaillées de 48 heures ne peut excéder 14 semaines par an.

5. La moyenne du temps de travail ne pourra pas dépasser sur 12 semaines consécutives 44 heures conformément aux dispositions de l’article L.3121-36 du code du travail.

6. Pour les périodes d’activité réduite, la modulation pourra s’effectuer sous la forme de journée ou demi-journée non travaillée.

7. Constituent des heures supplémentaires non programmées soumises aux dispositions des articles L. 3121-11 et L. 3121-22 du code du travail et 5.1.2 de la CCNS.:

-les heures effectuées au-delà du plafond de la modulation, soit 48 heures, sous réserve de l’autorisation de l’inspecteur du travail ;

-ainsi que les heures effectuées au-delà de la durée annuelle fixée au 1, à l’exclusion des heures ci-dessus.

Dans ce cas, le contingent d’heures supplémentaires est limité à 70 heures par an. »

L’employeur en déduit que le salarié était soumis à une durée hebdomadaire de travail, hors heures supplémentaires, ne devant pas excéder en moyenne 35 heures par semaine travaillée, et 1.575 heures sur l’année avec le plafond de la modulation fixé à 48 heures et le plancher à 0 heure.

Mais c’est à bon droit que le salarié se prévaut des dispositions de l’article D. 3121-25 du code du travail pour soutenir qu’étant arrivé en septembre 2010 et licencié en août 2011, soit au cours d’une année de référence, l’accord de modulation ne lui est pas applicable. La cour observe que l’employeur, dans ses écritures, distingue deux périodes en se référant à l’année civile.

Cependant, le salarié demeure soumis aux règles de preuve tirées de l’article L. 3171-4 du code du travail qui lui imposent d’étayer au préalable sa demande d’heures supplémentaires en fournissant des éléments qui mettent l’employeur en mesure de lui répondre.

L’Association Chan objecte, à juste titre, que le décompte sur lequel s’appuie M. X (pièce 13) ne satisfait pas à cette exigence car le salarié se borne à indiquer la durée globale hebdomadaire de travail, en mentionnant en gras les semaines dépassant la durée hebdomadaire de 35 heures sans aucunement préciser les heures de début et de fin de journée et de pauses ainsi que les jours d’absences pour jours fériés comme le jeudi 11 novembre 2010 ou pour fermeture de l’établissement ; ce décompte comporte d’ailleurs des incohérences avec les écritures du salarié qui pour une même durée alléguée d’heures supplémentaires ne reprennent pas par exemple une semaine de 42h 35 du 28 mars au 3 avril 2011.

Le jugement qui a débouté M. X de sa demande de rappel d’heures supplémentaires mérite confirmation.

- Sur l’indemnité pour travail dissimulé

Le débouté au titre des heures supplémentaires entraîne celui au titre de l’indemnité pour travail dissimulé et la confirmation du débouté de ce chef.

- SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

- Sur l’irrégularité de la procédure de licenciement

Il est constant que :

— par LRAR en date du 8 juillet 2011, l’Association Chan a convoqué le salarié en vue de son éventuel licenciement, à un entretien préalable à cette mesure fixé 19 juillet 2011 ;

— par lettre recommandée du 1er août 2011, l’Association a, dans un premier temps, renoncé à poursuivre la procédure de licenciement pour lui 'donner une nouvelle occasion d’accomplir les missions pour lesquelles (il avait) été engagé' ;

— par lettre recommandée du 23 août 2011, l’Association lui a notifié le licenciement.

La notification du licenciement étant intervenue plus d’un mois après la tenue du premier entretien préalable, l’Association s’en rapporte à justice quant à la demande formulée au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement pour absence de tenue d’un second entretien préalable.

A cet égard, la cour observe que le salarié n’entend pas exciper du caractère disciplinaire de son licenciement au vu des griefs notamment d’insubordination énoncés dans la lettre de licenciement pour tirer toutes conséquences de la notification de la lettre de licenciement plus d’un mois après la date de l’entretien. Cette analyse sur le dépassement du délai de notification conduirait à dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est rappelé que l’article L. 1235-2 in fine du code du travail, dans sa version applicable au licenciement de M. X, disposait que : 'Si le licenciement d’un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ' mais il résultait de la combinaison de ce texte avec l’article L. 1235-5 que le droit à cette indemnité différait selon l’effectif de l’entreprise et l’ancienneté du salarié et que contrairement à ce que soutient l’employeur, le salarié qui a moins de 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise peut cumuler son indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec une indemnité pour irrégularité de la procédure.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’Association Chan à payer au requérant une indemnité pour irrégularité de procédure d’un montant de 1 900 euros qui se cumulera avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sera allouée ci-après.

Le salarié a effectivement un préjudice de ne pas avoir été convoqué à un second entretien préalable pour faire s’expliquer sur le dernier grief qui était ajouté après la chance qui lui avait été offerte.

- Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement reproche au salarié les griefs :

—  « Refus d’assumer le pointage des adhérents de la natation, malgré de nombreuses réclamations de notre part ;

- Absence de contrôle des adhésions des jeunes venant aux entraînements, si bien que certains jeunes ont participé aux séances, sans être assurés ;

- Non-respect des procédures prévues par la fédération Française de natation concernant les inscriptions des engagements de nageurs ;

- Refus d’organiser la journée de compétition de fin d’année, parents/enfants, traditionnellement prévue à la fin de l’année scolaire ;

- Nombreux retards dans la prise de fonction, ayant provoqués l’annulation des séances de piscine ou d’aquagym, sans que les adhérents aient pu en être informés préalablement ;

- Absentéisme régulier contraignant Madame Y à vous remplacer au pied levé ;

- Attitude sélective, voire discriminatoire à l’égard de certains nageurs, qui manifestement n’avaient pas « l’heur de vous plaire » etc’ »

L’Association communique sur la procédure des attestations de parents d’enfants ayant suivi les cours de natation dispensés par M. X, d’usagers des installations sportives, de Mme Y, du président et de la trésorière du Club :

— qui témoignent de comportements du salarié qui ne sont pas visés par la lettre de licenciement comme son manque de pédagogie envers les élèves notamment les plus jeunes ou son manque de surveillance des usagers au mépris de leur sécurité notamment une adulte d’un cours d’aquaphobie qui a failli se noyer sans qu’il ne s’en aperçoive ;

— mais en l’absence d’éléments fournis par l’employeur sur l’étendue des missions contractuelles du salarié engagé pour exercer des fonctions d’enseignement, telles que la fiche de poste à laquelle fait allusion son contrat de travail, il est impossible de déterminer si M. X était tenu d’effectuer des tâches de soutien à des activités de plongées ou à l’organisation d’une fête de fin d’année ainsi que des missions administratives dont les manquements lui sont reprochés comme renseigner des fiches d’adhérents.

Restent les manquements à la ponctualité qui ont contraint à son remplacement au pied-levé qui sont établis par les témoignages d’usagers et de Mme Y qui devait le remplacer, la cour considère qu’ils ne sont pas suffisants pour justifier la rupture du contrat de travail, ce qui était d’ailleurs la position adoptée par l’employeur dans son courrier du 1er août 2011 lui offrant une seconde chance, son revirement étant uniquement motivé par le refus de signer un avenant à son contrat de travail postérieur à l’entretien préalable qui était de son droit sauf abus qui n’est pas démontré.

La cour confirme le jugement en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour considère que le conseil de prud’hommes a fait une juste évaluation du préjudice matériel et moral subi par M. X en prenant en compte son âge de 35 ans au moment de la rupture, sa faible ancienneté et sa dernière rémunération (qui n’inclut pas de rappel d’heures supplémentaires).

Il n’y a pas lieu d’assortir la remise des documents de fin de contrat de travail d’une astreinte dont la nécessité n’est pas démontrée par le salarié.

- Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

La cour considère que le salarié qui ne fait pas la démonstration d’un préjudice distinct de celui déjà réparé par l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera débouté de sa demande de préjudice moral de ce chef.

- Sur les autres points

L’employeur sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et à payer une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, PAR DECISION CONTRADICTOIRE,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a condamné l’Association Club Honfleurais d’Activités Nautiques Chan à verser à M. A X la somme de 1 900 euros au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement, la somme de 3 800 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’a débouté de ses demandes à titre de rappel d’heures supplémentaires, au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, au titre de la réparation du préjudice moral ;

STATUANT à nouveau des chefs infirmés et Y AJOUTANT :

DIT n’y avoir lieu à astreinte ;

CONDAMNE l’Association Club Honfleurais d’Activités Nautiques à payer à M. A X la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure ;

CONDAMNE l’Association Club Honfleurais d’Activités Nautiques aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

V. POSÉ R. NIRDÉ-DORAIL

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