Cour d'appel de Caen, 2e chambre civile, 20 octobre 2022, n° 21/02116

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 2e ch. civ., 20 oct. 2022, n° 21/02116
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 21/02116
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Caen, 28 juin 2021, N° 11-19-1572
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 25 octobre 2022
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Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 21/02116 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GZQJ

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION du Président du TJ de CAEN en date du 29 Juin 2021 – RG n° 11-19-1572

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022

APPELANTE :

[12]

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Florian LEVIONNAIS, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Thierry BOISNARD, avocat au barreau d’ANGERS

INTIMES :

[13]

[Adresse 5]

[Localité 2]

pris en la personne de son représentant légal

non représenté, bien que régulièrement convoqué

Monsieur [R] [M] [X] [Z]

né le 12 Mars 1967 à [Localité 11] ([Localité 11])

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté et assisté de Me Aurélie FOUCAULT, avocat au barreau de CAEN

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022021007598 du 25/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CAEN)

DEBATS : A l’audience publique du 20 juin 2022, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 20 octobre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant déclaration du 12 avril 2019, M. [R] [Z] a demandé le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement prévues aux articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation.

Par décision du 31 mai 2019, la commission de surendettement a déclaré sa demande recevable, puis, constatant la situation irrémédiablement compromise du débiteur, a recommandé, dans sa séance du 28 août 2019, une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au profit de M. [Z].

La société [13] a contesté les mesures imposées par la commission de surendettement.

Par jugement du 29 juin 2021, le tribunal judiciaire de Caen a, principalement:

— débouté la [13] de son recours ;

— constaté que la situation de M. [Z] est irrémédiablement compromise au sens de l’article L. 724-1 du code de la consommation ;

— prononcé au profit de M. [Z] une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ;

— rappelé que cette clôture entraîne l’effacement de toutes les dettes non professionnelles et professionnelles nées antérieurement au présent jugement et, le cas échéant, de la dette résultant de l’engagement que le débiteur a donné de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société à l’exception de celles dont le prix a été payé au lieu et place des débiteurs par la caution ou le coobligé personnes physiques, des dettes alimentaires, des réparations pécuniaires allouées aux victimes au titre d’une condamnation pénale, des dettes pénales, des dettes ayant pour origine des manoeuvres frauduleuses commises au préjudices des organismes de protection sociale, ainsi que les dettes issues de prêts sur gage souscrits auprès des caisses de crédit municipal ;

— rappelé qu’en application de l’article R. 741-2 du code de la consommation, les créanciers qui n’auraient pas été convoqués à l’audience d’ouverture pourront former tierce opposition au présent jugement, et qu’à défaut d’une tierce opposition dans un délai de deux mois à compter de la publicité, leurs créances seront éteintes ;

— dit que les frais de publicité seront avancés par le Trésor public en application de l’article R. 332-15 du code de la consommation ;

— débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

— laissé les dépens à la charge du Trésor public.

Le jugement a été notifié aux débiteurs et aux créanciers par lettres recommandées, dont l’avis de réception a été signé par la [12] le 30 juin 2021.

Par lettre recommandée du 13 juillet 2021 adressée au greffe de la cour, la [12] a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 3 mars 2022, la cour d’appel de Caen a ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties d’apporter des précisions sur le changement de la situation financière du débiteur.

A l’audience du 20 juin 2022, la [12] est représentée par son conseil, qui soutient oralement ses conclusions écrites demandant à la cour de :

In limine litis,

Ordonner le sursis à statuer de la présente instance dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel d’Angers à intervenir dans la procédure opposant M. [Z] aux cédants de l’étude notariale reprise et de la [14] et des inspecteurs,

Subsidiairement,

Dire et juger la [12] recevable et bien fondée en son appel,

Infirmer le jugement dont appel et :

Constater qu’il n’est pas justifié d’une situation irrémédiablement compromise, ni de la bonne foi de M. [Z],

Réformer intégralement le jugement dont appel,

Débouter M. [Z] de sa demande d’orientation vers un rétablissement personnel avec effacement des dettes,

En toute hypothèse,

Dire et juger que la dette de M. [Z] d’un montant de 28.320,93 euros au titre des avoirs dus à ses anciens clients ne peut être effacée,

Condamner M. [Z] à verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [Z] aux entiers dépens.

Au soutien de sa demande de sursis à statuer, l’appelante indique qu’un contentieux en responsabilité a été engagé par M. [Z], faisant valoir que cette procédure, qui concerne la créance de la [12], a une incidence directe soit sur l’appréciation de la mauvaise foi du débiteur, si la faute du débiteur dans l’exercice de ses activités professionnelles qui sont à l’origine de son passif, venait à être confirmée, soit sur son état de surendettement, qui ne serait plus caractérisé, si le débiteur venait à obtenir gain de cause. S’agissant du fond de l’affaire, le conseil de l’appelante soutient oralement ses conclusions écrites.

M. [Z] est représenté par son conseil, qui soutient oralement ses conclusions écrites, sollicitant à la cour de :

Déclarer irrecevable l’appel formé par la [12] contre le jugement entrepris pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,

A titre subsidiaire,

Déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer formée par la [12],

Confirmer le jugement rendu par le juge du contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Caen du 29 juin 2021 en toutes ses dispositions,

Débouter la [12] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En toutes hypothèses,

Condamner la [12] à verser à la SELARL [7] représentée par maître [T] la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 2° du code de procédure civile.

Condamner la même aux entiers dépens.

Au soutien de l’irrecevabilité des demandes formulées par l’appelante, M. [Z] soulève le moyen tiré du défaut de qualité et d’intérêt à agir. Il fait valoir que la [12] n’est pas partie à la procédure de surendettement, dès lors que sa créance ne figure pas à l’état descriptif des dettes établi par la commission, qu’elle n’a pas demandé l’inclusion de cette créance au plan d’apurement, ni formé de recours à l’encontre de la décision de la commission dans un délai de deux mois suivant la publication de la mesure de rétablissement au bulletin d’annonces légales. M. [Z] conteste en outre l’existence même de sa dette à l’égard de la [10], expliquant que la créancière ne dispose d’aucun titre exécutoire, sa créance étant étayée uniquement par un rapport dressé par l’expert comptable, transmis au débiteur plusieurs années après les faits.

S’agissant de l’appréciation de sa bonne foi dans le cadre de la procédure de surendettement, M. [Z] estime que les éléments produits par la [12], ne suffisent pas pour mettre en cause la présomption de bonne foi dont il jouit et que sa mauvaise foi ne saurait être déduite de sa seule faute professionnelle, fut-elle avérée. Le débiteur indique qu’au vu de son état d’endettement et compte tenu des ressources mensuelles perçues, des charges exposées et de l’absence de perspective de retour à meilleure fortune, sa situation financière est irrémédiablement compromise au sens de l’article L. 724-1 du code de la consommation, la mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire prononcée étant justifiée. Il estime que sa dette professionnelle peut faire l’objet d’un effacement en application de l’article L. 741-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n°2019-734 du 17 juin 2020, les dispositions de ce texte étant d’application immédiate à compter de sa date d’entrée en vigueur le 20 juin 2020.

Malgré signature de l’avis de réception de sa lettre de convocation, le [13] n’a pas été représenté et n’a pas formulé d’observations par écrit.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel, formé au greffe de la cour dans le délai de 15 jours suivant la notification du jugement déféré, est recevable en application des dispositions de l’article R.713-7 du code de la consommation.

Sur la demande de sursis à statuer

Il résulte de l’application combinée des articles 73, 74 et 378 du code de procédure civile que la demande tendant à faire suspendre le cours de l’instance est une exception de procédure qui doit être présentée, à peine d’irrecevabilité, avant toute fin de non-recevoir ou défense au fond de son auteur.

En l’espèce, la demande de sursis à statuer formée par l’appelante au vu de la procédure judiciaire engagée par M. [Z], a été soulevée directement en appel.

Or, il résulte des éléments figurant au dossier de procédure que la [12] était au courant de l’action en responsabilité introduite par le débiteur et des conséquences que le succès de cette procédure judiciaire pourrait avoir sur la situation financière de ce dernier, et qu’elle s’est abstenue de solliciter un sursis à statuer en première instance, où elle a fait directement valoir son argumentation au fond.

Dès lors, la demande de sursis à statuer formée par la [12] doit être déclarée irrecevable.

Sur la recevabilité des demandes formées par la [12]

Sur la qualité et l’intérêt à agir de la [12]

L’article 31 du code de procédure civile énonce que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 123 du même code dispose que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

En l’espèce, M. [Z] soulève le défaut de qualité et d’intérêt à agir de l’appelante, le débiteur faisant valoir que la [12] n’est pas partie à la procédure de surendettement, la créance à hauteur de 28.320,93 euros qu’elle déclare détenir ne figurant pas à l’état descriptif des dettes établi par la commission, qu’elle n’a pas sollicité l’inclusion de ladite créance au plan d’apurement, ni formé de recours à l’encontre de la décision de la commission dans un délai de deux mois suivant la publication de la mesure de rétablissement personnel au bulletin d’annonces légales. En réplique, la [12] estime qu’en application de l’article 564 du code de procédure civile, ce moyen d’irrecevabilité ne peut pas être soulevé pour la première fois en appel.

Or, le défaut d’intérêt et de qualité à agir s’analyse en une fin de non-recevoir pouvant être soulevée en tout état de cause par les parties à la procédure.

Dès lors, M. [Z] peut se prévaloir du défaut d’intérêt et de qualité à agir de la [12] pour la première fois en cause d’appel.

S’agissant du bien-fondé de ce moyen d’irrecevabilité, il y a lieu d’observer que la [12] a été partie à la procédure en première instance, qu’elle a formulé des demandes tendant à remettre en question la bonne foi du débiteur et le caractère irrémédiablement compromis de sa situation, qu’elle prétend en outre détenir à l’encontre du débiteur une créance antérieure à la décision de recevabilité de M. [Z] au bénéfice de la procédure de surendettement, créance qui se trouverait nécessairement affectée par le prononcé d’une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Enfin, si le débiteur reproche à la Caisse de garantie des notaire le fait de ne pas avoir formé de recours à l’encontre de la décision de la commission dans le délai de deux mois suivant la publication de la mesure de rétablissement, il ressort du dossier de procédure que cette mesure n’a fait l’objet d’une publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) que le 29 juin 2021, soit le même jour du jugement entrepris prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au profit de M. [Z].

Au vu de ces éléments, il convient de dire que le moyen d’irrecevabilité soulevé par M. [Z] n’est donc pas justifié.

Sur l’absence de réalité de la dette de M. [Z] à l’égard de la [12]

Au soutien de l’irrecevabilité des demandes formées par l’appelante, l’intimé fait valoir l’absence de réalité de sa dette à l’égard de la Caisse régionale, précisant que cette dernière n’a vocation à intervenir dans le cadre de la garantie collective des notaires que dans des circonstances précises, qu’elle ne produit pas aux débats les réclamations des clients dont l’indemnisation serait à l’origine de sa créance à l’encontre du débiteur, qu’enfin cette créance à hauteur de 28.320,90 euros, non déclarée au passif de la procédure de surendettement, a été constatée uniquement par un rapport établi par l’inspecteur comptable, et qu’elle a été portée à la connaissance du débiteur plus de huit ans après les faits visés et postérieurement au dépôt de son dossier.

En réplique, la [12] expose que la créance qu’elle détient à l’encontre de M. [Z] a été reconnue par le débiteur, ce dernier ayant informé la commission de surendettement de l’existence de cette dette par deux courriers en date du 14 octobre 2019 et du 10 décembre 2019.

Il convient de relever que l’existence du droit invoqué par l’une ou l’autre des parties à l’instance est un moyen de défense au fond et non une condition de recevabilité de l’action.

Il s’ensuit que le caractère réel de la créance détenue par la [12] à l’encontre de M. [Z] est sans incidence s’agissant de la recevabilité des demandes formées par la créancière.

Dès lors, il y a lieu de dire que les demandes formées par la [12] à l’encontre de M. [Z] sont recevables.

Sur la bonne foi du débiteur

Aux termes de l’article L. 711-1 du code de la consommation le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi qui se trouvent dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de leurs dettes non professionnelles exigibles et à échoir.

Le juge saisi d’une contestation des mesures imposées par la commission peut, en application de l’article L. 733-12 du code de la consommation, vérifier, même d’office, la validité des créances et des titres qui les constatent ainsi que le montant des sommes réclamées et s’assurer que le débiteur se trouve bien dans la situation définie à l’article L. 711-1.

Il résulte de ces dispositions que la bonne foi des débiteurs constitue une condition nécessaire pour bénéficier de la procédure de surendettement.

Il est constant que la bonne foi est présumée et qu’il appartient à celui qui la conteste de renverser cette présomption, la simple imprévoyance ou négligence étant des comportements insuffisants pour la caractériser.

Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent être en rapport direct avec la situation de surendettement ; la mauvaise foi peut être liée au comportement des débiteurs antérieurement à leur situation de surendettement ou à leur comportement au moment de l’ouverture ou du déroulement de la procédure de désendettement.

Enfin, le juge doit apprécier la bonne foi au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis au jour où il statue.

En l’espèce, la [12] soulève la mauvaise foi de M. [Z], faisant valoir que la dette de ce dernier à son égard est liée aux détournements des fonds de clients dont le débiteur se serait rendu coupable dans le cadre de l’exercice de son activité notariale, que sa faute professionnelle est constatée par jugements rendus par le tribunal de grande instance de Mans le 21 juillet 2014 et par tribunal judiciaire d’Angers le 10 novembre 2020.

Cependant, en matière de surendettement, la nature du passif déclaré à la procédure, même en cas de dettes résultant des condamnations pénales ou disciplinaires prononcées à l’encontre de l’intéressé, ne suffit pas, à elle seule, à caractériser la mauvaise foi du débiteur.

Il convient d’observer que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Mans le 21 juillet 2014 prononce à l’encontre de M. [Z] une sanction disciplinaire d’interdiction temporaire d’exercice aux motifs que l’intéressé a manqué à ses obligations professionnelles, en n’assurant pas la couverture des fonds de clients et en ne prenant pas en temps utile les mesures nécessaires à une parfaite organisation de son office, ce qui a conduit à la mise en péril de la pérennité de son activité.

Le jugement rendu par la tribunal judiciaire d’Angers le 10 novembre 2020 retient la responsabilité de M. [Z], estimant que la désorganisation de son étude notariale et l’insuffisance des fonds de clients sont dues aux négligences répétées et au manquement par le débiteur à ses obligations professionnelles.

Or, si les deux jugements constatent la négligence et une certaine incompétence professionnelle de M. [Z], à aucun moment ne sont évoqués d’éventuels agissements frauduleux ou la bonne foi du débiteur.

Il s’ensuit que la mauvaise foi de M. [Z] ne peut pas être déduite des jugements rendus par le tribunal de grande instance de Mans le 21 juillet 2014 et par tribunal judiciaire d’Angers le 10 novembre 2020.

Il y a lieu de constater en outre que la [12] ne fait pas la preuve que les faits constitutifs de mauvaise foi reprochés à M. [Z] seraient en rapport direct avec la situation de surendettement de ce dernier, la créance liée à l’insuffisance des fonds de clients dont le débiteur serait coupable ne figurant pas au passif déclaré à la procédure, qui est constitué uniquement d’une dette locative envers [13].

Enfin, l’appelante, sur laquelle repose la charge de la preuve de la mauvaise foi du débiteur, ne démontre pas la volonté de M. [Z] d’échapper au paiement de ses dettes en bénéficiant à la fois d’une procédure collective et d’une mesure de rétablissement personnel et ne fait valoir aucun autre élément de nature à renverser la présomption de bonne foi dont bénéficie le débiteur.

Il en résulte que l’absence de bonne foi de M. [Z] dans le cadre de la présente procédure de surendettement n’est pas caractérisée.

Dès lors, il y a lieu de dire que M. [Z] est recevable au bénéfice du dispositif prévu par les articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation.

Sur le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire

Selon l’article L. 741-1 du code de la consommation si l’examen de la demande de traitement de la situation de surendettement fait apparaître que le débiteur se trouve dans la situation irrémédiablement compromise définie au deuxième alinéa de l’article L. 724-1 et ne possède que des biens mentionnés au 1° du même article L. 724-1, la commission impose un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Aux termes de l’article L. 724-1 du code de la consommation, lorsqu’il ressort de l’examen de la demande de traitement de la situation de surendettement que les ressources ou l’actif réalisable du débiteur le permettent, la commission prescrit des mesures de traitement dans les conditions prévues aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7.

Lorsque le débiteur se trouve dans une situation irrémédiablement compromise caractérisée par l’impossibilité manifeste de mettre en 'uvre des mesures de traitement mentionnées au premier alinéa, la commission peut, dans les conditions du présent livre :

1° Soit imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire si elle constate que le débiteur ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle, ou que l’actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale ;

2° Soit saisir, si elle constate que le débiteur n’est pas dans la situation mentionnée au 1°, avec l’accord du débiteur, le juge des contentieux de la protection [ancienne rédaction : juge du tribunal d’instance aux fins d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.

En application du dernier alinéa de l’article L. 741-6 du code de la consommation si le juge constate que la situation du débiteur n’est pas irrémédiablement compromise, il renvoie le dossier à la commission.

En l’espèce, la [12] conteste le caractère irrémédiablement compromis de la situation du débiteur, faisant valoir que M. [Z] ne justifie pas des montants perçus au titre des revenus mensuels et des charges qu’il déclare exposer, que si le débiteur produit aux débats des avis d’échéance de loyer d’un montant de 447,77 euros, il est titulaire de ce bail avec son fils, [F] [Z], avec lequel il partage les frais de logement. La créancière fait observer en outre que le débiteur a engagé un contentieux en responsabilité, demandant des dommages-intérêts à hauteur de 525.000 euros, et qu’en cas de succès de son action, sa situation financière serait rétablie. Enfin, l’appelante indique qu’en tout état de cause sa créance d’un montant de 28.320,90 euros est une créance professionnelle, ne pouvant pas faire, en tant que telle, l’objet d’un effacement dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de M. [Z]. Elle explique que l’article L. 741-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n°2020-734 du 17 juin 2020 étendant les effets d’une mesure d’effacement aux dettes professionnelles du débiteur, n’est pas applicable en l’espèce, la demande de surendettement de M. [Z] étant introduite le 12 avril 2019, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de ce texte.

Le débiteur intimé fait valoir qu’au vu des ressources mensuelles perçues, des charges exposées et de son état d’endettement, sa situation apparaît comme irrémédiablement compromise au sens de l’article L.724-1 1° du code de la consommation. M. [Z] déclare des revenus mensuels à hauteur de 1.161,65 euros au titre de sa pension d’invalidité, indiquant qu’il ne bénéficie pas de l’aide personnalisée au logement (APL). S’agissant des charges retenues pour un montant de 1.524 euros par la commission, le débiteur explique devoir s’acquitter, outre les charges de la vie courante, d’un loyer de 447,77 euros pour le nouveau logement loué en collocation avec son fils, et des frais à hauteur de 151,35 euros pour les dépenses d’électricité, téléphone, taxe habitation, assurance habitation et assurance protection juridique, soit un montant total de 599,12 euros.

Enfin, M. [Z] estime qu’au vu de sa situation d’invalidité et de son âge, aucune perspective d’évolution favorable de sa situation financière n’est envisageable. Il indique par ailleurs que lorsqu’il atteindra l’âge légal de retraite il ne percevra au titre de sa pension de retraite que le minimum vieillesse, soit un montant de 903,20 euros. S’agissant de sa dette professionnelle à l’égard de la [12], il estime que celle-ci peut faire l’objet d’un effacement dans le cadre du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire prononcé à son profit, expliquant que les dispositions de l’article L. 741-2 du code de la consommation sont d’application immédiate à compter de son entrée en vigueur, le 20 juin 2020.

En l’espèce, la bonne foi et l’état d’endettement de M. [Z] doivent être considérés établis.

S’agissant de la situation financière du débiteur, il ressort des justificatifs versés aux débats que M. [Z] perçoit des ressources mensuelles à hauteur de 1.161 euros au titre de sa pension d’invalidité et que suivant son déménagement, il ne touche plus d’aide personnalisée au logement (APL).

En application de l’article R.731-1 du code de la consommation, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l’apurement des dettes est calculée par référence au barème prévu à l’article R.3252-2 du code du travail, de manière à ce qu’une partie des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage lui soit réservée par priorité.

Ainsi, la part des ressources mensuelles de M. [Z] à affecter théoriquement à l’apurement des dettes en application du barème national de saisie des rémunérations serait de 162 euros.

Toutefois, le juge comme la commission doivent toujours rechercher la capacité réelle de remboursement des débiteurs eu égard à leurs charges particulières.

M. [Z], âgé de 55 ans, est célibataire.

De profession clerc de notaire, le débiteur se trouve actuellement en situation d’invalidité et n’exerce plus d’activité professionnelle, touchant une pension d’invalidité d’un montant de 1.161 euros. Il résulte du courrier de la [9] en date du 27 février 2019 que M. [Z] a droit à la pension d’invalidité jusqu’à l’âge d’ouverture de droit à la pension de retraite, lorsque cette pension sera remplacée par une pension de retraite.

M. [Z] n’a pas de personne à charge. Son fils, âgé de 27 ans, avec lequel le débiteur vit, perçoit des revenus et ne dépend pas du foyer fiscal de son père.

Au titre des charges retenues par le premier juge pour un montant de 1.524 euros, M. [Z] fait valoir un changement de sa situation locative et déclare exposer des dépenses supplémentaires.

Il convient d’évaluer le montant des charges du débiteur conformément au barème commun actualisé appliqué par la [8], tout en prenant en considération ses charges particulières justifiées.

— S’agissant des charges de logement, M. [Z] indique avoir déménagé et justifie d’un loyer à hauteur de 447,77 euros et d’une somme supplémentaire de 14,49 euros au titre des provisions sur charges en application de l’ajustement individuel des provisions des charges mensuelles en date du 31 mars 2022, soit un montant total de 462,26 euros.

Les frais de logement ainsi justifiés comprenant les dépenses de chauffage et d’eau chaude, il n’y a plus lieu de prendre en considération le forfait chauffage prévu par le barème de la [8].

— S’agissant du montant que M. [Z] déclare exposer au titre de la taxe habitation, il convient de relever que l’avis d’imposition au titre de l’année 2020 produit aux débats a été établi en considération de la situation du débiteur antérieurement à son déménagement. Dès lors, il n’y a pas lieu de retenir ce montant au titre de ses charges justifiées.

— Le montant de 29,99 euros réglé pour l’abonnement téléphonique, ainsi que la somme de 22.25 euros dont le débiteur est tenu de s’acquitter au titre de l’assurance protection juridique doivent être considérés inclus, à l’instar des autres charges de la vie courante, dans le forfait de base prévu par le barème commun de la [8].

— Les frais d’électricité hors chauffage à hauteur de 39 euros, tout comme la somme de 34,12 euros que le débiteur justifie régler au titre de l’assurance habitation doivent être considérés couverts par le forfait habitation prévu par le barème commun de la [8].

— Si M. [Z] indique avoir exposé des frais de déménagement et des frais de garde-meubles, il y a lieu de constater qu’il ne produit aucune pièce justifiant les dépenses alléguées, qui ne seront, dès lors, pas prises en compte.

Enfin, il y a lieu relever que M. [R] [Z] vit en colocation avec son fils majeur, M. [F] [Z] et que ce dernier touche des ressources mensuelles totales à hauteur de 624,88 euros, constituées d’un montant de 497,50 euros au titre du revenu de solidarité active et d’une somme de 127,38 euros perçue en tant qu’aide personnalisée au logement (APL).

Il convient par conséquent de prendre en considération la contribution de M. [F] [Z] aux charges d’habitation et au loyer du logement qu’il partage avec M. [R] [Z], cette contribution étant déterminée proportionnellement à ses revenus.

Au vu de ces éléments, il résulte que les charges exposées par M. [Z] s’élèvent à une somme totale de 974,30 euros, se décomposant comme suit :

— forfait de base : 573 euros

— forfait chauffage : pas pris en compte, les dépenses de chauffage étant incluses dans loyer

— forfait habitation : 96,20 euros (soit 66% du montant total de 148 euros, la différence représentant la contribution de M. [F] [Z])

— loyer : 305,10 euros (soit 66% du montant total du loyer de 462,26 euros, la différence représentant la contribution de M. [F] [Z])

Il en résulte que le débiteur dispose d’une capacité contributive à hauteur de 186 euros, montant supérieur au maximum légal de remboursement de 162 euros.

La capacité de remboursement de M. [Z] doit donc être fixée à la somme de 162 euros.

Le patrimoine de M. [Z] n’est composé que de biens meublants ou de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés compte tenu de leur valeur vénale.

Le débiteur n’ayant pas bénéficié d’une procédure de surendettement par le passé, la durée totale du plan d’apurement élaboré par la commission est d’une durée de 84 mois en application de l’article L. 733-3 du code de la consommation.

Conformément aux dispositions de l’article L. 724-1 du code de la consommation, la situation irrémédiablement compromise s’analyse comme l’impossibilité de mettre en oeuvre les mesures tendant à l’apurement des dettes préconisées aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4, L. 733-7.

Or, au vu de la capacité contributive positive dégagée et de l’état d’endettement de M. [Z] retenu par la commission pour un montant de 5.699,18 euros, il apparaît possible d’envisager la mise en place d’un plan pérenne d’apurement des dettes, consistant dans un rééchelonnement des dettes en application de l’article L. 733-1 du code de la consommation, cette mesure permettant l’apurement intégral du passif du débiteur dans un délai inférieur à la période maximum de 84 mois.

Il apparaît ainsi que des mesures de désendettement peuvent être mises en place, la situation financière de M. [Z] ne pouvant pas être qualifiée d’irrémédiablement compromise au sens de l’article L. 724-1 1° du code de la consommation.

En conséquence, il convient de dire n’y avoir lieu au prononcé de la mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire et de renvoyer le dossier à la commission de surendettement, conformément aux dispositions de l’article L. 741-6 dernier paragraphe du code de la consommation.

Sur les frais et dépens

Le litige s’inscrivant dans le cadre d’une procédure de surendettement, les dépens seront laissés à la charge du Trésor public et il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais irrépétibles exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et mis à disposition des parties au greffe,

Déclare recevable l’appel interjeté par la [12],

Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer formée par la [12],

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Caen le 29 juin 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société [13] de son recours,

Statuant à nouveau,

Déclare recevables en la forme les demandes formées par la [12],

Dit que la mauvaise foi de M. [R] [Z] n’est pas établie,

Dit que M. [R] [Z] est recevable au bénéfice du dispositif prévu par les articles L 711-1 et suivants du code de la consommation,

Dit que M. [R] [Z] ne se trouve pas dans une situation irrémédiablement compromise au sens de l’article L. 724-1 alinéa 1 du code de la consommation,

Dit qu’il n’y pas lieu au prononcé d’une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au bénéfice de M. [R] [Z],

Renvoie le dossier de M. [R] [Z] à la [15] aux fins d’élaboration des mesures imposées,

Déboute les parties de l’ensemble de leurs autres demandes, fins et prétentions,

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

Rappelle que la procédure est sans dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

N. LE GALLF. EMILY

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Cour d'appel de Caen, 2e chambre civile, 20 octobre 2022, n° 21/02116