Cour d'appel de Chambéry, 10 mars 2015, n° 13/02734

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 10 mars 2015, n° 13/02734
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 13/02734
Décision précédente : Tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains, 2 octobre 2013, N° 2012002406

Sur les parties

Texte intégral

XXX

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

chambre civile – première section

Arrêt du Mardi 10 Mars 2015

RG : 13/02734

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 03 Octobre 2013, RG 2012002406

Appelant

M. Y X, demeurant XXX

représenté par Me Sabrina BOUZOL, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimée

SAS MINOTERIE FOREST, dont le siège social est situé XXX

représentée par la SELARL COCHET FRANCOIS, avocats au barreau de CHAMBERY

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 13 janvier 2015 avec l’assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

— Mme Françoise CUNY, Président, qui a procédé au rapport

— Monsieur Pascal LECLERCQ, Conseiller,

— Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseiller,

— =-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSE DU LITIGE

La SARL LE PETRIN CHABLAISIEN s’est vue accorder un prêt de restructuration de 25.499,20 € par la société MINOTERIE FOREST auprès de qui elle se fournissait en farine et à l’égard de laquelle elle était débitrice d’une somme de 25.140,40 €.

Monsieur Y X, gérant de la SARL LE PETRIN CHABLAISIEN s’est porté caution de ce prêt pour un montant de 25.140,40 €.

Par jugement en date du 22 octobre 2010, le tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains a prononcé le redressement judiciaire de la société LE PETRIN CHABLAISIEN puis le 17 février 2012, sa liquidation judiciaire.

La société MINOTERIE FOREST a déclaré sa créance échue à la date du redressement judiciaire pour un montant de 25.712,28 €.

Suivant acte d’huissier en date du 15 novembre 2012, la société MINOTERIE FOREST a fait assigner Monsieur Y X devant le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains pour le voir condamner au paiement de la somme de 25.712,28 € outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 novembre 2011.

Par jugement réputé contradictoire en date du 3 octobre 2013, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a condamné Monsieur Y X au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2011, dit que les intérêts seraient capitalisés par année entière, dit n’y avoir lieu à exécution provisoire, débouté la société MINOTERIE FOREST de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Monsieur Y X aux dépens.

Monsieur Y X a relevé appel de ce jugement le 20 décembre 2013.

Il fait valoir dans ses conclusions signifiées le 19 mars 2014 :

— que l’acte de prêt et de cautionnement n’a été signé que de Monsieur Y X en qualité de gérant de la société LE PETRIN CHABLAISIEN,

— que les articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation ne sont pas visés dans l’acte de cautionnement,

— que l’engagement de Monsieur Y X était disproportionné.

Il demande à la cour de :

'Vu le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS le 3 octobre 2013,

Vu les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la Consommation,

Vu l’ article 2292 du Code Civil,

Vu le défaut de signature de l’acte instrumentaire par Monsieur Y X, à titre personnel,

Vu l’ article L. 341-4 du Code de la Consommation et 2288 du Code Civil,

Vu l’article 1244-1 du Code civil,

Vu les articles 699 et 700 du Code de Procédure Civile

Réformer la décision déférée et statuant à nouveau :

XXX

Constater I’absence d’engagement de cautionnement ou, à tout le moins, prononcer la nullité de l’acte de cautionnement du 9 août 2010 signé par Monsieur Y X, accessoire à la reconnaissance de dette de la société le PETRIN CHABLAISIEN,

En conséquence, débouter la société MINOTERIE FOREST de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

XXX

Constater que la société MINOTERIE FOREST n’a pas recherché la solvabilité de la caution,

Constater qu’il y a disproportion entre les revenus de la caution et le montant cautionné,

En conséquence, dire et juger que la société MINOTERIE FOREST a commis une faute contractuelle en relation de causalité directe et certaine avec le préjudice subi par Y X,

Dire et juger que le préjudice subi par Y X s’élève à la somme de 25.712,28 €,

Condamner la société MINOTERIE FOREST à payer à Y X la somme de 25.712,28 €,

Ordonner la compensation judiciaire entre les sommes dues par Y X en vertu de l’acte de cautionnement et les sommes dues par la société MINOTERIE FOREST au titre de sa responsabilité,

XXX,

Accorder la suspension des obligations de paiement d’Y X pendant un délai de deux ans en disant que les sommes ainsi reportées ne produiront pas intérêts pendant le délai de grâce, ou à tout le moins, accorder les plus larges délais à Y X pour le paiement des sommes mises à sa charge et dire que les paiements s’imputeront en premier lieu sur le capital.

XXX,

Condamner la société MINOTERIE FOREST à payer à Y X la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société MINOTERIE FOREST aux entiers dépens de première instance et d’appel avec application au profit de la SCP LAPORTE & BOUZOL, Avocats, des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.'

La société MINOTERIE FOREST réplique dans ses conclusions signifiées le 5 mai 2014 :

— que l’engagement de caution a bien été signé par Monsieur X à titre personnel, ce que confirme la mention manuscrite,

— que si les mentions des articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation ne sont pas strictement reproduites, il n’empêche que l’intéressé, dirigeant de la société a eu une parfaite connaissance de l’étendue et de la durée de son engagement qui est parfaitement valable, qu’en tout état de cause, il n’y a pas de cause de nullité de l’engagement de caution,

— que l’engagement n’était pas disproportionné au regard des revenus déclarés par les deux époux.

Elle demande à la cour de :

'Plaise à la Cour,

Vu les dispositions des articles 1154 et 2292 du Code Civil,

Vu les dispositions des articles L 341-2 et L 341-3 du Code de la Consommation,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées au débat

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

CÔNFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS

En conséquence,

CONSTATER la régularité de l’acte de cautionnement,

DIRE ET J UGER que le cautionnement est solidaire ou à tous le moins simple,

DEBOUTER en conséquence Monsieur X de l’ensemble de ses prétentions,

CONDAMNER Monsieur X à payer la somme de 25 712.28 euros outre intérêts au taux légal à compter du 25/ 1 l/201 l,

ORDONNER la capitalisation des intérêts,

CONDAMNER Monsieur X à payer à la SAS MINOTERIE FOREST la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile et CONDAMNER Monsieur X aux entiers dépens,'

L’ordonnance de clôture est en date du 5 janvier 2015.

SUR CE, LA COUR

Attendu que par acte sous seing privé en date du 30 juin 2010, Monsieur Y X s’est porté caution personnelle, solidaire et indivisible, pour le remboursement de toutes les sommes découlant du prêt d’un montant de 25.140,40 €, frais et accessoires s’additionnant, consenti à la SARL LE PETRIN CHABLAISIEN selon acte de prêt joint aux présentes ; qu’il était précisé sur cet acte dactylographié :

— que la caution renonçait au bénéfice de discussion et de division, et s’obligeait solidairement avec le débiteur au remboursement des sommes dues au créancier par le débiteur même en cas de prorogation de délai,

— qu’elle déclarait que le montant de ses engagements ci-dessus était compatible avec sa situation financière,

— que tous les frais et droits auxquels donnerait lieu l’engagement et son exécution seraient supportés par la caution ;

Que Monsieur Y X a fait précéder sa signature de la mention :

'En me portant caution de la SARL Le Petrin Chablaisien pour le paiement de toutes les sommes découlant du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et sans limite de temps, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la SARL Le Pétrin Chablaisien n’y satisfait pas elle-même.' ;

Que par acte en date du 9 août 2010, il a, en tant que gérant de la société SARL LE PETRIN CHABLAISIEN, reconnu que cette société était débitrice envers la société MINOTERIE FOREST de la somme de 25.140,40 € correspondant à des factures de farine livrée non réglées, et s’est engagé à rembourser cette somme à la société MINOTERIE FOREST majorée d’une note de débit pour débours de frais d’enregistrement et de prise de nantissement d’un montant de 358,80 € dans un délai de trois ans et trois mois à compter de la date de l’acte au moyen de 39 mensualités de 700,83 € comprenant le capital nécessaire à l’épuisement de la dette et l’intérêt au taux de 4% l’an ; qu’il était précisé sur cet acte dactylographié :

— que les mensualités seraient prélevées le 20 de chaque mois à compter de juillet 2010,

— que ce délai de paiement avait été consenti par la société MINOTERIE FOREST en contrepartie de l’ engagement de la société le Pétrin Chablaisien de s’approvisionner en exclusivité, en farines boulangères auprès d’elle,

— que Monsieur Y X autorisait la société MINOTERIE FOREST à prendre un nantissement sur le fonds de commerce exploité par la société,

— qu’il s’engageait à se porter caution solidaire et indivisible ;

Que Monsieur Y X a fait précéder sa signature, après la mention dactylographiée :

'M. Y X, gérant de la SARL LE PETRIN CHABLAISIEN'

de la mention manuscrite :

'Bon pour reconnaissance de dette de la somme de Vingt cinq mille cent quarante euros et quarante centimes (25.140,40).

En ma qualité de gérant de la SARL Le pétrin Chablaisien.

J’autorise la minoterie Forest à prendre un nantissement sur le fonds de commerce exploité par cette dernière à concurrence de trente mille six cents euros (30.600 €).' ;

Attendu que contrairement à ce qui est soutenu par Monsieur Y X, il a bien signé l’engagement de caution à titre personnel ;

Attendu que l’article L 341-2 du code de la consommation dispose : 'Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de X…., dans la limite de la somme de…. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ………….., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X…. n’y satisfait pas lui-même’ ;

Que selon l’article L 341-3 : 'Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution, doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite 'En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X…, je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X…..' ;

Attendu que toute personne physique, qu’elle soit avertie ou non avertie, doit, dès lors qu’elle s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution solidaire envers un créancier professionnel, faite précéder sa signature, à peine de nullité de son engagement, qu’il soit commercial ou civil, des mentions manuscrites exigées par les articles L 341-2 et L 341-3 ; que l’article L 341-2 n’opère aucune distinction parmi les cautions dont la validité de l’engagement est soumise au respect des prescriptions des articles L 341-2 et L 341-3 et que ces dispositions ne sont donc pas réservées aux personnes ayant agi en qualité de consommateur ; qu’aucune distinction ne doit être effectuée selon la nature du cautionnement, la qualité de celui qui s’engage ou la dette cautionnée ; que nonobstant le caractère commercial du cautionnement consenti par le gérant d’une société, son engagement doit répondre aux exigences de forme prescrites à peine de nullité dès lors que le créancier ne conteste pas sa qualité de créancier professionnel ;

Attendu que la nullité d’un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l’engagement de caution n’est pas identique aux mentions prescrites par les articles L 341-2 et 3 à l’exception de l’hypothèse dans laquelle ce défaut d’identité résulterait d’une erreur purement matérielle ;

Attendu que la violation du formalisme des articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation qui a pour finalité la protection des intérêts de la caution est sanctionnée par une nullité relative à laquelle cette caution peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier en connaissance du vice l’affectant ;

Attendu enfin que le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles même si celle-ci n’est pas principale;

Attendu qu’il n’est pas contestable ni contesté que la société MINOTERIE FOREST est en l’espèce un créancier professionnel ;

Attendu que la formule manuscrite de l’engagement de caution litigieux n’est pas identique aux mentions prescrites par l’article L 341-2 du code de la consommation, en ce qui concerne notamment le montant de l’engagement de caution qui n’est pas précisé ;

Attendu qu’il n’est ni établi ni allégué que Monsieur Y X a renoncé à la nullité par une exécution volontaire de son engagement irrégulier ou en connaissance du vice l’affectant ;

Attendu qu’il y a lieu en conséquence de prononcer la nullité de l’engagement de caution de Monsieur Y X et de débouter la société MINOTERIE FOREST de ses demandes ;

Attendu que l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties ;

Attendu que la société MINOTERIE FOREST qui succombe doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité de l’engagement de caution de Monsieur Y X en date du 9 août 2010 ,

Déboute la société MINOTERIE FOREST de ses demandes,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société MINOTERIE FOREST aux entiers dépens de première instance et d’appel avec application au profit de l’avocat représentant Monsieur Y X des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 10 mars 2015 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Françoise CUNY, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

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