Cour d'appel de Colmar, 8 mars 2016, n° 14/04479

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 8 mars 2016, n° 14/04479
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 14/04479
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Saverne, 10 août 2014

Sur les parties

Texte intégral

XXX

MINUTE N° 16/0261

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

— avocats

— délégués syndicaux

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

ARRET DU 08 Mars 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 B 14/04479

Décision déférée à la Cour : 11 Août 2014 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SAVERNE

APPELANTE :

Madame Q X P

XXX

XXX

Non comparante, représentée par Maître Nadine HEICHELBECH, avocat au barreau de COLMAR

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/006445 du 02/12/2014 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de COLMAR)

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE :

Association VILLAGE D’ENFANTS S.O.S D’ALSACE

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 778 869 982 00034

XXX

XXX

Non comparante, représentée par Maître G, remplaçant Maître Michel REINHARDT de la SELARL HESTIA, avocats au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 Janvier 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. ADAM, Président de Chambre

M. ROBIN, Conseiller

Mme FERMAUT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Z

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par M. Dominique ADAM, Président de Chambre,

— signé par M. Dominique ADAM, Président de Chambre et Mme K THOMAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Mme Q X P a été embauchée par l’association Village d’Enfants SOS d’Alsace par contrat à durée indéterminée à mi-temps du 1er novembre 2008 en qualité d’éducatrice relais.

Le 9 janvier 2012, l’employeur lui notifiait un avertissement.

Après avoir par lettre du 8 juin 2012 convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 19 juin 2012, et reporté le 29 juin 2012, et l’avoir mise à pied à titre conservatoire, l’association Village d’Enfants SOS d’Alsace communiquait par lettre du 3 juillet 2012 à la salariée, qui ne s’était pas présentée à l’entretien, les motifs qui la conduisaient à envisager son licenciement, puis lui notifiait par courrier du 12 juillet 2012 son licenciement pour faute grave, lui reprochant en substance l’abandon des missions d’assistance aux enfants malgré l’avertissement du 9 janvier 2012 et d’avoir assuré son autorité sur les enfants de manière inadaptée, des achats destinés à sa propre consommation alors qu’elle se les était fait rembourser, l’utilisation du téléphone de la maison pour ses communications personnelles sans respecter l’engagement de remboursement, le non-respect des consignes de la maison, sa désinvolture notamment à l’occasion des doublures aggravée par de l’agressivité.

Mme X P a été hospitalisée les 10 et 11 juin 2012, et été placée en arrêt de travail pour maladie le 11 juin 2012 jusqu’au 18 juin 2012, arrêt qui a été prolongé jusqu’au 29 juillet 2012.

Le 22 juillet 2013, Mme Q X P a saisi le conseil de prud’hommes de Saverne d’une demande tendant à voir :

— prononcer la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet,

— constater que l’employeur n’a pas respecté la priorité d’attribution d’un emploi à temps complet découlant de l’article L3123-8 du code du travail,

— constater qu’elle a été victime de harcèlement moral de la part de l’employeur,

— dire que l’avertissement du 9 janvier 2012 est abusif,

— dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

et à obtenir les indemnités qui en découlent.

Par le jugement entrepris du 11 août 2014, le conseil de prud’hommes de Saverne a :

— débouté Mme X P de sa demande de requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet,

— condamné l’association employeur à payer à Mme X P 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité d’emploi et 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant les parties de leurs autres demandes, et mis les dépens à la charge de l’association employeur, y compris les frais liés à une éventuelle exécution par voie d’huissier.

Le 11 septembre 2014, Mme Q X P a régulièrement relevé appel du jugement non encore notifié.

A l’audience de la cour, Mme Q X P, se référant oralement à ses conclusions déposées le 25 janvier 2016, demande à la cour d’infirmer le jugement rendu sauf en ce qu’il a reconnu le non-respect de la priorité d’emploi et alloué à ce titre 5.000 € de dommages-intérêts, de :

— prononcer la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet et condamner l’association Village d’Enfants SOS d’Alsace à lui payer 44.787,67 € à titre de rappel de salaire et 4.478,76 € au titre des congés payés afférents,

— constater qu’elle a été victime de harcèlement moral de la part de l’employeur et condamner l’association Village d’Enfants SOS d’Alsace à lui payer 10.000 € à titre de dommages-intérêts,

— dire que l’avertissement du 9 janvier 2012 est abusif et condamner l’association Village d’Enfants SOS d’Alsace à lui payer 2.000 € à titre de dommages-intérêts,

— dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuseet condamner l’association Village d’Enfants SOS d’Alsace à lui payer :

. 4.079,44 € à titre d’indemnité de licenciement,

. 4.079,44 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 407,94 € au titre des congés payés sur préavis,

. 1.177,56 € au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire,

. 24.476,64 € à titre d’indemnité pour licenciement abusif,

. 6.000 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 repris à l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner l’association Village d’Enfants SOS d’Alsace aux dépens.

Se référant oralement à ses conclusions en réplique et au soutien d’un appel incident déposées le 21 janvier 2016, l’association Village d’Enfants SOS d’Alsace demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée au paiement d’un montant de 5.000 € pour non-respect de la priorité d’embauche à temps plein et d’un montant de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de confirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions, de débouter l’appelante de l’ensemble de ses prétentions et de la condamner aux dépens ainsi qu’à lui verser 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments,

1. Sur la demande de requalification du contrat et sur la demande subséquente de rappel de rémunération :

Attendu qu’au premier soutien de ses prétentions, la salariée appelante invoque un manquement à l’article L 3123-14 du code du travail en ce qu’il impose, pour tout contrat à temps partiel, la stipulation par écrit de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois ;

Que cette disposition est cependant comprise parmi celles du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail, lequel titre est intitulé 'durée du travail, répartition et aménagement des horaires’ ;

Que comme le fait valoir l’Association intimée, les articles L 431-2 et L 431-3 du code de l’action sociale et des familles dérogent audit titre II à l’égard des éducateurs et aides familiaux qui sont employés par des associations gestionnaires de villages d’enfants et dont la durée de travail doit être fixée, par convention collective ou accord d’entreprise, en nombre de journées sur une base annuelle ;

Que la salariée appelante a été embauchée au service de l’Association intimée qui a été autorisée en application de l’article L 313-1 dudit code en tant que gestionnaire de villages d’enfants, et qui a effectivement souscrit un accord d’entreprise le 8 octobre 2008 ;

Que selon l’accord d’entreprise du 8 octobre 2008, l’emploi d’éducateur -relais, pour lequel a été embauchée la salariée appelante, correspond à celui d’aide familial au sens des articles L 431-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles ;

Que l’embauche de la salariée appelante a donc bénéficié de la dérogation légale des articles L 431-2 et L 431-3 dudit code ;

Que contrairement à ce que prétend la salariée appelante, la dérogation légale n’a pas été réduite par les stipulations de l’accord d’entreprise du 8 octobre 2008 qui a précisé, sans être exhaustif, que les emplois d’éducateurs et aides familiaux n’étaient plus soumis aux dispositions du code du travail relatives à la durée du travail, au travail de nuit, au repos quotidien, au repos hebdomadaire et qui s’est référé aux anciens articles L 212-1 et suivants, L 213-1 et suivants, L 220-1 et suivants, et L 221-1 et suivants du code du travail ;

Que pour l’embauche de Mme Q X P à mi-temps, il n’était donc pas requis de stipuler par écrit ni la durée de travail prévue par semaine ou par mois, ni la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois ; que la salariée appelante est mal fondée en son grief ;

Attendu qu’au second soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir qu’est réputé à temps complet le contrat d’un salarié qui est contraint de se tenir à la constante disposition de l’employeur et qui se trouve dans l’impossibilité de connaître à quel rythme il doit travailler ;

Que l’Association intimée produit cependant les plans de travail dont la salariée appelante reconnait avoir eu communication à l’avance et par lesquels elle a été avertie de ses horaires et lieux de travail ;

Que si la salariée appelante fait observer que les plans de travail ont connu diverses modifications, elle ne peut en tirer pour autant ni qu’elle ne pouvait connaître son rythme de travail, ni qu’elle devait se tenir constamment à la disposition de son employeur ;

Que si la salariée appelante fait valoir qu’elle a été incitée à effectuer un grand nombre d’heures complémentaires, spécialement du 22 au 26 mars 2012, il ne s’en déduit pas qu’elle restait à la disposition constante de l’Association intimée, ni qu’elle ne pouvait avoir connaissance de son rythme de travail ;

Attendu que, par conséquent, il n’y a pas lieu de requalifier le contrat de travail du 1er novembre 2008 en contrat à temps plein, et la salariée appelante doit être également déboutée de sa demande subséquente en rappel de rémunération ;

2. Sur la demande d’indemnité pour manquement à la priorité d’attribution d’un temps plein :

Attendu que par lettre du 8 mars 2011 dont se prévaut la salariée appelante, le

directeur de l’Association intimée a répondu à la DIRRECTE qu’il savait que Mme Q X P voulait travailler à plein temps lorsqu’il l’avait embauchée à mi-temps le 1er novembre 2008, et qu’il avait l’intention de lui proposer un second mi-temps dès que possible ;

Attendu qu’il en résulte la preuve que l’Association intimée avait connaissance du désir de la salariée appelante de travailler à temps complet d’une part, et que cet employeur s’est volontairement soumis aux dispositions de l’article L 3123-8 du code du travail selon lesquels tout salarié à temps partiel qui le souhaite bénéficie d’une priorité pour l’attribution d’un emploi à temps plein ressortissant à sa catégorie ou d’un emploi équivalent d’autre part ;

Attendu que l’Association intimée fait certes valoir qu’elle a proposé à Mme Q X P un demi-temps complémentaire à durée déterminée pour remplacer une salariée en congé de maternité à compter du 14 janvier 2010 ;

Attendu cependant que l’Association intimée a antérieurement embauché en qualité d’éducatrice-relais une salariée nommée K L épouse Y d’abord à temps plein et à durée déterminée à compter du 20 avril 2009, puis par un contrat à durée indéterminée à mi-temps et par un contrat à durée déterminée pour un second mi-temps à compter du 1er octobre 2009 ;

Que même si Mme Q X P se trouvait en congé du 15 au 31 décembre 2009, l’Association intimée ne pouvait se dispenser de lui proposer ces emplois correspondant exactement à sa qualification professionnelle ;

Attendu, dès lors que l’Association intimée a manqué à la priorité d’embauche qu’elle avait reconnue à la salariée appelante, que sa responsabilité est engagée pour le préjudice qui en est nécessairement résulté ;

Attendu qu’au vu des éléments que produit la salariée appelante sur l’étendue de son préjudice, même si elle a pu ultérieurement occuper un autre emploi à mi-temps au service d’un autre employeur, il y a lieu de maintenir l’exacte évaluation à laquelle ont procédé les premiers juges pour fixer à 5.000 € le montant des dommages et intérêts qui l’indemniseront intégralement ;

3. Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral :

Attendu qu’en application de l’article L 1154-1 du code du travail, il incombe à la salariée appelante d’établir la matérialité de faits précis et concordants constituant selon elle le harcèlement moral qu’elle invoque, à charge pour la cour d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, font au moins présumer l’existence du harcèlement allégué ;

Attendu qu’en premier lieu, la salariée appelante produit une copie de la lettre qu’elle a adressée au ministre du travail le 4 juillet 2012 pour se plaindre d’une multiplication de reproches injustifiés, de brimades et sanctions injustifiées, de pressions constantes sur son travail, d’heures supplémentaires imposées, de menaces de sanction disciplinaire ou de licenciement, de discrimination auprès d’un autre employeur, d’écarts de conduite du directeur, de manques de considération et de refus de congés pour deuil ;

Qu’en l’absence d’élément extrinsèque, cette correspondance n’établit cependant la matérialité d’aucun des agissements qu’elle dénonce ;

Attendu qu’en deuxième lieu, la salariée appelante produit un certificat médical du 8 avril 2013 par lequel le Dr M N a attesté de l’état dépressif sévère qu’elle a présenté postérieurement à son licenciement ; qu’aucun lien n’a été cependant opéré avec des faits matériellement survenus au temps de l’exécution du contrat de travail ;

Attendu qu’en troisième lieu, la salariée appelante présente un certificat médical non daté par lequel le Dr G H a attesté d’un état anxio-dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles ; que le praticien signataire, s’il a commémoré les doléances de sa patiente, n’a pu constater la matérialité des difficultés qu’elle lui a confiées ;

Attendu qu’en quatrième et dernier lieu, la salariée appelante produit un bulletin d’hospitalisation de deux jours, selon lequel elle a été admise en régime commun à l’Hôpital civil de Strasbourg les 10 et 11 juin 2012 ;

Attendu que cette courte hospitalisation, seul fait matériellement établi par la salariée appelante, ne fait pas présumer l’existence du harcèlement moral allégué ;

Attendu qu’en conséquence, comme l’ont dit les premiers juges, la salariée appelante doit être déboutée de sa prétention indemnitaire de ce chef ;

4. Sur la demande d’annulation de l’avertissement du 9 janvier 2012 et sur la demande indemnitaire subséquente :

Attendu qu’en application de l’article L 1333-1 du code du travail, il revient à la cour d’apprécier l’avertissement du 9 janvier 2012, et ce au vu des éléments que doit fournir l’employeur comme étant ceux qu’il a retenus pour prononcer la sanction, et de ceux qu’il appartient à la salariée appelante de produire au soutien de sa contestation;

Que si un doute subsiste, il doit profiter à la salariée appelante ;

Attendu cependant qu’aucune des parties ne produit d’éléments ni au soutien des divers griefs que l’employeur a énoncés dans la lettre d’avertissement du 9 janvier 2012, ni à l’appui de la contestation qu’élève la salariée ;

Attendu qu’il en résulte pour le moins un doute qui doit profiter à la salariée appelante ;

Attendu qu’il s’impose d’annuler l’avertissement du 9 janvier 2012 qui s’avère injustifié ;

Attendu que la responsabilité de l’employeur est engagée pour le préjudice qu’a nécessairement fait subir l’avertissement injustifié ;

Qu’au vu des éléments que produit la salariée appelante sur l’étendue de son préjudice, une exacte évaluation conduit la cour à fixer à 2.000 € le montant des dommages et intérêts qui doivent lui revenir ;

5. Sur la contestation du licenciement et sur les demandes subséquentes :

Attendu, dès lors que l’employeur a invoqué une faute grave de la salariée pour donner un effet immédiat à sa décision de la licencier et se dispenser des obligations de délai-congé et d’indemnisation, qu’il lui incombe d’en apporter la preuve dans les termes qu’il a énoncés dans la lettre de licenciement ;

Attendu que dans le premier motif de la lettre de licenciement du 12 juillet 2012, l’Association intimée a articulé le grief suivant :

'A plusieurs reprises, ces derniers mois, et malgré le dernier avertissement qui vous a été notifié le 9 janvier 2012, vous auriez abandonné vos missions d’assistance aux enfants, soit en vous assoupissant, soit en privilégiant des appels téléphoniques anormalement longs, soit en refusant de prendre part à la nouvelle répartition des projets personnalisés, soit en vous en abstenant sans motif’ ;

Que par l’emploi du mode conditionnel, l’Association intimée a manifesté qu’elle considérait comme conjecturales les accusations portées contre Mme Q X P ou du moins comme non établis les faits qu’elle a précisés lui avoir été rapportés par d’autres salariés lors d’une réunion du 7 juin 2012 ;

Qu’au demeurant, le compte-rendu de la réunion du 7 juin 2012 ne mentionne aucune des accusations portées et ne contient, à propos de la salariée appelante, qu’une annotation dans les termes suivants : 'trop de faits, à rappeler et à noter comportement et attitudes c/o Cathy’ ;

Qu’au surplus, alors que la salariée appelante effectuait des vacations de 22 heures d’affilée, la société intimée ne démontre pas le caractère fautif des assoupissements incriminés ;

Que concernant les appels téléphoniques, l’Association intimée se réfère à l’attestation par laquelle son salarié A B AB, éducateur spécialisé chargé de fonctions transversales, a rapporté avoir constaté que Mme Q X P était très souvent occupée avec son téléphone portable et qu’elle avait passé des appels téléphoniques personnels en utilisant la ligne de l’établissement ; que les relevés téléphoniques que produit cependant l’Association intimée, sans les mettre en relation avec les utilisations imputées à l’appelante, ne laissent pas apparaître les abus reprochés, que la seule attestation de M. A B est insuffisante à caractériser ;

Que concernant la participation de la salariée appelante aux projets personnalisés, l’Association intimée n’apporte aucun élément au soutien de son assertion ;

Attendu que le deuxième motif de la lettre de licenciement a été rédigé comme suit :

'Vous auriez par ailleurs utilisé des moyens non adaptés pour assurer votre autorité sur les enfants, en utilisant des glaçons d’eau pour les punir, ce qui constitue une voie de fait préjudiciable, non seulement à leur intégrité, mais également à l’image de notre association, cela a été notamment le cas pour Anthony Bienvenot’ ;

Qu’en utilisant le mode conditionnel, l’Association intimée a encore manifesté qu’elle-même ne considérait pas comme établi le grief fait à la salariée appelante ;

Qu’au demeurant, l’Association intimée produit d’une part l’attestation par laquelle l’éducatrice spécialisée C D a rapporté les propos d’une collègue concernant l’emploi de glaçons par Mme Q X P ; que dès lors que la signataire n’a pas elle-même constaté les faits dénoncés, son attestation est dépourvue de force probante ;

Que d’autre part, l’Association intimée se réfère à l’attestation par laquelle sa secrétaire-comptable E F a rapporté que le 26 octobre 2011, pour contraindre l’enfant Anthony à se calmer, Mme Q X P l’avait menacé en positionnant un verre rempli de glaçons au-dessus de sa tête ;

Que la signataire de l’attestation a néanmoins précisé que, quelques jours plus tard, elle avait relaté l’incident à la responsable référente Delias Kiemza ;

Qu’en application de l’article 1.1 du titre II de l’accord d’entreprise du 8 octobre 2008, l’éducatrice référente avait reçu délégation du directeur de l’Association intimée pour les cinq enfants de sa maison ;

Qu’il s’ensuit que quelques jours après l’incident du 26 octobre 2011, l’employeur en a eu connaissance par l’effet de la délégation ; que comme le fait valoir la salariée appelante, cette connaissance a fait courir le délai de prescription que l’article L 1332-4 du code du travail fixe à deux mois ; que la prescription était donc acquise lorsque l’employeur a engagé la procédure disciplinaire le 8 juin 2012 en convoquant la salariée appelante à un entretien préalable ;

Que, par ailleurs, l’Association intimée n’apporte la preuve d’aucun fait non couvert par la prescription ;

Attendu que dans le quatrième motif de la lettre de licenciement, l’Association intimée a écrit à propos du même enfant Anthony Bienvenot :

'Cet enfant a du reste subi d’autres mauvais traitements, notamment parce que vous n’avez pas constaté qu’il dormait tout habillé, par crainte de vos punitions à l’eau glacée’ ;

Que l’Association intimée ne fournit cependant aucun élément au soutien de son assertion ;

Attendu que le cinquième motif a été rédigé comme suit :

'Vous auriez à plusieurs reprises, selon des tickets de caisse, que nous avons depuis le 7 juin 2012 retrouvés et que vous avez pourtant signés, assuré pour votre propre compte des achats destinés à votre propre consommation et que vous vous êtes pourtant fait rembourser sur le budget de la référente de la maison (biberons, lingettes, crevettes, îles flottantes, etc…)' ;

Qu’en usant du mode conditionnel, l’Association intimée a exprimé qu’elle ne considérait pas avérés les faits imputés à la salariée appelante ;

Qu’au demeurant, l’Association intimée produit des tickets de caisse sans mettre en lumière les détournements reprochés ; que même pour les achats qu’elle suppose effectués en dehors des heures des travail de la salariée appelante, elle n’établit pas leur prise en compte dans le budget de la maison d’enfants concernée ;

Attendu que dans le sixième motif, l’Association intimée a énoncé le grief suivant :

'Vous n’avez cessé d’utiliser le téléphone de la maison pour vos communications personnelles et n’avez pas respecté l’engagement souscrit de remboursement auprès de votre référente, la mettant en situation délicate vis à vis de la direction’ ;

Que l’Association intimée ne produit cependant aucun élément sur l’existence et le contenu de l’engagement qu’elle a expressément invoqué ;

Qu’elle se limite à produire des relevés de consommation téléphonique sans établir le caractère personnel qu’elle a attribué aux communications concernées ;

Attendu que le septième motif a été articulé comme suit :

'Vous avez enfreint les consignes de la maison en invitant I J à prendre ses repas au sein de la maison, alors que vous saviez que son accès lui était interdit, compte tenu de la perturbation créée par sa présence, attestée par ailleurs, sans que vous ayez réagi’ ;

Que l’Association intimée n’apporte cependant aucun élément attestant des consignes d’interdiction ou de la perturbation auxquelles elle s’est expressément référée;

Que rien n’établit le caractère fautif du fait que la salariée appelante reconnaît matériellement pour avoir invité à manger, dans la maison dont elle avait la charge, l’enfant I J hébergé par la même Association intimée dans une maison voisine ;

Attendu que dans le huitième motif, l’Association intimée a formulé son dernier grief comme suit :

'Au sein des équipes, votre désinvolture, notamment à l’occasion des doublures, crée des tensions importantes, aggravées par un ton et une agressivité inadaptée de votre part’ ;

Que l’Association intimée se dispense cependant de tout élément à l’appui de son assertion ;

Attendu qu’en définitive, faute pour l’Association intimée de satisfaire à son obligation probatoire, non seulement la faute grave alléguée n’est pas caractérisée, mais le licenciement s’avère dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu’en application de l’article L 1235-3 du code du travail, la salariée appelante est fondée à obtenir l’indemnisation du préjudice que lui a fait subir le licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse, et ce pour un montant qui ne peut être inférieur aux six derniers mois de salaire ;

Attendu qu’au vu des éléments que produit la salariée appelante sur l’étendue de son préjudice, spécialement en ce que la perte de son emploi a été suivie d’un syndrome anxio-dépressif médicalement constaté, une exacte évaluation conduit la cour à fixer à 13.000 € le montant des dommages et intérêts qui l’indemniseront intégralement ;

Attendu que la salariée appelante est également fondée à obtenir la rémunération de la période de mise à pied conservatoire qui s’avère injustifiée, une indemnité de licenciement sur la base de l’article 17 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées ou handicapées, une indemnité compensatrice du préavis fixé par ladite convention collective et dont l’employeur ne pouvait la priver, une indemnité compensatrice des congés payés y afférents, et ce pour les montants qu’elle chiffre exactement sans être critiquée en ses calculs ;

6. Sur les dispositions accessoires :

Attendu qu’en application de l’article L 1235-4 du code du travail, il s’impose de mettre à la charge de l’employeur le remboursement des indemnités de chômage servies à la salariée privée de son emploi, et ce dans la limite de six mois d’indemnités;

Attendu qu’en application de l’article 700 du code de procédure civile, il est équitable que l’employeur contribue aux frais irrépétibles qu’il a contraint la salariée à exposer tant devant les premiers juges qu’à hauteur d’appel ;

Attendu qu’en application de l’article 696 du même code, il échet de mettre les entiers dépens à la charge de l’employeur qui succombe ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DECLARE recevables l’appel principal et l’appel incident,

INFIRME le jugement entrepris,

ANNULE l’avertissement du 9 janvier 2012,

DECLARE le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE l’Association Villages d’Enfants SOS d’Alsace à verser à Mme Q X P :

* la somme de 5.000 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité d’embauche à temps complet,

* la somme de 2.000 € (deux mille euros) à titre de dommages et intérêts pour l’avertissement annulé,

* la somme de 13.000 € (treize mille euros) à titre de dommages et intérêts en application de l’article L 1235-3 du code du travail,

* la somme de 1.177,56 € bruts (mille cent soixante dix sept euros et cinquante six centimes) en rémunération de la période de mise à pied conservatoire,

* la somme de 4.079,44 € bruts (quatre mille soixante dix neuf euros et quarante quatre centimes) à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* les sommes de 4.079,44 € bruts (quatre mille soixante dix neuf euros et quarante quatre centimes) à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 407,94 € bruts (quatre cent sept euros et quatre vingt quatorze centimes) à titre d’indemnité compensatrice des congés payés y afférents,

* la somme de 3.000 € (trois mille euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Mme Q X P du surplus de ses prétentions,

ORDONNE le remboursement à Pôle Emploi, à charge de l’Association Village d’Enfants SOS d’Alsace, des indemnités de chômage servies à Mme Q X P, et ce dans la limite de six mois d’indemnités,

CONDAMNE l’Association Village d’Enfants SOS d’Alsace à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Colmar, 8 mars 2016, n° 14/04479