Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 28 juin 2021, n° 19/01177

  • Résiliation·
  • Liquidateur·
  • Salarié·
  • Contrat de prévoyance·
  • Sécurité sociale·
  • Garantie·
  • Liquidation judiciaire·
  • Ouverture·
  • Sécurité·
  • Code de commerce

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 1 a, 28 juin 2021, n° 19/01177
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 19/01177
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Mulhouse, 10 février 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

PR/SD

MINUTE N°

357/21

Copie exécutoire à

—  Me Christine BOUDET

—  Me Patricia CHEVALLIER -GASCHY

Le 28.06.2021

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 28 Juin 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/01177 – N° Portalis DBVW-V-B7D-HA3R

Décision déférée à la Cour : 11 Février 2019 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de MULHOUSE

APPELANTE :

SELARL HARTMANN & CHARLIER, prise en la personne de Me Pierre CHARLIER, mandataire liquidateur de l’EURL METAL FACTORY

[…]

[…]

Représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me DUDKIEWICZ, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIME :

[…]

prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Mars 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, entendue en le rapport rédigé par M. ROUBLOT, Conseiller, et Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

— Contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Metal Factory, ci-après également dénommée 'la société’ a souscrit au bénéfice de ses salariés un contrat de prévoyance auprès d’Arpège Prévoyance, ci-après également 'Arpège'.

La société a été placée en liquidation judiciaire, par jugement de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse en date du 3 août 2016, avec désignation en qualité de liquidateur judiciaire de la SELARL Hartmann & Charlier, qui a procédé, en date du 16 août 2016, au licenciement économique de quatre salariés, au profit desquels avaient été souscrits un contrat de prévoyance, et auxquels le liquidateur a notifié par un courrier du 17 août 2016, qu’ils bénéficiaient, en application de l’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale, du maintien de leur couverture prévoyance pendant toute la durée de chômage dans la limite maximale de 12 mois.

Pour sa part, par courrier recommandé du 24 août 2016 adressé au liquidateur, Arpège Prévoyance a résilié le contrat de prévoyance et a refusé la mise en place de la portabilité au profit des quatre salariés, en conséquence de cette résiliation.

Les parties ont ensuite échangé des courriers en maintenant leurs positions respectives.

Par assignation en date du 1er décembre 2016, la SELARL Hartmann & Charlier, ès qualités, a fait attraire Arpège Prévoyance devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse, aux fins, notamment, de voir maintenir, au profit des quatre salariés

licenciés, les garanties prévues par le contrat de prévoyance dans le cadre du dispositif légal de la portabilité.

Par jugement rendu le du 11 février 2019, le tribunal de grande instance de Mulhouse a :

— déclaré que la résiliation du contrat de prévoyance par Arpège Prévoyance, avec effet au 24 août 2016, était valable,

— dit qu’en conséquence la portabilité n’était pas opposable à la société Arpège Prévoyance,

— débouté la SELARL Hartmann & Charlier, ès qualités, de sa demande de maintien de la portabilité, de sa demande de condamnation sous astreinte, ainsi que de sa demande dommages et intérêts pour résistance abusive,

— débouté la SELARL Hartmann & Charlier, ès qualités, du surplus de ses demandes,

— condamné la SELARL Hartmann & Charlier, ès qualités, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 700 euros, ainsi qu’aux entiers dépens.

Le premier juge a, notamment, retenu que la portabilité n’était pas opposable à Arpège Prévoyance, comme ayant été acquise postérieurement à la résiliation, compte tenu de la prise en compte du délai laissé aux salariés licenciés pour signifier leur refus de bénéficier de la portabilité des droits, délai à l’issue duquel, à défaut de réponse, la portabilité serait acquise, cette solution commandant, par ailleurs, d’écarter la demande de condamnation sous astreinte, de même que la demande en dommages-intérêts formée par la demanderesse pour résistance abusive.

La SELARL Hartmann & Charlier, prise en la personne de Me Pierre Charlier, ès qualités de mandataire liquidateur de l’EURL Metal Factory, a interjeté appel de cette décision, par déclaration déposée le 28 février 2019.

Dans ses dernières conclusions en date du 6 décembre 2019, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a en ce qu’il a déclaré l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale applicable aux salariés licenciés dans le cadre d’une liquidation judiciaire, et statuant à nouveau, de :

— dire que le refus d’Arpège Prévoyance de mettre en place la portabilité et les garanties prévoyance aux salariés licenciés est infondé ;

— dire et juger que la portabilité des contrats de prévoyance est effective pour les quatre salariés licenciés dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire à compter de la date de cessation de leur contrat de travail, soit à compter du 16 août 2016 ;

— dire et juger que les quatre salariés licenciés de la société Métal Factory bénéficient du maintien à titre gratuit des garanties issues des contrats de prévoyance souscrits auprès d’Arpège Prévoyance depuis la date de leur licenciement respectif ;

— les rétablir dans le droit rétroactivement à cette date ;

— dire et juger qu’Arpège Prévoyance devra s’exécuter sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard par infraction constatée à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

— condamner Arpège Prévoyance à lui payer la somme de 6 000 euros pour résistance abusive ;

— condamner Arpège Prévoyance à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de la procédure d’appel.

À l’appui de ses demandes, elle entend, notamment, invoquer :

— l’application de la portabilité au bénéfice des salariés licenciés, en vertu de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, offrant, dans sa version applicable, à tout salarié licencié le bénéfice gratuit de la portabilité à compter de son licenciement, sauf faute lourde,

— l’absence de validité de la résiliation fondée sur l’article L. 932-10 du code de la sécurité sociale, à défaut de respect par l’organisme de prévoyance du formalisme prévu par l’article L. 641-11-1 du code de commerce, également d’ordre public et régissant spécifiquement le sort des contrats en matière de procédure collective, la résiliation n’ayant été motivée que par l’ouverture de la procédure collective et non par un défaut de paiement de cotisations antérieures à l’ouverture de la procédure, et le liquidateur n’ayant pas été mis en demeure de se prononcer sur la poursuite du contrat,

— l’acquisition de la portabilité au profit des quatre salariés licenciés, ceux-ci ayant été licenciés le 16 août 2016 soit avant la date de résiliation du contrat, la mise en place de ce dispositif devant alors se faire sans délai et non en tenant compte d’un délai de réflexion de dix jours qui n’était plus applicable,

— l’absence de nécessité de justifier, comme condition de la portabilité, de l’ouverture de droits à l’assurance chômage, le principe de la portabilité devant être acquis, à charge pour les salariés, non parties aux litiges, de justifier de leur situation une fois la question de la portabilité tranchée, pour déterminer la période au titre de laquelle ils pourraient en bénéficier,

— la nécessité d’ordonner une astreinte au regard de l’ancienneté du litige et de la résistance qualifiée d’abusive de la partie adverse,

— la mauvaise foi manifeste de la partie adverse, qui maintiendrait sa position 'sans réel argumentaire', malgré 'une jurisprudence constante et unanime', tout en soulevant un nouvel argument tiré du défaut de prise en charge par l’assurance chômage, qui devrait être sanctionné au regard de ses conséquences pour les salariés en cause,

Arpège Prévoyance s’est constituée intimée le 15 avril 2019.

Dans ses dernières écritures déposées le 10 mars 2020, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, elle conclut à la confirmation du jugement entrepris, au besoin par substitution de motifs, ainsi qu’à la condamnation de la partie appelante aux dépens, et à lui verser une indemnité de procédure de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Pour sa part, elle invoque, notamment :

— l’inapplicabilité aux salariés des dispositions de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, faute, pour ceux-ci, d’en remplir les conditions d’application édictées à l’alinéa 5, qui requiert une prise en charge par le régime de l’assurance chômage dont il ne serait pas justifié, alors que cette justification serait bien une condition du maintien de la portabilité, et que le délai de prescription biennale applicable en matière d’assurances et courant à compter

de l’ouverture de ces droits serait expiré, aucun des salariés en cause n’ayant, au demeurant, sollicité le bénéfice de la portabilité,

— l’absence de préjudice pour la SELARL Hartmann & Charlier au titre d’une procédure abusive, le préjudice invoqué concernant, en tout état de cause, des tiers non parties à la procédure,

— la validité de la résiliation intervenue à la suite de son courrier du 24 août 2016, les dispositions, également d’ordre public, de l’article L. 932-10 du code de la sécurité sociale, prévoyant à la fois la subsistance de principe du contrat et le droit à résiliation dans les trois mois de l’ouverture de la procédure collective, devant primer sur celles de l’article L. 641-11-1 du code de commerce, auxquelles elles viendraient déroger et dont le liquidateur n’aurait, au demeurant, pas respecté les termes, faute d’avoir manifesté sa volonté de poursuivre le contrat, et ce alors qu’aucune disposition législative ou contractuelle ne permettrait la poursuite de plein droit, et contre la volonté du cocontractant, de ce contrat.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée le 27 janvier 2021, et l’affaire renvoyée à l’audience de plaidoirie du 8 mars 2021.

MOTIFS :

Sur l’application de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale :

Aux termes de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale :

'Les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l’article L. 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chômage, selon les conditions suivantes :

1° Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d’indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu’ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois ;

2° Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur ;

3° Les garanties maintenues au bénéfice de l’ancien salarié sont celles en vigueur dans l’entreprise ;

4° Le maintien des garanties ne peut conduire l’ancien salarié à percevoir des indemnités d’un montant supérieur à celui des allocations chômage qu’il aurait perçues au titre de la même période ;

5° L’ancien salarié justifie auprès de son organisme assureur, à l’ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues au présent article ;

6° L’employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail et informe l’organisme assureur de la cessation du contrat de travail mentionnée au premier alinéa.

Le présent article est applicable dans les mêmes conditions aux ayants droit du salarié qui bénéficient effectivement des garanties mentionnées au premier alinéa à la date de la cessation du contrat de travail.'

Ces dispositions, lesquelles n’opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l’employeur a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et ne prévoient aucune condition relative à l’existence d’un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance, sont applicables aux anciens salariés licenciés d’un employeur placé en liquidation judiciaire qui remplissent les conditions fixées par ce texte, réserve, pour le maintien de droits, que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur ne soit pas résilié.

En l’espèce, l’appelante soutient que, depuis le 1er juin 2015, date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l’article L. 911-8 précité, tout salarié licencié bénéficie gratuitement de la portabilité à compter de la date de la notification de la rupture de son contrat de travail, la seule exclusion prévue par le texte touchant les salariés licenciés pour faute lourde, non les salariés ayant fait l’objet d’un licenciement économique à la suite d’une liquidation judiciaire, lesquels bénéficieraient nécessairement d’un droit à l’assurance chômage, dont il ne lui appartiendrait, de surcroît, pas de justifier, cette justification de la prise en charge par l’assurance chômage relevant, le cas échéant, des salariés, afin d’apprécier sur quelle période la portabilité s’appliquera.

La partie intimée objecte qu’elle n’aurait jamais été destinataire des justificatifs que ces salariés, qui n’ont pas demandé la mise en 'uvre des garanties de prévoyance, rempliraient les conditions de garanties exigées par le texte en cause, comme l’exigeraient les dispositions du 5° de cet article, cette transmission devant avoir pour objet d’ouvrir les droits à la portabilité, mais n’étant pas intervenue dans le délai de deux ans de prescription en matière d’assurance, après l’ouverture de ces droits et la nécessaire justification des conditions de garantie.

La cour relève que si l’application de l’article précité subordonne, pour chaque salarié concerné, le bénéfice de la portabilité des garanties à la justification du statut de demandeur d’emploi pris en charge par Pôle Emploi auprès de l’organisme assureur, c’est encore à la condition, préalable, et en réalité seule en cause en l’espèce, un litige n’opposant que le liquidateur judiciaire de l’ancien employeur à l’organisme de prévoyance, cette portabilité

soit opposable à l’organisme de prévoyance, et ce afin de permettre un droit au maintien des garanties et mise en 'uvre de cette portabilité par les salariés ayants droit, réserve de la justification de leur situation, pour en obtenir concrètement individuellement le bénéfice.

En conséquence, il y a lieu de retenir l’applicabilité en l’espèce des dispositions de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, sous réserve, pour chaque salarié, de justifier de ce qu’il respecte les conditions de la mise en 'uvre de cet article.

Sur la validité de la résiliation du contrat par Arpège, fondée sur l’article L. 932-10 du code de la sécurité sociale :

Aux termes de l’article L. 932-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 4 mai 2017, la garantie subsiste en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaire de l’adhérent. L’administrateur ou le débiteur autorisé par le juge-commissaire ou le liquidateur, selon le cas, et l’institution de prévoyance conservent le droit de résilier l’adhésion ou le contrat pendant un délai de trois mois à

compter de la date du jugement de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaire. La portion de cotisation afférente au temps pendant lequel l’institution de prévoyance ne couvre plus le risque est restituée au débiteur.

Ces dispositions sont d’ordre public en application de l’article L. 932-38 dudit code.

Aux termes de l’article L. 641-11-1 du code de commerce :

'I. – Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture ou du prononcé d’une liquidation judiciaire.

Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture. Le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif.

II. – Le liquidateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.

Lorsque la prestation porte sur le paiement d’une somme d’argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour le liquidateur à obtenir l’acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, le liquidateur s’assure, au moment où il demande l’exécution, qu’il disposera des fonds nécessaires à cet effet. S’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonné dans le temps, le liquidateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

III. – Le contrat en cours est résilié de plein droit :

1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d’un mois sans réponse. Avant l’expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir au liquidateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ;

2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles ;

3° Lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d’une somme d’argent, au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat.

IV. – A la demande du liquidateur, lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

V. – Si le liquidateur n’use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation du contrat est prononcée en application du IV, l’inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu’à ce qu’il ait été statué sur les dommages et intérêts.

VI. -(…)'

En l’espèce, le liquidateur judiciaire fait grief à l’organisme de prévoyance de s’être abstenu de mettre en application le formalisme prévu à l’article L. 641-11-1 précité, faute de l’avoir mis en demeure de se prononcer sur la poursuite du contrat, la résiliation n’avait pas pour cause un défaut de paiement de cotisations antérieures à l’ouverture de la procédure, qui aurait commandé l’application des dispositions spécifiques de l’article L. 641-11-1 susmentionné.

Arpège lui oppose le caractère, selon elle dérogatoire, des dispositions de l’article L. 641-11-1 du code de commerce, que l’article L. 932-10 du code de la sécurité sociale, prévoyait à la fois la subsistance de principe du contrat et le droit à résiliation dans les trois mois de l’ouverture de la procédure collective, que le liquidateur n’aurait, au demeurant, pas respecté les termes de l’article L. 641-11-1 précité, faute d’avoir manifesté sa volonté de poursuivre le contrat, et ce alors qu’aucune disposition législative ou contractuelle ne permettrait la poursuite de plein droit, et contre la volonté du cocontractant, de ce contrat.

Cela étant, la résiliation de plein droit, prévue à l’article L. 641-11-1, III, 2°, pour défaut de paiement défini au II du même article suppose que le liquidateur ait opté, expressément ou tacitement pour la continuation du contrat, sans que soit exigée la délivrance à ce dernier, par le cocontractant du débiteur, d’une mise en demeure préalable d’exercer cette option.

En l’espèce, il n’est pas soutenu que le liquidateur a opté pour la poursuite du contrat avant que l’institution de prévoyance n’invoque un défaut de paiement.

À défaut d’option du liquidateur, la résiliation de plein droit d’un contrat ne peut être constatée en application du texte précité.

La résiliation n’est donc pas intervenue en application des dispositions de l’article L. 641-11-1 du code de commerce.

Pour autant, tant l’article L .932-10 du code de la sécurité sociale que l’article L. 641-11-1 du code de commerce prévoient le principe de la continuation des contrats en cours en cas d’ouverture d’une procédure collective, notamment de liquidation judiciaire, la résiliation du contrat ne pouvant résulter de la seule ouverture de cette procédure.

Ensuite, avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2017-314 du 4 mai 2017, ces deux articles prévoyaient une faculté de résiliation du contrat, mais avec des modalités différentes. En particulier, l’article L.641-11-1 du code de commerce qui confère un droit d’option au liquidateur ne permet pas au cocontractant de résilier le contrat sans avoir mis le liquidateur en demeure et sans avoir attendu la réponse du liquidateur, ou, en cas de poursuite du contrat par le liquidateur, sans invoquer un défaut de paiement.

Il peut être observé que l’article 15 de l’ordonnance n°2017-734 du 4 mai 2017 portant modification des dispositions relatives aux organismes mutualistes, ratifiée par la loi 2019-486 du 22 mai 2019, a modifié l’article L.932-10 précité, lequel ne prévoit plus des modalités de résiliation spécifiques, mais uniquement l’hypothèse d’une résiliation du contrat en application de l’article L.622-13 du code de commerce, qui prévoit un régime similaire à celui de l’article L.641-11-1, mais dans le cas de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. (Il est depuis ainsi rédigé : 'La garantie subsiste en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires de l’adhérent. En cas de résiliation du bulletin d’adhésion ou du contrat en application de l’article L. 622-13 du code de commerce, la portion de cotisation afférente au temps pendant lequel l’institution de prévoyance ou l’union ne couvre plus le risque est restituée au débiteur.)'.

Le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2017-734 du 4 mai 2017

portant modification des dispositions relatives aux organismes mutualistes précise que 'Le titre II comportant l’article 15 procède à des modifications du code de la sécurité sociale permettant l’harmonisation des dispositions applicables aux institutions de prévoyance avec celles prévues par le code de la mutualité et le code des assurances.'

Il peut en effet être observé que la loi du 31 juillet 2014 a modifié l’article L.221-8-1 du code de la mutualité ('Dans le cadre des opérations collectives mentionnées au 2° du III de l’article L. 221-2, la garantie subsiste en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires de l’employeur. En cas de résiliation du bulletin d’adhésion ou du contrat en application de l’article L. 622-13 du code de commerce, la portion de cotisation afférente au temps pendant lequel la mutuelle ou l’union ne couvre plus le risque est restituée au débiteur.'), et créé l’article L.145-7 du code des assurances ('Sans préjudice du second alinéa de l’article L. 141-6 du présent code, la garantie subsiste en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires du souscripteur. En cas de résiliation du contrat en application de l’article L. 622-13 du code de commerce, la portion de prime afférente au temps pendant lequel l’entreprise d’assurance ne couvre plus le risque est restituée au débiteur.')

Avant la loi du 26 juillet 2005, le code des assurances prévoyait, en son article L.113-6, que 'L’assurance subsiste en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l’assuré. L’administrateur ou le débiteur autorisé par le juge commissaire ou le liquidateur selon le cas et l’assureur conservent le droit de résilier le contrat pendant un délai de trois mois à compter de la date du jugement de redressement ou de liquidation judiciaire. La portion de prime afférente au temps pendant lequel l’assureur ne couvre plus le risque est restituée au débiteur.'

Cet article L. 113-6 du code des assurances déroge à l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises devenu L. 621-28 du Code de commerce. Ainsi, si l’assurance subsiste en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l’assuré, l’assureur conserve le droit de résilier le contrat pendant un délai de trois mois à compter de la date du jugement de redressement ou de liquidation judiciaire. L’application de cet article L. 113-6 du code des assurances n’écarte celle de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 qu’en ce qui concerne le droit d’exiger l’exécution des contrats d’assurance en cours. Pour tout ce qui n’est pas réglé par le texte dérogatoire du code des assurances, ce sont les dispositions de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 qui trouvent à s’appliquer.

Il peut être précisé que la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 a supprimé ces dispositions au sein de l’article L.113-6 du code des assurances, de sorte que le contrat d’assurance est soumis au droit commun de la continuation des contrats en cours prévu par le code de commerce, lequel n’exclut cependant pas l’application de l’article L. 113-3 du code des assurances pour la résiliation du contrat d’assurance en cours au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective de l’assuré.

Sous réserve de la mise en oeuvre du régime spécial de résiliation prévu par l’article L.932-10 du code de la sécurité sociale, les relations entre une institution de prévoyance relevant du livre neuvième du code de la sécurité sociale relatif à la protection sociale complémentaire et l’entreprise adhérente sont, en cas de procédure collective de celle-ci, soumises au régime général des contrats en cours fixé par l’article L. 621-28, alinéa 4, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.

Cet article L. 932-10 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable, qui régit la situation de la garantie de l’institution de prévoyance en cas d’ouverture d’une procédure collective, en énonçant le principe du maintien de la garantie prévue par le contrat,

tout en prévoyant une faculté et les modalités de résiliation du contrat pendant un délai limité, prévoit des dispositions spéciales, lesquelles dérogent à l’application des dispositions générales de l’article L. 641-11-1 du code de commerce.

Il convient d’en déduire que, pendant les trois mois suivant la date d’ouverture de la procédure collective, l’article L. 932-10 du code de la sécurité sociale permet au cocontractant de résilier le contrat, et ce, sans être tenu d’appliquer les dispositions de l’article L. 641-11-1 du code de commerce.

Par ailleurs, si le liquidateur soutient que la résiliation d’un contrat de prévoyance fondée sur l’article L. 932-10 du code de la sécurité sociale n’est valable qu’à la condition que cette résiliation soit motivée par un défaut de paiement des cotisations antérieures à l’ouverture de la procédure, il doit être observé que l’article L.932-10 du code précité ne prévoit pas une telle condition à l’exercice de la faculté de résiliation de l’institution de prévoyance.

En outre, cet article est indépendant de l’article L. 932-9 du code de commerce qui prévoit une faculté de résiliation en cas de non-paiement des cotisations.

En l’espèce, le contrat était en cours au jour de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 3 août 2016.

L’institution de prévoyance a, par lettre du 24 août 2016, résilié, avec effet immédiat, le contrat en invoquant les dispositions de l’article L. 932-10 du code de la sécurité sociale.

Intervenue dans le délai de trois mois de l’ouverture de la liquidation judiciaire, cette résiliation était donc valable en application de l’article L. 932-10 dudit code.

Sur le droit à la portabilité des garanties :

En l’espèce, les quatre salariés, Mme X Y, M. Z A, M. B C et M. D E, ont été licenciés en date du 16 août 2016.

Ainsi, au jour de la cessation de leur contrat de travail, le contrat était toujours en cours. Ils ont donc acquis le bénéfice de la portabilité prévue par le texte précité, et ce, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge et qui n’est pas soutenu par les parties à hauteur de cour, sans qu’il n’y ait lieu, au regard de l’effet immédiat de l’application des dispositions d’ordre public de l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale à la date de la cessation du contrat de travail, à l’exclusion de la prise en compte du délai laissé aux salariés licenciés pour signifier leur refus de bénéficier de la portabilité des droits.

En revanche, la résiliation du contrat, intervenue le 24 août 2016, a mis fin à leur droit au maintien des garanties, puisque lesdites garanties n’étaient, alors, plus en vigueur dans l’entreprise.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris, la cour condamnera Arpège Prévoyance à maintenir les garanties du contrat de prévoyance souscrit par la société METAL FACTORY, jusqu’au 24 août 2016, au profit des salariés précités.

Il n’y a pas lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte.

Sur la demande en dommages-intérêts pour résistance abusive :

Le liquidateur ne démontre pas le caractère abusif de la résistance de l’institution de l’organisme de prévoyance, ni le préjudice subi.

Il convient, en conséquence, d’écarter sa demande de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Arpège succombant pour l’essentiel sera tenu des dépens de l’appel, par application de l’article 696 du code de procédure civile, outre infirmation du jugement déféré sur cette question, et mise à la charge d’Arpège des dépens de première instance.

L’équité commande de mettre, en outre, à la charge d’Arpège une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de la SELARL Hartmann et Charlier, tout en disant n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de cette dernière et en infirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef, pour dire n’y avoir lieu à condamnation du liquidateur de ce chef au titre de la première instance.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le par le tribunal de grande instance de Mulhouse, sauf en ce qu’il a :

— déclaré que la résiliation du contrat de prévoyance par Arpège Prévoyance, avec effet au 24 août 2016, était valable,

— débouté la SELARL Hartmann & Charlier, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Metal Factory de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs de demande infirmés et y ajoutant,

Condamne Arpège Prévoyance à maintenir les garanties du contrat de prévoyance souscrit par la société Factory, jusqu’au 24 août 2016, au profit de X Y, M. Z A, M. B C et M. D E, sous réserve pour les personnes concernées de justifier ou d’avoir justifié, à l’ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale,

Déboute la SELARL Hartmann & Charlier, ès qualités de liquidateur de la société Metal Factory, de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,

Déboute la SELARL Hartmann & Charlier, ès qualités de liquidateur de la société Metal Factory, de sa demande d’astreinte,

Condamne Arpège Prévoyance aux dépens de la première instance et de l’appel,

Condamne Arpège Prévoyance à payer à la SELARL Hartmann & Charlier, ès qualités de liquidateur de la société Metal Factory, au titre de la procédure d’appel, la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance comme de l’appel, au profit d’Arpège Prévoyance.

La Greffière : la Présidente :

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 28 juin 2021, n° 19/01177