Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 21 novembre 2019, n° 19/00776

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, ch. soc., 21 nov. 2019, n° 19/00776
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 19/00776
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Mâcon, 25 avril 2019, N° 18/00067
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

MAT/FF

SA FPT POWERTRAIN TECHNOLOGIES FRANCE

C/

Syndicat SYNDICAT FO FPT POWERTRAIN TECHNOLOGIES

Syndicat UNION DEPARTEMENTALE FORCE OUVRIERE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2019

MINUTE N°

N° RG 19/00776 – N° Portalis DBVF-V-B7D-FIB4

Décision déférée à la Cour : Ordonnance , origine Juge de la mise en état de MACON, décision

attaquée en date du 26 Avril 2019, enregistrée sous le n° 18/00067

APPELANTE :

SA FPT POWERTRAIN TECHNOLOGIES FRANCE

[…]

[…]

représentée par Me Pierrick BECHE de la SCP DU PARC – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, et Me Sébastien LEROY de la SELARL ACTANCE, avocat au barreau de PARIS substituée par Maître Laure LAHMI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Syndicat SYNDICAT FO FPT POWERTRAIN TECHNOLOGIES

[…]

[…]

r e p r é s e n t é e p a r M e B r i g i t t e D E M O N T – H O P G O O D d e l a S E L A R L TISSOT-HOPGOOD-DEMONT, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

Syndicat UNION DEPARTEMENTALE FORCE OUVRIERE

[…]

[…]

r e p r é s e n t é e p a r M e B r i g i t t e D E M O N T – H O P G O O D d e l a S E L A R L TISSOT-HOPGOOD-DEMONT, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Septembre 2019 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Marie-Aleth TRAPET, Conseiller et Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, chargés d’instruire l’affaire. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Z A, Président de Chambre, président,

Marie-Aleth TRAPET, Conseiller,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : X Y,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Z A, Président de Chambre, et par X Y, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société FPT Powertrain Technologies France a conclu, le 26 juin 2014, avec les organisations syndicales CGT, CGT-FO et SNI-UNSA, un accord d’intéressement s’appliquant pour une durée de trois exercices, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

L’article 7 dudit accord, relatif à la répartition de la prime individuelle d’intéressement allouée aux salariés, a été mis en cause par le syndicat FO FPT Powertrain Technologies et par l’union départementale Force ouvrière, au motif que la clause mentionnée à son alinéa 8 serait contraire à l’article L. 3314-5 du code du travail et qu’en outre, elle créerait une situation de discrimination à l’égard des salariés grévistes, l’absence d’un salarié pour exercice du droit de grève donnant lieu à minoration de la prime et empêchant son doublement.

Le 20 décembre 2017, le syndicat FO FPT Powertrain Technologies et l’union départementale Force ouvrière ont saisi de cette contestation le tribunal de grande instance de Mâcon.

La société FPT Powertrain Technologies France a invoqué, devant les premiers juges, d’une part, la nullité des actes de procédure pour irrégularité de fond, alléguant un défaut de pouvoir des représentants des syndicats, d’autre part, l’incompétence – en raison de la matière – du tribunal de grande instance, revendiquant la compétence du conseil de prud’hommes.

Par ordonnance du 26 avril 2019, le juge de la mise en état de la première chambre civile du tribunal de grande instance de Mâcon, statuant avant dire droit :

— s’est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en raison du défaut allégué de pouvoir des représentants des syndicats,

— a rejeté l’exception d’incompétence soulevée au profit de la juridiction prud’homale,

— a ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 18 janvier 2019,

— a renvoyé le dossier à la mise en état pour les conclusions du syndicat FO FPT Powertrain Technologies et de l’union départementale force ouvrière,

— a dit que chaque partie conserverait la charge des dépens par elle engagés dans le cadre de l’incident.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour d’appel de Dijon le 7 mai 2019, la SA FPT Powertrain Technologies France a régulièrement formé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées et déposées au greffe le 16 septembre 2019, reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, la société demande à la cour :

— de juger que les syndicats intimés formulent des demandes à caractère individuel,

— d’infirmer l’ordonnance entreprise,

— de juger compétent le conseil de prud’hommes de Mâcon, s’agissant des demandes suivantes :

. dire et juger que l’ensemble des salariés doit bénéficier du doublement de la prime individuelle d’intéressement pour les années 2014, 2015 et 2016,

. enjoindre à la société FPT Powertrain Technologies France de procéder au rappel de prime individuelle d’intéressement pour les années 2014, 2015 et 2016,

— en toute hypothèse, de condamner chacun des syndicats intimés à lui verser une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux dépens.

La société appelante précise que, devant la cour, elle ne soutient plus l’exception de nullité qu’elle avait initialement soulevée – et qu’elle reproche au demeurant au juge de la mise en état d’avoir analysée en une fin de non-recevoir alors que, à ses yeux, il s’agissait d’une irrégularité de fond -, dès lors que les syndicats ont, postérieurement à la décision entreprise, justifié des pouvoirs de leurs représentants.

Le syndicat FO FPT Powertrain Technologies et l’union départementale Force ouvrière ont, pour leur part, conclu à la confirmation de l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et à la condamnation de la société FPT Powertrain Technologies France à payer à chacun d’eux une indemnité de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés, les appelants devant, par ailleurs, supporter les dépens.

Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, la cour entend se référer à leurs conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats.

Par lettre du 14 mai 2019, les parties ont été avisées de ce que le président de la chambre sociale avait, en application de l’article 905 du code de procédure civile, fixé une date d’appel de l’affaire à bref délai, à l’audience 26 septembre 2019.

L’affaire a été plaidée à ladite audience et mise en délibéré au 21 novembre 2019.

SUR QUOI, LA COUR,

Attendu que, pour contester la compétence du tribunal de grande instance, la société FPT Powertrain Technologies France soutient que, s’ils ont invoqué, dans leur assignation introductive d’instance et dans leurs écritures, la défense de l’intérêt collectif des salariés de la société, l’objet de la demande des syndicats intimés présenterait, en réalité, un caractère individuel ; que la société reproche au juge de la mise en état d’avoir pris en compte le fait qu’aucun salarié ne soit partie à l’instance pour considérer que « les syndicats avaient formulé leurs demandes de façon globale et collective », de sorte que l’exception d’incompétence devait être rejetée, alors que cet élément serait inopérant pour apprécier la nature et l’objet de la demande ;

Attendu qu’il importe, dans ces conditions, d’analyser la demande dont a été saisi le tribunal de grande instance ;

Attendu que le syndicat FO FPT Powertrain Technologies et l’union départementale Force ouvrière ont formulé leurs demandes dans les termes suivants :

— constater que l’article 7 de l’accord prévoit une réduction plus que proportionnelle de la durée de l’absence,

— constater que les absences non assimilées à du temps de travail effectif ne donnent pas lieu à minoration de la prime individuelle d’intéressement et n’empêche pas son doublement alors que l’absence pour l’exercice du droit de grève donne lieu à minoration de la prime et empêche son doublement,

— constater que la SA FPT Powertrain Technologies France a créé une situation de discrimination pour les salariés grévistes,

— dire et juger que la condition du doublement de la prime individuelle d’intéressement ne peut être soumise à l’absence de minoration de la prime,

— déclarer inopposable aux salariés la condition de l’absence de la prime individuelle pour pouvoir bénéficier de son doublement,

— dire et juger que l’ensemble des salariés doit bénéficier du doublement de la prime individuelle d’intéressement pour les années 2014, 2015 et 2016,

— enjoindre à la SA FPT Powertrain Technologies France de procéder au rappel de prime individuelle d’intéressement pour les années 2014, 2015 et 2016,

— condamner la SA FPT Powertrain Technologies France à verser au syndicat FO FPT Powertrain Technologies la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour situation discriminatoire vis-à-vis des salariés grévistes,

— condamner la SA FPT Powertrain Technologies France à verser à l’union départementale Force ouvrière la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte au droit de grève,

— condamner la SA FPT Powertrain Technologies France à verser à chacun des syndicats la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens ;

Attendu que la société FPT Powertrain Technologies France soulève l’incompétence du tribunal de grande instance pour statuer sur la demande dont cette juridiction a été saisie par les deux syndicats intimés, revendiquant la compétence de la juridiction prud’homale ; qu’elle motive l’exception ainsi soulevée par le fait que deux des chefs de demande formulés à son encontre auraient pour objet d’obtenir la condamnation de l’employeur à exécuter des engagements de caractère individuel, les organisations syndicales sollicitant, au bénéfice de l’ensemble des salariés, le doublement de la prime

individuelle d’intéressement et l’injonction faite à l’employeur de procéder au paiement du rappel de cette prime pour les trois années concernées ;

Attendu qu’il est constant que cette demande de rappel de prime d’intéressement n’a pas été formulée dans le cadre d’actions individuelles à l’initiative d’un ou plusieurs salariés de l’entreprise ; que les syndicats n’ont pas fondé leur action sur les dispositions de l’article L. 2262-9 du code du travail, en se substituant à chacun des salariés adhérents à leur organisation ; qu’aucun nom de salarié n’est cité dans l’acte introductif d’instance, ni davantage dans les écritures subséquentes ;

Attendu que le fait que les demandes présentées soient susceptibles de concerner l’ensemble des salariés de l’entreprise ne suffit pas à exclure le caractère individuel de ces demandes ;

Attendu qu’en revanche, il est déterminant de considérer que l’action initiée par les syndicats devant le tribunal de grande instance portait sur l’interprétation de l’accord d’intéressement ; qu’il résulte des pièces produites par la société appelante, sinon de ses écritures, que la saisine de la juridiction de droit commun est intervenue après l’échec de la procédure de règlement des litiges prévue à l’article 11 de l’accord litigieux ;

Attendu qu’en effet, par lettre du 22 juillet 2015, le syndicat CGT-FO FPT Powertrain Technologies, signataire de l’accord d’intéressement du 26 juin 2014, a déclenché cette procédure destinée à « éviter de recourir aux tribunaux », demandant à l’employeur de provoquer une réunion pour tenter de régler le litige de manière amiable, estimant que « les critères d’absence pris en compte pour le non-doublement de la prime étaient purement arbitraires, voire illégaux » ;

Attendu qu’à la suite de la réunion organisée par la société FPT Powertrain Technologies France le 22 septembre 2015, le syndicat FO FPT Powertrain Technologies, constatant que la direction persistait à traiter l’absence pour grève différemment des autres absences, a informé l’employeur de ce que, l’étape du règlement des litiges n’ayant pas abouti à une solution amiable sur ce point, « le recours en justice était désormais possible » ;

Attendu que la note d’information adressée à l’ensemble des salariés le 9 juillet 2015 permet de vérifier que le litige porte bien sur l’interprétation de l’accord collectif d’intéressement ; que la direction s’est en effet exprimée de la manière suivante :

« L’interprétation stricte de la société en charge de la gestion de notre intéressement a conduit à de nombreuses interrogations qui ont poussé la direction à bloquer les fonds auprès de Natixis afin d’analyser sereinement la situation.

Les résultats de nos analyses ont été présentés au comité central d’entreprise tel que prévu dans l’accord d’intéressement.

La direction a souhaité assouplir l’application stricte de l’accord signé par l’ensemble des organisations syndicales concernant le doublement de la prime d’intéressement en neutralisant l’impact des éléments suivants :

- les absences conventionnelles (heure rentrée scolaire, heures obsèques),

- les faibles retards ponctuels et exceptionnels,

- les absences régularisées en montant et non en heures.

Avec cette interprétation moins stricte de l’accord voulu par la direction, ce seront 530 salariés qui bénéficieront du doublement de la prime d’intéressement ['] » ;

Attendu que le litige entre un employeur et des syndicats quant à l’interprétation d’accords collectifs relève de la compétence du tribunal de grande instance ;

Attendu que, si l’interprétation d’un accord collectif peut relever de la compétence prud’homale lorsqu’elle est soulevée à l’occasion d’un litige d’ordre individuel, émanât-il de plusieurs salariés, elle relève de la seule compétence du tribunal de grande instance lorsque la demande d’interprétation est présentée sur le fondement de l’article L. 2132-3 du code du travail qui donne qualité à agir au syndicat intervenant dans l’intérêt collectif de la profession qu’il représente ; que ce droit découle de la liberté syndicale consacrée par l’article 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et de l’article 2 de la Convention internationale du travail n° 87 ; qu’il ne constitue pas une atteinte à la liberté personnelle des salariés ni à leur droit d’agir en justice ;

Attendu qu’en toute hypothèse, il appartiendra, le cas échéant, aux salariés de la société, lorsque le tribunal de grande instance de Mâcon aura statué, de saisir la juridiction prud’homale qui, seule, pourra accueillir une demande en paiement d’un rappel de prime d’intéressement, une organisation syndicale ne pouvant prétendre, hors le cas d’une action en substitution engagée sur le fondement de l’article L. 2262-9 du code du travail, au paiement d’un complément de rémunération en faveur des salariés, l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession par l’application contestée d’une disposition d’un accord collectif, en l’espèce de l’article 7 de l’accord d’intéressement du 26 juin 2014, ne pouvant être réparé que par l’allocation de dommages et intérêts ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence au profit du conseil de prud’hommes, ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 18 janvier 2019 et renvoyé le dossier à la mise en état ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de de procédure civile ;

Condamne la société anonyme FPT Powertrain Technologies France aux dépens de la présente instance.

Le greffier Le président

X Y Z A

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