Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 25 novembre 2021, n° 19/01850

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 2 e ch. civ., 25 nov. 2021, n° 19/01850
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 19/01850
Décision précédente : Tribunal paritaire des baux ruraux de Beaune, 6 novembre 2019, N° 51-18/000015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

MW/LL

EARL Y-B

C/

GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE – GFA DOMAINE DE LA TASSEE

SAS SOCIETE D’EXPLOITATION DE DOMAINES VITICOLES (SEDOVI)

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2021

N° RG 19/01850 – N° Portalis DBVF-V-B7D-FMGW

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 07 novembre 2019,

rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Beaune – RG : 51-18/000015

APPELANTE :

EARL Y-B, représentée par son gérant en exercice domicilié de droit au siège de la Société Monsieur X Y

[…]

21220 GEVREY-CHAMBERTIN

représentée par Me Claude SIRANDRE, membre de la SELARL AVOCAT CONSULTING COTE D’OR, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 109

INTIMÉES :

GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE – GFA DOMAINE DE LA TASSEE, agissant par son gérant Monsieur Z A domicilié de droit au siège :

[…]

21220 GEVREY-CHAMBERTIN

représenté par Me Jean-Michel BROCHERIEUX, membre de la SCP BROCHERIEUX – GUERRIN-MAINGON, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 24

SAS SOCIETE D’EXPLOITATION DE DOMAINES VITICOLES (SEDOVI), représentée par son Président en exercice domicilié es qualité au siège :

[…]

[…]

représentée par Me Z ROBBE, membre de la SCP DESILETS – ROBBE – ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 septembre 2021 en audience publique devant la cour composée de :

Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du Président,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 25 Novembre 2021,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte authentique du 5 février 2013, à effet au 1er janvier 2013, le GFA Domaine de la Tassée a donné à bail à ferme à long terme à l’EARL Y-B une parcelle en nature de vigne sise sur la commune de Savigny les Beaune, lieudit les Bourgeots, cadastrée […], d’une contenance de 1ha 58a 38ca. Le fermage était convenu comme étant payable au moyen d’une première échéance à la date du 31 janvier suivant la récolte, représentant 40% de la valeur du fermage de l’année précédente, d’une deuxième échéance à la date du 31 mai, représentant 30% de la valeur du fermage de l’année précédente, et d’une troisième échéance à la date du 30 novembre, correspondant au solde après publication de l’arrêté préfectoral, le bail précisant encore que le premier paiement afférent à la récolte 2013 devait donc être effectué le 31 janvier 2014.

Par requête en date du 22 octobre 2018, le GFA Domaine de la Tassée a sollicité la

convocation de l’EARL Y B devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Beaune aux fins de résiliation du bail et de paiement de l’arriéré de fermages.

Les parties ne s’étant pas conciliées, l’affaire a été renvoyée à l’audience de jugement.

Le demandeur a maintenu sa demande de résiliation du bail, et porté sa demande de

paiement au titre de l’arriéré locatif à la somme de 14 360,40 euros. Il a fait valoir que l’EARL Y-B avait, dès l’origine du bail, connu des difficultés de règlement des fermages, l’obligeant à multiplier les démarches pour obtenir les paiements qui lui étaient dus. Il a ajouté s’être conformé aux dispositions de l’article L 411-31 du code rural et de la pêche maritime, et avoir délivré au preneur deux mises en demeure qui étaient restées vaines au jour de la saisine de la juridiction, la

régularisation n’étant intervenue qu’en juillet 2019, ce qui était sans emport sur le bien-fondé de la demande, alors par ailleurs que les manquements persistaient, puisque l’arriéré s’établissait à 14 360,40 euros. Il a ajouté avoir notifié à l’EARL Y-B, en février 2019, son projet de vente de la parcelle, que le preneur avait manifesté sa volonté de faire valoir son droit de préemption, mais qu’il ne s’était pas présenté au rendez-vous fixé par le notaire, lequel avait établi un procès-verbal de carence le 10 juillet 2019.

L’EARL Y-B a sollicité le renvoi de l’affaire et un sursis à statuer dans l’attente de la communication d’un certain nombre de pièces, subsidiairement s’est opposée aux demandes formées à son encontre. Elle a réclamé par ailleurs la condamnation du demandeur au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et comportement déloyal. Elle a exposé que les sommes réclamées étaient incohérentes, alors qu’elle était à jour des fermages 2016, 2017, ainsi que des acomptes pour 2019, et que les difficultés entre les parties étaient survenues lorsque le GFA Domaine de la Tassée avait souhaité évincer sa locataire pour vendre sa parcelle. Elle a indiqué à cet égard qu’elle ne s’était jamais vue notifier le projet de cession, mais avait été convoquée d’office à un rendez-vous fixé au 10 juillet 2019 par le notaire du GFA, lequel n’avait pas effectué les diligences nécessaires pour que le droit de préemption puisse s’opérer en sa faveur.

Par jugement du 7 novembre 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux a écarté la demande de renvoi, au motif que l’EARL Y-B avait disposé du temps suffisant pour préparer sa défense, ainsi que la demande de sursis à statuer, au motif que la juridiction disposait de l’ensemble des éléments permettant de vider sa saisine. Il a prononcé la résiliation du bail aux torts du preneur, en relevant que le bailleur s’était conformé aux dispositions de l’article L 411-31 du code rural et de la pêche maritime, ayant délivré deux mises en demeure successives restées vaines pour obtenir le paiement du premier acompte du fermage 2017, au titre duquel un appel de fonds spécifique avait été adressé au preneur, peu important que ces mises en demeure n’aient pas détaillé le mode de calcul du fermage, une telle mention n’étant pas exigée par la loi, et le mode de calcul résultant suffisamment du bail. Il a ajouté qu’il importait par ailleurs peu que les impayés aient été régularisés en juillet 2019, l’ensemble des pièces versées démontrant que l’EARL Y-B avait systématiquement acquitté ses fermages avec retard, alors qu’elle ne justifiait pas de raisons sérieuses et légitimes justifiant ses carences, la preuve de difficultés financières n’étant pas rapportée, alors que la preneuse avait indiqué souhaiter exercer son droit de préemption pour un montant de 330 000 euros. Il a condamné la défenderesse au paiement de la somme de 14 360,40 euros correspondant au solde dû sur le fermage 2018. Il a rejeté la demande indemnitaire de l’EARL Y-B, en considérant que la procédure n’était ni abusive, ni symptomatique d’un comportement déloyal du bailleur. Le tribunal paritaire des baux ruraux a en conséquence :

— débouté l’EARL Y-B de sa demande de renvoi et de sa demande de sursis à statuer ;

— constaté le défaut de paiement d’une échéance de fermage malgré deux mises en demeure

restées infructueuses pendant plus de trois mois, et l’absence de force majeure ou d’une cause réelle et sérieuse pouvant justifier un tel état de fait ;

— prononcé en conséquence la résiliation du bail à ferme en date du 5 février 2013 conclu entre le GFA Domaine de la Tassée ret l’EARL Y-B à compter de la présente décision ;

— constaté que l’EARL Y-B est désormais occupante sans droit ni titre de la parcelle cadastrée […] sur la commune de Savigny les Beaune et ordonné son expulsion et celle de tout occupant de son chef, passé le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, au besoin avec le concours de la force publique ;

— condamné l’EARL Y-B à payer au GFA Domaine de la Tassée une indemnité

d’occupation d’un montant égal au montant du fermage, à compter de la présente décision

jusqu’à la restitution de la parcelle ;

— condamné l’EARL Y-B à payer au GFA Domaine de la Tassée la somme de 14 360,40 euros au titre des arriérés de fermage échus au 31 mai 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et sous exécution provisoire ;

— condamné l’EARL Y-B à payer au GFA Domaine de la Tassée la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties de leurs autres demandes ;

— condamné l’EARL Y-B au paiement des dépens de la présente instance.

L’EARL Y-B a relevé appel de cette décision par procès-verbal reçu au greffe de la cour d’appel de Dijon le 13 décembre 2019.

Par acte authentique du 25 mai 2020, le GFA Domaine de la Tassée a vendu la parcelle litigieuse à la SAS Société d’Exploitation de Domaines Viticoles (SEDOVI).

La société SEDOVI est intervenue volontairement à la procédure d’appel.

Par jugement du 7 février 2020, le tribunal judiciaire de Dijon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de l’EURL Y B, et désigné la SELARL MJ & Associés, prise en la personne de Me Véronique Thiébaut, en qualité de mandataire judiciaire.

Par ordonnance du 15 décembre 2020, le président de chambre a constaté l’interruption de l’instance.

La SELARL MJ & Associés, ès qualités, a été appelée dans la cause par assignation du 11 mars 2021délivrée à personne morale.

Par jugement du 4 juin 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a adopté le plan de continuation de cette société, la SELARL MJ & Associés, prise en la personne de Me Véronique Thiébaut, ayant été désignée en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Par conclusions notifiées le 22 septembre 2021, reprises à l’audience, l’EURL Y

B demande à la cour :

Vu les articles 680 à 693 du code de procédure civile,

Vu les articles 931 à 933 du même code,

Vu le jugement de redressement judiciaire du 07 février 2020 et le jugement entérinant le plan

de redressement sur 15 ans du 4 juin 2021,

Vu les articles 242 nonies A et 289 du code général des impôts,

Vu l’article L 441-9 du code de commerce,

Vu l’acte du 25 mai 2020 et la subrogation contenue,

Vu l’article 6 de la CEDH et l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne,

Vu l’article 564 du code de procédure civile,

Vu les pièces communiquées,

Vu le bail du 5 février 2013 prévoyant un fermage annuel sans TVA et calculé sur la base de

6,3352 pièces,

Vu les conclusions n° 2 du GFA du 30 juin 2021 et celles du 17 septembre 2021,

Vu les conclusions et les pièces de la société SEDOVI du 03 août 2021,

— de constater l’incapacité du GFA Domaine de la Tassée à justifier d’un seul appel de fond

régulier ni de factures régulières pour la période incriminée ;

— de constater les erreurs contenues dans les documents appelés factures par le GFA ;

— de dire et juger que les mises en demeure des 20 mars 2018, 22 mai 2018 et 26 juin 2018 sont nulles, sans objet et sans effet ni fondement juridiques ;

— de constater que l’EARL Y-B justifie d’avoir réglé les fermages 2016 à jour, les

fermages 2017 à jour et les deux acomptes de 2019 à jour ceci sans recevoir un seul appel de fonds régulier ;

1) en conséquence, en réformant le jugement déféré,

— de dire et juger le bail du 5 février 2013 non résilié et toujours en cours avec tous effets de

droit ;

2) de dire et juger irrecevable et non fondée le GFA Domaine de la Tassée, à titre principal, en sa demande d’inscription de créances sur l’état des créances de l’EARL, ceci du fait de la clause de subrogation continue dans l’acte du 25 mai 2020 et l’indétermination et du défaut de preuve et démonstration de sa créance ;

— subsidiairement, à ce titre, de fixer la créance à la somme de 10 808,95 euros ;

3) de dire et juger irrecevable et non fondée le GFA Domaine de la Tassée en sa demande de condamnation de l’EARL à lui payer la somme de 9 650,64 euros, cette créance appartenant elle aussi à la société SEDOVI et n’étant pas justifiée ;

4) de dire et juger irrecevable et non fondée la société SEDOVI en toutes ses demandes, n’ayant pas capacité pour le faire, identiquement pour le fermage demandé n’étant ni chiffré, ni facturé ;

5) de dire et juger parfaite la vente de la parcelle de vigne litigieuse sur Savigny les Beaune,

c a d a s t r é e s e c t i o n A V n ° 1 7 p o u r 1 h a 5 8 a 3 8 c a a u p r i x d e 3 3 3 0 0 0 e u r o s e n t r e l’EARL Y-B et le GFA Domaine de la Tassée au 10 juillet 2019, avec toutes conséquences de droit, et par conséquent,

— de prononcer la nullité de la vente du 25 mai 2020 et de donner acte à l’EARL de la publication de ses conclusions pour ce faire ;

— de condamner le GFA Domaine de la Tassée à payer à L’EARL Y-B la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de condamner la société SEDOVI à payer à l’EARL Y-B la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de condamner le GFA Domaine de la Tassée aux entiers dépens de 1ère instance et de le

condamner solidairement avec la société SEDOVI aux dépens d’appel.

Par conclusions notifiées le 21 septembre 2021, reprises à l’audience, le GFA Domaine

de la Tassée demande à la cour :

— de déclarer l’EARL Y-B irrecevable et prescrite en sa demande de nullité de l’acte de vente du 25 mai 2020 ;

— de débouter l’EARL Y-B de l’ensemble de ses demandes ;

Au visa des dispositions des articles L 411-31 et L 411-53 du code rural et de la pêche maritime,

— de confirmer le jugement dont appel sauf à réactualiser les sommes dues au titre des fermages ;

— de prononcer la résiliation du bail conclu suivant acte notarié passé en l’étude de Me Xavier

Blanquinque notaire associé à Gevrey-Chambertin en date du 5 février 2013 ;

— de fixer le montant de la créance du GFA Domaine de la Tassée à l’encontre de l’EARL Y-B, en redressement judiciaire, à la somme de 13 897,20 euros, somme arrêtée au 7 février 2020 ;

— de condamner l’EARL Y-B à verser un solde de fermage pour la période postérieure au 7 février 2020 d’un montant de 9 650,64 euros ;

— de confirmer la condamnation de l’EARL Y-B à payer pour la procédure suivie en première instance une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code

de procédure civile ;

— de condamner l’EARL Y-B à verser, pour la procédure d’appel, une indemnité de 4 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de condamner l’EARL Y-B aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par ses dernières conclusions soutenues à l’audience, la société SEDOVI demande à la cour :

Vu le code rural et de la pêche maritime, et notamment son article L 411-31,

— de dire irrecevables et mal fondées les demandes de l’EARL Y B ;

— de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* débouté l’EARL Y-B de sa demande de renvoi et de sa demande de sursis à statuer ;

* constaté le défaut de paiement d’une échéance de fermage malgré deux mises en

demeure restées infructueuses pendant plus de trois mois, et l’absence de force majeure ou d’une cause réelle et sérieuse pouvant justifier un tel état de fait ;

* prononcé en conséquence la résiliation du bail à ferme en date du 5 février 2013 conclu entre le GFA Domaine de la Tassée ret l’EARL Y-B à compter de la présente décision ;

* constaté que l’EARL Y-B est désormais occupante sans droit ni titre de la parcelle cadastrée […] sur la commune de Savigny les Beaune et ordonné son

expulsion et celle de tout occupant de son chef, passé le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, au besoin avec le concours de la force publique ;

* condamné l’EARL Y-B à payer au GFA Domaine de la Tassée une indemnité d’occupation d’un montant égal au montant du fermage, à compter de la présente

décision jusqu’à la restitution de la parcelle ;

* condamné l’EARL Y-B à payer au GFA Domaine de la Tassée la somme

de 14 360,40 euros au titre des arriérés de fermage échus au 31 mai 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et sous exécution provisoire ;

* condamné l’EARL Y-B à payer au GFA Domaine de la Tassée la somme

de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

* débouté les parties de leurs autres demandes ;

* condamné l’EARL Y-B au paiement des dépens de la première instance ;

Y ajoutant :

— de condamner l’EARL Y-B à verser à la société SEDOVI une indemnité d’occupation annuelle équivalente à un fermage, soit 13 000 euros par an, ce à compter du 25 mai 2020 ;

— de condamner l’EARL Y-B à verser à la société SEDOVI la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour

l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

SUR CE, LA COUR

Il y a lieu à titre liminaire de donner acte à la société SEDOVI de son intervention volontaire.

- Sur la demande de nullité de la vente du 25 mai 2020

L’EARL Y B sollicite que la vente de la parcelle litigieuse, intervenue le 25 mai 2020 entre le GFA Domaine de la Tassée et la société SEDOVI soit annulée, au motif qu’un accord sur la chose et sur le prix était précédemment intervenu entre elle-même et le GFA.

Le GFA Domaine de la Tassée et la société SEDOVI soulèvent en premier lieu l’irrecevabilité de cette prétention comme étant nouvelle à hauteur d’appel, et dépourvue de lien avec le litige initial.

L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour

opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En l’espèce, il est constant que la vente de la parcelle constitue un fait nouveau, comme étant intervenue postérieurement au jugement déféré.

Cette vente est par ailleurs en lien étroit avec le litige, puisqu’elle porte sur le bien objet

du bail rural fondant la procédure, et que la demande d’annulation repose sur l’allégation de

l’exercice préalable du droit de préemption résultant de ce bail.

La fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de la prétention doit donc être écartée.

Le GFA Domaine de la Tassée fait ensuite valoir que l’EARL Y-B n’a pas

agi dans le délai qui lui était imposé par l’article L 412-12 du code rural et de la pêche maritime, selon lequel, au cas où le droit de préemption n’aurait pu être exercé par la suite de non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu, le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente et en dommages intérêts devant les tribunaux paritaires dans un délai de 6 mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion. Il précise que l’appelante n’a formé sa demande de nullité de la vente que dans des conclusions du 20 septembre 2021, alors qu’elle avait connaissance de la date de vente depuis le 29 mai 2020, soit depuis plus de 6 mois.

L’EARL Y-B s’oppose à cette fin de non-recevoir, en indiquant que ce n’était que par les pièces versées aux débats par ses contradicteurs moins de six mois avant ses conclusions du 20 septembre 2021 qu’elle avait eu connaissance de la teneur de l’acte de vente.

Toutefois, l’article L 412-12 fait courir le délai de 6 mois, non pas à compter de la connaissance par le preneur évincé de la teneur complète de l’acte de vente, mais à compter de sa connaissance de la seule date de l’acte de vente.

Or, le GFA Domaine de la Tassé produit en pièce 40 la lettre recommandée avec AR

adressée le 26 mai 2020 à l’EARL Y-B par le notaire ayant procédé à la cession, qui informe le preneur de la vente intervenue 'le 25 mai dernier', ainsi que l’accusé de réception signé le 29 mai 2020 attestant que l’EARL Y-B avait pris connaissance à cette date du courrier, et donc de la date de la vente. Elle se devait donc d’agir en nullité dans les 6 mois suivant cette date, ce qu’elle n’a pas fait, de sorte qu’elle est désormais forclose.

Au surplus, il n’est pas justifié de la réalité de la publication au service de la publicité

foncière des conclusions aux termes desquelles la nullité de la vente était sollicitée, seul le

justificatif d’un dépôt d’une demande en ce sens étant produit aux débats.

La demande en annulation de la vente du 25 mai 2020 sera donc déclarée irrecevable.

- Sur la résiliation du bail

Pour s’opposer à la résiliation du bail, l’EARL Y-B fait valoir que les factures de fermage reçues de la part du GFA Domaine de la Tassée sont entachées de diverses erreurs tenant à l’arrondi du nombre de pièces de vin servant au calcul du fermage, à certaines erreurs mathématiques, à la mise en compte de la TVA, alors qu’elle n’était pas prévue au bail, à l’établissement des factures à des dates parfois antérieures à la date d’échéance du fermage, ou encore à l’absence des mentions d’identification exigées par les dispositions fiscales. Elle en déduit que ces factures lui sont inopposables, et que le bailleur ne peut s’en prévaloir pour solliciter la résiliation du bail.

Toutefois, le contrat de bail du 5 février 2013 stipule, à l’article 12 relatif au fermage, que 'le preneur s’oblige à le payer au bailleur chaque année en trois termes dans les conditions suivantes (…)' Il en résulte que le paiement doit intervenir de la propre initiative du preneur, à la date de chacune des trois échéances annuelles (1er acompte au 31 janvier, 2ème acompte au 31 mai, et solde au 30 novembre), sans qu’il soit à aucun moment prévu que ce paiement soit subordonné à la réception préalable d’une facture correspondante de la part du bailleur. Dès lors, c’est vainement que l’appelante soutient qu’il ne pourrait lui être fait grief du défaut de paiement en raison des erreurs affectant les factures, lesquelles ne conditionnent pas son obligation de règlement, et les erreurs alléguées n’interdisant en tout état de cause en rien au preneur de procéder spontanément au paiement de sommes limitées aux montants que lui-même estimait correspondre au fermage réellement dû.

Or, il est constant qu’alors que deux mises en demeure successives ont été adressées à l’EARL Y-B respectivement le 20 mars 2018 et le 22 mai 2018 pour le paiement de l’échéance du premier acompte du fermage 2017, le preneur n’a procédé à aucun paiement, même partiel, dans les trois mois, ne s’acquittant de cet acompte qu’au cours de la procédure pendante devant le tribunal paritaire.

C’est donc à bon droit qu’au regard de ce constat les premiers juges ont retenu que les conditions posées par l’article L 411-31 du code rural et de la pêche maritime étaient remplies, et qu’ils ont en conséquence prononcé la résiliation du bail litigieux.

La confirmation s’impose de ce chef, de même que s’agissant des accessoires de cette

résiliation, savoir l’expulsion de l’EARL Y-B et la condamnation de celle-ci au versement d’une indemnité d’occupation, sauf à dire qu’à compter du 25 mai 2020, cette indemnité devra profiter, non plus au GFA Domaine de la Tassée, mais à la société SEDOVI,

nouveau propriétaire du fonds. Rien ne justifie à cet égard qu’il soit fait droit à la demande de

la société SEDOVI de fixation d’une indemnité d’occupation d’un montant différent de celui-ci

retenu par le tribunal paritaire, à savoir un montant équivalent à celui du fermage qui aurait été dû en cas de poursuite du bail.

- Sur les arriérés

C’est d’abord vainement que l’EARL Y-B soutient que le GFA Domaine de la Tassée serait irrecevable à poursuivre le recouvrement des arriérés dus en vertu du bail, au motif qu’aux termes de l’acte de vente du 25 mai 2020 elle aurait subrogé la société SEDOVI dans l’ensemble de

ses droits, ce qui lui interdirait désormais d’agir.

En effet, l’acte de vente dispose en page 7 que 'le propriétaire subroge purement et

simplement l’acquéreur dans la procédure de résiliation du dit bail, lequel bénéficiera des mêmes droits et supportera les mêmes obligations. En conséquence, l’acquéreur sera libre de poursuivre la dite procédure dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles se trouvait le vendeur. Il est ici convenu entre les parties que les frais exposés jusqu’à ce jour par le vendeur dans le cadre de cette procédure, en ce compris ses frais d’avocat, lui incomberont définitivement et ne lui seront pas remboursés par l’acquéreur. Ce dernier pour sa part fera son affaire personnelle de tous les frais et droits à venir relativement à cette procédure. Le propriétaire fera également son affaire personnelle du résultat de cette instance, quel qu’il soit, notamment concernant la récupération du montant des loyers restant dus.'

Etant précisé que les termes 'le propriétaire’ désignent le GFA Domaine de la Tassée,

et les termes 'l’acquéreur’ la société SEDOVI, il ressort sans ambiguïté de l’économie de cette clause que les loyers restant dus profitent au seul GFA Domaine de la Tassée, qui est donc parfaitement recevable à en solliciter le paiement.

L’appelante critique ensuite le montant réclamé au titre des arriérés en invoquant des

erreurs affectant les factures.

Il convient d’emblée d’écarter les développements consacrés à la non-conformité des

factures aux règles commerciales et fiscales, qui ne sont pas de nature à remettre en cause le montant dû au titre des fermages.

L’argument tiré du fait que certaines factures ont été émises par le bailleur quelques jours avant que l’échéance concernée soit effectivement arrivée à échéance est également sans emport sur le montant des fermages impayés, ceux-ci étant à ce jour tous exigibles.

Il est exact que le contrat de bail du 5 février 2013 fixe le fermage à la contre-valeur de 6,3352 pièces d’AOC Savigny les Beaune, et que les sommes mises en compte par le GFA Domaine de la Tassée sont calculées sur la base de 6,34 pièces, soit un montant arrondi à la double décimale directement supérieure. Toutefois, force est de constater que cette pratique, qui a été mise en oeuvre depuis le début des relations contractuelles, a manifestement été acceptée par le preneur, qui n’en avait jusqu’à la présente procédure d’appel jamais contesté l’application, et avait réglé des années durant les fermages calculés sur cette même base.

Il est également constant qu’une erreur de calcul a affecté la somme réclamée par le

bailleur au titre du 2ème acompte du fermage 2016. Toutefois, cette erreur est dépourvue de

conséquence quant au montant total des arriérés, dès lors que le fermage 2016 a, conformément au bail, donné lieu à l’établissement d’une facture de solde en fin d’exercice, qui a régularisé l’erreur en déduisant du solde dû la somme facturée en trop au titre du 2ème acompte.

C’est enfin à tort que l’EARL Y-B fait grief au GFA Domaine de la Tassée

de la mise en compte de la TVA, alors que le bail comporte une clause d’assujettissement à la TVA.

Les contestations de l’appelante ne se révèlent donc pas fondées, et l’intéressée ne

démontre pas, par les pièces qu’elle produit, avoir effectué des versements qui n’auraient pas été pris en compte par le GFA Domaine de la Tassée.

La décision entreprise sera cependant infirmée pour tenir compte, d’une part, de la procédure de redressement judiciaire ouverte au profit de l’EARL Y-B le 7 février 2020, d’autre part de l’actualisation des sommes dues au GFA.

Il sera donc fait droit à la demande de celui-ci aux fins de fixation au passif de la procédure de redressement judiciaire de la somme de 13 897,20 euros arrêtée au 7 février 2020.

La demande de l’intimé tendant au paiement d’un solde de 9 650,64 euros au titre des sommes dues pour la période postérieure sera quant à elle rejetée, étant observé que, depuis le jugement du 7 novembre 2019 ayant prononcé la résiliation du bail, il n’était plus dû de fermage, mais une indemnité d’occupation équivalente au fermage, dont le premier acompte était exigible au 31 janvier 2020, et était donc nécessairement pris en compte au titre des sommes fixées au passif de la procédure collective, alors que le deuxième acompte, exigible au 31 mai 2020, ne pouvait plus profiter au GFA Domaine de la Tassée, qui n’était plus propriétaire du fonds depuis le 25 mai 2020 du fait de sa vente au profit de la société SEDOVI.

- Sur les autres dispositions

Le jugement déféré sera confirmé s’agissant des frais irrépétibles et des dépens.

L’EARL Y-B sera condamnée, outre aux dépens d’appel, à payer au GFA

Domaine de la Tassée et à la société SEDOVI la somme de 2 000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Donne acte à la SAS Société d’Exploitation de Domaines Viticoles (SEDOVI) de son

intervention volontaire ;

Déclare irrecevable la demande formée par l’EARL Y-B aux fins d’annulation de la vente intervenue le 25 mai 2020 entre le GFA Domaine de la Tassée et la société SEDOVI ;

Infirme le jugement rendu le 7 novembre 2019 par le tribunal paritaire des baux ruraux

de Beaune en ce qu’il a condamné l’EARL Y-B à payer au GFA Domaine de la Tassée la somme de 14 360,40 euros au titre des arriérés de fermage échus au 31 mai 2019 ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus, sauf à dire qu’à compter du 25 mai 2020,

l’indemnité d’occupation fixée par le tribunal paritaire des baux ruraux profite à la société SEDOVI ;

Statuant à nouveau du chef d’infirmation, et ajoutant :

Fixe au passif de la procédure de redressement judiciaire de l’EARL Y-B la créance détenue par le GFA Domaine de la Tassée, et arrêtée à la date du 7 février 2020, à la somme de 13 897,20 euros ;

Rejette la demande formée par le GFA Domaine de la Tassée au titre de la période

postérieure au 7 février 2020 ;

Condamne l’EARL Y-B à payer au GFA Domaine de la Tassée et à la société SEDOVI la somme de 2 000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l’EARL Y-B aux dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 25 novembre 2021, n° 19/01850