Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 18 novembre 2021, n° 19/00680

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, ch. soc., 18 nov. 2021, n° 19/00680
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 19/00680
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Dijon, 8 septembre 2019, N° F18/00810
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

DLP/CH

D X

C/

SARL ODAXIA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2021

MINUTE N°

N° RG 19/00680 – N° Portalis DBVF-V-B7D-FKZL

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation

paritaire de DIJON, section ENCADREMENT, décision attaquée en date du 09 Septembre 2019,

enregistrée sous le n° F 18/00810

APPELANT :

D X

[…]

[…]

r e p r é s e n t é p a r M e J e a n – M i c h e l B R O C H E R I E U X d e l a S C P B R O C H E R I E U X – GUERRIN-MAINGON, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

SARL ODAXIA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Aurélie FLAHAUT de la SELARL LLAMAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Octobre 2021 en audience publique devant la Cour composée de :

D J, Président de chambre, Président,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGEN-LAITHIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : H I,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par D J, Président de chambre, et par H I, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. X a été engagé par la société Odaxia suivant contrat à durée indéterminée du 1er juillet 2013, en qualité de directeur d’exploitation, statut cadre, position 3-2 coefficient 210.

Le 13 avril 2018, il a été convoqué par son employeur à un entretien préalable, prévu le 26 avril 2018, dans le cadre d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.

Cette convocation a été assortie d’une mise à pied à titre conservatoire.

Le 3 mai 2018, le salarié a reçu la notification de son licenciement pour faute grave.

Le 13 août 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de voir :

— dire et juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

— condamner la société Odaxia à lui payer les sommes suivantes :

* 10 651 euros nets d’indemnité de licenciement,

* 33 000 euros nets d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 19 800 euros bruts d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 980 euros au titre de congés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis,

* 4 400 euros bruts de rappel de salaires,

* 440 euros bruts au titre de congés payés sur rappel de salaire,

* 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 4 000 euros d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Odaxia à lui remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées,

— dire et juger que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée avaient produit des intérêts au taux légal à compter de la notification par le conseil de prud’hommes à l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,

— dire et juger que, par application des dispositions de l’article R. 1454-14 du code du travail, les demandes visées à l’article R. 1454-28 du même code étaient exécutoires de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire,

— fixer la moyenne des 3 derniers mois de salaire à hauteur de 5 785 euros de façon à permettre l’exécution provisoire de droit,

— condamner la SARL Odaxia aux entiers dépens.

La SARL Odaxia a, quant à elle, demandé de voir :

— dire et juger que le licenciement de M. X était fondé sur une faute grave dûment motivée,

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes,

— condamner M. X à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux entiers dépens.

Par jugement du 9 septembre 2019, le conseil de prud’hommes :

— juge que le licenciement de M. X pour faute grave est justifié,

— déboute M. X de l’intégralité de ses demandes,

— déboute la SARL Odaxia de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamne M. X aux dépens.

Par déclaration enregistrée le 18 septembre 2019, M. X a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 18 février 2020, il demande à la cour de :

— dire et juger recevable et bien fondé son appel,

— en conséquence, réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Dijon du 9 septembre 2019,

Statuant à nouveau,

— dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— en conséquence, condamner la SARL Odaxia à lui payer les sommes suivantes :

* 10 651 euros nets d’indemnité de licenciement,

* 33 000 euros nets d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 19 800 euros bruts d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 980 euros bruts au titre de congés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis,

* 4 400 euros bruts de rappel de salaires,

* 440 euros bruts au titre de congés payés sur rappel de salaires,

* 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 4 000 euros d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la SARL Odaxia à lui remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées,

— dire et juger que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts au taux légal à compter de la notification par le conseil de prud’hommes à l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,

— condamner la SARL Odaxia aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 23 janvier 2020, la société Odaxia demande à la cour de :

Vu les articles L. 1232-6 et L. 1332-4 du code du travail,

— confirmer le jugement prud’homal déféré dans son intégralité,

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes,

— condamner M. X à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 septembre 2021.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 octobre 2021, la société Elithis solutions venant aux droits de la société Odaxia sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture rendue le 16 septembre 2021, suite à la transmission universelle de patrimoine de la société Odaxia à son profit, entraînant la dissolution de cette dernière.

Elle communique également des conclusions récapitulatives dans lesquelles elle demande à être reçue en son intervention volontaire et reprend, à son compte, les prétentions formulées par la société Odaxia dans ses écritures transmises à la cour le 23 janvier 2020.

Par conclusions n° 2 transmises par voie électronique le 11 octobre 2021, M. X maintient ses prétentions initiales mais les dirige désormais à l’encontre de la société Elithis solutions.

En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu, à titre liminaire, qu’il convient de recevoir l’intervention volontaire de la société Elithis solutions venant aux droits de la société Odaxia, sans qu’il soit nécessaire, au visa de l’article 803 alinéa 2 du code de procédure civile, de révoquer l’ordonnance de clôture ;

SUR LE BIEN-FONDÉ DU LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE

Attendu qu’il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ;

que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ;

que l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

qu’il est constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l’employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n’en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Attendu, en l’espèce, qu’il ressort du contrat de travail et de la fiche d’attributions versés aux débats que M. X exerçait la fonction de directeur d’exploitation ; qu’il était, à ce titre, chargé de la gestion économique et commerciale de l’entreprise, de son administration, de la coordination de ses actions avec les autres entités du groupe et de l’innovation managériale et métiers ; que dans ce cadre, il disposait de nombreuses attributions dont celle de veiller au respect des processus et procédures internes, de gérer les résultats économiques, de contrôler l’ensemble de l’activité, d’examiner les états budgétaires comptables, de procéder aux arbitrages budgétaires et d’analyser mensuellement les résultats budgétaires en lien avec la direction ; qu’en tant que membre du comité directeur du groupe, il avait également la charge de mettre en 'uvre les décisions stratégiques ; qu’il occupait ainsi un poste à hautes responsabilités impliquant rigueur et probité dans la gestion, outre les compétences commerciales et managériales qui s’imposaient dans ce cadre ;

qu’il a été licencié pour faute grave aux termes d’une lettre du 3 mai 2018 qui fixe les limites du litige et lui reproche, en substance, des « agissements déloyaux confinant à la fraude », des « négligences fautives » dans l’exécution de ses missions contractuelles et une « dissimulation d’éléments mettant en péril l’intérêt social de l’entreprise » ;

qu’il revient à la cour d’examiner chacune des fautes reprochées au salarié et contestées par ce dernier, afin de déterminer si elle(s) constitue(nt) ou non une faute grave ou, à défaut, une cause réelle et sérieuse, justifiant son licenciement ;

Sur la facturation d’avance

Attendu que la SARL Elithis solutions venant aux droits de la société Odaxia reproche à M. X d’avoir procédé à de la facturation d’avance, à savoir d’avoir établi des factures sans bon de commande ni avancement de production ; qu’elle soutient et établit qu’une telle pratique ne ressortit d’aucune procédure officiellement validée par la direction et qu’elle se trouve même en totale contradiction avec celle adoptée par l’entreprise en novembre 2016 ; qu’elle justifie, par ses pièces, qu’une facture ne doit pas être établie sans une référence de commande, ce dont M. X était parfaitement informé ;

que le salarié ne conteste pas la nécessité d’une prestation de services préalable à toute facturation mais prétend que, dans son cas et concernant les affaires litigieuses visées par ce grief, qui seront examinées ci-après, la facture établie a résulté d’échanges préalables avec le client, d’un service

rendu et, par suite, d’une prestation de service effective ; qu’il souligne que le client le sollicitait souvent pour la facturation après de brefs échanges et que la mission devait être réalisée dans de brefs délais ; qu’il en déduit que sa pratique ne constitue pas une facturation d’avance mais une facturation après réalisation d’échanges en vue de déterminer la mission précise confiée à la société Odaxia ; qu’il ajoute que les clients ont toujours accepté cette façon de procéder et qu’il n’a jamais rencontré de difficultés particulières ;

- sur l’affaire MBDA (facture établie avant la réalisation des travaux)

Attendu que, le 30 mars 2018, le contrôleur de gestion du groupe Elithis, M. Y, a demandé par courriel à M. X à quoi correspondait une facture de 12 000 euros qu’il avait établie sous le numéro « 30760-VCF- réaménagement bâtiment MDBA » ; que le salarié n’a pas répondu à cet e-mail ayant expliqué, lors de l’entretien préalable, ne l’avoir « peut-être pas vu » ;

que la société intimée soutient qu’après vérifications, les heures de production ont été réalisées et saisies postérieurement à l’établissement de ladite facture, en avril 2018, et que le client n’avait pas sollicité cette facturation par avance ;

que l’appelant ne le conteste pas mais prétend que la prestation de service correspondait bien à sa facturation puisqu’il avait préalablement pris attache avec le client et étudié la commande qui lui était présentée ; qu’il admet cependant avoir anticipé d’une semaine la commande pour la facturation du 30 mars 2018, ajoutant que le client a bien validé cette facture de 12 000 euros ;

que cette argumentation ne saurait cependant prospérer dès lors qu’une telle pratique est contraire aux dispositions de l’article L. 441-3 du code de commerce imposant la délivrance d’une facture dès la réalisation de la vente ou de la prestation de service ; qu’à défaut, elle expose l’entreprise à une amende et fausse les résultats comptables, l’édition d’une facture générant un chiffre d’affaires avant même que du travail ait été réalisé ; qu’il n’est, de plus, pas établi que l’employeur en a eu connaissance ni qu’il l’a cautionnée alors qu’il l’a, au contraire, dénoncée dès sa découverte ; que comme indiqué précédemment, le salarié ne pouvait quant à lui ignorer que la facturation en avance n’était admise ni en interne, ni par la loi ;

- sur l’affaire AGB (travaux sans commande préalable assurée)

Attendu que la SARL Elithis solutions venant aux droits de la société Odaxia fait grief à M. X d’avoir fait travailler ses équipes sur une affaire référencée sous le numéro 30761 (81 heures pointées) pour laquelle il n’existait aucune confirmation de commande et dont le client AGB refuse de régler la facture ;

Mais attendu l’intimée admet finalement que, « postérieurement au licenciement de M. X, le client AGB n’a pas confirmé l’absence de commande », étant relevé que celle-ci peut parfaitement être verbale ; que la faute du salarié n’est donc, sur ce point, pas suffisamment établie ;

- sur l’affaire ZAC Noval Front populaire avec le client Bateg (travaux sans commande préalable)

* Attendu que l’appelant soulève la prescription des faits qui lui sont reprochés sur le dossier ZAC Noval ; qu’il fait valoir que l’employeur ne peut faire état de l’absence de commande pour un dossier dont il connaissait les difficultés depuis 2017 (facture de 15 600 euros éditée en novembre 2017) et qu’il n’existe pas de faits identiques dans les deux mois précédant la diligence de la procédure de licenciement ; qu’il se prévaut d’un mail du 21 novembre 2017 de Mme F-G, assistante administrative et commerciale, qui sollicite le client en lui demandant « la raison motivant un quelconque retard » ;

Attendu qu’en application de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner

lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ;

qu’il est en outre constant que l’employeur doit avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés ;

qu’en l’espèce, l’employeur reproche à M. X d’avoir fait travaillé son équipe sur l’affaire numéro 30708 ZAC Noval Front populaire en sachant qu’il n’y aurait pas de commande et, par suite, pas de rémunération à percevoir sur ce travail ; que le salarié a été convoqué à un entretien préalable et mise à pied conservatoire le 13 avril 2018 ;

que la SARL Elithis solutions fait justement remarquer que ce n’est qu’à l’issue d’une enquête menée par la direction générale en avril 2018 que le client concerné a été interrogé ; que ce dernier lui a transmis l’information le 3 mai 2018, ce qui lui a permis de connaître la réalité et l’ampleur des faits ; que les échanges de mails et, notamment, le courriel du 21 novembre 2017 de Mme F-G (pièce 12 de l’employeur), ne permettent pas de considérer que l’employeur avait, dès cette date, connaissance de la nature exacte du problème et de son ampleur ;

qu’il n’est par ailleurs pas contestable que ces faits procèdent d’un comportement similaire à celui du salarié dans les affaires AGB et MBDA, à savoir des pratiques irrégulières en matière de facturation (facturation sans bon de commande ou facturation sans production) ; qu’ils se sont poursuivis dans les semaines précédant la procédure disciplinaire ;

que les faits litigieux ne sont donc pas prescrits ;

* Attendu, sur le fond, qu’il est établi que la prestation effectuée à l’initiative de l’appelant, en l’occurrence des métrés, l’a été sans commande (écrite ou orale), aucun accord du client n’ayant été été donné et ce dernier ayant d’ailleurs choisi un autre métreur ; que les excuses de Mme Z (pièce 13) indiquant au salarié avoir « oublié de l’informer qu’ils étaient passé par quelqu’un d’autre pour cette affaire » témoignent uniquement de l’embarras du « client » d’avoir choisi une autre entreprise compte tenu de la relation de confiance entretenue avec M. X, dont ce dernier se prévaut d’ailleurs ; que ces travaux ont fait l’objet d’une facture de 15 600 euros TTC sur des prestations finalement non commandées et non réglées ; que ce comportement a nécessairement impacté la sincérité des comptes de l’entreprise clos en 2017 et les chiffres de l’année 2018 qui s’en sont trouvés faussés, la somme ayant finalement dû être déduite des comptes de la filiale ; qu’il importe peu qu’il n’y ait eu aucune répercussion sur la relation de confiance existante entre ce client et la société intimée ; que M. X n’apporte aucun justificatif sérieux qui permettrait de valider l’entame de travaux sans l’accord du client et alors même que des salariés attestent qu’il était coutumier du fait (pièces 8 à 11 de l’employeur) ; que nonobstant le lien de subordination de ces témoins avec l’intimée, ces attestations, qui ont le mérite d’exister, ne sont contredites par aucune pièce adverse ;

que le comportement fautif de M. X est donc à ce titre caractérisé ;

- sur la demande d’avoir du client Vinci dans l’affaire Hilton Garden

Attendu que l’employeur reproche au salarié de ne pas l’avoir informé d’une demande d’avoir du client Vinci sur une facture du 28 février 2018, faisant suite à son insatisfaction quant à la qualité du travail effectué dans l’affaire n°30745 Hilton Garden à Rungis ;

qu’il est établi que la société Vinci a fait part d’erreurs et d’estimations dans un courriel adressé à la société Odaxia le 25 avril 2018, pendant la mise à pied de M. X ; qu’elle a alors réclamé un avoir de 3 000 euros HT ; que M. X admet avoir eu connaissance des réserves du client pour payer la facture mais expose qu’il a étudié les erreurs avec son collaborateur, M. A, et qu’il s’apprêtait à répondre, avant sa mise à pied, que les erreurs invoquées n’étaient pas fondées ; qu’il se prévaut à ce titre d’un échange de mails avec M. A (pièce 16) relatif aux notes de bouclage de ce dossier, sans qu’il soit toutefois possible d’établir qu’il s’agissait d’une étude afférente à cette demande d’avoir ; que la mise à pied de M. X ne le dispensait par ailleurs d’en aviser sa hiérarchie, peu important la « modicité » du montant concerné par l’avoir et le fait que ce problème n’ait pas rompu la relation commerciale entre l’employeur et son client Vinci ; que si cette omission volontaire n’est pas susceptible de caractériser, à elle seule, une faute grave du salarié, elle doit s’apprécier dans le contexte de l’ensemble des griefs établis à l’encontre de ce dernier ;

Sur le business plan 2018

Attendu que la lettre de licenciement fait état d’une grave erreur d’appréciation de M. X lors de la réalisation de son prévisionnel de chiffre d’affaires au regard de la réalité de l’activité, outre l’absence de sincérité des chiffres inscrits en comptabilité sur les trois premiers mois de l’année 2018 ;

qu’il ressort du business plan prétendument établi par l’appelant que la filiale Elithis solutions devait réaliser 110 000 euros HT par mois sur le premier trimestre ; que X s’étonne d’un tel projet de lettre de mission et prétend n’avoir ni établi ce plan, qui aurait été déterminé unilatéralement par Elithis, ni n’en avoir eu connaissance ; que l’employeur n’en rapporte, en effet, aucunement la preuve ; qu’aucune faute ne saurait donc être reprochée, de ce chef, au salarié ;

Sur l’absence de justificatifs relatifs à deux commandes

Attendu que la SARL Elithis solutions expose qu’au jour de l’entretien préalable et du licenciement, elle n’a disposé d’aucune justification ni explication de M. X s’agissant de deux affaires pour lesquelles il avait annoncé un travail, soit le dossier Akwa City Douala (hôtel situé au Cameroun) pour lequel une commande avait pourtant bien été passée et le dossier Issy C’ur de ville pour lequel l’appelant avait, selon elle, annoncé 100 000 euros de commandes alors qu’aucune commande n’avait été passée ni, par suite, aucune facture émise ; que les chiffres annoncés par le salarié étaient donc totalement fictifs ;

que M. X ne conteste pas qu’une commande avait été passée avec l’hôtel au Cameroun, le client ayant donné son accord pour le projet le 1er mars 2018 ; que le salarié a manifestement tu l’existence de cet accord sans que cela puisse toutefois constituer une faute en l’absence d’information de l’employeur sur la suite donnée à ce projet ; qu’il n’est, de plus, pas démontré que cette commande a finalement été inscrite en comptabilité ;

qu’il n’est, en outre, pas contesté qu’aucune commande avec le second client (dossier Issy C’ur de ville) n’a finalement été régularisée ; que néanmoins, la lettre de licenciement reproche au salarié « l’absence de justification de la perspective d’une commande » alors que M. X établit, par ses pièces 18 et 28, que des échanges étaient en cours sur ledit dossier et que des mails font état du descriptif du projet ; qu’au surplus, la « perspective de commande » a bien été transmise à M. B, gérant de la société Elithis solutions, par courriel du 1er mars 2018 ;

qu’aucune faute n’est donc démontrée à ces différents titres ;

Sur le management de l’équipe et l’insuffisance de prospection

Attendu que la lettre de licenciement fait mention d’une insuffisance de prospection et de commandes apportées à l’équipe, outre un management insatisfaisant ; que l’employeur indique, à titre d’exemple, que le 16 avril 2018, il a constaté que 8 techniciens avaient été affectés à une affaire pouvant être gérée par un seul d’entre eux ; qu’elle reproche ainsi à M. X, de n’avoir pas pris les

bonnes décisions et de ne pas avoir alerté sa direction sur une situation périlleuse (pas de hausse de commandes en parallèle) dont il avait nécessairement conscience alors qu’il avait, de surcroît, toute latitude en terme de développement managérial ; qu’elle estime qu’il appartenait à l’intéressé de mesurer les besoins en effectif de sa filiale et d’en référer à la direction générale en cas d’anomalie ;

Mais attendu que la faute résultant de l’erreur sur les recrutements est insuffisamment caractérisée, étant observé, d’une part, que les décisions relatives au recrutement au sein de la société Odaxia ont fait l’objet de délibérations communes en comité d’exécution et que, d’autre part, ce reproche résulte davantage d’une insuffisance professionnelle du salarié dès lors que l’employeur n’établit pas que cette erreur d’appréciation serait due à la mauvaise volonté de ce dernier ni, au surplus, qu’elle aurait eu une incidence sur l’entreprise ; que l’intimée ne démontre pas que M. X aurait présenté, en toute connaissance de cause, une situation tronquée pour l’embauche de ces techniciens et aurait ainsi abusé de ses prérogatives dans ce domaine dans une volonté de dissimulation ; que l’existence d’une situation périlleuse pour l’entreprise, dont le salarié aurait eu conscience et dont il aurait dû informer sa hiérarchie, n’est pas avérée ;

que la faute n’est donc pas établie sur ce point ;

Sur l’attitude passive, le désengagement et la déloyauté

Attendu que l’employeur soutient, au titre de ces différents reproches, que M. X s’est montré gravement négligent dans le traitement du recouvrement des factures émises par la société ;

qu’il sera tout d’abord rappelé que, si l’effectivité du recouvrement n’incombait pas spécialement à l’appelant, il devait cependant suivre l’état de ses impayés et déclencher le recouvrement ; qu’à cet égard, la procédure « facturation et relances » mise en place en 2016 rappelle que l’opérationnel qui suit ses affaires est également le responsable du suivi des encaissements (pièce 17 de l’intimée) ; que l’appelant ne peut donc prétendre qu’il n’était pas en charge du recouvrement, ni qu’il n’était pas informé de cette procédure alors que la preuve contraire en est rapportée par l’employeur (pièces 15, 16, 17, 18, 34, 35 et 36) ; que la fiche de procédure mentionne également que, dans les 30 jours suivant l’échéance, un appel téléphonique systématique est réalisé par l’assistante administrative ou l’opérationnel chargé de l’affaire, ce dont il se déduit qu’à tout le moins, M. X devait confier cette tâche à l’assistante administrative ; que de plus, le salarié ne peut se prévaloir du délai de 45 jours pratiqué avec le client Eiffage ; qu’il avait d’ailleurs vainement demandé, par courriel du 11 octobre 2017, de « repasser tous les délais de paiement à 45 jours comme il l’avait sollicité et comme la société l’avait fait l’année précédente » (pièce 19 de l’intimée) ;

qu’il ressort de la pièce 21 versée aux débats par M. X que sur 381 028,80 euros de factures émises 149 392,80 euros sont arrivées à échéance et qu’un total de 64 872 euros n’est toujours pas réglé 91 jours après l’échéance ; qu’en outre, la société intimée justifie d’autres négligences dans le recouvrement des factures en ses pièces 24 et 26 ;

Mais attendu, là encore, que l’insuffisance professionnelle dont il s’agit en réalité est dépourvue en elle-même de caractère fautif et ne permet pas de justifier un licenciement disciplinaire ; que l’employeur n’établit pas que les négligences, avérées, de l’appelant sont dues à son abstention volontaire, à sa mauvaise volonté délibérée, ni à sa mauvaise foi ; qu’il ne démontre pas que M. X aurait délibérément refusé de procéder au recouvrement des factures, étant rappelé qu’une mauvaise gestion ne caractérise pas, ipso facto, un fait fautif ;

que s’agissant de la déloyauté, elle n’est pas davantage caractérisée étant relevé que ce grief n’a pas été dénoncé dans les derniers entretiens individuels du salarié et qu’aucune dissimulation sous-entendant un caractère délibéré n’est avérée de la part de ce dernier ;

que l’exécution volontairement défectueuse du contrat de travail et, par suite, la faute de M. X

ne sont donc pas, à ce titre, établies ;

Attendu, enfin, que l’employeur fait état, dans ses écritures, de ce que M. X aurait, non pas conservé une partie de ses mails professionnels, mais effacé une grande partie de ceux-ci en quittant la société, la privant ainsi d’avoir accès à certaines informations essentielles pour la poursuite de l’activité ; que si il l’établit par l’attestation de M. C, responsable informatique, et le procès-verbal de constat dressé par Maître Favre, huissier de justice, le 23 mai 2019, ce grief ne figure pas dans la lettre de licenciement et ne saurait donc être retenu ;

*****

Attendu, en définitive, que les fautes suivantes sont établies à l’encontre de M. X :

— l’établissement d’une facture dans l’affaire MBDA avant la réalisation des travaux et la réalisation de travaux dans l’affaire ZAC Noval Front populaire sans commande préalable assurée,

— le recours, à plusieurs reprises, à de telles pratiques,

— le fait de ne pas avoir avisé son employeur d’une demande d’avoir et d’annulation de commande du client Vinci ;

Attendu que, nonobstant l’ancienneté (relative) de M. X (moins de 5 ans) et l’absence de dossier disciplinaire le concernant avant sa mise à pied, le salarié avait d’importantes responsabilités au sein de la société en sa qualité de directeur d’exploitation qui ne permettent pas d’excuser de tels manquements ; que ces fautes traduisent un non-respect volontaire des règles de la société et des dispositions légales ; qu’elles sont constitutives d’une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise ; que le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions en ce sens ;

que le licenciement pour faute grave étant reconnu bien fondé, les demandes indemnitaires de M. X doivent être rejetées ;

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Attendu que la décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

que M. X, qui est à l’origine d’un appel non fondé, doit prendre en charge les entiers dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture,

Reçoit l’intervention volontaire de la société Elithis solutions venant aux droits de la société Odaxia,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. D X à payer complémentairement en cause d’appel à la société Elithis solutions venant aux droits de la société Odaxia la somme de 1 500 euros ; rejette sa demande à ce titre,

Condamne M. D X aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

H I D J

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Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 18 novembre 2021, n° 19/00680