Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 16 septembre 2021, n° 19/01412

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 2 e ch. civ., 16 sept. 2021, n° 19/01412
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 19/01412
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Chaumont, 13 août 2019, N° 19/00022
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

SB/IC

S.A.R.L. VOSGIBOIS

C/

C Y

D E

expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2e chambre civile

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2021

N° RG 19/01412 – N° Portalis DBVF-V-B7D-FKSA

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 14 août 2019,

rendue par le tribunal de grande instance de Chaumont

RG : 19/00022

APPELANTE :

SARL VOSGIBOIS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis :

[…]

[…]

représentée par Me Sarah FOUCHER, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 24

assistée de Me Stéphane VIRY, membre de la SCP CIRCE. J, avocat au barreau d’EPINAL

INTIMÉE :

Madame C Y veuve X

née le […] à […]

domiciliée :

[…]

[…]

Madame D E mandataire judiciaire à la protection des majeurs, curatrice de Madame C X née Y, désignée à cette fonction par jugement rendu le 20 E 2020 par le tribunal judiciaire de Chaumont

domiciliée :

[…]

[…]

représentées par Me Yannick LE BIGOT, avocat au barreau de HAUTE-MARNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 juin 2021 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et Michèle BRUGERE, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre,

Michèle BRUGERE, Conseiller,

Sophie BAILLY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 16 Septembre 2021,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Mme F Z veuve X est propriétaire de quatre parcelles de forêt d’une superficie totale de 19 hectares, 28 ares et […], cadastrées A 12, A 13, A 471 et […], lieudit « La Bergerie '', sur le territoire de la commune de BOURBONNE LES BAINS.

Suivant exploit d’huissier du 21 décembre 2018, Mme C Z veuve X a, au visa des articles 1102, 1103 et 1104 du code civil, fait assigner la société VOSGIBOIS devant le tribunal de grande instance de CHAUMONT en paiement de la somme de 304 145 euros au titre d’une coupe de bois abusive sur sa propriété, 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant le coût de deux procès-verbaux de constat d’huissier et de l’expertise de l’Office national des forêts.

Elle faisait valoir que la société VOSGIBOIS n’avait pas respecté le contrat conclu entre elles,

puisqu’elle avait prélevé 2 594 m3 de chênes d’une valeur totale à l’achat de 307 145 euros, selon l’estimation faite par l’ONF à sa demande, alors que le contrat produit par cette société, qu’elle ne se souvient pas avoir signé, prévoit la coupe de 1 000 m3 pour un prix de 20 000 euros (estimation ne tenant pas compte ni des arbres blessés par le débardage, ni des arbres cassés ou abîmés par l’exploitation, ni du coût de la mise en régénération des parcelles).

Elle soutenait que la société VOSGIBOIS était responsable des conséquences dommageables de ses actes ; que le contrat n’ayant pas été négocié, ni exécuté de bonne foi, puisqu’elle avait proposé un prix de 20 euros le m3, bien inférieur au prix du marché, qui est selon l’ONF de 118 euros le m3 en moyenne, et qu’elle avait prélevé une quantité de chênes supérieure à celle prévue au contrat.

Elle considérait que ne pouvant obtenir ni la restitution des chênes coupés, ni la remise en état de ses parcelles, elle était donc fondée à demander la somme de 304 145 euros (307 145 – 3 000 euros, montant de la somme perçue sur son compte), représentant le coût de la coupe de bois, ainsi que la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du débardage sauvage qui a entrainé une dégradation des parcelles.

La société VOGIBOIS n’était ni comparante ni représentée.

Par jugement du 14 août 2019, le tribunal de grande instance de CHAUMONT a :

'Vu les articles 46, 472. 655 et 658 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

— condamné la société VOSGIBOIS à payer à Mme C Z veuve X la somme de 304 145,30 euros représentant le coût de la coupe de bois effectuée par elle sur les propriétés de la demanderesse,

— condamné la société VOSGIBOIS à payer à Mme C Z veuve X la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en lien avec la dégradation des parcelles,

— dit que le coût des constats dressés par Maître G H et de l’étude d’estimation établie par l’ONF à la demande de Mme X ne saurait être inclus dans les dépens mais peut être inclus dans les sommes allouées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la société VOGIBOIS à payer à Mme C Z veuve X la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.'

Pour statuer ainsi, le tribunal de grande instance a considéré, en substance, que :

— selon le contrat de coupe de bois en date du 10 août 2018 conclu entre la société VOSGIBOIS et Mme X, cette société devait procéder à la coupe et à l’achat de chênes sur les parcelles de forêt de la demanderesse, pour un volume de 1 000 m3, moyennant un prix de 20 000 euros, payable au comptant à hauteur de 3 000 euros, et en 4 échéances de 4 000 euros,

— il ressort d’une étude d’estimation forestière de la coupe débardée établie par l’Office National des Forêts à la demande de Mme X, d’une part que le prix moyen des bois, basé sur les ventes ONF, est de 118 euros le m3, et non de 20 euros le m3, et d’autre part, que le volume embarqué par la société VOSGIBOIS est de 2 594 m3, et non de 1 000 m3,

— il apparaît que ce professionnel de la coupe de bois, parfaitement au fait du prix du marché, au contraire de Mme X, âgée de 89 ans à l’époque de la conclusion du contrat, et présentant par

ailleurs une altération de ses facultés mentales et une baisse de l’acuité visuelle, n’a pas négocié le contrat de bonne foi en proposant un prix de 20 euros le m3, manifestement dérisoire au regard des prix habituellement pratiqués,

— la société VOSGIBOIS n’a pas non plus exécuté le contrat de bonne foi, puisqu’elle a prélevé 2 594 m3 de bois au lieu des 1 000 m3 contractuellement prévus.

Appel a été interjeté le 3 septembre 2019 par le conseil de la SARL VOGIBOIS.

Dans des conclusions signifiées le 10 E 2020, la SARL VOGIBOIS conclut à ce qu’il plaise

'Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

— Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de CHAUMONT le 14 août 2019 ;

Statuant à nouveau :

— Débouter Mme C X née Z de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

— Condamner Mme C X née Z à verser à la S.A.R.L. VOSGIBOIS la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner Mme X née Z aux dépens de l’instance.'

Elle soutient que :

— un contrat de vente de bois sur pied a été conclu entre les parties, le 10 août 2018, selon lequel il était convenu que la S.A.R.L. VOSGIBOIS procède à la coupe de 1 000 m 3 pour un montant total de 20 000 euros soit 20 euros par m 3,

— Mme X indique qu’elle aurait signé le contrat litigieux, après l’avoir contesté, mais, qu’en raison d’une altération de sa vue et de ses facultés mentales, elle n’en aurait pas mesuré la portée.

— une dite altération n’est pas établie, Mme X ne bénéficiant pas d’un régime de protection, l’intimée produit un certificat médical de complaisance,

— elle conteste avoir coupé 2 594 m3 de bois – elle n’en reconnait que 860 m3,

— la société se prévaut de l’estimation de M. B expert forestier,

— au sujet du prix de la coupe, elle précise qu’elle achète le bois en bloc et sur pied pour le vendre à des scieries. Elle se charge du débardage, de la découpe et de l’acheminement des morceaux de bois,

— les morceaux de bois récoltés sur la parcelle de Mme X ont été vendus et au total sur ce chantier, la S.A.R.L. VOSGIBOIS a donc récolté 628,303 m3 de chênes et 233,99 m3 de bois de trituration pour un montant total de 77 780,40 euros.

Elle ajoute que pour ce chantier, elle a dû régler les prestations suivantes pour un montant total de 47 863,941 euros :

-10 347,516 euros (862,293 m 3 x 12 euros) pour le bûcheronnage effectué par les salariés de la S.A.R.L. VOSGIBOIS ;

—  6 903,38 euros (862,293 m 3 x 8 euros) pour débardage effectué pour une partie par les salariés de la société et pour l’autre par M. I J, débardeur forestier ;

—  12 934,395 euros (862,293 m 3 x 15 euros) pour le transport effectué par des prestataires extérieurs ;

-11 000 euros versés à Mme X pour l’acquisition du bois ;

—  642,60 euros correspondant aux frais de déplacement en véhicule utilitaire des bûcherons de la S.A.R.L. VOSGIBOIS (8 jours x 67,5 km x 2 x 0.595 (barème kilométrique).

Elle soutient qu’en réalité, le prix auquel le bois a été acheté par la S.A.R.L. VOSGIBOIS à Mme X est celui du marché et ajoute que Mme C X ne démontre pas que la S.A.R.L. VOSGIBOIS ait dégradé sa parcelle.

Mme Z et Mme D E, mandataire judiciaire à la protection des majeurs, curatrice de Mme C X née Z, fonction à laquelle elle a été désignée suivant jugement rendu le 20 E 2020 par le juge des contentieux de la protection statuant en qualité de juge des tutelles de Chaumont, a signifié des dernières conclusions, le 15 avril 2020, aux fins de voir :

'- Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande

Instance de Chaumont, le 14 août 2019.

Y ajoutant :

— Dire et juger que la condamnation au paiement aura lieu en denier ou quittance.

— Condamner la société VOSGIBOIS à payer à Madame X la somme de 10 000 euros supplémentaire, sur le fondement du préjudice invoqué, au premier degré ;

— Condamner la société VOSGIBOIS à payer à Madame X la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sans préjudice de sa condamnation intervenue, sur le même chef, en première instance, et à laquelle elle n’aura apporté aucun règlement, non plus, à l’intimée.

— Condamner la société VOSGIBOIS aux entiers dépens.'

Les intimés font valoir que :

— le 18 octobre 2018, Mme X est allée déposer plainte pour usage de faux à la brigade de gendarmerie de BOURBONNE LES BAINS en indiquant que propriétaire, entre autre, d’un bois au lieudit la Bergerie, à […], elle avait été informée de la coupe d’arbres sur sa parcelle, qu’elle avait demandé aux gendarmes de se rendre sur place pour demander aux bûcherons ce qu’ils faisaient là et qu’il avait été indiqué aux gendarmes que la société VOSGIBOIS avait signé un contrat concernant la vente de son bois, qu’elle n’avait pas signé.

— Mme X se souvenait avoir été démarchée à son domicile par des personnes qui lui avaient demandé si elle avait du bois à couper.

— deux constats d’huissier des 19 octobre et 5 novembre 2018 avaient constaté la coupe de chênes, la présence de 29 grumes de chênes de plus de 10 mètres de long et de diamètres des troncs de 80 cm, qu’étaient présents sur les lieux 2 débardeuses forestières et un utilitaire stationné à l’entrée, qu’il y

avait encore des grumes de chêne pas encore débardées, des souches de chênes fraîchement coupées, des chênes marqués d’un trait rouge, et des grumes coupées enlevées du site par camions.

— bien que Mme X estime que sa signature a été imitée sur le contrat litigieux, elle a demandé à l’Office national des Forêts, agence études ONF du Grand Est de procéder à un recollement, c’est à dire, de procéder à l’estimation de la coupe de bois réalisée par la société VOSGIBOIS, sur les 4 parcelles de la Bergerie, sur le territoire communal de Bourbonne les Bains, d’une surface de 19 ha 28 a 29 ca.

— il résultait de cette estimation que la société VOSGIBOIS avait prélevé et embarqué 2 594 m3 de chêne, pour une valeur totale à l’achat de 307 145 euros, sachant qu’à la vente, le prix est multiplié par 3.

— Mme C X n’a eu connaissance du contenu du « contrat qu’elle aurait signé le 10 août 2018, que le 7 Novembre 2018, alors que la société VOSGIBOIS indiquait avoir commencé son abattage de bois le 15 Octobre 2018 et que celui-ci se poursuivait encore le 5 novembre 2018.

— la signature et la date qui figurent en bas du contrat ne correspondent pas à l’écriture de Mme C X, notamment la lettre « F et le chiffre « 1 .

— la société VOSGIBOIS ne peut pas nier que Mme C X présente une altération de ses facultés mentales, ainsi qu’une altération de sa vue, dues à son âge, ainsi qu’il résulte d’un certificat médical circonstancié établi par le 3 décembre 2018 et qu’elle a été placée sous le régime de la curatelle renforcée, suivant jugement rendu le 20 E 2020, par le juge des contentieux de la protection statuant en qualité de juge des tutelles de Chaumont.

— le docteur A indique bien que Mme C X présente une

altération de ses facultés mentales liées à son âge et qu’elle n’était pas en état d’exprimer sa volonté.

— Mme C X, au moment de la conclusion du contrat, soit le 10 août 2018, si tant est qu’elle l’ait signé, n’était probablement pas en état d’exprimer sa volonté de sorte que l’accord de volonté fait défaut, ce qui justifierait le prononcé de son annulation.

Les intimées font valoir, sur l’exécution du contrat que :

— la société VOSGIBOIS soutient avoir procédé à la coupe d’environ 860 m3 de bois, au lieu des 2 594 m3 allégués par Mme C X.

Pour justifier cette affirmation, la société VOSGIBOIS se fonde sur une analyse d’un expert forestier sollicité par cette société qui indique qu’il est très rare qu’en forêt privé, 2800 m3 de bois soit coupé sur 10 ha, ce qui représente un volume moyen de 280 m3 par hectare d’autant qu’un bûcheron produit en moyenne par jour entre 30 et 35 m3.

— cette analyse est fausse, puisqu’au cas présent, la coupe de bois a été effectuée, non pas sur une parcelle de 10 hectares, mais sur les 4 parcelles de la Bergerie, sur le territoire communal de Bourbonne les Bains, d’une surface de 19 ha 28 a 29 ca, soit le double de ce qui est indiqué, ce qui ramène le volume de rendement non pas à 2 800 m3 pour 10 ha mais à 2 800 m3 pour 19,2829 ha.

— l’expert de l’ONF qui, lui, s’est rendu sur place, a comptabilisé les arbres coupés et calculé leur volume.

— l’estimation du volume de bois coupé à 2 594 m3 n’est pas fantaisiste, elle ressort d’un comptage in situ effectué par un organisme d’état indépendant qu’est l’ONF.

— la société VOSGIBOIS soutient que le fait d’avoir proposé d’acheter à Mme C X, le bois à 20 ' le m3 correspond au prix du marché. Or il résulte de l’étude de l’ONF, que cet organisme vend aux professionnels son bois à 198 euros le m3 pour le chêne et 8 euros pour le bois d’industrie.

Il est donc incontestable qu’offrir 20 euros le m3, pour le chêne, est manifestement dérisoire et trop élevé pour le bois d’industrie.

— la société VOSGIBOIS a bien prélevé sur les parcelles de Mme C X 2 594 m3 de bois au lieu des 1 000 m3 prévus contractuellement, sans lui payer le prix devant normalement lui revenir.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 mai 2021.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

SUR CE,

— Sur la demande principale :

L’article 1103 du code civil prescrit que': « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1104 du même code prévoit que': « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

Pour critiquer le jugement attaqué, la SARL VOSGIBOIS, appelante, soutient essentiellement qu’un contrat de vente de bois sur pied a bien été régularisé entre les parties le 10 août 2018.

Cette convention, d’après l’appelante, prévoyait la coupe et l’achat, par ses soins, de chênes sur les parcelles de forêt de Mme Z veuve X, de 1 000 m3 pour un montant total de 20 000 ', soit 20 ' par m3.

Elle estime que Mme Z veuve X conteste aujourd’hui avoir signé ce contrat de manière éclairée, en produisant un certificat médical de pure complaisance, tendant à attester de l’altération de son état, lié à son grand âge.

De surcroît, la SARL VOSGIBOIS affirme, contrairement à ce que soutient Mme Z veuve X, avoir procédé à la coupe de 860 m3 de bois, et non pas de 2 594 m3.

Elle appuie ses dires sur l’estimation réalisée par M. B, expert forestier.

Enfin, la SARL VOSGIBOIS relève qu’elle a payé à Mme Z veuve X un prix du bois correspondant à celui du marché et ajoute que cette dernière ne démontre pas qu’il y ait eu des dégradations commises sur sa parcelle lors de l’exécution du chantier de coupe.

Il reste cependant que Mme Z veuve X produit un certificat médical établi le 3 décembre 2018 par le Dr K L, médecin généraliste à Bourbonne les Bains, constatant notamment une altération définitive de ses facultés mentales par un affaiblissement dû à l’âge, en voie d’aggravation modérée, la mettant dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts.

Il sera observé que ce certificat médical, dont rien ne laisse supposer qu’il s’agisse d’un acte de pure complaisance ainsi que le soutient pourtant la société appelante, a été dressé dans les suites immédiates du contrat de coupe de bois litigieux, conclu le 10 août 2018.

Au surplus, c’est au visa de ce certificat médical délivré le 3 décembre 2018 par le Dr M L, médecin spécialiste inscrit sur la liste établie par le Procureur de la République de Chaumont, que par jugement du juge des tutelles du 20 E 2020, Mme C Y veuve X a été placée sous mesure de curatelle renforcée.

De surcroît, Mme Z veuve X verse aux débats une étude de l’Office national des forêts réalisée le 6 décembre 2018, portant sur la coupe de bois effectuée par la SARL VOSGIBOIS sur les quatre parcelles du canton de la Bergerie lui appartenant, pour une surface totale de 19 ha 28 a 29 ca.

L’estimateur de l’Office National des Forêts précise que : « (…) l’entreprise a exploité une partie des arbres des quatre parcelles appartenant à Mme X. (…) Les parcelles étaient des parcelles riches avec un nombre d’arbres sur pied à l’hectare important. Le nombre moyen d’arbres enlevés est de 30 arbres par hectare (d’un diamètre estimé de 55 centimètres) soit un volume prélevé de 105 mètres cubes par hectare.(…) Leur valeur moyenne est de catégorie C2. (…) ».

S’agissant du peuplement forestier, le technicien a indiqué que « la parcelle est riche avec un volume estimé de bois à l’hectare de 220 mètres cube. Il s’agit d’une futaie de chêne quasiment pure, de gros diamètres. (…) Le volume du bois prélevé a été estimé dans les quatre parcelles appartenant à Mme X. »

Il a mentionné que toutes les souches des arbres coupés ont été retrouvées et que l’estimation a été réalisée à partir du peuplement forestier sur la parcelle, de son essence dominante, de la densité des arbres de futaie, du volume hectare estimé, de la qualité des arbres et destination des produits, et par comparaison avec les ventes de bois de l’Office national des forêts d’arbre de parcelles voisines avec les mêmes qualités de sol et de traitement.

Le technicien a précisé que les arbres d’essence de chêne coupés représentaient 1 507 m3 de bois d’oeuvre dont le prix au m3 est de 198 euros, et 1087 m3 de bois d’industrie dont le prix au m3 est de 8 euros.

L’étude complète permet à l’estimateur de conclure que la valeur totale des bois prélevés s’élève à 307 145 euros, dès lors qu’il note que le prix moyen des bois est de 118 euros le m3 et non pas de 20 euros comme il a été proposé à Mme Z veuve X et que le volume prélevé par la SARL VOSGIBOIS n’est pas de 1000 m3 mais de 2594 m3.

Quand bien même la SARL VOSGIBOIS conteste cette étude de l’ONF, en produisant un avis apparemment contraire de M. I B, expert forestier à Paris, il sera observé que ledit expert se fonde, pour établir ses calculs, sur une surface de 10 ha, ce qui ne correspond pas à celle des parcelles de Mme Z veuve X, représentant quasiment le double.

Au surplus, cet expert forestier a été principalement interrogé sur le rendement journalier théorique d’un bûcheron, la SARL VOSGIBOIS soutenant que 5 bûcherons sont intervenus pendant 5 jours et que ceux-ci n’ont pu couper que 875 m3. Cette assertion est contredite par l’appelante elle-même qui dans ses écritures mentionne qu’elle a dû régler une facture de 642,60 euros correspondant aux frais de déplacement en véhicule utilitaire des bûcherons pendant une durée de 8 jours.

C’est donc à juste titre, et par des motifs pertinents, que le premier juge a pu considérer que la SARL VOSGIBOIS a profité de l’affaiblissement de l’état général de Mme Z veuve X, âgée et présentant une altération de ses facultés mentales, pour lui faire admettre un prix du bois estimé à 20 euros le m3, soit à un prix dérisoire au regard de celui du marché, tel que rappelé par l’ONF.

Il est également établi que le contrat de coupe n’a pas fait l’objet d’une exécution de bonne foi,

puisque les volumes prélevés par la SARL VOSGIBOIS ont été de 2 594 m3 au lieu des 1000 m3 prévus à la convention, ainsi que l’étude de l’Office National des Forêts l’établit, sur la base de constatations effectuées sur les parcelles appartenant à Mme Z veuve X.

De telle sorte qu’il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné la société VOSGIBOIS à payer à Mme C Z veuve X la somme de 304 145,30 euros représentant le coût réel de la coupe de bois, étant précisé qu’il s’agit d’une condamnation en deniers et quittance, la SARL VOSGIBOIS ayant versé une somme supplémentaire de 11 000 euros à Mme Z veuve X.

— Sur les dommages et intérêts sollicités par Mme Z veuve X':

Mme Z veuve X sollicite que lui soit octroyée la somme de 20 000 ' à titre de dommages et intérêts, soit 10 000 euros de plus que le montant qui lui a été alloué par le tribunal de grande instance de Chaumont.

Il sera observé que Mme Z veuve X a obtenu, par le jugement attaqué, une indemnisation à hauteur de dix mille euros, pour la dégradation de ses parcelles, du fait des arbres cassés et abîmés selon les constatations opérées par l’agent évaluateur de l’ONF chargé de l’étude précitée.

Cette indemnisation apparaît suffisante.

Aussi convient-il de confirmer le jugement sur ce point.

— Sur les mesures accessoires':

Il est équitable de condamner la SARL VOSGIBOIS à payer la somme de 2 000 euros à Mme Z veuve X sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL VOSGIBOIS, partie perdante, sera tenue aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme en toutes ses dispositions le jugement attaqué’ sauf à préciser qu’il s’agit d’une condamnation en deniers et quittance ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL VOSGIBOIS à payer la somme de 2000 euros à Mme C Z veuve X sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile';

Condamne la SARL VOSGIBOIS aux entiers dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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