Cour d'appel de Douai, Chambre civile 1, 17 novembre 2008, 08/03786

  • Défaut de consentement·
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  • Intérêt à agir·
  • Fondement·
  • Mariage·
  • Acquiescement·
  • Ministère public

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le mensonge qui ne porte pas sur une qualité essentielle n’est pas un fondement valide pour l’annulation d’un mariage : tel est particulièrement le cas quand le mensonge prétendu aurait porté sur la vie sentimentale passée de la future épouse et sur sa virginité, dont l’absence n’a pas d’incidence sur la vie matrimoniale. La prétendue atteinte à la "confiance réciproque"résultant de ce mensonge est donc sans portée quant à la validité de l’union L’appel du ministère public est recevable relativement à un jugement faisant droit à une demande en nullité de mariage à raison d’un mensonge de l’épouse relatif à sa virginité, "qualité essentielle" au sens de l’article 180, alinéa 2, du code civil, car il est susceptible de mettre en jeu des principes d’ordre public relevant du droit des personnes, dont l’appréciation ne peut être laissée à la libre disposition des parties.

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. civ. 1, 17 nov. 2008, n° 08/03786
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 08/03786
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lille, 31 mars 2008
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000020200394
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 17/11/2008

*

* *

N° de MINUTE : /08

N° RG : 08/03786

Jugement (N° 07/08458)

rendu le 01 Avril 2008

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

APPELANT

LE MINISTERE PUBLIC

représenté par Monsieur TAILHARDAT, substitut général

INTIMÉS

Monsieur A X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués associés à la Cour

Assisté de Maître Xavier LABBEE, avocat au barreau de LILLE

Madame C D Z I épouse X

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués associés à la Cour

Assistée de Maître Charles Edouard MAUGER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Madame F, Président de chambre

Monsieur MERICQ, Président de chambre

Madame METTEAU, Conseiller

— --------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Y

DÉBATS en chambre du conseil, à la demande des parties, à l’audience du 22 septembre 2008, après rapport oral de l’affaire par Madame La Présidente

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2008 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Madame F, Président, et Madame Y, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

LA COUR,

EXPOSÉ DES FAITS / PROCÉDURE ANTÉRIEURE :

Monsieur A X et Madame Z (I) C D se sont mariés le XXX à Mons-en-Baroeul (59).

Selon assignation délivrée le 26 juillet 2006, Monsieur A X a engagé à l’encontre de Madame Z C D une action en nullité du mariage, fondée sur l’article 180 du code civil ; le dossier a fait l’objet d’une radiation prononcée le 4 septembre 2007, les parties n’ayant pas déposé de conclusions signifiées malgré injonction ; l’affaire a été remise au rôle à l’occasion des conclusions signifiées par Madame Z C D acquiesçant à la demande en nullité ; le ministère public, à qui la cause avait été communiquée, a apposé au dossier en date du 6 novembre 2007 la mention 'Vu et s’en rapporte'.

Selon jugement rendu le 1° avril 2008, le tribunal de grande instance de Lille a sous exécution provisoire prononcé l’annulation du mariage aux motifs que, Madame Z C D ayant acquiescé à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, il s’en déduisait que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de Monsieur A X au mariage projeté et que, dans ces conditions, il convenait de faire droit à la demande de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint.

Le ministère public a relevé appel de ce jugement.

Une ordonnance de référé rendue le 19 juin 2008 par le délégataire du premier président de la cour d’appel a arrêté l’exécution provisoire et autorisé l’appelant à faire juger l’affaire selon la procédure à jour fixe.

PRÉTENTIONS ET MOYENS ACTUELS DES PARTIES :

Le ministère public, une fois soutenu la recevabilité de son appel en ce que la décision attaquée porte atteinte à l’ordre public et à ses principes fondamentaux, conclut à l’infirmation du jugement en faisant valoir au fond que :

* l’acquiescement de l’épouse à la demande en nullité engagée par le mari est sans effet dans la présente matière relevant de l’état des personnes qui est indisponible,

* les intéressés n’ont pu de façon valide poser la virginité de la future épouse comme une 'qualité essentielle’ (au sens de l’article 180 alinéa 2 du code civil) car une telle stipulation porterait atteinte aux principes d’égalité de l’homme et de la femme et de libre disposition de son corps ainsi qu’à la dignité, outre qu’elle présenterait un caractère discriminatoire,

* le mensonge lui-même tel qu’invoqué par Monsieur A X ne s’assimile pas à la violation d’une qualité essentielle.

Monsieur A X soutient en premier lieu que l’appel est irrecevable, invoquant les moyens suivants :

* le ministère public (au travers de déclarations publiques faites par la garde des sceaux ou par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lille) a acquiescé le 30 mai 2008 à la décision rendue,

* le jugement déféré, dont seul le dispositif compte, ne porte pas atteinte à l’ordre public,

* l’acquiescement à la demande en nullité tel que formulé par l’épouse en première instance ne pouvait être contesté que devant le juge de la mise en état, seul compétent en application de l’article 771 du code de procédure civile,

* cet acquiescement à une demande de nullité relative était possible car le procès ne concernait pas des droits indisponibles,

* le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes n’est pas en jeu, le mari n’ayant recherché l’annulation du mariage que pour une question de sincérité, ce qui n’est pas discriminatoire.

À titre subsidiaire, Monsieur A X soulève l’irrecevabilité des demandes reconventionnelles formées contre lui car Madame Z C D a acquiescé sans réserves à sa demande en nullité et qu’il est interdit à un plaideur de se contredire. Il fait valoir également que Madame Z C D ne justifie pas de ce qu’elle allègue et que les faits postérieurs au mariage ne sauraient constituer une cause de nullité. Il ajoute que l’acquiescement au jugement par Madame Z C D emporte renonciation aux voies de recours. Il soutient enfin que la demande en dommages-intérêts formée par Madame Z C D en cause d’appel est irrecevable et en tout cas mal fondée.

Toujours à titre subsidiaire, Monsieur A X conclut au rejet de l’appel, le mariage devant être annulé soit compte tenu de la double déclaration que les époux ont faite quant à l’impossibilité de poursuivre l’union soit au visa de l’article 146 du code civil, aucun vrai consentement réciproque n’ayant été recueilli ainsi qu’en témoigne le fait que les époux n’ont pas entretenu de communauté de vie.

Enfin, il propose la confirmation du jugement déféré par application de l’article 180 du code civil pour les motifs suivants :

* le mensonge de l’épouse sur sa vie intime et sentimentale antérieure à l’union est établi, d’autant que son acquiescement à la demande équivaut à l’aveu implicite et irrévocable de la pertinence des faits invoqués par le mari,

* l’absence de sincérité de l’épouse et son mensonge ont été déterminants de son propre consentement,

* il y a bien eu une erreur du mari sur une qualité essentielle de l’épouse (en tout cas une qualité considérée comme essentielle par les intéressés dans leur projet matrimonial), à savoir son aptitude à dire la vérité sur son passé sentimental et sur sa virginité.

Madame Z C D soutient en premier lieu que l’appel est irrecevable, invoquant les moyens suivants :

* le ministère public n’était que partie jointe en première instance ce qui ne lui permet pas de relever appel,

* le jugement déféré, dont seul le dispositif compte, ne porte pas atteinte à l’ordre public et ne relève d’aucune fraude,

* l’ingérence (au surplus tardive) du ministère public dans sa vie privée méconnaît les prescriptions de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) relatif à la protection de la vie privée et familiale ainsi que son droit au libre mariage.

À titre subsidiaire, elle conclut à l’infirmation du jugement et au rejet de l’action principale pour les motifs suivants :

* son acquiescement en première instance ne s’entendait que d’une acceptation du principe de la demande sans valoir approbation des motifs invoqués par le mari,

* en toute hypothèse, elle conteste le mensonge qui lui est reproché, faisant valoir qu’avant le mariage la question de l’absence de liaison antérieure et celle de la virginité ou de la non-virginité de la future épouse n’avaient jamais été abordées : elle critique spécialement les attestations produites par le demandeur et fait valoir en droit que la virginité ne saurait être considérée comme une qualité essentielle en vue du mariage.

Elle forme une demande reconventionnelle en annulation de l’union, le mari ayant méconnu l’obligation de respect qui pesait sur lui et manifesté ainsi son défaut de consentement aux pleins et entiers effets du mariage.

Elle sollicite enfin paiement de dommages-intérêts à hauteur de 1,00 €.

* * *

DISCUSSION :

A) SUR LA RECEVABILITÉ DE L’APPEL :

I) SUR L’APPEL PRINCIPAL DU MINISTÈRE PUBLIC :

1) Sur le moyen tiré du défaut d’atteinte à l’ordre public :

Dans son assignation introductive d’instance, le demandeur a fait valoir notamment que sa future épouse s’était présentée comme 'célibataire et chaste’ alors qu’en réalité elle avait eu auparavant une liaison avec un autre homme et qu’elle n’était plus vierge, et que ce mensonge à l’orée de la vie matrimoniale révélait que les époux ne pouvaient avoir confiance l’un en l’autre -alors que la sincérité est une qualité objectivement essentielle- ce qui justifiait l’annulation du mariage au visa de l’article 180 du code civil soit pour défaut de consentement soit pour erreur sur les qualités essentielles.

Il indiquait également :

'Monsieur X rappelle en outre qu’il appartient – comme son épouse – à une communauté où une tradition demeure qui veut que l’épouse doit rester vierge jusqu’au mariage'.

Le jugement déféré a fait droit à cette action et prononcé l’annulation du mariage en prenant en considération la virginité de l’épouse (et son mensonge sur ce point) perçue par les deux époux comme une 'qualité essentielle déterminante du consentement’ du mari.

L’action ainsi présentée et le jugement rendu, qui sont susceptibles de mettre en jeu les principes de respect de la vie privée, de liberté du mariage, de prohibition de toute discrimination entre les hommes et les femmes (principes protégés par l’article 9 du code civil et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – CEDH – outre son protocole additionnel n° 7 en date du 22 novembre 1984 ratifié par la loi n° 85-1475 du 31 décembre 1985), relèvent du droit des personnes -dont les parties n’ont pas la libre disposition- et de l’ordre public.

L’appréciation des 'qualités essentielles’ au sens de l’article 180 alinéa 2 du code civil relève également du contrôle de l’ordre public dès lors qu’elle ne peut être laissée à la libre disposition des parties.

2) Sur les autres moyens invoqués par Monsieur A X :

Les déclarations publiques qu’ont pu faire la garde des sceaux ou le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lille après le prononcé du jugement ne valent pas acquiescement à cette décision au sens de l’article 410 du code de procédure civile. En effet, un acquiescement au jugement doit, pour être certain, être soit exprès (c’est à dire ressortir d’un acte écrit précis exprimant l’acquiescement) soit implicite (c’est à dire résulter d’actes démontrant avec évidence et sans équivoque l’intention de la partie à laquelle est opposé le jugement d’accepter le bien-fondé de l’action, ou d’actes incompatibles avec la volonté d’interjeter appel). Tel n’est pas le cas en l’espèce, les déclarations en cause ne révélant pas une intention non équivoque de ne pas relever appel.

Le jugement déféré a fait droit à l’action engagée par Monsieur A X en accueillant ses moyens de droit et de fait mais sans donner acte à Madame Z C D de son acquiescement à la demande : ce n’était donc pas un 'incident mettant fin à l’instance’ qui aurait relevé de la compétence exclusive du juge de la mise en état (en vertu de l’article 771 du code de procédure civile).

L’acquiescement de Madame Z C D à la demande, qu’il fût ou non possible et recevable, est sans portée quant à la recevabilité de l’appel par le ministère public : cet acquiescement formulé par une partie au procès (Madame Z C D) n’a pu en toute hypothèse priver une autre partie au procès (le ministère public) de son droit de relever appel.

3) Sur les autres moyens invoqués par Madame Z C D :

Dès lors que le ministère public, à qui la cause avait été communiquée en première instance, y est intervenu, fût-ce comme partie jointe, et s’en est rapporté à justice ce qui constituait une contestation, il est recevable à former appel du jugement qui est susceptible de mettre en jeu des principes d’ordre public.

L’intervention du ministère public au procès opposant au principal Monsieur A X à Madame Z C D puis son appel relèvent du contrôle de l’ordre public et ne portent pas une atteinte disproportionnée au respect dû à Madame Z C D de sa vie privée protégée par l’article 9 du code civil ou l’article 8 CEDH non plus qu’à son droit au libre mariage tel que posé à l’article 12 CEDH.

Ainsi l’appel principal est-il recevable.

II) SUR L’APPEL INCIDENT DE MADAME Z C D :

Le fait que Madame Z C D a en première instance formulé son 'acquiescement à la demande en nullité du mariage présentée par son époux’ ne valait pas adoption du moyen juridique soutenu en vue de l’annulation ni aveu des faits relatés par le demandeur, d’autant plus que l’acquiescement à la demande 'n’est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition’ (article 408 du code de procédure civile) : l’acquiescement de Madame Z C D à la demande n’avait ainsi pas de valeur particulière.

Par ailleurs, l’acquiescement de Madame Z C D au jugement est lui-même sans portée dès lors qu’une autre partie -le ministère public- a formé régulièrement un recours (article 409 du code de procédure civile).

Ainsi l’appel incident est-il recevable.

B) SUR LE FOND :

1) Sur la demande d’annulation formée par Monsieur A X :

Monsieur A X, faisant référence à des écrits croisés que se sont communiqués les époux dans le cours du présent procès, sollicite de voir 'prononcer la nullité sur double déclaration des parties sans conséquence pécuniaire'.

Une telle demande, dans cette matière d’ordre public où les parties n’ont pas la libre disposition de leurs droits, est sans portée.

Monsieur A X sollicite ensuite l’annulation de l’union au visa de l’article 146 du code civil en invoquant les visions différentes des parties sur la vie matrimoniale ainsi que l’absence de cohabitation révélatrice de ce que les époux n’auraient pas eu de véritable intention matrimoniale.

Il ne ressort cependant pas des éléments de la cause que, quelles qu’aient pu être leurs divergences sur la conception du mariage, les époux se seraient prêtés à la cérémonie dans un but étranger à l’union matrimoniale dès lors que chacun d’eux manifestait alors la volonté de fonder une famille.

D’autre part, les propres attestations produites à son dossier par Monsieur A X révèlent que c’est lui-même qui, faisant une question de principe de la 'trahison’ dont il s’estimait victime, a décidé de ne pas poursuivre l’union et a demandé à ses proches de raccompagner l’épouse chez ses parents.

Dans cette situation, la demande n’est pas fondée.

Pour obtenir enfin l’annulation du mariage au visa de l’article 180 alinéa 2 du code civil, Monsieur A X conclut explicitement à hauteur d’appel (ses conclusions p. 19) que :

'La qualité érigée au rang d’essentielle par Monsieur X n’est pas la présence de la virginité mais l’aptitude de l’épouse à dire la vérité sur son passé sentimental et sur sa virginité'.

Il indique également (ses conclusions p. 8) que :

'Il n’a jamais 'posé comme condition’ la virginité de son épouse. Il ne s’agissait chez lui que d’une espérance et non d’une exigence'.

Ainsi la virginité de l’épouse n’est-elle pas, devant la cour, invoquée comme une qualité essentielle recherchée par Monsieur A X lors du mariage et elle n’a pas été une condition qu’il aurait posée à l’union.

Le moyen d’annulation invoqué par Monsieur A X tient à ce que Madame Z C D lui aurait, dans la période précédant le mariage, menti sur sa vie sentimentale antérieure et sur sa virginité et que ce mensonge aurait provoqué chez lui une erreur sur la confiance qu’il pouvait avoir en sa future épouse et sur la sincérité de celle-ci, tous éléments -confiance et fidélité réciproques, sincérité- relevant des 'qualités essentielles’ attendues par chacun des conjoints de l’autre.

Devant la cour, Madame Z C D conteste avoir menti à son futur époux dans la période précédant le mariage, affirmant que sa vie sentimentale passée n’avait pas été abordée.

La position adoptée en première instance par Madame Z C D -elle était alors défenderesse et s’était contentée d’acquiescer à la demande en nullité sans s’exprimer sur le motif juridique fondant l’action ni passer aveu des faits allégués par le demandeur- n’est pas en contradiction fondamentale avec celle adoptée devant la cour -elle est à ce stade du procès défenderesse et intimée, sur l’appel formé par le ministère public, et elle conteste la demande tout en sollicitant la nullité du mariage sur un autre fondement.

Madame Z C D est en conséquence recevable, devant la cour, à présenter sa propre version des faits.

Les éléments apportés aux débats par Monsieur A X sont insuffisants à prouver le mensonge prétendu, alors que :

° l’attestation rédigée par le père de Monsieur A X ne relate aucun fait propre à éclairer le débat,

° les deux attestations rédigées par des proches de Monsieur A X (son frère, son témoin de mariage), qui ne relatent aucun fait que les témoins auraient constaté personnellement et directement pendant la période ayant précédé le mariage, ne font état que de propos que les époux auraient tenus ou de confidences qu’ils auraient faites après le mariage : ces attestations sont trop indirectes pour avoir valeur probante.

Ainsi Monsieur A X ne fait-il pas la preuve -qui lui incombe- du mensonge prétendu.

Il sera ajouté qu’en toute hypothèse le mensonge qui ne porte pas sur une qualité essentielle n’est pas un fondement valide pour l’annulation d’un mariage.

Tel est particulièrement le cas quand le mensonge prétendu aurait porté sur la vie sentimentale passée de la future épouse et sur sa virginité, qui n’est pas une qualité essentielle en ce que son absence n’a pas d’incidence sur la vie matrimoniale.

Ainsi la prétendue atteinte à la 'confiance réciproque’ est-elle sans portée quant à la validité de l’union.

En conséquence de ces considérations, il y a lieu de débouter Monsieur A X des fins de son action.

2) Sur la demande reconventionnelle formée par Madame Z C D :

Comme il a été relevé ci-avant, le fait que Madame Z C D a en première instance formulé son 'acquiescement à la demande en nullité du mariage présentée par son époux’ ne valait pas adoption du moyen juridique soutenu en vue de l’annulation ni aveu des faits ainsi que relatés par le demandeur.

En dépit de son acquiescement au jugement, elle a retrouvé devant la cour l’entière possibilité de se défendre dès lors qu’une autre partie (le ministère public) a formé régulièrement un recours.

Sa demande reconventionnelle est ainsi recevable.

S’agissant du fond de la demande en nullité, Madame Z C D fait valoir que Monsieur A X n’avait pas la volonté d’accepter voire la capacité de concevoir l’obligation de respect entre les époux édictée à l’article 212 du code civil et qu’il a manifesté dès le premier soir de l’union à son égard une violence morale et physique en divulguant auprès de tiers son état intime et en la faisant reconduire chez ses parents.

Cependant, ces éléments, qui sont susceptibles de constituer des manquements aux obligations du mariage, ne permettent pas de caractériser l’erreur de l’épouse sur les qualités essentielles du mari, d’autant que Madame Z C D ne produit aucune pièce de nature à établir que Monsieur A X n’aurait pas eu la volonté de s’unir effectivement et durablement.

La demande doit donc être rejetée.

Madame Z C D sollicite enfin paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral.

En ce qu’elle fonde sa réclamation sur l’atteinte continue à sa vie privée que constitue le présent procès, y compris devant la cour, et sur le retentissement public qui a été donné, postérieurement au jugement, à cette affaire au détriment de son intimité, il s’agit d’une demande qui, même nouvelle en appel, est recevable.

Cependant, il ne peut être considéré que Monsieur A X aurait porté atteinte à sa vie privée par le seul procès qu’il a engagé et auquel elle a entendu acquiescer en première instance ; par ailleurs, Monsieur A X n’est pas responsable de la publicité qui a été donnée à ce dossier et il n’est pas appelant.

La demande doit donc être rejetée.

Les dépens doivent être laissés à la charge de Monsieur A X qui succombe dans ses prétentions principales.

* * *

PAR CES MOTIFS :

— dit recevable et bien fondé l’appel formé par le ministère public ;

— infirme en toutes dispositions le jugement déféré ;

ET, STATUANT À NOUVEAU :

— déboute Monsieur A X de son action en annulation du mariage ;

— déboute Madame Z C D de sa demande reconventionnelle en annulation du mariage ; la déboute de sa demande de dommages-intérêts ;

— condamne Monsieur A X aux entiers dépens de la première instance et de l’instance d’appel.

Le Greffier, Le Président,

N. Y. B. F.

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