Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 1er octobre 2020, n° 18/06951

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, troisieme ch., 1er oct. 2020, n° 18/06951
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 18/06951
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, 26 novembre 2018, N° 17/00922
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 01/10/2020

N° de MINUTE : 20/402

N° RG 18/06951 – N° Portalis DBVT-V-B7C-SBIX

Jugement (N° 17/00922) rendu le 27 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer

APPELANT

Monsieur Y X

né le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représenté par Me Z A, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

SA Generali Vie agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

2 rue Pillet-will

[…]

Représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, constituée aux lieu et place de Me François Deleforge, avocat ayant cessé ses fonctions et par Me Yann Plaçais, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l’audience publique du 01 juillet 2020 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIÈRE LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

En présence de : Océane Monpays, vacataire

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Hélène Château, première présidente de chambre

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseillère

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 01 octobre 2020 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Hélène Château, présidente et Harmony Poyteau, greffière, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 juin 2020

EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 23 juillet 2002, M. Y X a souscrit par l’intermédiaire de la société de courtage Akerys capital, un contrat de prévoyance «Stratégie Fleming Monde option PEP» « profil Fleming stratégie 25 » auprès de la société Fédération Continentale, nouvellement dénommée Generali-vie, pour une durée de 10 ans, moyennant le versement d’une prime initiale de 30 000 euros.

Pour financer le versement de cette prime initiale, M. X a conclu auprès de la Société de Banque et d’Expansion (ci-après la SBE), selon offre préalable du 10 septembre 2002, un prêt bancaire personnel d’un montant de 30 000 euros, au taux annuel nominal de 6,3 % et remboursable « in fine » en capital à l’issue de 120 mensualités correspondant au remboursement des intérêts mensuels.

En garantie du remboursement de cet emprunt, M. X a délégué à la SBE sa créance à l’encontre de Generali-vie à hauteur de l’intégralité de la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie qu’il a souscrit auprès de cet assureur.

Par acte du 1er juin 2004, la Banque privée européenne (ci-après la BPE) a consenti à M. X un prêt de 30 000 euros dont le capital est remboursable à l’issue de la dernière de ses 105 mensualités, dans des conditions ayant permis le rachat par M. X du crédit qu’il avait initialement souscrit auprès de la SBE.

La BPE a demandé la garantie de son prêt par une délégation de créances portant sur la valeur totale de rachat du contrat d’assurance-vie. Parallèlement, la mainlevée de la délégation de créances antérieurement accordée à la SBE est intervenue, cette dernière étant désintéressée de sa créance. Cette délégation de créance a été signée par Generali-vie, dépositaire des fonds apportés en garantie.

Le 19 mars 2012, M. X a procédé au rachat total du contrat d’assurance-vie, via le courtier Akerys.

Le 3 avril 2012, Generali-Vie a procédé à un virement de 34 843,24 euros, correspondant à la valeur nette de rachat du contrat au profit de M. X.

La BPE, dont la dernière échéance du prêt n’a pas été payée par M. X, a sollicité la mise en oeuvre de la garantie auprès de Generali-vie.

Generali-vie a en conséquence payé à la BPE la somme de 32 690,51 euros, correspondant au montant de cette dernière échéance.

Par jugement rendu le 27 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer a :

— condamné M. Y X à restituer la somme de 32 937,33 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2016,

— débouté M. Y X de sa demande de dommages et intérêts,

— dit n’y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. X aux entiers dépens,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 21 décembre 2018, M. X a formé appel de l’intégralité du dispositif de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 juin 2020, M. X demande à la cour d’infirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

=> à titre principal :

— débouter la société Generali-vie de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— reconventionnellement, condamner la société Generali-vie en raison de son manquement à son obligation de conseil et de mise en garde, à lui payer des dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier subi, à hauteur du montant des sommes versées par elle dans le cadre du rachat de crédit à savoir la somme de 34 843,24 euros,

=> à titre subsidiaire : « si la Cour d’appel faisait droit aux demandes de la société Generali-vie et infirmait le jugement sur ce point »,

— reconventionnellement, condamner la société Generali-vie en raison de son manquement à son obligation de conseil et de mise en garde, à li payer à M. X Y des dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier subi, à hauteur du montant des sommes versées par elle dans le cadre du rachat de crédit à savoir la somme de 34 843,24 euros,

— ordonner la compensation entre les sommes dues par M. X à la société Generali-vie et les sommes qui lui sont dues par la société GENERALI au titre de son préjudice moral et financier,

=> en toutes hypothèses :

— condamner la société Generali-vie à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,

— la condamner aux entiers frais et dépens de 1re instance et d’appel dont distraction au profit de Maître A.

A l’appui de ses prétentions, M. X fait valoir que :

— la demande de répétition de l’indu invoquée par Generali-vie est fondée sur les dispositions des articles 1302 et suivants du code civil, qui ne sont pas applicables à l’espèce, dès lors que les contrats conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 restent soumis à la loi ancienne et que le contrat d’assurance-vie a été conclu en 2002. Il estime que Generali-vie ne peut

invoquer sa propre faute, résultant d’une erreur d’enregistrement de la délégation de créance au profit de la BPE, pour justifier un remboursement.

— Generali-vie a engagé sa responsabilité au titre d’un manquement à son obligation de conseils, d’informations et de mise en garde, notamment au visa des articles L. 111-1 du code de la consommation et L. 132-27-1 du code des assurances. A cet égard, il estime que la seule remise d’une notice d’information ne suffit pas à satisfaire à cette obligation, alors que l’assureur doit apporter à son client une information et un conseil adaptés à sa situation personnelle. Sur ce point, il indique que Generali-vie n’a pas pris en compte sa situation personnelle, qui consistait à garantir un prêt ou à lui constituer un complément de retraite lorsqu’elle lui a conseillé de souscrire un contrat en unités de comptes. Il considère d’une part qu’aucune banque ne conseillerait de financer un placement à faible rendement (PEP garantissant le capital) par un prêt ayant un taux d’intérêt de 6,3 % par an, d’autant plus que l’assureur a proposé que la totalité du capital investi lors du versement de la prime initiale soit emprunté.

Il estime d’autre part que Generali-vie ne peut invoquer avoir ignoré ce montage financier, alors qu’il résulte d’une attestation d’un ancien salarié de la société de courtage Akerys, que la société Morgan Fleming s’est rendu au siège de ce courtier jusqu’en 2003 pour présenter son offre et recommander le recours à une assurance-vie sous forme de PEP et financée par un emprunt in fine pour disposer de la totalité du montant de l’emprunt dès le départ. Il relève que les délégations de créances visent précisément que le contrat d’assurance-vie est financé par un prêt, de sorte que Generali-vie ne peut invoquer son ignorance, alors que les fonds ont enfin été versés directement par cet assureur sans transiter par Akerys. Il précise qu’en appel, Generali-vie reconnaît d’ailleurs avoir eu connaissance de ce mode de financement, même si elle indique ne pas avoir proposé un tel montage.

Il conteste enfin que Generali-vie ne soit soumis qu’à une obligation d’information, et non de conseil, laquelle ne porterait que sur Akerys. Sur ce point, il indique que l’intervention d’un intermédiaire n’exonère pas l’assureur de sa responsabilité de droit commun, indépendamment de l’action engagée en application de l’article L. 132-5-2 du code des assurances. Il ajoute qu’un cumul d’actions à l’encontre de l’assureur et du courtier n’est pas exclu en cas de fautes respectivement imputables à chacun d’entre eux. A cet égard, il importe peu qu’en application de l’article L. 511-1 du code des assurances, l’assureur ne soit pas le mandant du courtier et ne réponde pas des fautes de ce dernier.

— Generali-vie lui a fait perdre une chance de bénéficier d’un placement rémunérateur. Il indique sur ce point que la somme provenant du placement (34 843 euros) moins le remboursement des sommes restant dues à la Banque (32 937,33 euros) moins les intérêts du prêt (18 980 euros) rendait l’opération déficitaire de 17 074,33 euros.

Il invoque enfin un préjudice résultant de son inscription au fichier national des incidents de paiement, et la prise d’une hypothèque provisoire sur l’immeuble dont il est propriétaire avec son épouse, dont il a obtenu la mainlevée par le juge de l’exécution.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 20 mai 2020, Generali-vie, intimée et appelante incidente, demande, au visa des articles 1104, 1235 et 1376 du code civil et L. 132-27-1 du code des assurances, à la cour de :

— confirmer le jugement du 27 novembre 2018 en ce qu’il a condamné M. X à devoir lui restituer la somme de 32 937, 33 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2016,

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles

— condamner M. X aux entiers dépens de l’instance

— réformer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de 5000 euros au titre de l’article 700 du

Code de procédure civile.

A l’appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

— le fondement textuel de la répétition d’indu n’est pas erroné, ainsi qu’il résulte du jugement critiqué ayant appliqué l’ancien article 1376 du code civil.

— elle a rempli son obligation d’information précontractuelle.

Sur ce point, la compagnie d’assurance indique que M. X a modifié son argumentaire pour prétendre désormais qu’elle serait à l’initiative de la souscription du contrat signé le 23 juillet 2002 alors qu’il avait antérieurement exposé que seule la société Akerys lui avait proposé ce mode de financement par un prêt. Elle considère à l’inverse n’être intervenue ni au stade de la proposition du contrat, ni à celui du financement du contrat, alors qu’elle a respecté ses obligations en remettant une notice d’informations claire et précise sur la nature des fonds en unités de compte proposés au contrat d’assurance-vie. Elle ajoute que M. X a reconnu avoir reçu un exemplaire des conditions générales valant notice d’information, de sorte que la souscription d’un profil exclusivement « Fleming 25 » (soit un investissement portant pour 25 % sur des actions, sujettes à dépréciation) est intervenue en connaissance de cause. Elle précise que la souscription par M. X d’une garantie-plancher lui permettant de préserver son capital prouve que son assuré avait conscience du risque de dépréciation lié à une perte de valeur des unités de compte.

— elle n’est tenue à aucune obligation de conseil envers M. X.

Sur ce point, elle estime qu’en application de l’article L. 132-27-1 du code des assurances, l’assureur est dégagé de son obligation de conseil, lorsque le contrat d’assurance a été proposé par un intermédiaire d’assurance, et non directement par ses soins.

Elle considère que l’attestation d’un ancien salarié d’Akerys est dépourvue de valeur probante, alors qu’elle ne la désigne pas comme à l’initiative du montage contractuel contesté, la société JPF Morgan Fleming étant seule visée. Elle souligne qu’en indiquant dans une première attestation qu’un nantissement a été effectué au profit de la compagnie en garantie du prêt, cette attestation confirme en réalité qu’elle n’est pas à l’origine de ce montage, même si elle en a été effectivement informée.

— elle conteste avoir commis une faute.

Elle indique que M. X a volontairement refusé de payer la dernière échéance du prêt auprès de la BPE et que le versement qu’elle a effectué au profit de cette dernière pour le compte de son assuré est indu, comme résultant de l’erreur provenant d’une anomalie informatique ayant abouti à lui verser l’intégralité de la valeur de rachat du contrat sans en déduire les sommes restant dues à la BPE.

Elle invoque en revanche la faute contractuelle de M. X, qui a refusé de payer la dernière échéance du prêt, tout en percevant par erreur la valeur totale de rachat de son contrat. Elle ajoute en outre que l’erreur, même fautive, du solvens, ne le prive pas de son droit à répétition des sommes indûment versées.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 juin 2020.

Par message RPVA du 14 septembre 2020, les parties ont été invitées à formuler contradictoirement leurs observations sur l’application dans le temps de l’article L. 132-27-1 du code des assurances et sur le fondement tiré de l’article 1147 du code civil que la cour a soulevé d’office en application de

l’article 12 du code de procédure civile.

Dans une note communiquée le 24 septembre 2020, Generali-vie indique d’une part que le fondement tiré de l’article L. 132-27-1 précité n’est pas applicable au présent litige, mais mentionne que la jurisprudence antérieure à la loi entrée en vigueur au 1er janvier 2010 prévoyait déjà que le courtier doit conseiller le client en fonction de ses besoins et de ses exigences, lorsque le contrat a été ainsi souscrit par son intermédiaire, et non directement auprès de l’assureur. D’autre part, elle estime que les conditions de l’article 1147 du code civil invoquée par M. X ne sont pas réunies. Elle conteste l’existence d’une faute, alors que l’adhérent a été informé des caractéristiques essentielles du contrat d’assurance-vie. Elle estime que le préjudice subi par M. X résulte exclusivement du coût du prêt souscrit pour financer le contrat d’assurance-vie, alors qu’elle n’est pas partie à ce prêt. Elle considère que M. X n’a subi aucun préjudice dès lors qu’il a conservé les sommes qu’elle lui a indûment versées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la répétition de l’indu :

S’agissant du fondement de l’action engagée par Generali-vie, la cour approuve le premier juge d’avoir retenu que sont temporellement applicables au présent litige les dispositions des articles 1235 et 1376 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dès lors que le versement que l’assureur invoque avoir effectué par erreur est intervenu le 19 mars 2014.

Ces dispositions sont valablement visées dans ses conclusions par Generali-vie.

Il en résulte que le solvens est en droit, dès lors que les sommes versées n’étaient pas partiellement ou totalement dues, d’en obtenir la restitution sans être tenu à aucune autre preuve, étant précisé que son erreur ou sa négligence ne font pas obstacle à l’exercice de son action en répétition de l’indu.

En l’espèce, alors que Generali-vie était signataire de la délégation de créance consentie par M. X à la BPE selon acte du 4 mai 2004 et affectant l’intégralité de la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie à la garantie du remboursement de toutes sommes pouvant être dues par le délégant à la banque lui ayant consenti le crédit souscrit le 1er juin 2004.

Dans ces conditions, il est indifférent que Generali-vie ait procédé au paiement intégral de la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie au profit de M. X, sans avoir préalablement vérifié que l’ensemble des mensualités du prêt auquel était adossé le contrat avait été payé par ce dernier ou en méconnaissance de la délégation de créance au profit de la BPE résultant d’un dysfonctionnement allégué de son outil informatique.

Le virement opéré le 3 avril 2012 au profit de M. X pour un montant de 34 843,24 euros est par conséquent indu à hauteur de 32 937,33 euros qu’il appartenait en réalité à Generali-vie de verser à la BPE au titre de sa garantie portant sur la valeur de rachat de l’assurance souscrite.

Le jugement critiqué est confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de l’assureur au titre d’une obligation d’information et de conseil :

Sur le fondement de la responsabilité :

La cour a relevé d’office que l’article L. 132-27-1 du code des assurances n’est entré en vigueur qu’au 1er juillet 2010 en application de l’article 13 de l’ordonnance n° 2009-106 du 30 janvier 2009, alors que le contrat litigieux d’assurance-vie a été conclu le 23 juillet 2002.

La recherche de la responsabilité de l’assureur au titre d’une obligation pré-contractuelle d’information et de conseil, telle que développée par la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de cet article au titre du devoir de bonne foi et de loyauté dans les relations entre cocontractants, est par conséquent sanctionnée sur le fondement de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Sur l’incidence d’une intermédiation en assurance :

L’intervention d’un intermédiaire d’assurance ne dispense pas l’assureur de son propre devoir d’information et de conseil à l’égard du preneur d’assurance.

Si l’assureur n’est pas responsable du manquement fautif par le courtier à ses obligations, il reste en revanche responsable de sa faute personnelle lorsqu’il manque à sa propre obligation pré-contractuelle d’information et de conseil dans ses relations avec son cocontractant.

En outre, alors qu’aucun élément ne permet d’établir que le courtier Akerys était le mandataire de Generali-vie dans la souscription du contrat litigieux, une telle circonstance est en définitive indifférente, dès lors que la responsabilité d’un mandataire n’est elle-même pas exclusive de celle de l’assureur qu’il représente.

Sur les manquements de l’assureur à ses obligations :

L’article L. 132-27-1 du code des assurances n’étant pas applicable à l’espèce, l’assureur est débiteur à l’égard du preneur d’assurance à la fois d’une obligation d’information, qui porte sur la transmission d’une information générique, et d’une obligation de conseil, qui induit une appréciation critique et personnalisée de ladite information au regard de la situation particulière du client considéré.

L’étendue du devoir tant d’information que de conseil de l’assureur doit s’apprécier au regard de l’attitude, des connaissances et des compétences de l’assuré.

La charge de la preuve de l’exécution de ces obligations pèse enfin sur l’assureur.

=> au titre de l’obligation d’information :

M. X ne conteste pas avoir été destinataire tant de la notice d’information que des conditions générales concernant le profil « Fleming stratégie 25 » de l’assurance-vie qu’il a souscrite auprès de Generali-vie.

Aucune violation de l’obligation d’informations n’est ainsi établie à l’encontre de Generali-vie, au regard de ses obligations prévues par l’article L. 112-2 du code des assurances dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015.

Sur ce point, le jugement critiqué est confirmé.

=> au titre de l’obligation de conseil :

Estimant que seul le courtier était débiteur d’une telle obligation, Generali-vie ne rapporte pas la preuve qu’elle a valablement exécuté sa propre obligation de conseil à l’égard de M. X.

A cet égard, la seule production des pièces destinées à informer le preneur d’assurance ne satisfait pas à l’exécution d’une telle obligation, laquelle renvoie en réalité à un conseil adapté à la situation personnelle de ce dernier.

A cet égard, la cour observe que :

— confirmant l’attestation établie par un ancien salarié du courtier Akerys, Generali-vie ne conteste pas avoir eu connaissance du montage conduisant à financer intégralement la prime initiale de 30 000 euros par un prêt : sur ce point, la proposition d’assurance du 23 juillet 2002 indique clairement que le montant de la souscription sera payé par un «chèque SBE », les fonds placés ayant été ainsi transmis par la banque prêteuse.

— Dès lors que M. X est né le […], qu’il n’est pas allégué ou prouvé qu’il disposait de compétences particulières en matière d’assurance et que le terme du contrat de prévoyance était fixé au 23 juillet 2012, les objectifs invoqués par le preneur d’assurance de garantir le remboursement du prêt ou de se constituer un complément de retraite étaient clairement ceux qu’il recherchaient.

— le résultat global du montage est déficitaire pour M. X à l’issue des contrats souscrits.

Au titre de son obligation de conseil, il appartenait pourtant à Generali-vie de s’assurer de l’équilibre financier de l’opération à laquelle elle participait, concurremment avec l’établissement bancaire ayant financé le versement de la prime initiale de 30 000 euros.

D’une part, l’équilibre financier de l’opération dépendait en effet étroitement du rendement de l’assurance-vie souscrite.

Sur ce point, la notice d’information du profil choisi par M. X fait ressortir que le portefeuille-type comporte 25 % d’OPCVM « actions » et 75 % d’OPCVM « obligations », « principalement constitué d’OPCVM du groupe Fleming ».

Si le support est exclusivement constitué en unités de compte, il ne présentait ainsi des risques particulièrement élevés de perte qu’à hauteur d’un quart et ne caractérisait pas à lui-seul un profil de gestion hautement spéculatif. Pour autant, Generali-vie ne justifie pas avoir apporté à M. X des précisions sur la politique d’investissement choisie pour ce profil et le détail des titres sélectionnés, alors que la valeur liquidative des OPCVM obligataires varie plus ou moins fortement lorsque les taux d’intérêt évoluent.

Si Generali-vie produit le rendement au cours des dernières années du contrat, elle n’apporte en revanche aucun élément permettant d’apprécier ce rendement sur l’ensemble de l’exécution du placement réalisé.

D’autre part, cet équilibre dépendait surtout de la comparaison prévisible entre la valeur acquise par le contrat d’assurance-vie à son terme et le montant du prêt « in fine » à rembourser à l’échéance.

Au titre du diagnostic préalable qu’il appartenait à l’assureur d’établir pour identifier la demande et le besoin du preneur à l’assurance, Generali-vie avait l’obligation d’interroger le preneur d’assurance et de rechercher son environnement familial, financier et patrimonial afin de l’éclairer sur l’adéquation du placement souscrit à sa situation.

Sur ce point, Generali-vie n’établit toutefois pas avoir conseillé valablement son client, notamment sur les risques constitués par une opération cumulant :

— le versement initial de l’intégralité du montant du prêt en guise de prime unique, étant observé que l’option d’un versement mensuel programmé n’a pas été conseillée

— le choix de recourir à un prêt pour financer une épargne sous forme de PEP

— le remboursement de l’intégralité du capital à la dernière échéance du prêt, dont la durée est calquée sur celle du contrat d’assurance-vie.

— les caractéristiques financières du prêt initialement consenti par la SBE, présentant en particulier un taux d’intérêt annuel nominal de 6,3 %, conduisant à devoir rembourser à terme une somme totale de 48 980 euros.

— le placement exclusif en unités de compte de l’intégralité des sommes que M. X a manifesté la volonté de placer.

E n l’espèce, si le montage proposé permettait ainsi à l’assureur de disposer dès la conclusion du contrat de l’intégralité des sommes empruntées, il présentait à l’égard du souscripteur, par la comparaison entre le rendement réel du placement et le coût particulièrement important du prêt, des risques importants de devoir rembourser à l’établissement prêteur au terme du crédit des sommes dont il ne disposait plus ou dont il n’avait jamais disposé, au regard de la charge des intérêts.

Une telle charge a d’ailleurs conduit M. X à procéder au rachat de son crédit par la BPE selon contrat conclu le 1er juin 2004. Pour autant, il n’a pas payé la dernière échéance du prêt comportant le capital et la dernière échéance d’intérêts et assurance-prêt.

A la date de la conclusion du contrat d’assurance, ce risque était en effet particulièrement important, au regard du coût total du crédit fixé à 18 980 euros par l’offre de prêt souscrite auprès de la SBE.

Il en résulte que Generali-vie a manqué à son obligation de conseil à l’égard de M. X et engage par conséquent sa responsabilité contractuelle à ce titre.

le jugement critiqué est infirmé de ce chef.

Sur la compensation entre les créances respectives :

La violation d’une obligation de conseil par un assureur se répare à hauteur de la perte de chance qu’elle a causée au preneur à l’assurance de ne pas contracter ou de contracter dans de meilleures conditions.

L’indemnisation du préjudice doit par conséquent correspondre au pourcentage de probabilité de réalisation du risque.

Sur ce point, le déséquilibre initial entre les sommes à rembourser et celles dont la perception était espérée permet à la cour de retenir un taux de perte de chance de 70 %.

Le préjudice subi par M. X au titre d’une telle perte de chance s’évalue à :

* un préjudice final de :11 445 euros (coût final de l’emprunt souscrit auprès de la BPE selon les conditions particulières du contrat et le tableau d’amortissement) + 30 000 euros (montant du capital) ' 34 843,24 euros (valeur de rachat versée) = 6 601,76 euros,

* un préjudice certain et direct de 6 601,76 X 0,70 = 4 621,23 euros, après application du pourcentage de perte de chance.

Enfin, M. X établit l’existence d’un préjudice distinct, qui est constitué par la perte de chance de ne pas être inscrit au fichier des incidents de paiement résultant de son défaut de paiement de la dernière échéance du prêt souscrit auprès de la BPE, laquelle inscription ressort d’un courrier daté du 15 novembre 2013. Ce préjudice est directement lié à la faute commise par Generali-vie, ayant conduit M. X à ne pas être en mesure de s’acquitter du remboursement de son prêt. L’évaluation de ce préjudice est fixée à 1 000 euros par la cour, soit 700 euros après application d’un taux de perte de chance de 70 %.

Dans ces conditions, Generali-vie est condamné à payer à M. X la somme de 5 321,23 euros.

Au regard de la connexité des créances réciproques, il convient d’en ordonner la compensation des condamnations prononcées.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile, et à condamner Generali-vie, outre aux entiers dépens de première instance et d’appel, à payer à M. X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure au titre des procédures devant les premiers juges et d’appel.

En application de l’article 699 du code de procédure civile, la cour autorise Me Z A à recouvrer directement contre la personne condamnée les dépens d’appel dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement rendu le 27 novembre 2018 par le le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer, dans l’instance enregistrée au répertoire général de cette juridiction sous le numéro 17/922 , en ce qu’il a condamné M. Y X à restituer à Generali-vie la somme de 32 937,33 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 27 mai 2016 ;

L’infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que Generali-vie n’a pas commis de faute au titre de son obligation d’information à l’égard de M. Y X ;

Dit que Generali-vie a commis une faute au titre de son obligation de conseil à l’égard de M. Y X

Fixe la perte de chance subie par M. Y X à 70 % ;

Condamne Generali-vie à payer à M. Y X la somme de 5 321,23 euros ;

Ordonne la compensation entre les condamnations réciproques de M. Y X (à hauteur de 32 937,33 euros) et de Generali-vie (à hauteur de 5 321,23 euros) ;

Condamne Generali-vie aux dépens de première instance et d’appel ;

Autorise Me Z A à recouvrer directement contre vie dépens de première instance et d’appel dont il fait l’avance sans avoir reçu provision ;

Condamne Generali-vie à payer à M. Y X la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en première instance et en appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile

La Greffière La Présidente

[…]

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Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 1er octobre 2020, n° 18/06951