Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 1er avril 2021, n° 20/01205

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 2 sect. 2, 1er avr. 2021, n° 20/01205
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 20/01205
Décision précédente : Tribunal de commerce de Valenciennes, 20 janvier 2020, N° 2018004389
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 01/04/2021

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/01205 – N° Portalis DBVT-V-B7E-S55O

Jugement (N° 2018004389) rendu le 21 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Valenciennes

APPELANT

Monsieur X Z

né le […] à […]

de nationalité française

demeurant 9 rue André Fauchille 59700 Marcq-en-Baroeul

représenté par Me Anthony Bertrand, avocat au barreau de Lille

INTIMÉES

SARL R2D

ayant son siège social […]

SA Home Spirit

ayant son siège social […]

représentés par Me Etienne Chevalier, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

E F, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : C D

DÉBATS à l’audience publique du 28 janvier 2021

Les parties étant absentes, elles n’ont pu être avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 01 avril 2021 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par E F, président, et C D, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 07 janvier 2021

****

La société R2D, SARL détenue majoritairement par M. A Z, réunit la famille proche de A Z, à savoir son épouse et ses trois fils, X, A-B et Y.

La société R2D contrôle la société Home spirit, société anonyme avec directoire et conseil de surveillance, elle-même à la tête d’un groupe de sociétés 'uvrant dans la fabrication et la vente de meubles meublants.

Depuis 2006, Monsieur X Z était président du directoire de la société Home spirit.

Le 17 mai 2013, une assemblée générale de la société Home spirit a modi’é le mode d’administration de la société passant de société anonyme à directoire et conseil de surveillance à société anonyme avec conseil d’administration, étant observé qu’il a été proposé aux anciens membres du directoire et du conseil de surveillance de devenir administrateurs.

M. X Z n’a pas accepté le poste d’administrateur qui lui a été proposé.

Le 29 janvier 2014, Monsieur X Z a été révoqué de son mandat de cogérant de la société R2D.

Le 13 mars 2014, M. X Z a assigné par-devant le tribunal de commerce de Lille-Métropole les sociétés R2D et Home spirit en demandant principalement le prononcé de la nullité des délibérations de l’assemblée générale de la société Home spirit du 17 mai 2013 et en contestant sa révocation pour justes motifs.

Le tribunal de commerce de Lille Métropole a prononcé la mise en redressement judiciaire des sociétés R2D et Home spirit, et par deux jugements du 18 mai 2016, a fixé la duré du plan à 10 ans, nommé Me Declercq en qualité de commissaire à l’exécution du plan, mis fin à sa mission d’administrateur, et a maintenu Me Depreux en qualité de mandataire judiciaire jusqu’à l’achèvement des opérations de vérification de créances.

Par jugement en date du 9 février 2016, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

— débouté Monsieur X Z de sa demande de nullité de l’assemblée générale mixte du 17 mai 2013 ;

— débouté M. X Z de ses demandes d’inscription de ses demandes de dommages et intérêts relatives à la fin de ses fonctions au sein des sociétés Homes spirit et R2D ;

— ordonné l’inscription de la somme de 1 519,18 euros au passif de la société R2D ;

— condamné M. X Z à payer à la SARL R2D et à la SA Home spirit la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné M. X Z aux entiers frais et dépens.

— dit ne pas avoir lieu à exécution provisoire.

Par arrêt rendu le 19 octobre 2017, sur appel principal de M. X Z, la cour d’appel de Douai a :

— confirmé le jugement en ce qu’il a débouté M. X Z de sa demande d’inscription au titre des dommages et intérêts relative à la fin de ses fonctions au sein de la société R2D et en ce qu’il a ordonné l’inscription de la somme de 1 519,18 euros au titre de frais de déplacement en faveur de X Z au passif de la société R2D,

— infirmé le jugement pour le surplus,

— prononcé la nullité des délibérations de l’assemblée générale de la société Home spirit en date du I7 mai 2013,

— débouté M. Z de sa demande au titre de l’allocation de gérance pour un montant de 500 euros,

— rejeté toute autre demande,

— dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens des procédures de première instance et d’appel.

Par décision du conseil de surveillance en date du 27 octobre 2017, M. X Z a été révoqué de ses fonctions de président et membre du directoire de la société Home spirit.

Concomitamment, est intervenu l’arrêt du 22 décembre 2017 de la cour d’appel de Douai qui a condamné la société R2D en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. X Z, suite à la fin de la suspension de son contrat de travail (en conséquence de la révocation de ses fonctions de gérant du 29 janvier 2014).

À la suite de l’assemblée générale du 7 février 2018, le mode d’administration de la société Home spirit a été modifié, cette dernière devenant une société anonyme avec conseil d’administration.

Suivant actes du 26 septembre 2018, M. X Z a assigné par-devant le tribunal de commerce de Valenciennes, les sociétés R2D et Home spirit, suite à sa révocation des fonctions de membre et président du directoire en date du 27 octobre 2017 pour obtenir le rappel des rémunérations non perçues (292 500 euros) et des dommages et intérêts au titre d’une nouvelle révocation intervenue dans des conditions brutales et vexatoires (200 000 euros).

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 21 janvier 2020, le tribunal de commerce de Valenciennes a :

Vu les articles 1355 et 1240 du code civil et l’article 480 du code de procédure civile ;

— prononcé la mise hors de cause de la société R2D ;

— débouté Monsieur X Z de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— condamné Monsieur X Z à verser à la société R2D la somme de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné Monsieur X Z à verser à la société Home spirit la somme de 2 000,00 euros

au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les sociétés R2D et Home spirit de leurs demandes d’indemnités pour procédure abusive ;

— condamné Monsieur X Z aux entiers frais et dépens de l’instance.

Par déclaration en date du 29 février 2020, M. X Z a interjeté appel de la décision, reprenant dans son acte d’appel l’ensemble des chefs de la décision, hormis celui mettant hors de cause la société R2D et celui déboutant les sociétés R2D et Home spirit de leurs demandes d’indemnités pour procédure abusive.

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

Par conclusions notifiées par voie électronique en date du 20 juillet 2020, M. X Z demande à la cour de :

Vu les articles 1240 et 1844-17 du Code civil,

Vu l’article L. 225-61 du Code de commerce,

— condamner in solidum la société Home spirit et la société R2D à payer à M. X Z la somme de 292 500 euros au titre de la rémunération qu’il aurait dû percevoir, en vertu de la rétroactivité de l’annulation de l’assemblée générale du 17 mai 2013 par l’arrêt de la Cour d’appel de Douai du 19 octobre 2017 ;

— dire et juger qu’il n’existait aucun motif légitime de nature à justifier la révocation de Monsieur X Z de son poste de membre du directoire de la société Home spirit ;

— dire et juger que la révocation de M. X Z des postes de membre et président du directoire s’est opérée dans des conditions brutales et vexatoires ;

— condamner la société Home spirit à payer à M. X Z la somme de 78 000 euros au titre du préjudice matériel et 122 000 euros au titre du préjudice moral ;

— condamner in solidum la société Home spirit et la société R2D à payer à M. X Z la somme de 10 000 euros, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner in solidum la société Home spirit et la société R2D aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

Il revient sur :

— l’organisation du groupe et l’origine des tensions ;

- sa révocation de fait, avec la mise en place d’un comité de direction, l’éliminant de la prise de décision alors qu’il était toujours membre du directoire, et l’émission de directives auprès des salariés leur interdisant toute collaboration avec lui ;

— l’existence d’une révocation indirecte, par la proposition d’intégrer un poste de membre du conseil d’administration au lieu et place de ses fonctions de membre du directoire, le privant de toute possibilité de représentation de la société et le rendant révocable ad nutum ;

— l’arrêt de la cour annulant l’assemblée générale et sa réintégration, puis sa nouvelle révocation ainsi que les décisions prud’homales intervenues.

Sur sa demande d’indemnisation au titre des rémunérations perdues au titre de la période courant de la suppression de sa rémunération (février 2014) jusqu’au prononcé de l’arrêt du 19 octobre 2017, il fait valoir que :

— l’annulation de l’assemblée générale ayant un effet rétroactif, les sociétés Home spirit et R2D demeurent redevables du versement de sa rémunération ;

— en adoptant une décision entachée de nullité, la société Home spirit l’a privé de la possibilité d’exercer les fonctions pour lesquelles il était rémunéré par la société RD2, tant dans la société Home spirit que dans les filiales ;

— si le préjudice est indirect, il n’en est pas pour autant inexistant ;

— son préjudice est certain et constitué de la perte de chance de se maintenir dans les fonctions occupées au sein du groupe, donnant lieu à rémunération de la part de la société R2D, cette dernière ayant révoqué M. X Z en raison de la perte de son mandat dans la société Home Spirit ;

— l’argumentation de la société Home spirit indiquant qu’elle ne serait pas tenue au versement d’une rémunération qu’elle ne servait pas, est inopérante, s’agissant de l’indemnisation d’une perte subie, quand bien même il s’agit d’une rémunération servie par un tiers ;

— aucune absence de déclaration de créance ne peut lui être opposée, le fait générateur résidant dans le prononcé de l’arrêt du 19 octobre 2017 ;

— c’est la décision d’annulation qui ouvre le droit à agir en responsabilité et constitue par conséquent le fait générateur de la créance ;.

- une déclaration de créance a de toute façon été effectuée à l’égard de chacune d’elles le 16 février 2015, laquelle visait un préjudice matériel lié à la perte de rémunérations pour un montant de 130 000 euros soit 20 mois de rémunérations ;

— cette déclaration ne pouvait porter sur 45 mois de rémunération alors que le quantum résulte de la décision d’annulation du 19 octobre 2017.

Sur l’indemnisation des conditions de sa révocation, il soutient que :

— les premiers juges ne se sont pas prononcés sur l’existence d’un juste motif de révocation du membre du directoire, et donc sur sa demande de dommages et intérêts en raison de l’absence d’un juste motif de la fonction de membre de directoire, omission qu’il convient de réparer ;

— ils se sont contentés d’affirmer que les conditions de révocation de

M. X Z n’ont été ni brutales ni vexatoires ;

- la décision de révocation ne saurait se fonder sur des motifs antérieurs à l’arrêt de la cour d’appel de Douai du 19 octobre 2017, étant observé qu’il ne lui a été laissé aucune chance de réintégrer ses fonctions de membre du directoire, que nombre de faits ne sont pas dans la lettre de révocation et qu’ils sont aujourd’hui prescrits ;

— les reproches de désintérêt, de mise en péril de la société ou d’exercice d’autres mandats sont infondés ;

— s’agissant des fonctions de président du directoire non prévues par les statuts, quand bien même sa révocation serait ad nutum, elle ne doit pas se faire dans des conditions vexatoires ou brutales, ce qui

est manifestement le cas, la révocation étant intervenue moins d’une semaine après qu’il a été réinvesti dans ses fonctions.

Il souligne son préjudice matériel et moral important.

Il s’oppose à :

— l’autorité de chose jugée invoquée par la société Home spirit, la décision concernant l’indemnisation de la première révocation ;

— la mise hors de cause de la société R2D, s’agissant de la société holding, au sein de laquelle les dirigeants étaient rémunérés pour toutes leurs fonctions dans les sociétés filiales, laquelle connaissant l’illégalité du changement de mode d’administration de la société Home spirit conduisant à sa révocation de ses fonctions de cogérants, ce qui justifie une condamnation in solidum.

Par conclusions notifiées par voie électronique en date du 31 août 2020, la société Home spirit et la société R2D demandent à la cour de :

Vu l’article 480 du Code de Procédure Civile,

Vu l’article 1355 du Code Civil,

Vu l’article 1240 du Code Civil,

Vu l’article 1382 du Code Civil,

Vu l’article 32-1 du Code de Procédure Civile,

— dire bien jugé et mal appelé,

— confirmer le Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Valenciennes en date du 21/02/2020 sauf en ce qu’il a débouté les sociétés R2D et Home spirit de leur demande de condamnation de Monsieur X Z au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— statuer à nouveau sur ce point,

— condamner Monsieur X Z au paiement de la somme de 20 000 euros au bénéfice de la société R2D pour procédure abusive,

— condamner M X Z au paiement de la somme de 20 000 euros au bénéfice de la société Home spirit pour procédure abusive,

— débouter M X Z de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— prononcer la mise hors de cause de la société R2D,

— condamner en conséquence M. X Z au paiement de la somme de 12 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile (R2D),

— condamner M. X Z au paiement de la somme de 12 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile (Home spirit),

— condamner M. X Z aux entiers frais et dépens de l’instance.

S’agissant des demandes formées contre la société R2D, elles font valoir que :

— les décisions extraordinaires ont principalement été motivées par les pertes financières et par la nécessité de retrouver un organe de direction soudé ayant la même vision de l’avenir et des décisions à prendre pour faire face aux difficultés de la société R2D ;

— la mésentente grave entre dirigeants étant de nature à compromettre l’intérêt social justifie la révocation pour justes motifs de l’un d’eux ;

— la société R2D n’est qu’associée de Home spirit, M. Z ne disposant d’aucun intérêt à agir à son encontre, de sorte qu’il devra être purement et simplement débouté de ses demandes ;

— le débat ne concerne que la société Home spirit et l’associé ne peut engager sa responsabilité au travers d’une autre société (sauf abus), l’action diligentée contre la société R2D étant manifestement abusive.

S’agissant des demandes dirigées contre la société Home spirit, elles soutiennent que :

— la question du préjudice subi par M. Z a déjà été tranchée, lequel a déjà épuisé les voies de recours prévues à l’effet de contester la décision rendue ;

— si les dommages concernent exclusivement son mandat de président du directoire de Home spirit, M. Z n’était pas rémunéré et la responsabilité d’un associé ne peut être engagée en raison de son vote sur une délibération en assemblée de sorte que la responsabilité de la société R2D ne pourra être engagée ;

- la demande se heurte à l’absence de déclaration de créance, d’autant que la société Home spirit a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire à compter du 28/01/2015, et dans ce cadre, la rémunération des dirigeants est soumise à autorisation préalable de l’administrateur judiciaire et du juge, aucune demande n’ayant été formulée en ce sens par M. Z ;

— il apparaît impossible d’attribuer une quelconque somme d’argent à

M. X Z au titre de rappel sur rémunération dans la mesure où ce dernier n’a jamais perçu aucun rémunération de la part de la société Home spirit au titre de ses fonctions de Président et Membre du Directoire ;

— le caractère vexatoire et brutal de la révocation n’est pas établi, puisque suite à la décision, il était évident qu’une nouvelle assemblée aurait lieu et le changement du mode d’administration était connu de tous, d’autant qu’avait été proposé à M. X Z un poste d’administrateur qu’il a expressément refusé ;

— à titre subsidiaire, la société Home spirit avait de nombreux motifs pour justifier cette révocation (mauvaise gestion, incurie, atteinte à l’intérêt social).

À titre subsidiaire, si la cour ne retient pas l’autorité de la chose jugée, elles plaident le bien-fondé de la décision de transformation prise par l’assemblée générale et l’absence de faute commise par la société Home spirit.

Elles contestent toute rémunération indirecte par la société Home spirit dans le cadre des prestations de services intra groupe entre les sociétés Homes spirit et R2D.

Elles estiment que la décision d’annulation de la délibération n’a eu d’effet que sur l’existence du mandat et non sur le droit à rémunération payée jusqu’alors et que la réintégration de M. X

Z dans Home spirit n’a pas eu pour effet de faire revivre son mandat de gérant au sein de la société R2D, celui-ci n’étant rémunéré que par cette dernière.

Elles soulignent :

— le caractère original de la notion de fait générateur développée par

M. Z pour contourner la difficulté tirée de l’absence de déclaration de créance, le fait générateur de la créance étant en l’espèce en réalité la révocation elle-même et non le prononcé d’une décision de justice ;

— la poursuite par la présente procédure d’une action visant la réparation de son préjudice lié à la réintégration et la renaissance de son mandat social, ce qui ne correspond pas à la déclaration effectuée pour un montant de 70 000 euros, la somme réclamée correspondant à la rémunération qu’aurait dû percevoir M. Z en vertu de la rétroactivité de l’annulation de l’assemblée générale du 17 mars 2013.

Elles rappellent que :

— la question de la légitimité de la décision prise à l’encontre de M. X Z par les associés de la société R2D a été déjà jugée, l’autorité de la chose jugée s’opposant à toute poursuite

— la demande de M. Z repose sur un artifice intellectuel fragile, à savoir la responsabilité in solidum qui suppose que plusieurs personnes aient concouru à la survenance d’un dommage sans qu’il soit possible d’attribuer à l’un ou à l’autre une quotité précise de responsabilité ;

— la responsabilité de la société R2D n’aurait tout au plus pu être engagée que s’il y avait eu abus de majorité, ce qui n’est aucunement le cas ;

— il est impossible de prétendre imputer à la société Home spirit la responsabilité d’un vote exprimé par l’assemblée générale des associés de la société R2D, la société Home spirit ne faisant pas partie du capital social de la société R2D.

Elles estiment que l’annulation de la délibération de 2013, conduisant à devoir faire refonctionner la société suivant le régime antérieur, n’a pas fait disparaître l’ensemble des faits qui ont conduit à la révocation de M. Z de ses fonctions de gérant de la société R2D et des raisons qui ont conduit également à son éviction du groupe.

Elles soulignent que M. Z confond règles prud’homales et règles applicables en droit des sociétés et qu’il ne peut y avoir de demande toute cause de préjudice confondu, le préjudice matériel devant être déterminé et étant en l’espèce inexistant, puisqu’il ne percevait aucune rémunération au sein de la société Home spirit

***

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 janvier 2021.

Le dossier, déposé à l’audience collégiale du 28 janvier 2021, a été fixé en délibéré au 1er avril 2021.

***

Par message RPVA en date du 17 mars 2021, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d’office de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 19 octobre 2017 lequel a notamment "confirmé le jugement en ce qu’il a débouté M. X Z de

sa demande d’inscription de dommages et intérêts relative à la fin de ses fonctions au sein de R2D" et ses conséquences sur les prétentions de M. X Z dans la présente instance.

Par message RPVA en date du 22 mars 2021, la société R2D et la société Home spirit s’en rapportent à leurs écritures.

Par message RPVA en date du 22 mars 2021, M. X Z fait valoir qu’ :

— il n’y a pas identité d’objet puisqu’il s’agit d’indemniser la révocation subie ;

— il n’y a pas identité de cause puisque la révocation dont il est question dans la présente instance est celle qui a été prononcée le 27 octobre 2017, soit après l’arrêt du 19 octobre 2017 dont l’autorité est questionnée.

MOTIVATION

- Remarques procédurales :

A titre liminaire, la déclaration d’appel doit être interprétée comme ayant dévolu l’entier litige, hormis le chef relatif au débouté des sociétés intimées de leur demande d’indemnité procédurale, quand bien même l’acte d’appel ne reprend pas expressément le chef ayant prononcé la mise hors de cause de la société R2D, puisque l’appelant a intimé ladite société et sollicite la réformation des dispositions l’ayant condamné à payer à cette société des sommes.

Appel incident a été formé par les sociétés R2D et Home spirit en ce qui concerne les indemnités pour procédure abusive.

Il doit être rappelé que conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

La SARL R2D et la société SA Home spirit opposent à l’action de

M. X Z plusieurs fins de non-recevoir, notamment celle tirée du défaut d’intérêt à agir à l’encontre de la société R2D et celle relative à l’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la cour d’appel du 19 octobre 2017, qui aurait, selon elles, rejeté la demande de réparation de préjudice moral en raison du caractère vexatoire des conditions de la révocation des fonctions dans le cadre de la société Home spirit, fins de non-recevoir d’ordre purement privé, sans pour autant saisir aux termes de son dispositif la cour d’une quelconque irrecevabilité des demandes présentées à leur encontre. Il n’y sera donc pas spécifiquement répondu.

Par contre, il en est autrement de la fin de non-recevoir tirée du défaut de déclaration de créance, s’agissant d’une fin de non-recevoir d’ordre public que la cour a l’obligation de relever d’office.

Ainsi, quand bien même aucune irrecevabilité n’est sollicitée dans le dispositif des sociétés R2D et Home spirit de ce chef, la cour doit statuer de ce chef, sans qu’il soit nécessaire de provoquer les observations des parties sur ce moyen relevé d’office, les parties ayant contradictoirement échangé sur cette question dans leurs écritures.

Enfin, la cour a, par message RPVA, soulevé le moyen tiré de l’autorité de la chose jugée du chef de l’arrêt ayant confirmé le rejet de la demande d’inscription au titre des rémunérations versées par R2D et permis aux parties de présenter leurs observations sur ce point.

I- sur la demande d’indemnisation au titre des rémunérations :

En vertu des dispositions de l’article 1844-17 du code civil, l’action en responsabilité fondée sur l’annulation de la société ou des actes et délibérations postérieurs à la constitution se prescrit par trois ans à compter du jour où la décision d’annulation est passée en force de chose jugée.

La disparition de la cause de nullité ne met pas obstacle à l’exercice de l’action en dommages-intérêts tendant à la réparation du préjudice causé par le vice dont la société, l’acte ou la délibération était entaché. Cette action se prescrit par trois ans à compter du jour où la nullité a été couverte.

Sur le fondement de ce texte, M. X Z entend solliciter la réparation de son préjudice tenant en la perte de chance de percevoir les rémunérations qui auraient dû lui être servies par la société R2D, à raison de sa révocation de membre du directoire de la société Home spirit lors de l’assemblée générale du 29 avril 2013, dont les délibérations ont été annulées par l’arrêt de la cour d’appel de Douai du 19 octobre 2017, révocation irrégulière qui a entraîné sa révocation régulière des fonctions de gérant de la société R2D, laquelle ne pouvait ignorer la cause de nullité.

Cependant, en vertu des dispositions de l’article L 622-24 du code de commerce, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent leur déclaration de créance au mandataire judiciaire.

Seul importe, pour déterminer le caractère antérieur ou postérieur d’une créance, le fait générateur, lequel s’entend comme celui qui engendre la créance.

Quand bien même aucune des parties n’a jugé bon de produire les pièces relatives aux procédures collectives des sociétés RD2 et Home spirit, au vu de l’arrêt du 19 octobre 2017 ainsi que des déclarations de créance produites, il est constant qu’une procédure collective pour chacune des deux sociétés a été ouverte par jugement du tribunal d’Arras du 28 janvier 2015.

M. X Z ne peut raisonnablement soutenir que le fait générateur de sa créance est l’arrêt précité du 19 octobre 2017, alors qu’en la matière, s’agissant d’une action en responsabilité, seule importe la date de la faute ou du fait dommageable, la créance ne naissant pas du prononcé de l’annulation de la délibération, mais de la délibération l’ayant révoqué de ses fonctions.

Au vu de la date de délibération le révoquant, la créance est donc une créance antérieure au jugement d’ouverture, le caractère constitutif du jugement de condamnation ou de prononcé de la nullité de la délibération n’ayant pas pour effet d’altérer la nature antérieure de la créance en responsabilité, dès lors que le fait dommageable s’est produit avant le jugement d’ouverture.

Au vu de la demande de condamnation in solidum des deux sociétés, les fautes commises ayant concouru à la réalisation de son entier dommage selon

M. X Z, la créance de dommages et intérêts doit avoir été déclarée dans les deux procédures collectives.

La déclaration de créance effectuée le 16 février 2015 dans la procédure collective de la société Home spirit ne contient aucune déclaration d’une créance indemnitaire au titre des rémunérations perdues, M. X Z sollicitant uniquement l’admission d’une créance « d’indemnisation de son préjudice moral pour un montant de 70 000 euros, outre une indemnité de procédure de 2 500 euros ».

Faute de déclaration de créance, sa demande à l’encontre de la société Home spirit pour l’indemnisation du préjudice de perte de chance de percevoir sa rémunération ne peut qu’être déclarée irrecevable.

S’agissant de la même demande à l’encontre de la société R2D, il convient de noter la présence d’une déclaration de créance en date du 16 février 2015 qui sollicite l’admission d’une créance à titre privilégié à hauteur de 89 034 euros et à titre chirographaire de 134 518,18 euros, définie dans le corps de la déclaration comme étant « l’indemnisation d’un préjudice matériel pour un montant de 130 000 euros, correspondant à son allocation de gérance sur une durée de 20 mois ».

Au vu de la distinction faite entre les deux montants réclamés, de la référence expresse à l’indemnisation au titre du préjudice matériel pour perte de la rémunération au montant de 130 000 euros et de la présence de plusieurs développements consacrés au contrat de travail détenu par M. X Z et la perte des allocations chômage, la somme de 89 000 euros à titre privilégié dont il est demandé également l’admission n’est pas en lien avec le préjudice d’indemnisation, mais une créance salariale.

En conséquence, les montants réclamés dans le cadre de la présente instance au-delà de 130 000 euros ne font l’objet d’aucune déclaration de créance en bonne et due forme, obligeant à cantonner la réclamation recevable de ce chef audit montant.

Cependant, cette prétention contre la société R2D à raison du préjudice matériel pour perte de la rémunération de 130 000 euros se heurte au chef de l’arrêt du 19 octobre 2017 qui a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 9 février 2016, en ce qu’il a débouté M. X Z de sa demande d’inscription de dommages et intérêts relative à la fin de ses fonctions au sein de R2D, lequel a autorité de la chose jugée, à raison de l’identité de partie, de cause, et de demande, M. Z sollicitant bien de voir fixer sa créance à l’encontre de la société R2D à la somme de 134 519, 18 euros (130 000 euros au titre du préjudice matériel (perte de rémunération) subi, 1519,18 euros au titre des frais de remboursements restant dus, 500 euros au titre de l’allocation gérance restant due, 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile) aux termes de ses écritures saisissant la cour en date du 5 janvier 2017 et reprises dans l’exposé du litige de l’arrêt précité.

En conséquence, et pour toutes ces raisons, la demande de M. X Z visant à condamner in solidum les sociétés R2D et Home spirit à lui payer la somme de 292 500 euros au titre de la rémunération qu’il aurait dû percevoir, en vertu de la rétroactivité de l’annulation de l’assemblée générale du 17 mai 2013 par l’arrêt de la Cour d’appel de Douai du 19 octobre 2017, est irrecevable.

La décision des premiers juges qui a débouté M. Z ne peut qu’être infirmée.

II- sur les demandes au titre de la révocation de membre de directoire et président du directoire :

En vertu des dispositions de l’article L 225-61 du code de commerce, les membres du directoire ou le directeur général unique peuvent être révoqués par l’assemblée générale, ainsi que si les statuts le prévoient par le conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts.

Au cas où l’intéressé aurait conclu avec la société un contrat de travail, la révocation de ses fonctions de membre du directoire n’a pas pour effet de résilier le contrat.

La notion de « justes motifs » doit être rapprochée de la cause légitime. Est considérée comme constituant une cause légitime de révocation, toute faute commise par le gérant dans l’exercice de ses fonctions dès lors que celle-ci revêtait une certaine gravité (la violation des statuts, le détournement de fonds sociaux, la concurrence déloyale, l’abandon des fonctions, ou encore la négligence grave), toute circonstance faisant douter des aptitudes du gérant à continuer la gestion ou toute circonstance compromettant la vie de la société en raison de faits provenant de la personne du gérant, la divergence de conception entre le dirigeant et les actionnaires.

Ne constitue pas une révocation sans juste motif, mais au contraire une simple suppression de poste, la décision de l’assemblée générale extraordinaire de substituer au directoire et au conseil de surveillance un conseil d’administration, dans la mesure où l’assemblée a un motif légitime de changer le mode de gestion.

Les dirigeants évincés, quelle que soit la forme de la société, disposent, en outre, indépendamment d’une éventuelle demande de dommages-intérêts fondée sur une absence de juste motif, d’un recours fondé sur le droit commun de la responsabilité civile.

Le droit de révoquer, qu’il y ait ou non juste motif, peut trouver une limite lorsque la révocation est abusive, ou encore lorsqu’elle a été entourée de circonstances portant atteinte à l’honneur et la réputation, ou lorsqu’elle a été décidée rapidement sans respecter le principe de loyauté dans l’exercice du droit de révocation, sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

À juste titre, M. X Z souligne qu’il a été omis par le tribunal de Valenciennes de statuer sur la demande de dommages et intérêts en raison de l’absence d’un juste motif de révocation de la fonction de membre de directoire, omission qu’il convient de réparer en statuant en ajoutant à la décision déférée.

1) sur la révocation sans justes motifs de l’article L 225-61 alinéa 1 :

Les statuts de Home spirit prévoient expressément sous l’intitulé « révocation » que « tout membre du directoire est révocable par l’assemblée générale ordinaire ou par le conseil de surveillance, sans préavis. Tout directeur révoqué, sans juste motif, a droit à une indemnité qui réparera l’entier préjudice subi. La révocation d’un directeur n’entraîne pas le licenciement de celui-ci, s’il est également salarié de l’entreprise sociale ».

La demande de dommages et intérêts présentée par M. X Z ne peut concerner sur ce fondement que la perte de la fonction de membre de directoire, et non celle de président du directoire, fonction non prévue par les statuts et non soumise à la disposition de l’article L 225-61 alinéa 1 du code de commerce, la règle demeurant pour le retrait de la qualité de président la révocation ad nutum.

Aucune autorité de la chose jugée ne peut être utilement opposée par la société Home spirit et la société R2D, lesquelles d’ailleurs n’envisagent aux termes de leur écriture aucune irrecevabilité de ce chef, faute d’identité de demande, s’agissant en l’espèce, d’une demande de dommages et intérêts de M. X Z fondée sur l’invocation d’une révocation sans justes motifs en date du 27 octobre 2017, tandis que l’arrêt du 19 octobre 2017 concernait la modification du changement d’administration par l’assemblée générale du 17 mai 2013 et le retrait en 2013 des fonctions précédemment exercées.

Pas plus que ne peut être utilement opposée par M. X Z une sorte de « purge » par l’arrêt précité des motifs de révocation pouvant être invoqués, la cour n’ayant dans son arrêt du 19 octobre 2017 nullement statué sur la révocation pour justes motifs mais seulement annulé pour des raisons formelles les délibérations de l’assemblée générale extraordinaire, sans examen des motifs de la révocation.

Enfin, la société R2D et la société Home spirit ne peuvent raisonnablement invoquer « l’absence de révocation en tant que telle », en se prévalant de la jurisprudence selon laquelle ne constitue pas une révocation sans juste motif, mais au contraire une simple suppression de poste, la décision de l’assemblée générale extraordinaire de substituer au directoire et au conseil de surveillance un conseil d’administration, dans la mesure où l’assemblée a un motif légitime de changer de mode de gestion.

En effet, l’annulation des délibérations du 17 mai 2013 par l’arrêt du 19 octobre 2017 a entraîné de

facto le retour à l’ancien mode d’administration de la société anonyme, raison pour laquelle d’ailleurs le conseil de surveillance a procédé à une convocation de M. X Z en vue de le révoquer, par courrier du 24 octobre 2017.

Aux termes de ce courrier sont évoqués au titre des justes motifs fondant la révocation, d’une part le désintérêt pour la société et la mise en péril des intérêts de cette dernière en raison de relations conflictuelles avec les autres associés et mandataires sociaux, d’autre part l’absence de changement de comportement depuis, et enfin l’exercice de mandats sociaux directement ou indirectement réduisant le temps pouvant être consacré à la société Home spirit.

Les intimés ne peuvent, ultérieurement, faire valoir d’autres griefs que ceux invoqués pour justifier la décision de révocation prise le 27 octobre 2017, notamment par l’invocation de nouveaux motifs suivant courrier du 30 octobre 2017 ou dans le corps de leurs écritures, l’appréciation des griefs devant être effectuée au jour de la révocation, afin de vérifier si celle-ci était, lorsqu’elle a été prise, fondée sur de « justes motifs ».

Les griefs invoqués dans le courrier du 24 octobre 2017 : difficultés relationnelles entre associés ou mandataires sociaux, désintérêt pour la société ou manque d’implication dans la gestion, dès lors que ces faits ont des répercussions sur la gestion de la société ou marquent une disparition de l’affectio sociétatis, sont, s’ils sont établis conformément aux dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, de nature à constituer un juste motif.

S’agissant des difficultés relationnelles entre associés ou mandataires sociaux du groupe de nature à mettre en péril les intérêts de la société, les pièces versées aux débats sont indigentes.

Les quelques courriers épars produits par les sociétés Home spirit et R2D laissent poindre une différence de vue voire une certaine mésentente entre M. X Z, membre du directoire et président de ce dernier, et M. A Z, son père et président du conseil de surveillance (échanges de février 2013), mais ne mettent en lumière aucune autre mésentente avec notamment les associés de Home spirit ou les autres mandataires sociaux du groupe.

Il n’est démontré ni influence de ces difficultés relationnelles sur l’exercice des fonctions de membre du directoire par M. X Z, ni divergence sur la politique sociale telle qu’elle aurait été de nature à paralyser le fonctionnement normal de l’entreprise ou à entraver ou compromettre la réalisation de l’intérêt social.

Le simple fait que la société ait pu connaître des difficultés qui ont conduit à l’ouverture d’une procédure collective de redressement judiciaire, dans une période contemporaine aux faits invoqués en 2013, n’est pas en soi-seul suffisant pour prouver les comportements invoqués et les répercussions déplorées.

La preuve de la persistance des difficultés relationnelles et de leurs conséquences sur le fonctionnement de la société n’est pas plus justifiée, à la date de l’examen de la révocation, en octobre 2017, M. X Z ayant été écarté de la vie sociétale depuis mai 2013 et n’ayant été réintégré qu’une semaine à peine, avant la réunion du conseil de surveillance en vue de statuer sur sa révocation.

Il ne peut lui être raisonnablement fait grief d’exercer, à la date du 27 octobre 2017 et depuis mai 2013, directement ou indirectement des mandats dans d’autres sociétés, alors même que son poste de président du directoire et membre du directoire avait été supprimé par l’assemblée générale extraordinaire, qu’il n’avait pas accepté de nomination en tant qu’administrateur et qu’il avait été licencié de la société Home spirit et révoqué de la co-gérance de R2D.

Aucune pièce du dossier n’établit qu’avant mai 2013, M. X Z ait exercé des mandats dans

d’autres sociétés incompatibles avec le mandat dans la société Home spirit, étant d’ailleurs observé que la configuration même de ce groupe conduit nombre de ses membres à exercer plusieurs mandats dans différentes sociétés du groupe.

Le fait qu’une semaine après l’arrêt du 19 octobre 2017, M. X Z n’ait pas abandonné des mandats dans d’autres sociétés, ne peut en aucun cas justifier un juste motif de révocation, compte tenu des procédures à mettre en 'uvre et du nécessaire respect d’un délai raisonnable pour renoncer à des mandats.

Le grief tenant au désintérêt dans la gestion de la société ne peut reposer sur le défaut de rapport aux membres du directoire évoqué dans certains échanges de 2013, alors que M. X Z, indique, sans être démenti, qu’il s’agit d’une pratique habituelle dans le groupe et que, réintégré dans ses fonctions par l’arrêt du 19 octobre 2017, il établit avoir convoqué, à une réunion devant se tenir le 25 octobre 2017, les différents membres du directoire, qui n’y ont pas donné suite.

En conséquence, la réalité des motifs invoqués pour justifier de la révocation de M. X Z de ses fonctions de membre du directoire n’est pas établie. Dès lors M. X Z peut prétendre à des dommages et intérêts à ce titre.

2) sur la révocation abusive et vexatoire :

La société Home spirit ne peut se retrancher derrière la disparition du poste de membre du directoire et président du directoire pour contester tout caractère brutal et vexatoire à la révocation, puisque par suite de l’arrêt du 19 octobre 2017, lesdites fonctions avaient été rétablies et qu’à la date du 27 octobre 2017, la transformation du mode d’administration dualiste à un mode moniste n’avait pas été à nouveau envisagée et mise en 'uvre.

Les circonstances de cette révocation, intervenue à la suite d’une convocation par le conseil de surveillance, dont le président est le père même de

M. X Z, en mauvais termes avec ce dernier comme en attestent les échanges de février 2013, à peine 7 jours après le prononcé de l’arrêt de la cour d’appel de Douai en date du 19 octobre 2017, ayant annulé les délibérations de mai 2013, alors même que M. X Z n’a pu reprendre l’exercice de ses fonctions, faute d’avoir eu accès à la société, et n’a disposé que d’un temps extrêmement court pour examiner les motifs invoqués au soutien de cette révocation et organiser sa défense, révèlent un abus dans le droit de révoquer, justifiant l’octroi de dommages et intérêts.

3) sur l’indemnisation du préjudice au titre de la révocation abusive et sans justes motifs :

M. X Z, sans distinguer entre la révocation abusive et la révocation sans justes motifs, sollicite l’octroi d’un préjudice matériel, tenant en la perte de rémunérations pendant un exercice comptable, soit 78 000 euros, outre 122 000 euros au titre du préjudice moral.

Le préjudice matériel invoqué, qui ne peut constituer d’ailleurs qu’une perte de chance, n’est pas établi, puisque la rémunération n’était pas versée par la société Home spirit, mais par la société R2D, et qu’il n’est pas démontré que cette somme fut versée à raison de cette fonction de membre du directoire.

L’arrêt de la cour d’appel de Douai de 2017 n’entraînait pas de facto la reprise des règlements de la société R2D, d’autant qu’il n’est pas démontré que des conventions intra-groupe existent toujours entre les deux sociétés, qui ont toutes deux connu des difficultés financières.

Ainsi, il n’est pas démontré que cette révocation d’octobre 2017 ait eu des conséquences matérielles à son égard, ce qui justifie le rejet de cette demande.

L’absence de justes motifs et les circonstances de la révocation ont causé un préjudice moral, qui est en lien direct et certain avec la révocation du 27 octobre 2017, M. X Z ayant été, dans un très bref délai, évincé de la gestion de la société, tandis que l’arrêt du 19 octobre 2017, l’avait de facto, par l’annulation de la délibération ayant procédé à la transformation du mode d’administration de la société, réintégré dans ses fonctions.

Cependant, au vu du contexte, des différentes procédures en cours mais également du souhait des associés d’adopter un mode moniste, lequel était en vigueur depuis plus de 4 ans, le préjudice de M. X Z, qui ne pouvait qu’avoir conscience du caractère précaire et conjoncturel de sa réintégration dans ses fonctions, est limité et sera justement réparé par l’octroi d’une somme de 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral pour révocation sans justes motifs et abusive.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

En vertu des dispositions des articles 1240 et suivant du code civil, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.

L’article 546 du code de procédure civile dispose que le droit d’appel est un droit qui appartient à toute partie qui y a intérêt, sous réserve toutefois de l’abus. Le fait d’intenter une action ou d’opposer des moyens de défense à une demande n’est pas en soi générateur de responsabilité et la succombance du plaideur ne caractérise pas sa faute.

Les prétentions de M. X Z ayant été reconnues partiellement fondées par la présente décision et les sociétés RD2 et Home spirit se contentant d’affirmer l’intention de nuire de ce dernier, sans apporter de preuve, sur le fondement des articles 6 et 9 du code de procédure, de la faute de ce dernier et du préjudice qu’elles invoquent, leurs demandes respectives de dommages et intérêts de ce chef ne peuvent qu’être rejetées.

La décision des premiers juges est donc confirmée en ce qu’elle les a déboutées de ces demandes.

- Sur les dépens et accessoires :

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société Home spirit et la société R2D d’une part, M. X Z d’autre part succombant chacun partiellement en leurs prétentions, il convient de leur laisser la charge de leurs propres dépens.

Les chefs du jugement relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont infirmés.

Au vu de la solution adoptée, l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes en date du 21 janvier 2020 en ce qu’il a débouté les sociétés R2D et Home spirit de leurs demandes d’indemnité pour procédure abusive ;

L’INFIRME pour le surplus,

statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE irrecevable la demande de M. X Z visant à condamner in solidum les sociétés R2D et Home spirit à lui payer la somme de 292 500 euros au titre de la rémunération qu’il aurait dû percevoir  ;

DIT que la révocation de M. X Z de ses fonctions de membre du directoire en date du 27 octobre 2017 est intervenue sans juste motif ;

DIT que la révocation de M. X Z de ses fonctions de membre du directoire et président du directoire en date du 27 octobre 2017 est abusive ;

en conséquence,

DÉBOUTE M. X Z de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel ;

CONDAMNE la société Home spirit à payer à M. X Z la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral pour révocation sans justes motifs et abusive ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE à chacun la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

C D E F

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Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 1er avril 2021, n° 20/01205