Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 2 février 2023, n° 21/05976

  • Associé·
  • Sociétés·
  • Facture·
  • Métropole·
  • Architecte·
  • Prescription extinctive·
  • Tribunaux de commerce·
  • Décompte général·
  • Code de commerce·
  • Maître d'ouvrage

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 2 sect. 2, 2 févr. 2023, n° 21/05976
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 21/05976
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lille, 17 novembre 2021, N° 20/23413
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 8 février 2023
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 02/02/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/05976 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T7GS

Jugement (N° 20/23413) rendu le 18 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

SAS Prouvost & Associés prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assistée de Me Aymeric Druesne, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉE

SAS Olivier agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Gilles Grardel, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant, substitué par Me Antoine Hivet, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 29 novembre 2022 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 février 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 novembre 2022

****

FAITS ET PROCEDURE

La société Prouvost & associés, qui exerce une activité notariale à [Localité 3], [Adresse 1], a entrepris en 2010 des travaux d’extension et de réhabilitation de ses bureaux. La société Trace architectes a été choisie en qualité de maître d''uvre et la société Olivier s’est vue confier les lots serrurerie métallerie et menuiseries extérieures. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve selon un procès-verbal daté du 15 novembre 2013.

Par mail du 7 juillet 2017, la société Trace architectes a fait connaître à la société Olivier les soldes restant à facturer, avant de transmettre au maître d’ouvrage, le 18 septembre 2017, le décompte général pour les lots confiés à cette dernière, y joignant ses factures F1708009 de 24 801,93 euros TTC et F1708010 de 23 818,34 euros en date du 28 août 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 avril 2019, la société Olivier, par l’intermédiaire de son avocat, a mis en demeure la société Prouvost & associés de lui régler la somme globale de 48 620,27 euros TTC au titre desdites factures.

En réponse, la société Prouvost & associés a réglé la facture F1708009 mais refusé le paiement de la facture F17080010.

Une seconde mise en demeure adressée le 18 février 2020 étant restée vaine, la société Olivier a attrait la société Prouvost & associés devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole par assignation du 11 mars 2020.

Par ordonnance du 26 novembre 2020, celui-ci a dit n’y avoir lieu à référé, estimant que la demande en paiement se heurtait à une contestation sérieuse relative à la prescription.

Par acte du 22 décembre 2020, la société Olivier a donc assigné la société Prouvost & associés devant le tribunal de commerce de Lille Métropole et sollicité principalement, sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, sa condamnation à lui payer la somme de 23 818,34 euros, outre les intérêts légaux à compter du 4 avril 2019.

Par jugement rendu le 18 novembre 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

« Dit qu’à cette date, le 18/09/2017, les factures étaient certaines liquides et exigibles et retient cette date comme date marquant le début de la prescription

Déboute la SAS PROUVOST & ASSOCIÉS de sa demande d’irrecevabilité au titre de la prescription extinctive

Condamne la SAS PROUVOST & ASSOCIES à payer à la SARL OLIVIER la somme de 23.818,34 €, outre les intérêts légaux dus sur cette somme à compter du 4 avril 2019

Condamne la Société PROUVOST & ASSOCIÉS à payer à la SARL OLIVIER la somme 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution

CONDAMNE la société PROUVOST & ASSOCIÉS aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 73.24 € (en ce qui concerne les frais de Greffe), comprenant notamment les frais d’assignation, les frais de greffe et les frais de signification du présent jugement. »

Par déclaration du 29 novembre 2021, la société Prouvost et associés a relevé appel de l’ensemble des chefs de cette décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 14 février 2022, la société Prouvost et associés demande à la cour de :

« Vu l’article 2224 du Code civil,

Vu les articles L110-4 du Code de commerce et L441-3 du Code de commerce dans sa version en vigueur au moment des faits,

Vu l’article 122 du Code de procédure civile,

Réformer le jugement du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE du 18 novembre 2021 en ce qu’il a :

« Dit qu’à compter du 18 décembre 2017 les factures étaient certaines et exigibles et retenu cette date comme début de la prescription ;

Débouté la SAS PROUVOST & Associés de sa demande d’irrecevabilité au titre de la prescription extinctive ;

Débouté la SAS PROUVOST & Associés de ses autres demandes ;

Condamné la SAS PROUVOST & Associés à payer à la société OLIVIER la somme de 23.818,34 € outre les intérêts dus sur cette somme à compter du 4 avril 2019 ainsi que la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Ordonné l’exécution provisoire. »

Et statuant à nouveau,

Juger l’action en paiement de la société OLIVIER irrecevable compte tenu de l’acquisition de la prescription extinctive ;

Débouter la société OLIVIER de l’ensemble de ses demandes ;

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société OLIVIER à payer à la société PROUVOST & ASSOCIES la somme de 5.000 €.

Vu les articles 695 et suivants du Code de procédure civile,

Condamner la société OLIVIER aux dépens de l’instance. »

La société Prouvost & associés soutient que l’action de la société Olivier est prescrite en application des dispositions des articles 2224 du code civil, L 110-4 et L 441-3 du code de commerce. Elle argue que dès l’instant où cette dernière avait réalisé ses prestations, elle devait émettre sa facture, conformément à l’ordre public économique. L’intimée plaide que l’article 3.4.1. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), qui prévoit la remise des projets de décompte au maître d''uvre, viendrait repousser le moment où la facturation devrait être effectuée. Cependant, la réception des travaux a été réalisée de manière définitive le 7 janvier 2013 et validée le 15 novembre 2013. C’est donc à cet instant qu’il appartenait à l’entrepreneur de transmettre son projet de décompte au maître d''uvre pour pouvoir effectuer ensuite sa facturation. En engageant une action judiciaire plus de sept années après la réalisation de sa prestation, la société Olivier a laissé s’acquérir la prescription.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 13 mai 2022, la société Olivier demande à la cour de :

« Vu les articles 1134 et 1147 anciens du Code civil,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE le 18 novembre 2021.

Débouter la SAS PROVOST & ASSOCIES de tous moyens, fins et conclusions.

Y ajoutant

Condamner la Société PROUVOST & ASSOCIES à payer à la SARL OLIVIER la somme 3.000 € au titre de la procédure d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La condamner aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel. »

La société Olivier plaide que la commission d’examen des pratiques commerciales considère que l’article L 441-3 du code de commerce est inapplicable à toute entreprise qui produit ou propose un service transformé, ce qui est le propre du contrat de louage d’entreprise. En tout état de cause, les dispositions de cet article ne sont pas d’ordre public. De ce fait, il est loisible aux parties d’y déroger conventionnellement. Le cahier des clauses administratives particulières en date d’avril 2011, applicable au marché entre l’office notarial Prouvost & associés et la société Olivier, met en 'uvre une telle dérogation. Ses articles 3.4 et 3.4.1 prévoient en effet un processus en deux temps, avec un envoi préalable de la facture de l’entrepreneur puis sa vérification et sa transmission par le maître d''uvre au maître d’ouvrage. L’agence Trace architectes avait la faculté de rectifier cette facture : elle pouvait être diminuée, augmentée, refusée ou acceptée, et dans ce dernier cas seulement, transmise. Dès lors, il existait au moment de l’envoi des factures de la société Olivier à l’agence Trace architectes une véritable incertitude quant à ses montants. Son exigibilité est intervenue à compter de sa transmission au maître d’ouvrage. Elle date donc du 18 septembre 2017 et constitue le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 novembre 2022.

SUR CE

I ' Sur la demande en paiement

1) Sur la prescription

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l’article L 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Aux termes de l’article 2224 du code civil, le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, il s’impose de constater que les parties ont dérogé aux dispositions de l’article L 441-3 du code de commerce qui, en leur version applicable au présent litige, imposent au vendeur de délivrer sa facture dès la réalisation de sa prestation, en prévoyant, au cahier des clauses administratives particulières, pour le paiement des sous-traitants, la remise des projets de décompte au maître d''uvre par l’entrepreneur (clause 3.4), la suspension des délais de paiement pendant leur vérification (clause 3.5.1), et le règlement du solde dans un délai de 45 jours à compter de la notification du décompte général (clause 3.5.2).

Or il est établi que c’est seulement par un mail du 7 juillet 2017 que la société Trace architectes a fait connaître à la société Olivier les montants qu’elle pouvait facturer au regard du montant des marchés de base, d’un avenant, des sommes déjà facturées et des prestations non réalisées, rendant la créance certaine en son montant et exigible.

Le décompte général pour les lots confiés à la société Olivier ayant été transmis au maître d’ouvrage par un courrier du 18 septembre 2017, le point de départ de l’action en paiement des factures émises par la société Olivier doit être fixé à l’expiration du délai de paiement de 45 jours prévu par le CCAP, soit le 3 novembre 2017.

Au regard de la date d’assignation, intervenue le 22 décembre 2020, antérieurement à l’acquisition du délai quinquennal de prescription, l’action en paiement est recevable.

Par ces motifs substitués, la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a débouté la société Prouvost & associés de sa fin de non-recevoir. Elle sera en revanche infirmée en ce qu’elle a « dit qu’à cette date, le 18/09/2017, les factures étaient certaines liquides et exigibles et retient cette date comme date marquant le début de la prescription ».

2) Sur la bien-fondé de la demande

La société Prouvost & associés, qui n’a jamais justifié des motifs de son refus de s’acquitter de la facture litigieuse, n’émet dans ses écritures aucune contestation quant à son bien-fondé.

Son montant est d’ailleurs conforme à celui vérifié par son maître d''uvre, la société Trace architectes, selon le mail adressé par ce dernier à la société Olivier le 7 juillet 2017.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a condamné la société Prouvost & associés à payer à la société Olivier la somme de 23 818,34 euros, outre les intérêts légaux dus sur cette somme à compter du 4 avril 2019, date de la mise en demeure.

II ' Sur les demandes accessoires

1) Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’issue du litige justifie de condamner la société Prouvost & associés aux dépens d’appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens de première instance.

2) Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera confirmée du chef des frais irrépétibles de première instance.

La société Prouvost & associés, tenue aux dépens d’appel, sera en outre condamnée à verser à la société Olivier la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, et déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 18 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole, sauf en ce qu’il a : « dit qu’à cette date, le 18/09/2017, les factures étaient certaines liquides et exigibles et retient cette date comme date marquant le début de la prescription »

Y ajoutant,

Condamne la société Prouvost & associés à payer à la société Olivier la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Déboute la société Prouvost & associés de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la société Prouvost & associés aux dépens d’appel.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

Samuel Vitse

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 2 février 2023, n° 21/05976