Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 12 avril 2022, n° 19/02266

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Pierre Le Cohu · Gazette du Palais · 13 septembre 2022
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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. soc. -sect. a, 12 avr. 2022, n° 19/02266
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 19/02266
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Vienne, 28 avril 2019, N° 15/00178
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

C4

N° RG 19/02266

N° Portalis DBVM-V-B7D-KAWM


N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL SIDONIE LEBLANC

Me Thierry PONCET-MONTANGE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 12 AVRIL 2022


Appel d’une décision (N° RG 15/00178)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de VIENNE

en date du 29 avril 2019

suivant déclaration d’appel du 27 Mai 2019

APPELANTE :

Madame M X

née le […] à Neufchâteau

de nationalité Française

[…]

[…]

représentée par Me Sidonie LEBLANC de la SELARL SIDONIE LEBLANC, avocat au barreau de GRENOBLE,

et par Me Sophie KERIHUEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, substituée par Me Xavier SAUVIGNET, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE :

GIE OSIRIS, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[…] […]

représentée par Me Thierry PONCET-MONTANGE, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat postulant,

et par Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseiller,

DÉBATS :


A l’audience publique du 31 Janvier 2022,

Madame CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport, Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère et Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries assistées lors des débats de Melle Valérie RENOUF, Greffier.


Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

Exposé du litige':


Le 1er octobre 1990, Mme X a été embauchée par la Société RHONE POULENC en qualité de technicienne d’entretien.


Le 1er juin 2000, Mme X a été embauchée par le GIE OSIRIS en qualité de technicienne acheteur puis en qualité de technicienne fluide, suite à un transfert de contrat par la Société RHODIA ECO SERVICES.


Entre 2005 et 2013, elle a été élue déléguée du personnel.


Le 28 mai 2015, elle a saisi le conseil des prud’hommes de Vienne d’une demande tendant à voir reconnaitre qu’elle a été victime de discrimination en raison de son sexe de la part de l’employeur, repositionner sa catégorie en sa qualité d’ingénieur, et obtenir des indemnités afférentes, ainsi que des dommages et intérêts pour discrimination, harcèlement moral et sexuel, violation de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur, violation des dispositions conventionnelles en matière d’égalité hommes-femmes, et pour préjudice d’anxiété résultant de son exposition aux poussières d’amiante.

Par jugement en date du'29 avril 2019, le conseil des prud’hommes de Vienne’a':


- Condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 35 000 € à titre de dommages-intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de sécurité';


- Condamné le GIE OSIRIS à lui payer la somme de 7 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d’anxiété subi lié à l’exposition à l’amiante';


- Rejeté les demandes de la salariée tendant à son repositionnement conventionnel et en paiement des salaires correspondants';


- Rejeté sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier et du préjudice moral en raison d’une discrimination';


- Rejeté sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral';


- Rejeté sa demande de dommages-intérêts pour violation des dispositions conventionnelles en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes';


- Rejeté la demande de capitalisation des intérêts';


- Condamné l’employeur à lui payer 1 500 € au titre des frais irrépétibles';


- Débouté l’employeur de sa demande au titre des frais irrépétibles';


- Condamné le GIE OSIRIS aux entiers dépens';


- Ordonné l’exécution provisoire de l’entier jugement';


- Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires au présent dispositif.


La décision a été notifiée aux parties et Mme X a interjeté appel de la décision par déclaration en date du 27 mai 2019.

Par conclusions en date du'24 décembre 2021, Mme X demande à la cour d’appel de':


- Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice d’anxiété suite à son exposition aux poussières d’amiante mais l’infirmer sur le quantum';


- Infirmer le jugement pour le surplus';

Statuant à nouveau :

1. Sur la discrimination :


- Dire qu’elle a fait l’objet d’une discrimination en raison de son sexe et de son engagement syndical de la part de son employeur';

A titre principal :


- Fixer au 1er janvier 2015 sa catégorie au groupe V, catégorie ingénieurs et cadres en sa qualité d’ingénieur, son coefficient à 400 et son salaire brut de base mensuel à 4 483 €';

Subsidiairement :


- Fixer son coefficient au niveau 360 et son salaire brut de base mensuel à 3 118 €, à compter du 1er janvier 2015';


- Dire que ce salaire devra être majoré annuellement des augmentations individuelles et générales moyennes perçues par la catégorie de la salariée, déduction faite des augmentations individuelles et générales dont a bénéficié cette dernière';


- Condamner l’employeur au rappel de salaire correspondant, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir';


- Le condamner à la somme de 105 682 € à titre de dommages et intérêts en réparation de préjudice financier subi du fait de la discrimination';

A titre subsidiaire :


- Ordonner la communication des éléments suivants :


- Pour tous les salariés, nés entre 1952 et 1960, embauchés entre 1986 et 1994 au coefficient 225 ou 250 et ayant un Brevet de technicien supérieur (BTS) au moment de leur embauche :


- Leur coefficient à l’embauche (225 ou 250)';


- Leur rémunération brute de base mensuelle à l’embauche';


- Leur coefficient au 31 décembre 2015';


- Leur rémunération brute de base mensuelle au 31 décembre 2015';


- Leur rémunération variable au 31 décembre 2015';


- Le diplôme d’ingénieur éventuellement obtenu alors qu’ils étaient salariés de la société OSIRIS et l’année d’octroi de ce diplôme';

En tout état de cause :


- Le condamner à la somme de 100 000 € en réparation du préjudice moral subi du fait de la discrimination';


- Le condamner à la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions conventionnelles en matière d’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes';

2. Sur le harcèlement discriminatoire :

A titre principal :


- Le condamner à la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour le harcèlement discriminatoire subi';

A titre subsidiaire :


- Le condamner à la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts suite à la violation de son obligation de sécurité en matière de santé et de sécurité';

A titre infiniment subsidiaire :


- Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur à la somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts suite à la violation de son obligation de sécurité';
3. Sur l’amiante :


- Condamner l’employeur à la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’anxiété résultant de son exposition aux poussières d’amiante';

Subsidiairement :


- Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur à lui verser 7 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’anxiété subi lié à l’exposition à l’amiante';

En tout état de cause :


- Ordonner la capitalisation des intérêts';


- Condamner l’employeur à la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles de la première instance et subsidiairement confirmer le jugement en qu’il lui a alloué à la somme de 1 500 €- et à la somme de 3.000 € au titre de la procédure d’appel';


- Le condamner aux entiers dépens, y compris les frais d’exécution éventuels.

Par conclusions en réponse en date du 25 novembre 2019, le GIE OSIRIS demande à la cour d’appel de':

A titre principal,


- Infirmer la décision des premiers juges en ce qu’ils sont entrés en voie de condamnation à son encontre et la confirmer pour le surplus ;


- Débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes';


- La condamner à titre reconventionnel à la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles';


- La condamner aux entiers dépens d’instance';

A titre subsidiaire,


- Réduire a de plus justes proportions les demandes adverses';


- Partager les dépens.


L’ordonnance de clôture a été rendue le'14 décembre 2021 et l’affaire a été fixée à plaider le'31 janvier 2022.


Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

'

SUR QUOI':

Sur’la discrimination et le harcèlement sexuel discriminatoire :

Mme X soutient avoir été discriminée en raison de son sexe et de son engagement syndical.
Elle indique d’abord avoir subi du fait de son sexe et de manière discriminatoire, un environnement hostile et attentatoire à sa dignité, constitutif de harcèlement sexuel.


Elle explique que ce harcèlement sexuel s’inscrit dans un contexte plus général de sexisme ambiant au sein de la société et plus particulièrement dans les métiers dits techniques qu’elle occupait, puisque seule femme technicienne dans un service technique présente sur le terrain depuis son embauche. Le fait que sa supérieure hiérarchique ait été une femme pendant quelques années n’étant pas un élément suffisant pour exclure toute discrimination dans l’entreprise. Elle précise avoir fait l’objet de plaisanteries sur son statut de femme et avoir été la cible de photographies à connotation sexuelle, de propos sexistes de la part tant de ses collègues de travail que de ses supérieurs hiérarchiques, n’ayant eu de choix que de se taire pendant de nombreuses années par crainte que ses protestations ne renforcent le harcèlement dont elle faisait l’objet et étant la seule femme dans les locaux.


Elle fait également valoir avoir subi une pénalisation salariale dans son évolution professionnelle, une absence manifeste de valorisation professionnelle et un blocage dans l’accès à la formation du fait de son sexe.Elle allègue enfin qu’elle a subi une crédibilisation et un désintérêt manifeste caractérisés par une mise en difficulté et une déstabilisation volontaire, des humiliations, des mises à l’écart.


L’ensemble de ces faits ayant eu pour conséquence la dégradation de son état de santé


Le GIE OSIRIS conteste tout fait de harcèlement moral, harcèlement sexuel et discrimination.

Sur ce,

Sur le harcèlement sexuel':


Aux termes de l’article L. 1153-1 du code du travail dans sa version applicable au 6 août 2012, aucun salarié ne doit subir des faits':

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.


Il résulte de l’article L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge de suivre un raisonnement en trois étapes':

1°) d’examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits,

2°) d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail,

3°) dans l’affirmative, d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme X verse aux débats au soutien de son allégation de harcèlement sexuel et moral':
- Un mail du 2 décembre 2005 de M. Y à Mme X et M. Z relatant une plaisanterie à connotation sexuelle ;


- Des photographies à caractère pornographique qui lui ont été adressées par mail par M. Y le 14 avril 2006 intitulé «'beautifule'» ;


- Un mail du 14 avril 2006 de M. A à plusieurs collègues dont Mme X relatant une plaisanterie à connotation sexuelle ;


- Un calendrier Playboy, Playmate adressé par M. Y le 21 avril 2006 ;


- Un mail du 21 avril 2006 de M. A adressé à Mme X ainsi qu’à d’autres salariés intitulé «'courage et culot'» présentant une plaisanterie à connotation sexuelle ;


- La copie d’un montage daté de 1992 présentant un dessin de femme nue avec le visage de Mme X ;


- Un mail de M. Y en date du 17 janvier 2006 intitulé «'lettre d’amour'» relatant une plaisanterie à connotation sexuelle ;


- Un faux rendez-vous organisé par M. Y avec pour remplacement son bureau et objet «'pour le plaisir'» du 6 janvier 2006 ;


Des vidéos pornographiques transmises par mail le 10 avril 2006 ;


La photographie du personnage «'calimero'» avec la mention «'c’est vraiment trop injuste'» sur son bureau ;


- Un mail de M. B du 27 mai 2014 qui déplore son attitude et lui reproche son manque de reconnaissance face à son aide pour son intégration dans «'ce service de machos'» et lui préconisant de manière explicite de voir un psy ;


La photographie d’une mère noël dénudée sur le sapin de noël de l’escalier menant à son bureau ainsi que sa lettre de dénonciation à la direction le 4 mars 2017 ;


- Un procès-verbal du CHST du 11 avril 2017 dans lequel est évoqué l’affichage dans les locaux des dispositions pénales applicables en matière de harcèlement sexuel et la proposition de commencer par supprimer «'toutes les affiches qui portent atteinte aux hommes et aux femmes.


Il doit être d’abord relevé que de nombreux éléments à connotation sexuelle adressés à Mme X et versés aux débats ont également été transmis à d’autres collègues masculins dans le cadre de courriels groupés et, s’ils ne sont pas du meilleur goût, ne peuvent caractériser un harcèlement sexuel ou moral à l’encontre de Mme X, mais illustrent uniquement l’ambiance «'masculine'» sexualisée dans laquelle elle devait évoluer.


S’agissant de la photo montage versée aux débats datant de 1992 et du rendez-vous à connotation sexuelle de M. Y de janvier 2006, ces faits qui la visaient cette fois personnellement, sont particulièrement anciens et Mme X ne justifie pas qu’ils aient été renouvelés après cette date. En effet la seule photographie d’une femme dénudée sur un sapin dans un couloir de l’entreprise en 2017 ne démontre pas que Mme X était seule visée, même s’il était la seule femme présente dans les locaux, compte tenu de l’ambiance graveleuse déjà évoquée parmi le personnel essentiellement masculin.


Il doit par ailleurs être rappelé que le code du travail ne prévoyait pas l’existence de harcèlement sexuel avant 2012 et que dans la version de 2008, il s’agissait d’incriminer des agissements de personnes dans le seul but d’obtenir de faveurs sexuelles.


S’agissant du personnage de Calimero affiché sur sa porte de bureau, il ne revêt aucun caractère sexuel et la salariée ne justifie pas de la date des faits.


Ainsi, en l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de faits précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement sexuel n’est pas démontrée.


La demande de dommages et intérêts à ce titre doit être rejetée.


Conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Or, à titre subsidiaire, Mme X sollicite l’octroi de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité sans motiver cette demande dans la discussion. Mme X doit être déboutée de cette demande par voie de réformation du jugement déféré.

Sur la discrimination à raison de son sexe et son activité syndicale':


Aux termes de l’article L. 1132-1 code du travail , dans sa version applicable au 23 février 2014, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à’l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008'portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article’L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.


La preuve de la discrimination suppose une comparaison de la situation du salarié avec un panel de comparaison de salariés pertinent c’est-à-dire placés dans une situation comparable, ayant connu un début de carrière similaire et ayant bénéficié d’une différence de traitement dans le déroulement de leur carrière.


Le salarié qui se prétend victime de discrimination ne doit qu’apporter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination, et il revient à l’employeur de montrer que le différentiel de traitement constaté est justifié par des éléments objectifs et proportionnés étrangers à toute discrimination.

Mme X soutient qu’en 31 années de carrière, elle n’a bénéficié que de 8 augmentations individuelles, qu’elle est la seule à ne pas bénéficier d’une part variable de son salaire et que son évolution de carrière n’a pas été comparable à celle de ses collègues masculins placés dans une situation équivalente, situation qu’elle a régulièrement dénoncée dans ses entretiens individuels d’évaluation. Cette discrimination ayant été aggravée par son engagement syndical, n’ayant bénéficié d’aucun changement de coefficient depuis son élection en tant que déléguée du personnel en 2005.


S’agissant de la matérialité des faits invoqués, il est constant que Mme X, embauchée en 1990, a bénéficié de 8 augmentations individuelles tout au long de sa carrière, la dernière, 1,06 % en juillet 2019. Mme X justifie que trois de ses collègues masculins d’âge comparable, embauchés entre 1987 et 1988, disposant comme elle d’un BTS et embauchés en qualité de maîtrise/technicien avec un coefficient d’embauche inférieur au sien, (225 au lieu de 250) avait un coefficient de 360 avec un salaire minimum de 2 9010 à 3'070 € en 2015 alors qu’elle ne disposait que d’un coefficient de 275 pour un salaire de 2 223 € (M. C, M. D et M. E).


Elle démontre également qu’une autre salariée, Mme F embauchée à un coefficient supérieur à celui de ses collègues masculins (250 au lieu de 225) dispose d’un coefficient nettement inférieur en 2015 (325 au lieu de 360) et que les salariés positionnés aux coefficients les plus bas sont deux femmes.


Elle justifie qu’elle se situait en 2015 à un coefficient inférieur à celui de certains salariés embauchés avec un statut moins qualifié d’ouvrier (M. G et M. H).


Elle démontre également qu’elle n’a bénéficié d’aucune évolution de son coefficient depuis son élection en qualité de déléguée du personnel en 2005.


Ces éléments constituent, sans qu’il soit nécessaire pour la salariée de présenter une sélection exhaustive de salariés placés dans une situation comparable, un panel suffisant de comparaison de salariés dans une situation comparable lors de leur embauche. Ces éléments formant un faisceau d’indices suffisants laissant supposer l’existence d’une discrimination dans l’évolution de la carrière de Mme X.


Il appartient dès lors à le GIE OSIRIS de démontrer que Mme X n’a pas été discriminée par rapport aux salariés placés dans une situation comparable dans l’entreprise ou qu’il existe des éléments objectifs étrangers à toute discrimination à l’origine de la situation invoquée.


L’employeur justifie qu’un accord NAO intervenu en 2009 a intégré à la rémunération de base la rémunération variable (RVT) justifiant la disparition de celle-ci sur les fiches de paie de Mme X à compter de 2010.


Les seuls graphiques versés aux débats par l’employeur, intitulés «'évolution des avenants 2'» produits sans aucun nom ni explication, ni chiffres, ne constituent en revanche pas des éléments suffisamment probants démontrant que si Mme X ne se situe pas parmi les meilleurs en terme de coefficient et de salaire, qu’elle se situerait néanmoins dans un «'nuage de points exclusifs de discrimination'» comme conclu. Il ne ressort pas non plus que les différences de traitement constatées résulteraient du refus, par ailleurs non démontré, de Mme X d’accepter un travail posté, contrairement aux autres salariés.


L’employeur fait valoir ensuite que tant sur le plan du savoir-faire que du savoir être, la qualité de la prestation fournie par Mme X a été en deçà de ses attentes légitimes justifiant sa différence de traitement.


S’il ressort des entretiens annuels d’évaluation de Mme X produits par l’employeur pour les années 2005, 2006 , 2010 et 2011 qu’il y avait des points à améliorer tels que «'ses connaissances techniques (maintenance) et des installation (réseaux), réactivité et sens du terrain, autonomie dans la gestion des priorités'» en 2005, ses connaissances techniques (maintenance) et des installation (réseaux), autonomie dans la gestion des priorités', mise en application concrète des formations menées en 2006, autonomie et initiative, prise en compte des contraintes de chacun, participer aux résolutions de problèmes moyen et longs termes avec un regard constructif , apprendre à écouter, essayer de retrouver avec son collègue technicien réseau une méthode d’organisation, de discussion et de gestion du travail en 2010, et 2011 et 2012 et communiquer plus avec ses collègues et sa hiérarchie en 2012'», des points forts sont aussi mentionnés.
Ainsi on note en 2005, 2006, 2011 et 2012, «'sa rigueur et méthode, sa disponibilité et des actions menées complètes et détaillées et sa connaissance des réseaux en 2011 et 2012 et de GESTUTIL en 2012'» démontrant qu’elle a pris en compte les remarques antérieures de son employeur et qu’elle a satisfait aux demandes de son employeur. Aucun élément dénonçant le manque de savoir être ne transparaît de ces entretiens. Il est également mentionné les nombreuses performances accomplies par la salariée.


Il y a lieu de noter que les entretiens d’évaluations des collègues du panel présenté par la salariée ne sont pas versés aux débats ne permettant pas à la cour de déterminer si les points d’améliorations soulevés par l’employeur étaient fondamentaux et faisaient obstacle à la progression et à l’évolution professionnelle de Mme X contrairement aux autres salariés masculins dans la même situation.


Il convient également de noter que Mme X mentionne aussi dans ces entretiens dès 2005, sa volonté d’acquérir la connaissance des réseaux nécessaire à l’autonomie du poste et la réalisation de l’ensemble des tâches et sa volonté de progresser, puisqu’elle candidate pour le nouveau poste «'économies d’énergie'» en 2006. Elle précise en 2007 qu’elle postule pour la formation ingénieur en interne et suit des cours privés du CNAM en plus de son activité professionnelle. En 2011 et 2012, elle indique qu’elle souhaite qu’on prenne en compte ses souhaits d’évolution et qu’on reconnaisse ses compétences.


En 2013, elle reproche à l’employeur ne pas être reconnue du point de vue salaire et demande la reconnaissance de son diplôme et l’évolution dans sa fonction. Elle revendique une prime d’intéressement sur son travail et une évolution hiérarchique.


A de nombreuses reprises, Mme X sollicite ensuite la validation de son diplôme d’ingénieur par la réalisation d’un mémoire au sein de l’entreprise qui lui est refusée. Ainsi le 28 décembre 2007, l’employeur lui indique qu’il «'ne donnera pas suite à sa demande de réaliser un sujet de mémoire à OSIRIS dans la mesure où cette formation n’est pas prise en charge par l’entreprise et qu’elle ne possède pas le profil à une évolution de carrière dans l’avenant 3 d’OSIRIS'» sans autre explication quant à «'l’inadéquation de son profil, uniquement «'qu’elle est conforme aux usages de l’entreprise'»'précisant toutefois de façon peu courtoise et loyale que «'cela ne l’empêche nullement de saisir toute opportunité à l’extérieur de l’entreprise'» manifestement ainsi clairement la volonté de l’employeur qu’elle quitte l’entreprise.


Le seul fait soutenu par le GIE OSIRIS que le défaut d’attestation de salariés de l’entreprise en faveur de Mme X serait révélateur de l’isolement qu’a provoqué son attitude, est inopérant eu égard au lien de subordination existant entre l’employeur et les collègues de travail de Mme X et aux potentielles conséquences d’un témoignage en sa faveur dans le cadre du conflit existant.


Dans son attestation Mme I, dernier responsable hiérarchique de Mme X, témoigne que tout se passait bien avec Mme X jusqu’en 2014 et qu’à la suite de son évaluation de février 2014, elle a refusé de signer son rapport et qu’elle a ensuite refusé «'en jetant le dossier sur son bureau'» d’entendre parler de comptage et a indiqué qu’elle se cantonnerait désormais à des taches de coefficient 275 puisqu’on ne voulait pas reconnaitre ses compétences en ne lui donnant pas le coefficient 400 et qu’elle refusait de prendre toute initiative. En 2015 elle a refusé de nouveau de signer son entretien annuel d’activité, n’ayant ensuite de cesse de critiquer le travail fait par le personnel du service, l’ambiance s’en trouvant dégradée. Mme I explique être sous pression permanente et en état d’épuisement mental affectant sa vie privée à cause de critiques permanentes. Elle a déposé une main courante au commissariat de Vienne le 15 avril 2016 et indique «'attendre de son employeur qu’il règle la situation de façon à retrouver une ambiance de travail sereine'». Elle dénonce dans un courrier à entête du syndicat CFC CGC, par ailleurs non daté, ces tensions à l’employeur.

M. J, ancien supérieur hiérarchique de Mme X jusqu’en juin 2013 confirme les relations tendues avec celle-ci du fait de la non reconnaissance de son diplôme, la salariée se plaçant à l’écart, refusant d’expliquer ce qu’elle faisait aux collègues, ayant peur «'de se faire voler son poste'». Il indique s’agissant de l’absence de reconnaissance de son diplôme qu’elle n’a jamais réalisé de tâche démontrant le degré d’expertise revendiqué et qu’elle a été incapable en 2012 d’avancer un projet en lien avec son poste.


Il ressort des attestations de M. K, que les rapports professionnels étaient difficiles avec Mme X qui travaillait seule de son côté sans communication avec le reste de l’équipe aux dépens de la bonne marche du service, celui-ci réclamant un avertissement de la part de son employeur.

M. Y est devenu le responsable de Mme X en 2008 et indique que les choses se sont dégradées à partir de cette date, celle-ci marquant sa jalousie ou son incompréhension et mettant obstacle à l’avancement des dossiers en se positionnant comme une simple exécutante.


Il en ressort que les problèmes de communication évoquées avec la hiérarchie et les collègues depuis 2012 et le comportement «'réfractaire'» de Mme X apparaissent constituer en réalité la conséquence du sentiment de manque de reconnaissance évoqué par la salariée depuis plusieurs années et notamment de l’absence de prise en compte de son diplôme acquis depuis 2007 par le biais de la formation CNAM en refusant de lui accorder un sujet de mémoire pour le valider, ainsi que de son absence d’évolution de carrière malgré les efforts entrepris face à l’évolution de ses collègues.


Il est d’ailleurs à noter qu’elle n’a fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire de la part de son employeur s’agissant de tâches qu’elle aurait refusées d’effectuer ou de son comportement vis-à-vis de ses supérieurs hiérarchiques, le GIE OSIRIS n’ayant pas non plus donné suite par une enquête à l’alerte donnée par Mme I concernant le harcèlement qu’elle estimait subir de la part de Mme X.


Il ressort également du courrier de l’inspection du travail saisie par Mme X en 2007 que l’employeur a tenté de modifier son contrat de travail unilatéralement en lui supprimant une partie de ses responsabilités techniques, aboutissant à la promotion d’un collègue et à sa rétrogradation.


Il n’est par ailleurs pas contesté par l’employeur qu’en 2012, suite au congé maladie longue durée de M. L, ses tâches ont été réparties entre deux collègues masculins alors que sa fiche de poste stipulait qu’elle devait prendre le relais en cas d’absence de celui-ci pour les tâches de maintenance de fluides.


Il ressort enfin de l’étude sur les risques psychosociaux réalisée à la demande du CHSCT et déposé en juin 2013 qu'«' on peut penser qu’il découle de ce déficit de reconnaissance ( concernant Mme X), un sentiment d’iniquité qui est d’autant plus vif qu’une partie du personnel a connu des promotions au cours des dernières années'»


Le GIE OSIRIS n’apporte ainsi aucun élément objectif étranger à la discrimination alléguée, suffisant et susceptible de justifier la différence d’évolution professionnelle de Mme X par rapport à ses collègues masculins.


Les éléments susvisés permettent ainsi à la cour de se convaincre que Mme X a été victime de discrimination dans son évolution professionnelle du fait de son sexe.


En revanche la seule absence d’évolution de son coefficient non corroborée par d’autres éléments n’est pas suffisamment probante s’agissant d’une discrimination syndicale supplémentaire alléguée. Celle-ci n’est pas établie.

Sur’la demande de reclassification de la salariée et la demande de dommages et intérêts : Moyens des parties :

Mme X soutient que, compte tenu de la reconnaissance de la discrimination subie, elle est fondée à demander son repositionnement en considération de ce qu’aurait dû être son évolution de carrière au poste d’ingénieur si elle n’avait pas fait l’objet d’une inégalité de traitement. En effet, l’employeur a nié ses compétences et lui a opposé un refus dénué de toute objectivité à son évolution sur un poste d’ingénieur compte tenu de son expérience professionnelle.


Le GIE OSIRIS fait valoir que la demande de la salariée doit être rejetée en ce qu’elle ne justifie d’aucune disposition conventionnelle ou légale lui remettant de revendiquer un droit automatique de passage au statut cadre. De plus, la salariée ne démontre pas se trouver dans une situation d’exercice de fonctions de même nature que celles de ses collègues.

Sur ce,


En application de l’article L.1134-5 du code du travail, le salarié victime de discrimination est fondé à obtenir réparation de l’entier préjudice résultant de la discrimination, donc pendant toute sa durée.

Mme X justifie que contrairement à elle, ses collègues masculins dans une situation comparable à la sienne sont placés au coefficient 360 au 1er janvier 2015 alors qu’elle est placée au coefficient 275.


L’employeur se contente d’indiquer que Mme X n’a pas effectué les tâches de la classification supérieure revendiquées (coefficient 360) alors qu’il est à l’origine du refus d’évolution de la salariée sur ces fonctions et missions de manière discriminatoire.


Il convient par conséquent d’ordonner sa requalification au coefficient 360 au 1er janvier 2015 et de fixer sa rémunération brute à compter de cette date à 3'118 € à compter de cette date outre la majoration à appliquer par l’employeur des augmentations générales moyennes et individuelles perçues par sa catégorie déduction faite de celles dont elle a d’ores et déjà bénéficié dans sa catégorie antérieure.


La demande d’astreinte sera rejetée car elle n’est pas utile à l’exécution dans la présente décision.


Il convient par ailleurs, afin de réparer l’entier préjudice économique subi, d’allouer des dommages et intérêts à Mme X pour la période avant son repositionnement au coefficient 360 soit avant le 1er janvier 2015 et à compter de son embauche le 1er octobre 1990, soit une somme allouée de 105'682

€.


Il ne peut être contesté au vu des éléments du dossier que Mme X a subi un préjudice moral du fait de cette discrimination l’ayant en outre, au vu du sentiment d’injustice, amenée à s’isoler de ses collègues de travail et exacerbé les conflits avec ceux-ci et par conséquent dégradé ses conditions de travail. Il convient de lui allouer à ce titre des dommages et intérêts à hauteur de 10'000 €.

Sur le manquement aux dispositions conventionnelles':

Mme X soutient que le GIE OSIRIS n’a pas respecté les dispositions conventionnelles de l’accord du 12 juin 2008 relatif à l’égalité professionnelle notamment s’agissant de la formation destinée à corriger les inégalités existant dans les parcours professionnels et réclame 10'000 € de dommages et intérêts à ce titre.


Le GIE OSIRIS fait valoir que Mme X a bénéficié de formation professionnelles nombreuses et qu’il n’était pas dans l’obligation de prendre en compte la formation qui lui a permis d’obtenir le titre d’ingénieur dès lors que les compétences requises n’étaient pas utiles dans l’emploi qu’elle occupait au sein de l’entreprise et qu’elle adoptait une attitude de dénigrement du travail de ses collègues et s’opposait systématiquement à toutes les décisions de la hiérarchie.

Sur ce,


Aux termes des dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.


Il ressort de l’article 6 relatif à la formation professionnelle de l’accord du 12 juin 2008 relatif à l’égalité professionnelle et salariale annexée à la convention collective des industries chimiques du 30 décembre 1952 applicable que la formation professionnelle constitue un levier majeur pour corriger les inégalités existant dans le parcours professionnel entre les hommes et les femmes et que les entreprises se donneront des objectifs de suppression des écarts constatés.


Il convient de rappeler que la cour a jugé que le placement en retrait de Mme X dans ses relations avec certains de ses collègues promus et de ses supérieurs hiérarchiques est en réalité la résultante et non la cause, comme conclu, de l’absence de reconnaissance de la part de l’employeur comme le révèlent les attestations des salariés versées par l’employeur et de l’absence de reconnaissance de sa qualité d’ingénieur et de ses efforts de formation. L’employeur ne justifiant au surplus pas des motifs ayant présidé à «'l’inadéquation de son profil'» justifiant de son refus de lui permettre de valider son diplôme d’ingénieur.


Il convient par conséquent de juger que le GIE OSIRIS n’a non seulement pas exécuté de bonne foi le contrat de travail en ne permettant pas à Mme X d’évoluer dans ses fonctions dans des conditions égales à celles de ses collègues, mais a méconnu les dispositions conventionnelles susvisées en lui refusant le bénéfice de validation de la formation d’ingénieur qu’elle avait réalisée avec succès en plus de ses fonctions.


Il convient de condamner le GIE OSIRIS à lui verser à ce titre la somme de 5'000 €.

Sur’le respect de l’obligation de sécurité :

Moyens des parties :

Mme X soutient que l’employeur a violé son obligation générale de sécurité à son égard en ce qu’il l’a exposé aux poussières d’amiante, confrontant la salariée à une angoisse quotidienne de se voir déclarer une maladie liée à cette exposition. Elle fait valoir que les usines où elle travaillait ont été recensées comme ayant pu générer une exposition à l’amiante pour les périodes de 1945 à 1993 et de 1993 à 1996'et qu’en 2016, les partenaires sociaux ont alerté la direction sur la présence d’amiante dans certains secteurs du site de Roussillon'; Par arrêté du 19 décembre 2017, les établissements concernés ont été recensés comme ayant pu générer une exposition à l’amiante pour les périodes de 1945 à 1993 et de 1993 à 1996. Elle a travaillé sur le site des Roches Roussilllon à compter d’octobre 1900 et est intervenue pendant la rénovation de la chaufferie dans le bâtiment de la chaudière Duquenne aujourd’hui démantelée mais qui a dû être désamiantée avant sa destruction. Elle s’est également rendue plusieurs fois par ans jusqu’en 1999 dans le bâtiment 50 dit magasin moteur soit pour réception es moteurs enufs soir pour retour de réparations ou pour inventaire. Elle s’est rapprochée à plusieurs reprises depuis 2016 de son employeur afin que lui soit remise une fiche de suivi individuel d’exposition accidentel à l’amiante en vain. Elle est confrontée à l’angoisse de se voir déclarer une maladie liée à l’exposition à l’amiante d’autant plus que le scanner du 7 février 2019 fait état «'d’un micronodule aspécifique du lobe inférieur droit nécessitant a minima un avis médical tous les deux ans. Elle subit tous les jours un préjudice moral par le biais du préjudice d’anxiété. Elle sollicite 50'000 € de dommages et intérêts à ce titre.


Le GIE OSIRIS fait valoir que la salariée doit être déboutée de sa demande en ce qu’elle a découvert 15 jours avant l’audience de plaidoirie devant la juridiction prud’homale, qu’elle subirait un préjudice d’anxiété suite à son exposition à l’amiante pour une période de 1993 à 1996, le GIE OSIRIS n’étant pas l’employeur à cette époque, que ses responsabilités à l’époque étaient principalement administratives et qu’elle ne démontre pas que son travail l’ait exposé à l’amiante sur la période considérée, qu’il n’est pas justifié qu’elle se soit rendue au bâtiment 50 pour la période 1993 à 1996 Nick à cette époque des poussières d’amiante s’y soit trouvée, l’amiante se trouvant dans la toiture en fibrociment du bâtiment qui s’est progressivement dégradée. Il lui a été répondu à sa demande de fiche de suivi individuel d’exposition, que celle-ci n’est établie qu’au départ de la personne de l’entreprise afin de lui faire bénéficier du suivi médical post professionnel et le GIE OSIRIS affirme ne détenir dans ses archives aucun document relatif à une quelconque exposition y compris ponctuelle de Mme X aux poussières d’amiante. Elle fait enfin valoir que la salariée ne justifie pas individuellement et concrètement de l’existence de son préjudice d’anxiété.

Sur ce,


Le salarié qui a travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi numéro 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur la liste établie par arrêté ministériel pendant une période où il était fabriqué au traité de l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante et se trouve, du fait de l’employeur, dans une situation d’inquiétude permanente face aux risques de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante, qu’il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, subit un préjudice d’anxiété spécifique, dont il peut obtenir réparation sans avoir à démontrer sa réalité et son étendue. Il s’agit d’une responsabilité sans faute de l’employeur, la preuve d’une absence de faute de sa part étant inopérante.


En l’espèce l’établissement de Roussillon du GIE OSIRIS a été classé par arrêté du 19 décembre 2017, sur la liste des établissements ouvrant droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante pour la période de 1945 à 1993 et de 1993 à 1996.

Mme X n’a pas à démontrer avoir subi personnellement une exposition à l’amiante, la jurisprudence de la cour de cassation s’agissant des personnes exposées à l’amiante à l’occasion de leur travail dans des établissements non mentionnées dans l’article 41 susvisée ne venant pas contredire la jurisprudence établie s’agissant des établissements concernés par cette liste.


Il convient de confirmer le jugement déféré qui a condamné le GIE OSIRIS à verser à Mme X la somme de 7'000 € à ce titre.

Sur les demandes accessoires':


Il convient de confirmer la décision de première instance s’agissant des frais irrépétibles et des dépens.


Il convient de condamner le GIE OSIRIS, partie perdante, aux dépens d’appel et à la somme de'3'000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS':


La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE Mme X recevable en son appel,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a':


- Condamné le GIE OSIRIS à payer à Mme X la somme de 7.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d’anxiété subi lié à l’exposition à l’amiante';
- Rejeté sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral';


- Condamné l’employeur à lui payer 1 500 € au titre des frais irrépétibles';


- Débouté l’employeur de sa demande au titre des frais irrépétibles';


- Condamné le GIE OSIRIS aux entiers dépens';


- Ordonné l’exécution provisoire de l’entier jugement';

L’INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,

Y ajoutant,

DIT que Mme X ne justifie pas de l’existence d’un harcèlement sexuel «'discriminatoire'» et la DEBOUTE de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

DIT que Mme X ne justifie pas de l’existence d’une discrimination syndicale,

DIT que Mme X a fait l’objet d’une discrimination en raison de son sexe,

En conséquence,

ORDONNE sa reclassification au coefficient 360 à compter du 1er janvier 2015'outre l’application de la majoration par l’employeur des augmentations générales moyennes et individuelles perçues par sa catégorie déduction faite de celles dont elle a d’ores et déjà bénéficié dans sa catégorie antérieure,

DEBOUTE Mme X de sa demande d’astreinte à ce titre,

CONDAMNE le GIE OSIRIS à lui verser la somme de 105'682 € au titre du préjudice économique subi du fait de la discrimination de la date d’embauche jusqu’au 31 janvier 2014,

CONDAMNE le GIE OSIRIS à lui verser la somme 10'000 € au titre du préjudice moral subi,

CONDAMNE le GIE OSIRIS à lui verser des dommages et intérêts à hauteur de 5'000 € du fait des manquements constatés aux dispositions conventionnelles,

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 code civil,

CONDAMNE le GIE OSIRIS à payer la somme de 3 000 € à Mme X sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE le GIE OSIRIS aux dépens d’appel.


Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Présidente,
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Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 12 avril 2022, n° 19/02266