Cour d'appel de Lyon, 11 décembre 2015, n° 13/09560

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 11 déc. 2015, n° 13/09560
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 13/09560
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 25 novembre 2013, N° F11/01761

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/09560

X

C/

XXX

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud’hommes – Formation de départage de LYON

du 26 Novembre 2013

RG : F 11/01761

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 11 DECEMBRE 2015

APPELANT :

A X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Murielle MAHUSSIER de la SCP REVEL-MAHUSSIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Christine FAUCONNET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

XXX

XXX

XXX

XXX

comparant par Monsieur G H, directeur des ressources humaines et assistée par Me Jean-Bernard MICHEL de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Parties convoquées le : 20 mars 2015

Débats en audience publique du : 05 novembre 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Lindsey CHAUVY, Greffier placé.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 décembre 2015, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Lindsey CHAUVY, Greffier placé à la Cour d’Appel de LYON suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d’Appel de LYON en date du 16 septembre 2015, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

A X a été engagé par la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes en qualité de technicien ménager (employé, coefficient 190) suivant contrat à durée déterminée du 31 juillet 1995 à effet du 1er août 1995.

la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes l’a ensuite engagé par contrat à durée indéterminée du 22 septembre 1995 pour occuper le même emploi. Ce contrat de travail était soumis à la convention collective nationale des commerces et services de l’audiovisuel, de l’électronique et de l’équipement ménager.

Le salarié a été affecté au service après-vente de Limonest.

Par avenant du 1er juin 1999 au contrat de travail, A X est passé du niveau 1 au niveau 2 de la classification conventionnelle (coefficient 200).

Puis il est devenu technicien expert (position III, échelon 2) selon avenant contractuel du 1er septembre 2006.

En dernier lieu, il percevait une rémunération mensuelle brute de 2 009,13 €.

A l’occasion d’une intervention au domicile de clients, A X a été victime d’une agression de la part de ceux-ci le 26 octobre 2004.

Une déclaration d’accident du travail a été transmise à la Caisse primaire d’assurance maladie. L’exécution du contrat de travail a été suspendue jusqu’au 21 janvier 2005.

Lors de la visite de reprise du 9 février 2005, le médecin du travail a émis l’avis suivant :

Inapte pour une durée indéterminée au poste de technicien extérieur. Apte à tout poste qui n’est pas directement en contact avec le public.

A X a été affecté sur un poste de préparateur de tournées. Ces fonctions l’ont éloigné de la technique pendant plus de deux ans.

Lors de l’entretien annuel d’évaluation 2006/2007, il s’est dit déçu par la non-reconnaissance du poste et a relevé que son statut dans la société n’était pas déterminé.

Ensuite, différentes missions lui ont été confiées en fonction de l’orientation des activités de la société DARTY :

— à compter d’avril 2008, la climatisation (bilan thermique, installation, conseil, formation des vendeurs), donnant lieu au versement d’une 'prime frigoriste’ mensuelle de 30 € jusqu’en octobre 2008,

— à dater de fin 2008, le service d’installation de l’internet très haut débit (installation, câble, expertise).

Le 17 novembre 2009, A X a dû subir une intervention chirurgicale au genou qui a nécessité la prescription d’arrêts de travail successifs jusqu’au 31 mars 2010.

Lors de la visite de reprise du 1er avril 2010, le médecin du travail a émis l’avis suivant :

Inapte temporaire à la reprise. La reprise ne peut être envisagée que sous condition d’un aménagement de poste pendant au moins 3 mois à un poste sans déplacement, sans port de charge, sans travail en hauteur (monter sur une échelle est contre-indiqué), sans travail en position accroupie. A revoir le jour de la reprise avec la définition écrite du poste aménagé.

Le salarié a prolongé alors son arrêt de travail jusqu’au 3 octobre 2010.

A X a eu des entretiens :

— le 22 juin 2010 avec son supérieur hiérarchique M N et avec E F, directeur du service après-vente de Limonest,

— le 30 juin 2010 avec G H, directeur des ressources humaines, en présence de E F et de C D, délégué du personnel qui assistait A X.

Dans une lettre recommandée du 1er juillet 2010 au directeur des ressources humaines, le salarié a analysé la discussion du 22 juin comme 'un acharnement habilement orchestré', les remarques négatives qui lui avaient été faites s’apparentant à du harcèlement moral.

Par lettre recommandée du 5 juillet 2010, le directeur des ressources humaines s’est dit en mesure de lui proposer :

— soit de reprendre contractuellement son poste de technicien itinérant en blanc, moyennant une remise à jour de trois mois en atelier,

— soit d’être affecté sur un poste de technicien à la T.H.D.

en lui rappelant que le poste lié à l’activité cuisine, créée depuis un an à peine, avait été confié à un collaborateur ayant une compétence de menuisier.

Dans une lettre du 16 septembre 2010, A X s’est étonné de ce que l’employeur ait évoqué le fait qu’il puisse reprendre 'contractuellement’ son poste de technicien itinérant en blanc alors qu’aucun avenant n’avait officialisé son évolution au poste de technicien brun. Il a pris acte de ce que la société reconnaissait avoir modifié unilatéralement son contrat de travail puisque son retour au poste initial devait se faire moyennant avenant.

Le directeur des ressources humaines lui a répondu le 22 septembre qu’il ne rentrerait pas dans un débat juridique sur la nécessité d’un avenant, débat qui n’amènerait rien au dossier, compte tenu des deux propositions faites au salarié.

Dans l’attente de la visite de reprise, la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes a invité A X à prendre des congés payés du 4 au 13 octobre 2010. Ce dernier ayant protesté, elle a acté le fait qu’il était en absence justifiée rémunérée.

Lors de la visite de reprise du 7 octobre 2010, le médecin du travail a émis l’avis suivant :

Apte au poste de technicien extérieur (THD). A revoir dans 15 jours.

Le 8 octobre 2010, alors qu’il était en repos hebdomadaire, le salarié a eu un entretien avec E F, en présence de C D, délégué du personnel. A l’issue de cet entretien, il a été pris d’un malaise vagal qui a nécessité son évacuation par les pompiers.

De nouveau placé en arrêt de travail, il a saisi l’inspecteur du travail qui s’est rendu sur le site les 15 décembre 2010 et 12 janvier 2011 et qui a fait part de ses observations à la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes par lettre du 15 février 2011.

Après un refus initial, la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain a accepté le 22 mars 2011 de prendre en charge l’accident du 8 octobre 2010 au titre de la législation professionnelle, au vu du rapport d’un médecin expert.

Le 13 avril 2011, A X a saisi le Conseil de prud’hommes de demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail et de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement du 26 novembre 2013, la formation de départage du Conseil de prud’hommes de Lyon a débouté les parties de leurs demandes.

A X a interjeté appel de cette décision le 10 décembre 2013.

Au terme de la visite de reprise du 20 avril 2015, le médecin du travail a émis l’avis suivant :

Inapte en une seule visite pour danger immédiat.

Inaptitude totale et définitive à son poste et à tout poste dans l’entreprise. Un seul certificat d’inaptitude ce jour. Maintenir le salarié à […] poste de travail constituant un danger immédiat, application de la procédure d’urgence prévue par le Code du travail (article R 4624-31).

Les 21 avril et XXX, la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes devenue la S.N.C. DARTY Grand Est a interrogé le médecin du travail sur la compatibilité d’un certain nombre de postes disponibles avec l’état de santé du salarié.

Le médecin du travail a répondu qu’il n’y avait pas de reclassement possible pour A X.

Le 22 avril 2015, l’employeur a élargi ses recherches de postes aux autres sociétés du groupe, mais en vain.

Les délégué du personnel ont été consultés le 9 juin 2015.

Par lettre recommandée du 12 juin 2015, l’employeur a fait connaître au salarié les raisons qui s’opposaient à son reclassement.

Puis, après l’avoir convoqué le 30 juin 2015 en vue d’un entretien préalable, la S.N.C. DARTY Grand Est a notifié à A X son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée du 3 juillet 2015.

*

* *

LA COUR

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 5 novembre 2015 par A X qui demande à la Cour de :

— infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Lyon,

— dire et juger que Monsieur X a été victime de harcèlement moral et à tout le moins d’une exécution déloyale de son contrat de travail,

— constater les graves manquements commis par la société DARTY dans l’exécution du contrat de travail de Monsieur X,

En conséquence,

A titre principal,

— prononcer la résiliation judiciaire de son contrat à la date de la décision,

— condamner la société DARTY à payer à Monsieur X, les sommes suivantes :

1 500,00 € à titre de rappel de prime frigoriste outre 150 € au titre des congés payés afférents,

50 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d’un harcèlement moral ou à tout le moins d’une exécution déloyale du contrat de travail,

35 000,00 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture,

A titre subsidiaire,

— dire et juger nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse le licenciement intervenu à l’encontre de Monsieur X,

— condamner la société DARTY à payer à Monsieur X, 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En toutes hypothèses,

— condamner la société DARTY à lui payer la somme de 2 000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— condamner la même aux entiers dépens de l’instance ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 5 novembre 2015 par la S.N.C. DARTY Grand Est qui demande à la Cour de :

— dire et juger que M. X n’a été victime ni de harcèlement moral, ni d’une exécution déloyale de son contrat de travail de la part de la société,

— dire et juger que M. X ne peut revendiquer un quelconque rappel de salaire,

— dire et juger que le liçenciement de M. X est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse,

— rejeter, en conséquence, sa demande de résiliation judiciaire,

— confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Lyon,

— débouter M. X de toutes ses demandes,

— le condamner à payer à la société DARTY la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Sur la demande de rappel de prime frigoriste :

Attendu que dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire a été conclu le 24 juillet 2003 entre la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes et les syndicats C.F.T.C. et C.G.C. un accord d’entreprise qui contient notamment des « mesures spécifiques métiers » en faveur des techniciens ; que l’une d’elles, applicable dès août 2003, consiste en une prime mensuelle spécifique de 30 €, destinée à reconnaître et valoriser les contraintes des frigoristes ayant la capacité d’effectuer un diagnostic sur un circuit de froid, d’intervenir sur un circuit de froid (rinçage, tirage au vide, recharge à gaz), d’échanger un compresseur, en intervention extérieure ;

Qu’en l’espèce, pour écarter la demande de A X, le Conseil de prud’hommes a considéré que le domaine de la climatisation ne relevait pas d’une activité de frigoriste ; que le métier de frigoriste est cependant multiple et recouvre aussi bien le conditionnement d’air que le froid commercial ; qu’en revanche, la Cour ne peut suivre A X dans son interprétation de l’accord d’entreprise, selon laquelle l’ouverture du droit à prime résulterait de la capacité à effectuer le diagnostic et non de l’intervention elle-même ; que la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes était donc fondée à opposer aux réclamations du salarié que le versement était subordonné à une sujétion particulière ; qu’il convient donc seulement de vérifier si A X a perçu la prime litigieuse pendant toute la période où des travaux de climatisation lui ont été confiés ; que selon la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes, l’appelant a effectué des interventions en juin et septembre 2008, juin, juillet et août 2009 ; que le bénéfice de la prime de 30 € lui a cependant été maintenu jusqu’en octobre 2008 seulement ; qu’en s’en tenant au tableau des interventions qui constitue la pièce n°32 de l’employeur, en l’absence de tout autre élément d’appréciation, la prime demeure due pour les mois de juin à août 2009 ;

Qu’en conséquence, la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes sera condamnée à payer à A X un rappel de prime frigoriste de 90 € outre une indemnité de congés payés de 9 € ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Attendu qu’aux termes des articles L 1152-1 à L 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel';'

Attendu qu’aux termes de l’article L 1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l’application des articles L 1152-1 à L 1152-3, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement'; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ;

Qu’en l’espèce, A X manifeste une certaine propension à réécrire l’histoire de la relation de travail, à la lumière de son dénouement dans la maladie et l’inaptitude ; qu’elle est particulièrement nette pour ce qui concerne l’attitude de la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes lorsqu’il s’est agi de donner une suite pénale à l’agression du 26 octobre 2004 ; que l’appelant a oublié que dans sa lettre du 8 octobre 2010, dénonçant à l’inspection du travail un « harcèlement moral et stratégique » au cours de son arrêt-maladie, il écrivait : « je tiens à porter à votre connaissance que les faits ont démarré à partir de mon arrêt maladie et je n’avais aucune raison d’en faire part avant, puisque tout allait bien » ; que la Cour ne s’explique pas pourquoi, au lendemain de la visite de reprise du 3 avril 2010, qui mettait fin à la suspension du contrat de travail, le salarié est reparti en congé de maladie, rendant impossible la recherche immédiate du poste aménagé préconisé par le médecin ; que les entretiens des 22 et 30 juin 2010 ont eu lieu pendant l’arrêt de travail et à l’initiative de A X ; que l’entretien du 8 octobre 2010 s’est tenu le lendemain de l’avis d’aptitude émis par le médecin du travail ; que le contenu de ces divers entretiens ne peut être reconstitué avec certitude, en l’absence de témoin neutre ;

qu’il est acquis néanmoins que diverses propositions ont été faites à l’appelant, dans la perspective de son retour, qu’il appréhendait manifestement ; que ces entretiens ont été une déconvenue pour le salarié qui avait exprimé au cours de l’entretien d’évaluation 2008/2009 son intérêt pour la nouvelle activité « cuisines » de DARTY et qui s’est entendu dire en 2010 que le poste était pourvu ; que l’intéressé, dont les entretiens d’évaluation reflètent une forte implication et une importante ambition, et qui ne rapporte la preuve d’aucun engagement qu’aurait pu prendre la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes, n’avait aucun droit acquis à être affecté sur le poste qu’il convoitait ; que le banal malaise vagal du 8 octobre 2010, dans un contexte de déconvenue professionnelle, n’est nullement significatif d’un harcèlement moral ; que l’appelant n’établit pas de faits permettant de présumer l’existence d’un tel harcèlement ;

Qu’en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté A X de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Attendu que selon l’article 18 de la convention collective nationale des commerces et services de l’audiovisuel, de l’électronique et de l’équipement ménager, toute modification de la situation professionnelle du salarié doit lui être notifiée au préalable par écrit et doit être motivée ; que l’employeur doit limiter les modifications éventuelles apportées à la situation professionnelle du salarié aux mesures rendues indispensables pour la bonne marche de l’entreprise et doit respecter les éléments substantiels du contrat de travail, notamment ceux liés à la qualification, à la classification et à la rémunération ; que ceux-ci ne peuvent être modifiés que par avenant au contrat de travail ;

Qu’en l’espèce, la S.N.C. DARTY Grand Est fait valoir que les changements d’affectation de A X ne constituaient pas une modification des fonctions de technicien et, en conséquence, ne nécessitaient pas la formalisation d’un avenant contractuel ; qu’elle ajoute que ces évolutions sont l’usage pour l’ensemble des techniciens puisqu’elles suivent celles des produits et services vendus comme celles des technologies ; qu’ainsi, la dizaine de techniciens formés pour intervenir sur l’activité « THD » venaient des secteurs « brun », « blanc » ou micro-informatique ; que l’intimée rappelle enfin que l’accord d’entreprise de 2003 faisait référence au métier de technicien sans davantage de précision quant au secteur d’affectation ; que cet argument n’est en aucun cas déterminant ; qu’en effet, la classification conventionnelle définit aussi les emplois-repères de la branche, et notamment ceux de la filière SAV, en termes généraux ; que l’article 1er de l’avenant n°22 du 16 mai 2001 à la convention collective justifie par la diversité des entreprises entrant dans son champ d’application le souci des signataires de proposer un système de classification adaptable à tout type d’établissement et à tout type de fonction ; qu’il n’en résulte pas que tous les emploi classés dans la grille correspondent au même métier ; qu’au sein de la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes, les techniciens affectés dans les secteurs « brun », « blanc », micro-informatique ou « THD » exercent des métiers différents nécessitant des formations spécifiques ; que les techniciens Q R, O P et I J confirment que personne ne peut passer du jour au lendemain dans un autre service sans formation interne ou externe ; que le changement de secteur modifie par conséquent le contrat de travail du salarié concerné ; que Y Z, qui a travaillé vingt-deux ans pour la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes, atteste de ce que dès lors qu’il y avait un nouveau projet dans le service après-vente, le nom de A X ressortait systématiquement ; que K L décrit ce dernier comme un « pion » qu’on déplaçait de service en service, lui faisant perdre ainsi ses repères et ses fonctions initiales ; qu’en se dispensant d’établir un avenant contractuel et de recueillir l’accord express de A X à l’occasion de chacun de ses changements de métier, la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes a méconnu les dispositions de l’article 18 de la convention collective applicable et manqué à l’obligation que lui faisait l’article L 1222-1 du code du travail d’exécuter le contrat de travail de bonne foi ; que la bonne foi contractuelle impose en effet de ne pas modifier le contrat sans l’accord de l’autre partie ; que si le lien entre ce manquement et l’inaptitude n’est pas établi, celui-ci a néanmoins causé au salarié un préjudice professionnel qui sera réparé par l’octroi d’une indemnité de 20 000 € ;

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Attendu que lorsqu’un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée ; que c’est seulement s’il ne l’estime pas fondée qu’il doit statuer sur le licenciement ;

Attendu qu’il appartient au juge, saisi d’une demande de résiliation judiciaire d’un contrat de travail, d’apprécier si les manquements établis à l’encontre de l’employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ;

Qu’en l’espèce, sous réserve de l’avis à intervenir du médecin du travail , la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes a proposé à A X en 2010 soit de reprendre le poste de technicien itinérant en « blanc » qu’il avait occupé, et ce moyennant trois mois de remise à niveau, soit d’occuper un poste à la très haute définition ; que ces propositions étaient satisfactoires, l’employeur n’ayant pas l’obligation de réserver jusqu’au retour de l’appelant un poste dans l’activité « cuisines » dont rien ne démontre d’ailleurs que ce dernier aurait été médicalement apte à l’occuper ; que les manquements passés de la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes à ses obligations n’obéraient pas l’avenir de la relation de travail au point de rendre la poursuite de celle-ci impossible ; qu’à la date de la demande de résiliation judiciaire, c’est-à-dire en avril 2011, seul l’état de santé de A X mettait obstacle à la reprise de l’exécution du contrat de travail ;

Qu’en conséquence, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est mal fondée ; que le jugement qui a débouté le salarié de ce chef de demande doit être confirmé ;

Sur le licenciement :

Attendu que A X bénéficie de la présomption d’imputabilité de l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale, la crise de spasmophilie étant apparue sur le lieu du travail, dans la suite immédiate d’un entretien professionnel avec le supérieur hiérarchique, peu important la disproportion entre la teneur de la conversation d’une part et le malaise d’autre part ou celle, plus évidente encore, entre la durée du congé de maladie qui a pris fin sur un avis d’inaptitude et l’importance du traumatisme initial ; que l’inaptitude est donc d’origine professionnelle ; qu’il n’en résulte pas pour autant que, comme l’affirme A X péremptoirement, les manquements de la société sont directement à l’origine de l’avis d’inaptitude ;

Attendu qu’aux termes de l’article L 1226-10 du code du travail, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l’issue des périodes de suspension du contrat à durée indéterminée consécutive à un arrêt de travail provoqué par un accident du travail, autre qu’un accident de trajet, ou une maladie professionnelle, l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail';

Qu’en l’espèce, les différentes étapes de la procédure de reclassement ont été observées par la S.N.C. DARTY Grand Est ; qu’au cours de la réunion du 9 juin 2015, C D, qui avait assisté A X lors de ses entretiens de 2010 avec la direction de la société, s’est rangé à l’avis des autres délégués du personnel présents qui ont fait le constat de l’impossibilité de reclasser l’appelant ; que les recherches entreprises dans le groupe étant restées vaines, l’employeur a satisfait à ses obligations ;

Qu’en conséquence, le licenciement procède d’une cause réelle et sérieuse ; que A X doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté A X de ses demandes de prime frigoriste et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau :

CONDAMNE la S.N.C. DARTY Grand Est à payer à A X :

— la somme de quatre-vingt-dix euros (90 €) à titre de rappel de prime frigoriste sur les mois de juin à août 2009,

— la somme de neuf euros (9 €) à titre d’indemnité de congés payés,

lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2011, date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,

— la somme de vingt mille euros (20 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au manquement de la S.N.C. DARTY Rhône-Alpes à l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

CONFIRME les autres dispositions du jugement entrepris,

Y ajoutant :

CONDAMNE la S.N.C. DARTY Grand Est à payer à A X la somme de deux mille euros (2 000 €) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la S.N.C. DARTY Grand Est aux dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,

CHAUVY Lindsey SORNAY Michel

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Cour d'appel de Lyon, 11 décembre 2015, n° 13/09560