Cour d'appel de Lyon, 1re chambre civile b, 8 novembre 2016, n° 14/08169

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Chronologie de l’affaire

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Eurojuris France · 17 février 2022

La retraite est souvent synonyme de pertes de revenus. En 2015, une étude de la DREES révélait qu'en moyenne, la pension de retraite nette est inférieure d'environ 25 % au dernier salaire net[1]. Selon l'INSEE, 71,45 % des personnes âgées de plus de 60 ans ont un patrimoine immobilier[2]. Monétiser ce patrimoine immobilier peut se révéler opportun pour pallier la baisse de revenus et faire face à l'augmentation des dépenses liées à la dépendance Il est possible de louer un bien immobilier pour générer des loyers, ce qui implique de renoncer à la jouissance du bien. Il existe …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. b, 8 nov. 2016, n° 14/08169
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 14/08169
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lyon, 3 septembre 2014, N° 09/13416
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 16 mai 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

R.G : 14/08169

Décision du

Tribunal de Grande Instance de lyon

Au fond

du 04 septembre 2014

RG : 09/13416

ch n° 9

[K]

[K]

C/

[H]

SCP [E] [J] ET [O] [B]

SARL SUZANNE IMMOBILIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 08 Novembre 2016

APPELANT :

M. [L] [K]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représenté par Me Christiane [P], avocat au barreau de LYON

APPELANTE ET INTIMEE :

Mme [Q] [K]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Christiane [P], avocat au barreau de LYON

INTIMES :

M. [M] [H]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

Assisté de Me Frédéric ZENATI – CASTAING, avocat au barreau de LYON

SCP [E] [J] ET [O] [B] Notaires associés

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Assistée de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON

SARL SUZANNE IMMOBILIER

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par la SELARL DPG & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

******

Date de clôture de l’instruction : 18 Février 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Septembre 2016

Date de mise à disposition : 08 Novembre 2016

Audience tenue par Françoise CARRIER, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Fabrice GARNIER, greffier

A l’audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Françoise CARRIER, président

— Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

— Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Fabrice GARNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Suivant acte reçu par Me [J], notaire à TASSIN LA DEMI LUNE, le 15 mars 2006, M.[A] [K], né le [Date naissance 1] 1934, a vendu en viager à M [M] [H] le bien immobilier dont il était propriétaire [Adresse 2] comprenant une maison d’habitation et diverses parcelles agricoles d’une superficie de 1ha 55a 35ca pour le prix payable au comptant (« bouquet ») de 60 000 € et moyennant une rente viagère mensuelle de 1 650 €.

Il s’était réservé un droit d’usage et d’habitation jusqu’à son décès sur la maison et les terrains agricoles à l’exception d’une parcelle de 74 a 25ca. La valeur vénale du bien occupé était fixée à l’acte à la somme de 269 000 €.

M [A] [K] a versé à l’agence SUZANNE IMMOBILIER, avec laquelle il avait signé un mandat exclusif de vente le 26 juillet 2005, une commission de 25 000 €, prélevée sur le bouquet.

Il est décédé le [Date décès 1] 2009 à l’âge de 75 ans.

Par acte d’huissier en date du 25 septembre 2009, ses enfants, Mme [Q] [K] et M [L] [K], ont assigné M [M] [H], la SCP notariale [J] [B] et l’agence SUZANNE IMMOBILIER devant le tribunal de grande instance de LYON, sur le fondement des articles 1591, 1964 et 1976 du code civil, en nullité de l’acte viager pour vileté du prix et absence d’aléa et en responsabilité pour manquement au devoir de vérification et de conseil s’agissant de l’agence immobilière et du notaire instrumentaire.

Par ordonnance du 1er juillet 2010, sur leur demande, le juge de la mise en état a ordonné une expertise confiée à M [G].

L’expert a déposé le 12 janvier 2012 un rapport au terme duquel il a conclu que la valeur vénale de l’immeuble en pleine propriété était, en 2006, de 367 000 € et que le montant annuel de la rente convenue à l’acte de vente était conforme aux valeurs du marché.

Par jugement en date du 4 septembre 2014, le tribunal a :

— débouté Mme [Q] [K] et M [L] [K] de leurs demandes,

— débouté M [M] [H], la SCP [D] [J] et [O] [B] et l’agence SUZANNE IMMOBILIER de leurs demandes,

— condamné Mme [Q] [K] et M [L] [K] aux dépens distraits au profit des avocats des défendeurs.

Par déclaration en date du 15 octobre 2014, Mme [Q] [K] et M [L] [K] ont interjeté appel de ce jugement.

Par acte du 16 mars 2015, M [L] [K] a régularisé un appel complémentaire à l’encontre de Mme [Q] [K].

Par ordonnance du 1er mars 2015, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l’appel de Mme [Q] [K].

Au terme de conclusions notifiées le 20 janvier 2016, les consorts [K] demandent à la cour de :

— infirmer le jugement déféré,

— prononcer la nullité de la vente en viager pour vileté du prix et défaut d’aléa,

— ordonner la restitution du bien sis à [Adresse 7] dans l’état où il a été laissé lors de l’état des lieux effectué fin 2009, sous astreinte de 50 € par jour,

— dire que les rentes viagères versées à M [K] et le prix de vente seront compensées à titre dommages et intérêts en réparation du caractère frauduleux de la vente,

— condamner M [M] [H] à leur verser la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour propos calomnieux, mensongers et diffamation,

— condamner solidairement M [M] [H], l’agence SUZANNE IMMOBILIER et la SCP [J] [B] à leur payer la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de droit et fraude, ainsi que la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me [P].

Ils font valoir :

— que les conclusions de l’expert judiciaire sont contestables, qu’en effet ce dernier a pris pour base de travail les éléments versés par la partie adverse, qu’il n’a pas évalué l’état du toit, qu’il n’a pas tenu compte de l’activité de paysagiste agriculteur qu’avait exercée M [A] [K] ni du fait qu’il vivait seul ni de son état de santé, se référant uniquement à son âge, et qu’il a fixé la valeur de la maison sur des éléments de comparaison erronés non compatibles avec le bien concerné et des constatations faites en 2010 alors que la maison était fermée et le jardin laissé à l’abandon,

— que l’évaluation réalisée en 2005 par l’agence immobilière [Z] et celle en 2006 de M [F] retiennent une moyenne de 600 000 € comme d’ailleurs admis par le de cujus,

— que le montant de la rente est en tout état de cause dérisoire au regard des revenus procurés par le bien,

— que l’objectif de la vente était de réaliser un détournement de droits successoraux et qu’ils sont victimes d’une collusion de leur père avec les intimés visant à les déshériter,

— qu’ils ont déjà obtenu de la Cour d’Appel de LYON le rapport à la succession de primes manifestement exagérées de plusieurs contrats d’assurance vie souscrits par leur père,

— que le prix fixé n’est pas sérieux,

— que le calcul de la rente ne figure pas dans l’acte,

— que l’intervention de l’agence immobilière, qui n’est pas de la région, a été fictive malgré les honoraires exorbitants versés par le vendeur, que c’est Me [J], ami de leur père, qui a présenté M [H], dont le père est notaire, à M [K],

— que le de cujus n’avait pas de raison de vendre son bien en viager alors qu’il percevait les rentes de ses contrats d’assurance vie,

— que M [H] connaissait l’état de santé précaire du de cujus qui consommait de l’alcool, de nombreux médicaments et était en surpoids avec du diabète, ce qui rendait son décès à brève échéance prévisible, qu’il est décédé d’un arrêt cardiaque en relation directe avec la pathologie dont il souffrait car il était cardiaque,

— que le notaire en établissant l’acte sans tenir compte de l’existence des enfants et en ne s’assurant pas de la réalité du prix, des conditions de sa négociation et que le consentement du de cujus était éclairé, a manqué à son devoir de conseil, de même que l’agent immobilier qui n’a présenté au vendeur qu’un seul acquéreur, qui n’était pas présent lors des visites et qui a participé à une vente dans des conditions douteuses et contestables alors qu’il connaissait la volonté de M [K] de déshériter ses enfants.

Au terme de conclusions notifiées le 15 janvier 2016, M [M] [H] demande à la cour de :

— déclarer l’action des consorts [K] fondée sur la cause illicite prescrite et irrecevable,

— débouter les demandeurs de leur demande d’annulation pour vice du consentement formée en cause d’appel,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il les a déboutés de l’ensemble de leurs demandes,

— l’infirmer pour le surplus et condamner in solidum les appelants à lui verser la somme de 76 000 € à titre de dommages et intérêts pour exercice abusif des voies de droit outre 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ainsi qu’à une amende civile de 3.000 €,

— condamner in solidum les appelants à lui payer la somme de 15 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me [R].

Il fait valoir :

— qu’il n’a fait la connaissance du de cujus que dans le cadre de la vente de son bien, qu’il n’entretenait pas avec lui de relations extra contractuelles,

— que le fait qu’il ait porté à la connaissance de l’acquéreur qu’il était fils de notaire était destiné à l’assurer de son honorabilité et de son sérieux,

— que c’est l’agent immobilier qui les a mis en lien,

— que les conclusions de l’expert font apparaître que le prix était supérieur à la valeur vénale du bien,

— que le de cujus n’avait en 2006 aucune pathologie diagnostiquée à la date de la signature de l’acte, ses pathologies anciennes ayant été traitées en 2003, que le décès n’est pas survenu à brève échéance mais plus de 3 ans après, que la preuve de l’absence d’aléa n’est pas rapportée,

— qu’à aucun moment son état de santé n’a été évoqué en sa présence, qu’il n’était soumis à aucun régime de protection,

— que malgré les conclusions de l’expert et la vacuité du dossier, les consorts [K] ont maintenu leur procédure, ces faits traduisant un abus de droit.

Au terme de conclusions notifiées le 29 octobre 2015, la SARL SUZANNE IMMOBILIER demande à la cour de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté les consorts [K] de leurs demandes,

— le réformer en ce qu’il l’a déboutée de sa demande formée au titre de ses frais irrépétibles et condamner in solidum les appelants à lui verser la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 € au titre de ceux d’appel ainsi qu’aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SELARL DPG & Associés.

Elle fait valoir :

— que le prix, librement négocié, n’est pas vil,

— que le fait que des négociations soient intervenues entre la rédaction de la lettre d’intention et le compromis n’est pas inhabituel, que M [A] [K] n’a pu être trompé s’agissant de la commission d’agence qui a avait été dès l’origine négociée à sa charge,

— que l’expert a répondu à l’ensemble des critiques des consorts [K],

— que même si l’on s’en tient à l’évaluation [Z]-[S], le prix retenu dans l’acte ne pourrait pas être considéré comme vil,

— que les problèmes de santé rencontrés par M [K] en 2003 ne mettaient pas en cause son pronostic vital à l’époque de la négociation de la vente,

— que les décisions intervenues s’agissant de primes d’assurance vie ne sauraient faire la preuve d’une absence d’aléa de la vente en viager,

— que l’absence d’utilité de la vente pour le vendeur ne constitue pas une cause de nullité de l’acte,

— que M [A] [K] n’avait jamais manifesté une quelconque faiblesse intellectuelle au cours des négociations,

— que la preuve d’une collusion pour spolier les appelants n’est pas démontrée.

Au terme de conclusions notifiées le 23 juillet 2015, la SCP [J] [B] demande à la cour de :

— déclarer la demande irrecevable pour défaut de publication de l’assignation exigée par les articles 28-4 et 30 du décret du 4 janvier 1955,

— subsidiairement, confirmer le jugement et débouter les appelants de leurs demandes,

y ajoutant,

— condamner chacun des appelants à lui payer la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

— les condamner in solidum à lui payer la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SCP TUDELA & ASSOCIES.

Elle fait valoir :

— que l’ensemble des négociations sur le prix s’est réalisée en dehors de son intervention,

— qu’aucun texte n’impose que le calcul de la rente soit mentionné dans l’acte authentique,

— que l’expert judiciaire, comme son prédécesseur M [I], confirme l’absence de vileté du prix,

— que l’acte a été conclu par une personne en pleine possession de ses moyens, que son hospitalisation trois ans avant ne permet pas de conclure l’absence d’aléa,

— que le de cujus ne faisait pas de confidences concernant ses enfants à Me [J], que celui-ci n’était pas son ami et ne lui avait pas présenté M [H],

— que les conditions négociées par les parties ne lui avaient pas semblé invraisemblables, qu’il n’avait pas à y associer les enfants, l’acte ne constituant pas une libéralité,

— qu’il n’a pas commis de faute.

La clôture a été prononcée le 18 février 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité

Les appelants justifient avoir régulièrement fait publier l’assignation introductive d’instance au service de la publicité foncière LYON 4 le 6 novembre 2009 en application des dispositions du décret du 4 janvier 1955 et la fin de non recevoir soulevée par la SCP [J] [B] sera rejetée.

Sur les irrégularités affectant l’acte de vente

Selon l’article 1591 du code civil, le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. Il en résulte que le prix doit être déterminé par l’accord des parties au moment de la formation du contrat ou déterminable par application des clauses du contrat.

En l’espèce, l’acte querellé mentionne précisément la composition du prix de vente à savoir la somme de 60 000 € et le service d’une rente annuelle de 19 800 € indexée et payable mensuellement.

Aucune disposition légale n’impose que le mode de calcul du prix constitué pour partie d’une rente viagère soit mentionné à l’acte et le silence de l’acte sur ce point est sans incidence sur sa validité.

Il ne saurait dès lors y avoir lieu à prononcer la nullité de la vente pour indétermination du prix.

Sur la vileté du prix

Selon l’article 1976 du code civil, la rente viagère peut être constituée au taux qu’il plaît aux parties contractantes de fixer.

En application de l’article 1131 du code civil pour être valable, un engagement doit avoir une cause. S’agissant de contrats synallagmatiques, la cause de chaque obligation réside dans la prestation due par le co-contractant. Sont nuls pour défaut de cause les contrats dans lesquels la contrepartie n’est que symbolique ce qui est le cas en cas de vente à un prix dérisoire sans correspondance avec la valeur vénale de la chose.

En matière de rente viagère, la vileté du prix peut résulter du caractère dérisoire de la rente, c’est à dire inférieur au revenu du bien cédé dans l’hypothèse où le bien a été vendu en pleine propriété ou au revenu que pourrait produire le placement de la somme correspondant à la valeur vénale du bien grevé dans l’hypothèse où le crédirentier s’est réservé la jouissance du bien vendu.

Selon l’article 1134 du code civil, le contrat fait la loi des parties.

Aucune disposition légale n’impose de mettre à la charge de l’acquéreur, en sus du prix de vente, la commission d’agence convenue par le vendeur avec l’intermédiaire qu’il a mandaté et par lequel la vente s’est réalisée.

Les appelants ne sauraient dès lors prétendre que le bouquet n’était que de 35 000 € compte tenu du montant de commission versé à l’agence SUZANNE alors que le bouquet convenu et payé par l’acquéreur était bien de 60 000 € et que ce n’est qu’en vertu du mandat librement négocié entre le vendeur et l’agence que la commission de 25 000 € a été prélevée sur le montant du bouquet.

L’expert [G] a estimé la valeur vénale de l’habitation avec un terrain d’assiette de 1 605 m² sur la base de 3 000 € le m² habitable et la valeur des autres parcelles sur la base de 5 000 € l’hectare, s’agissant de terres agricoles non constructibles.

Le dépassement des délais impartis à l’expert est sans incidence sur la validité de ses opérations ou sur la pertinence de ses conclusions.

L’expert a indiqué s’être fondé, s’agissant des prix pratiqués localement en 2006, non pas sur les documents fournis par « la partie adverse » mais sur les données du fichier PERVAL tenu par le notariat et référençant les mutations intervenues. Les données issues de ce fichier ne peuvent être considérées que comme des données objectives et impartiales et le grief des appelants sur ce point est dépourvu de sérieux.

Il résulte du rapport que l’expert a pris en considération cinq ventes de maisons sur la commune de CHAPONOST entre février et mai 2006 et dont la superficie avoisine celle de la maison vendue. Les appelants ne démontrent pas en quoi ces références ne seraient pas pertinentes alors qu’elles portent sur des biens similaires à celui vendu.

Aucun élément n’ayant été fourni sur la qualité de la toiture, l’expert n’a pas pu prendre en compte l’éventuelle moins value résultant du mauvais état de celle-ci et les appelants ne sauraient prétendre que l’omission de fournir un devis relatif à la toiture leur a été préjudiciable.

Il résulte du rapport que l’expert s’est placé au jour de la vente et non pas au jour de la visite pour apprécier l’état du bien qu’il a reconstitué, en l’absence d’état des lieux au jour de la vente, à partir des deux constats d’huissier de 2009 et 2010 et des constatations qu’il avait pu faire personnellement en se déplaçant sur les lieux le 6 octobre 2010. Les éléments fournis pas ces constats permettaient de reconstituer la qualité de la construction et de ses équipements et l’expert en a déduit de façon pertinente que la propriété avait des prestations moyennes en état d’usage à l’époque de la vente.

Le taux de rente de 9,90 %, retenu par l’expert a été calculé à partir du barème [V], édition 2001 en vigueur en 2006, employé par la plupart des professionnels, pour un homme seul de 72 ans, ce qui correspondait à la situation de M [A] [K]. Ce barème reflète les statistiques calculées sur l’espérance de vie d’une population donnée à une date donnée, à partir d’un panel où sont représentées toutes les professions, autant celles qui garantissent a priori une espérance de vie supérieure à celle d’un paysagiste que celles qui sont de nature à diminuer l’espérance de vie. L’espérance de vie individuelle étant aléatoire quel qu’ait été le passé professionnel de la partie considérée, c’est de façon pertinente que l’expert s’est référé à l’espérance de vie moyenne reflétée par le barème [V].

Les appelants ne démontrent pas d’une part que le tout à l’égout était prévu à la date de la vente ni que la mise en place de cet équipement aurait ouvert à court terme une perspective de constructibilité des terrains agricoles. Leur allégations sur ce point sont au surplus démenties par les pièces produites par M [M] [H] desquelles il ressort que le raccordement au tout à l’égout n’a été voté qu’en 2011 et que les terrains étaient encore, 10 ans après la vente, en zone agricole non constructible.

C’est dès lors de façon pertinente que l’expert a évalué les parcelles composant le tènement litigieux hors terrain d’assiette de la maison par référence à la valeur des terres agricoles.

Il résulte des calculs de l’expert que le prix n’était pas sous-évalué. La valeur de 269 000 € mentionnée à l’acte, destinée à servir d’assiette au calcul des droits de mutation, correspond à la valeur transmise c’est à dire à la valeur du bien déduction faite du droit d’usage et d’habitation viager et non pas à la valeur vénale du bien libre de toute occupation.

L’estimation de l’agence immobilière [Z] [S], qui donne un avis de valeur entre 470 000 € et 500 000 €, porte sur un bien libre de toute occupation alors qu’en l’espèce seule une parcelle agricole de 74a 25ca évaluée par l’expert à 3 700 € était vendue en viager libre. Elle n’est de surcroît étayée par aucune référence aux prix du marché à la date de la vente et ne saurait constituer une référence objective et encore moins un indice de la vileté du prix.

Il en va de même de l’estimation à 660 000 € mentionnée dans les papiers domestiques de M [K] ou de celle de M [F] à 630 000 € en 2005.

Les appelants ne sauraient se prévaloir du revenu qu’aurait procuré la location de la propriété de leur père pour justifier le caractère dérisoire de la rente dès lors que le bien, à l’exception de la parcelle agricole de 74a 25ca, n’a pas été vendu en pleine propriété et qu’il ne pouvait donc procurer à l’acquéreur des revenus locatifs.

Ils ne démontrent pas que le montant de la rente serait inférieur au revenu qu’aurait pu produire le placement de la somme correspondant à la valeur vénale du bien grevé dont le crédirentier s’est réservé la jouissance soit 209 000 €, étant relevé que le montant de la rente annuelle soit 19 800 € rapporté à ce capital s’établit à 9,47% ce qui excède notablement les taux de rendement moyen des placements financiers tels qu’ils ressortent des statistiques de la Banque de France versées aux débats pour la période considérée.

C’est donc par une exacte analyse que le premier juge a estimé que le prix n’était pas vil.

Sur l’absence d’aléa

Le contrat aléatoire est celui dans lequel l’équivalent est, pour les parties, la chance d’un gain ou le risque d’une perte en raison d’un événement incertain. Le décès du vendeur, cause de variation de la dette de l’acquéreur, confère au contrat de rente viagère un caractère aléatoire.

En matière de contrat aléatoire, le défaut de risque réel constitue un défaut de cause de la prestation. Ainsi, en matière de contrat de rente viagère, si le débirentier sait que le vendeur décédera à brève échéance, sa prestation est dépourvue de cause réelle.

Les appelants versent aux débats au soutien de leurs allégations selon lesquelles l’acquéreur avait connaissance de la faible espérance de vie de leur père, des éléments du dossier médical de ce dernier faisant apparaître que celui-ci avait été opéré pour une cholécystite aigüe alithiasique (inflammation de la vésicule biliaire), puis hospitalisé du 14 au 26 août 2003 pour un syndrome infectieux (septicémie) et qu’à cette occasion, il avait été constaté que l’intéressé avait une consommation excessive d’alcool mais que le diabète dont il était atteint était équilibré.

Toutefois, ainsi que l’a justement relevé le premier juge, les pathologies ayant amené à son hospitalisation sont survenues trois ans avant la signature du contrat litigieux et avaient été définitivement traitées dès 2003 ainsi que cela ressort d’un courrier du Docteur [U] à son confère [Y] en date du 4 septembre 2003 qui décrit le patient comme allant « parfaitement bien ».

Il ne résulte pas des autres éléments médicaux produits que les examens de contrôle prescrits en 2003 aient permis de détecter par la suite et avant 2006 une pathologie engageant le pronostic vital de M [A] [K]. Il n’est notamment justifié d’aucune prise en charge hospitalière au cours de cette période. Les deux visites de contrôle de février et septembre 2005 mentionnent pour la première un « état général satisfaisant » et pour la seconde « un état général stationnaire avec peut être une petite baisse d’attention à son régime », « sur le plan biologique stabilité parfaite : bilan hépatique et pancréatiques normaux », « sur le plan de l’imagerie, persistance de la collection pseudo-kystique dans le hile splénique et autour de la queue du pancréas, mais parfaitement stable », et préconisant une surveillance annuelle « en dehors de phénomènes nouveaux surajoutés », en conséquence de quoi le rendez-vous suivant avait été fixé au mois de septembre 2006, donc postérieurement à la vente.

Il ne ressort donc pas des éléments médicaux produits que l’état de santé de M [A] [K] au jour de l’acte ait été tel qu’une issue fatale inéluctable était prévisible à brève échéance. Il convient de relever en tant que de besoin qu’il résulte du scanner abdomino-pelvien pratiqué le 13 février 2008 que le pseudo-kyste était toujours stable à cette date.

Les appelants produisent encore pour preuve de l’absence d’aléa des attestations de Mmes [W] et [N]. Les éléments rapportés par ces attestations n’ajoutent rien aux éléments médicaux précédemment analysés s’agissant des problèmes de santé survenus en 2003, comme ne faisant état que d’un état de fatigue normal dans les suites d’une septicémie et dont il est acquis que l’intéressé s’est remis à la suite de sa convalescence.

La troisième attestation établie par Mme [N] le 15 mai 2013, au terme de laquelle elle déclare avoir constaté au cours de la période 2005/2006 un affaiblissement physique de M [A] [K], caractérisé par une peine à se déplacer et un essoufflement, ne saurait faire la preuve de la survenance d’une pathologie qui n’aurait pas été médicalement diagnostiquée et qui aurait mis en cause le pronostic vital du patient.

La carte personnelle d’urgence de la croix rouge française dont était titulaire M [K] date de 2007. Si elle mentionne diabète, tachycardie, pancréas, elle ne fournit aucun indice de ce qu’il était atteint d’une pathologie, cardiaque notamment, mettant en cause son pronostic vital à la date de la vente.

Les appelants ne rapportent pas la preuve de leurs allégations selon lesquelles les intimés auraient entretenu avec leur père des rapports d’une proximité telle qu’elle leur aurait permis de disposer d’informations sur son état de santé.

Il ne saurait leur être reproché de ne pas s’être enquis de l’état de santé du vendeur, s’agissant d’informations couvertes par le secret médical et la loi n’imposant en tout état de cause aucune diligence en ce sens.

Il convient de relever enfin que M [K] est mort plus de trois ans après la signature du contrat ce qui confirme en tant que de besoin qu’il n’était atteint à cette date d’aucune pathologie engageant son pronostic vital à brève échéance.

Sur le vice du consentement

Selon les articles 1109 et 1110 du code civil, l’erreur constitue une cause de nullité de la convention lorsqu’elle porte sur un élément du contrat ayant déterminé le consentement d’une des parties.

En l’espèce, le mandat conclu avec l’agence SUZANNE prévoyait que le montant de la commission de 30 000 € serait prélevé sur le bouquet de 60 000 €, le bouquet « net propriétaire » étant de 30 000 €. Le compromis rappelait que le bouquet de 60 000 € comprenait les honoraires de négociation de 25 000 € à la charge du vendeur et 35 000 € net pour le propriétaire. L’acte authentique précise quant à lui que le vendeur, qui en avait seul la charge, devait à l’agence une rémunération de 25 000 € TTC, somme réglée par la comptabilité de l’office notarial.

Outre que ces clauses sont parfaitement claires, il n’est pas établi que M [K] ait pu être induit en erreur d’une façon quelconque par le fait que le montant de la rente de 1 980 € prévu au mandat avait été finalement négocié au compromis à 1 650 €. Il convient de relever à cet égard qu’après avoir reçu le paiement du prix de la vente, il n’a entamé aucune démarche pour réclamer à l’acquéreur un solde de prix ou contester la validité de la vente pour erreur sur le prix, ce qui démontre si besoin était qu’il considérait que la somme perçue correspondait aux droits que lui avait conféré l’accord intervenu.

Sur l’illicéité de la cause

Selon l’article 1131 du code civil, le contrat dont la cause est illicite est sans effet.

L’action en nullité de l’acte pour illicéité de la cause n’est pas prescrite s’agissant d’un moyen nouveau soulevé en cause d’appel au soutien de l’action en nullité régulièrement engagée dans le délai de cinq ans de l’article 1304 du code civil.

L’objectif de les déshériter que, selon les appelants, aurait poursuivi leur père en vendant son patrimoine immobilier en viager alors qu’il n’avait pas besoin d’une rente pour vivre et que l’opération ne présentait aucune utilité pour lui, ne constitue pas la cause de la vente litigieuse. En effet, ainsi que cela a été précédemment rappelé, dans les contrats synallagmatique la cause de chaque obligation est la contrepartie due par le co-contractant. Ainsi, la cause de la vente est pour l’acquéreur le transfert à son profit de la propriété du bien et pour le vendeur la perception du prix correspondant.

Les décisions intervenues concernant les contrats d’assurance vie souscrits par M [A] [K] ne sauraient être transposées au présent litige comme fondées, non pas sur les dispositions applicables en matière de vente, mais sur celles relatives à l’assurance vie et aux libéralités.

En outre, la loi ne fait pas de l’absence d’héritier une condition de validité de la vente contre rente viagère et aucune disposition légale n’impose aux professionnels concourant à l’établissement d’un tel acte de s’enquérir de la présence d’héritiers réservataires ni de les faire intervenir à l’acte.

Enfin, il n’existe aucune disposition légale subordonnant la conclusion d’une vente en viager à un état de besoin.

Au terme des articles 537 et 544 du code civil, le propriétaire d’un bien en a la jouissance et la libre disposition. Il était donc loisible à M [A] [K], qui ne faisait l’objet d’aucun régime de protection, de vendre son bien comme il l’entendait.

Il en résulte que la demande de nullité pour illicéité du prix n’est pas non plus fondée.

Sur les demandes dirigées contre la SCP [J] [B] et contre l’agence SUZANNE IMMOBILIER

Il résulte des éléments ci-dessus analysés que le notaire n’a pas commis de faute en n’appelant pas les héritiers à l’acte authentique et en n’indiquant pas les modalités de calcul de la rente dans l’acte.

Il n’est d’autre part pas établi que le bien ait été sous-évalué, que M [A] [K] ait été affaibli intellectuellement, qu’il n’ait pas saisi le sens et la portée de l’acte de vente en viager ou de la convention passée avec la société SUZANNE IMMOBILIER et que cette dernière ou Me [J] aient manqué à leur devoir de vérification ou de conseil.

Aucune manoeuvre de la part des intimés n’est non plus établie. Le seul fait que M [K] ait travaillé en tant que paysagiste dans la propriété personnelle de Me [J] et que dans ses papiers domestiques, il ait noté les noms ou les prénoms de ses interlocuteurs n’est pas de nature à donner crédit à l’existence de la collusion et de la fraude alléguée par les appelants.

Sur la demande de dommages et intérêts pour propos calomnieux, mensongers et diffamatoire à l’encontre de M [M] [H]

Les appelants n’articulent à l’encontre de M [M] [H] aucun grief précis caractérisant des propos injurieux ou diffamatoires et seront déboutés de leur demande de ce chef.

Sur l’abus de droit imputé par M [M] [H] et la SCP [J] [B] aux consorts [K]

L’exercice d’une action en justice ou d’une voie de recours constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équivalente au dol.

En l’espèce, aucun élément de la procédure ne démontre que les consorts [K] aient formé appel de mauvaise foi ou dans l’intention de nuire aux intimés alors que leur remise en cause des conditions de conclusion de l’acte de viager n’était pas illégitime même si juridiquement non fondée.

M [M] [H] et la SCP [J] [B] seront en conséquence déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

Il n’y a pas non plus lieu au prononcé d’une amende civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum M [L] [K] et Mme [Q] [K] à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— à M [M] [H] la somme de 5 000 €,

— à la SARL SUZANNE IMMOBILIER la somme de 3 000 €,

— à la SCP [D] [J]-[O] [B] la somme de 3 000 € ;

LES CONDAMNE in solidum aux dépens ;

AUTORISE la SCP [C]& ASSOCIES, la SELARL DPG & Associés et Me [R], avocats, à recouvrer directement à leur encontre les dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Lyon, 1re chambre civile b, 8 novembre 2016, n° 14/08169