Cour d'appel de Lyon, 28 janvier 2016, n° 14/08507

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 28 janv. 2016, n° 14/08507
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 14/08507
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 9 septembre 2014, N° 2012j02335

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 14/08507

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 10 septembre 2014

RG : 2012j02335

XXX

Z

C/

Sté.coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE LOIRE ET X

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3e chambre A

ARRET DU 28 Janvier 2016

APPELANT :

M. Y Z

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par Me Julien MICHAL, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SELARL PHENIX AVOCATS, avocats au barreau de LYON

INTIMEE :

BANQUE POPULAIRE LOIRE ET X

société anonyme Coopérative de Banque Populaire au capital variable

inscrite au RCS de LYON sous le n° 956 507 875

représentée par son dirigeant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège social :

XXX

XXX

Représentée par la SELARL I, avocats au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 27 Octobre 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Décembre 2015

Date de mise à disposition : 28 Janvier 2016

Audience tenue par Christine DEVALETTE, président et C D, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Jocelyne PITIOT, greffier

en présence de A B Juge consulaire au tribunal de commerce de LYON

A l’audience, C D a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Christine DEVALETTE, président

— C D, conseiller

— Pierre BARDOUX, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Christine DEVALETTE, président, et par Jocelyne PITIOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 13 octobre 2009, la société F, ayant pour associé unique et dirigeant Y Z et la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET X (la BANQUE POPULAIRE) ont conclu un contrat de prêt d’un montant de 55.000 € remboursable en 84 mensualités au taux de 4,95 %.

Par acte sous seing privé du 16 juin 2009, Y Z s’était porté caution solidaire et indivisible, pour ce prêt, à hauteur de 16.500 €.

La BANQUE POPULAIRE a, en outre, bénéficié d’un nantissement du fonds de commerce de la société F à hauteur de 55.000 €.

Par jugement du 12 avril 2012 du tribunal de commerce de Lyon, la société F a été placée en redressement judiciaire et la BANQUE POPULAIRE a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire.

Par acte du 21 septembre 2012, la BANQUE POPULAIRE a assigné Y Z devant le tribunal de commerce de Lyon en paiement de la somme de 16.500 €.

Par jugement du 30 mai 2013, le tribunal de commerce de Lyon a adopté le plan de redressement présenté par la société F, prévoyant notamment un remboursement de la créance de la BANQUE POPULAIRE en sept annuités.

Par jugement en date du 10 septembre 2014, le tribunal de commerce de Lyon a :

— débouté Y Z de l’ensemble de ses demandes,

— condamné Y Z à payer à la BANQUE POPULAIRE la somme de 16.500 € outre intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2012,

— accordé à la BANQUE POPULAIRE le bénéfice de la capitalisation des intérêts, conformément aux termes de l’article 1154 du code civil,

— débouté la BANQUE POPULAIRE de sa demande au titre de dommages et intérêts à l’égard de Y Z,

— condamné Y Z à payer à la BANQUE POPULAIRE la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— condamné Y Z aux entiers dépens.

Par déclaration reçue le 30 octobre 2014, Y Z a relevé appel de ce jugement, intimant la BANQUE POPULAIRE et 'maître G H I avocats'.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 8 mai 2015, Y Z demande à la cour de :

— le dire et juger bien fondé en son appel,

— réformer le jugement du tribunal de Lyon du 10 septembre 2014,

statuant à nouveau,

à titre principal,

— constater que l’acte de cautionnement ne satisfait pas aux exigences légales des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation,

en conséquence,

— dire et juger que l’acte de cautionnement est nul et de nul effet,

— débouter la BANQUE POPULAIRE de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

— constater que le tribunal a inversé la charge de la preuve en ce qu’il a retenu que la caution ne rapportait pas la preuve de la disproportion de son engagement,

— constater le caractère disproportionné de son cautionnement,

en conséquence,

— dire et juger que le cautionnement lui est inopposable,

— débouter la BANQUE POPULAIRE de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire,

— constater l’absence de défaillance du débiteur principal en raison de l’adoption du plan de continuation accepté par la BANQUE POPULAIRE,

en conséquence,

— dire et juger que la demande en paiement de la BANQUE POPULAIRE n’est pas causée,

— débouter la BANQUE POPULAIRE de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

reconventionnellement,

— constater que l’attitude de la BANQUE POPULAIRE à l’égard de la caution est fautive et cause un préjudice à cette dernière qu’il convient de réparer,

en conséquence,

— condamner la BANQUE POPULAIRE à lui verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

— condamner la BANQUE POPULAIRE à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Y Z fait notamment valoir que :

— la mention qu’il a retranscrite n’a aucun rapport avec les mentions obligatoires prévues par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation car de nombreuses fautes d’orthographe sont présentes et la mention 'La signature doit être précédée de la mention manuscrite suivante’ a été recopiée, ce défaut d’identité ne constituant pas de simples erreurs matérielles mais la preuve de sa totale incompréhension sur ce qu’il était censé faire et sur la portée de son engagement, du fait de son illettrisme,

— au moment de sa souscription, l’engagement de caution était disproportionné car il était déjà endetté à hauteur de 137.141 € et devait s’acquitter de mensualités équivalentes de 1.432,39 € au titre d’un prêt immobilier et d’un prêt personnel consenti par la BANQUE POPULAIRE en 2004 et 2009,

— au moment où il a été appelé par la BANQUE POPULAIRE, son engagement de caution était disproportionné, son taux d’endettement personnel étant notamment de 216 % et ses revenus mensuels s’élevant en 2012 à 660 €, et sa situation actuelle ne lui permet pas d’avantage d’honorer son cautionnement,

— la BANQUE POPULAIRE a failli à son obligation d’information, qui implique un devoir de renseignement de la caution sur les conditions et la portée de son engagement.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 5 mai 2015, la BANQUE POPULAIRE demande à la cour de :

— déclarer ses demandes recevables et fondées,

— débouter Y Z de l’intégralité de ses demandes,


condamner Y Z à lui payer les sommes de :

* 16.500 € outre intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2012,

* 450 € au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

* 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— lui accorder le bénéfice de la capitalisation des intérêts conformément aux termes de l’article 1154 du code civil,

— condamner le défendeur aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de maître G H, avocat sur son affirmation de droit.

La BANQUE POPULAIRE fait notamment valoir que :

— la mention écrite de la main de Y Z est parfaitement conforme aux dispositions légales, les fautes d’orthographe étant des erreurs matérielles qui n’affectent en rien la portée des mentions et l’ajout de la mention 'la signature doit être précédée de la mention manuscrite suivante’ étant sans effet sur la mention elle-même et démontrant, au contraire, que Y Z avait parfaitement conscience qu’il devait apposer la mention préimprimée, de sa main, et apposer sa signature en dessous,

— au regard de la fiche de renseignement remplie par Y Z, l’engagement de celui-ci n’était pas disproportionné, ses revenus mensuels de 2.000 € et son appartement d’une valeur de 200.000 € lui permettant de faire face à son engagement,

— le fait que la société F bénéficie d’un plan de redressement ne remet pas en cause le caractère d’exigibilité de sa créance à l’égard du débiteur comme à l’égard de la caution et le plan de redressement judiciaire ne suspend pas les actions contre les cautions solidaires, qui ne peuvent s’en prévaloir, tel que cela résulte de l’article L. 631-20 du code de commerce.

Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en application de l’article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées par les parties et ci-dessus visées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du cautionnement :

Aux termes de l’article L. 341-2 du code de la consommation, toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :'En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de… couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de…, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n’y satisfait pas lui-même.'

L’article L. 341-3 du même code ajoute que, lorsque le créancier professionnel demande le cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :'En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X…, je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X…'.

Il résulte de ces textes que la nullité de l’engagement de caution d’une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l’engagement de caution n’est pas identique aux mentions prescrites par les articles précités à l’exception de l’hypothèse dans laquelle ce défaut résulterait d’erreur matérielle.

Quant aux ajouts à la formule légale, ils n’entraînent la nullité de l’engagement que s’ils modifient la formule légale ou s’ils en rendent la compréhension plus difficile pour la caution.

Y Z a fait précéder sa signature de la mention suivante : 'La signature doit être precedee de la mention manuscrite suivante > couvrant le paiement du principal, des interets et le cas echeant des penalites ou interets des retard et pour la duree de 108 moi je m’engage a rembourses au preteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si E F n’y satisfait pas lui-meme . en renonçant au benefice des discuss defini a l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement aves E F je m’engage arebourser le creancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive prealablement SIRAL F'.

Ces mentions ne sont pas identiques aux formules légales.

Le recopiage de la phrase 'la signature doit etre precedee de la mention manuscrite suivante’ ainsi que de la mention '(en chiffres et) seize mille cinq cent euros', qui est le recopiage, incomplet en ce qui concerne la seconde mention, des mentions figurant dans le modèle péimprimé, ajouté aux nombreuses fautes d’orthographe et aux déformations de certains mots, que Y Z devait recopier, démontrent que l’absence d’identité entre la mention manuscrite portée sur l’engagement de caution et les mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, ne résultent pas d’erreurs matérielles mais d’une absence de maîtrise de la langue française par Y Z et de son incompréhension de la portée de son engagement.

Son engagement est nul.

Il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris sur ce point et en conséquence, de débouter la BANQUE POPULAIRE de l’intégralité de ses demandes.

Sur la demande reconventionnelle de Y Z :

En acceptant, le 16 juin 2009, l’engagement de caution d’Y Z malgré l’incompréhension de la portée de son engagement, qui résultait de la lecture de celui-ci, pour un prêt qui n’a été accordé à la société F que le 13 octobre 2009 et alors qu’Y Z avait déjà souscrit auprès de la BANQUE POPULAIRE, avec son épouse, en août 2004, un prêt immobilier de 131.000 € d’une durée de 240 mois, et, en mars 2009, un prêt personnel de 30.000 € d’une durée de 60 mois, la BANQUE POPULAIRE a manqué à son obligation de veiller à la compréhension que peut avoir la caution de son engagement.

Cette faute a causé à Y Z un préjudice puisqu’il a été assigné en paiement par la BANQUE POPULAIRE et ce, le 21 septembre 2012 sans attendre l’issue du redressement judiciaire et nonobstant la suspension des poursuites, qu’une inscription d’hypothèque a été prise sur sa résidence principale le 21 septembre 2012 et qu’il a ainsi subi les tracas et les frais liés à une instance judiciaire pendant plus de trois ans.

Les moyens opposés par la BANQUE POPULAIRE et tenant à l’absence de faute commise dans l’octroi du prêt à la société F, qui ne lui est pas reprochée au soutien de cette demande, sont inopérants.

La réparation du préjudice subi par Y Z justifie l’allocation de dommages intérêts d’un montant de 5.000 €.

Il y a lieu, par infirmation du jugement entrepris, de condamner la BANQUE POPULAIRE au paiement de cette somme.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la BANQUE POPULAIRE, partie perdante, doit supporter les dépens, garder à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a exposés et verser à Y Z une indemnité de 2.500 € pour les frais irrépétibles qu’elle l’a contraint à exposer.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déclare nul l’engagement de caution donné le 16 juin 2009 par Y Z à la SA BANQUE POPULAIRE LOIRE et X,

Déboute la SA BANQUE POPULAIRE LOIRE et X de ses demandes,

La condamne à payer à Y Z :

* la somme de 5.000 € à titre de dommages intérêts,

* une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA BANQUE POPULAIRE LOIRE et X aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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