Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 1er octobre 2020, n° 19/03590

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. c, 1er oct. 2020, n° 19/03590
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 19/03590
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montbrison, 13 mai 2019, N° 18/00021
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/03590 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MMFR

X

C/

SASU SERCA

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTBRISON

du 14 Mai 2019

RG : 18/00021

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2020

APPELANT :

H X

[…]

[…]

représenté par Me Laetitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

SASU SERCA

[…]

[…]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Sahra CHERITI de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Septembre 2020

Présidée par Laurence BERTHIER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de

I J, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— K L, président

— Laurence BERTHIER, conseiller

— Bénédicte LECHARNY, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 01 Octobre 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par K L, Président et par I J, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur H X a été embauché le 3 janvier 2000 par la SASU SERCA en qualité de technicien.

La SASU SERCA est une filiale du groupe CASINO spécialisée dans la réparation de produits électroniques grand public. La convention collective applicable est celle des commerces et services de l’audiovisuel, de l’électronique et de l’équipement ménager.

Monsieur X a été victime d’un accident de trajet le 16 mars 2009 et bénéficie du statut de travailleur handicapé depuis le 1er juin 2011.

Il a exercé le mandat de conseiller du salarié à compter de février 2013, puis de représentant syndical CFDT au comité d’entreprise à compter de juin 2013. Il a été nommé délégué syndical CFDT en mars 2017.

Le 11 juillet 2013, Monsieur X a été placé en arrêt de travail suite à un accident déclaré et pris en charge au titre de la législation professionnelle, par une décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du 29 octobre 2015 de la Haute-Loire, après le refus opposé par la caisse primaire d’assurance maladie.

Monsieur X a repris le travail dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, le 2 juin 2014, avec un horaire hebdomadaire fixé à 17h30.

Par courrier du 6 janvier 2015, Monsieur X a indiqué qu’il souhaitait rester sur cet horaire hebdomadaire de travail suite à son placement en invalidité catégorie 1 à compter du 1er février 2015.

Le 26 février 2018, Monsieur X a saisi le Conseil de Prud’hommes de Montbrison pour voir constater qu’il était victime de harcèlement et/ou de manquements de l’employeur à son obligation de sécurité et de condamner la société SERCA à lui verser la somme de 15 000 Euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 Euros à titre d’indemnité procédurale.

Par jugement du 14 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Montbrison a :

DIT que le harcèlement moral n’est pas caractérisé,

DIT que la SASU SERCA n’a pas failli à son obligation de sécurité,

DÉBOUTE Monsieur H X de l’intégralité de ses demandes,

DÉBOUTE la SASU SERCA de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur H X aux entiers dépens de l’instance.

Monsieur X a régulièrement interjeté appel du jugement le 23 mai 2019.

Par conclusions signifiées électroniquement le 17 juillet 2019,il demande à la Cour de :

— réformer intégralement le jugement du Conseil de Prud’hommes et statuant à nouveau,

— constater le harcèlement dont il est victime au sein de la société SERCA, et/ou les manquements de la société SERCA à son obligation de sécurité à son égard.

— condamner en conséquence la société SERCA à lui verser la somme de 15 000 Euros à titre de dommages et intérêts.

— condamner la société SERCA au paiement d’une somme de 3 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ses conclusions signifiées électroniquement le 14 octobre 2019, la société SERCA demande à la Cour de confirmer le jugement, de débouter Monsieur X et de le condamner à lui verser la somme de 3 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 juin 2020.

Par ordonnance du 7 juillet 2020, le conseiller de la mise en état a écarté des débats les conclusions n°2 et les pièces 51 bis, 54 à 59 de Monsieur X.

Par conclusions signifiées électroniquement le 17 août 2020, Monsieur X demande à la Cour de révoquer l’ordonnance de clôture rendue le 23 juin 2020 et de déclarer recevables les conclusions n°3 et pièces communiquées selon bordereau n°3. Il maintient pour le surplus ses demandes antérieures.

Par conclusions signifiées électroniquement le 31 août 2020, la société SERCA demande à la Cour de rejeter la demande de rabat de clôture formulée par Monsieur X et de le débouter de ses demandes, fins et conclusions contraires.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions aux conclusions écrites précitées.

*

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture

Monsieur X forme une demande de révocation de l’ordonnance de clôture rendue le 23 juin 2020, en raison d’un nouvel élément porté à sa connaissance le 15 juillet 2020, soit le refus de l’autorité administrative d’autoriser son transfert vers la société ENGIE COFELY, et ce en raison d’une 'attitude discriminatoire en lien avec l’exercice de ses mandats'. Il fait valoir qu’il importe que la Cour prenne connaissance de cette décision pour apprécier sa situation au sein de l’entreprise.

La société SERCA s’oppose à cette demande arguant que Monsieur X persiste à vouloir violer le principe du contradictoire en notifiant de nouvelles écritures n°3 comprenant des développements compris dans ses conclusions n°2 et de nouvelles pièces qui ont été écartées des débats par l’ordonnance du 7 juillet 2020 (et non du 23 juin 2020 comme elle l’indique). Elle ajoute qu’il produit deux nouvelles pièces dont un courriel du 19 février 2020 qu’il pouvait parfaitement produire avant la clôture et une décision de la DIRECTE du 29 juin 2020 sans lien avec le litige puisque relative au transfert du contrat de travail à une société tierce. Elle ajoute que Monsieur X ne justifie par ailleurs d’aucune cause grave, en violation des dispositions de l’article 803 du code de procédure civile.

*

L’article 802 du code de procédure civile énonce qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

L’article 803 précise que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.

Ces articles sont applicables à la procédure d’appel en vertu de l’article 907 du code de procédure civile.

Les conclusions n°3 et les pièces 60 et 61 (bordereau n°3) communiquées le 17 août 2020 par Monsieur X, soit postérieurement à l’ordonnance de clôture du 23 juin 2020, sont irrecevables, conformément aux dispositions des articles précités, Monsieur X ne justifiant, ni n’invoquant aucune cause grave au soutien de sa demande.

Sur le harcèlement moral

Monsieur X évoque des conditions de travail rendues difficiles par une profonde réorientation de l’activité de la société SERCA à compter de l’année 2010 vers la maintenance industrielle professionnelle aux lieu et place de la vente et le service après-vente d’équipements électro-ménager, image et son, au sein des établissements Casino. Il prétend que le mal-être et les conflits qui en sont résultés, ont été aggravés par des relations professionnelles désastreuses avec l’arrivée d’un nouveau directeur d’établissement, en octobre 2012, et particulièrement avec les représentants de la CFDT. Un procès-verbal de discrimination a ainsi été dressé en octobre 2013 par l’inspection du travail pour discrimination et harcèlement à l’encontre de deux élus MM. Z et D. Il fait état en outre du harcèlement moral de nombreux salariés principalement du fait d’un responsable de secteur, Monsieur Y, alimentant plusieurs contentieux.

Il ajoute que diverses décisions de justice ont conclu à la faute inexcusable de l’employeur et au manquement à ses obligations de sécurité et d’exécution loyale du contrat de travail. Un expert, en la personne du cabinet CADECO, a été désigné à la demande du CHSCT, qui a rendu un rapport le 17 février 2017 pointant un certain nombre de difficultés.

Il soutient qu’il a lui-même, alors qu’il apportait son soutien notamment à Monsieur Z puis à Monsieur A, subi l’acharnement de la direction et de Monsieur Y en particulier, et que ses difficultés qui ont commencé en 2012, se sont accentuées après sa nomination

comme conseiller du salarié en février 2013, puis représentant syndical au comité d’entreprise en juin 2013.

Il invoque à ce titre, et depuis 2013, une surveillance continuelle de l’employeur, une privation de ses équipements de conseiller du salarié, une interdiction de téléphoner sans l’accord du supérieur, un accident reconnu par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 29 octobre 2015 comme un accident de travail lié à une inspection de ses outils de travail qui l’a poussé à bout, l’absence de mise à disposition d’un vêtement de travail dont disposent les autres techniciens, l’absence de convocation à une réunion du personnel en octobre 2017. Il fait état d’un suivi psychothérapique et d’un traitement médicamenteux renforcé au fil du temps ainsi que la nécessité de travailler à mi-temps, et sa reconnaissance en invalidité 1ère catégorie le 1er février 2015. Monsieur X soutient que la société SERCA est dans l’incapacité d’établir par des éléments objectifs que ses décisions sont étrangères à tout harcèlement.

La société SERCA conteste l’existence d’un harcèlement moral envers Monsieur X et prétend que ce dernier n’établit aucun élément laissant supposer l’existence de celui-ci. Elle soutient que si la Cour considérait ces faits comme établis, elle démontre qu’ils ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral.

Elle estime ainsi que Monsieur X se contente d’évoquer la situation d’autres salariés, sans pour autant justifier d’éléments constitutifs d’un harcèlement à son encontre et précise qu’aucune situation de harcèlement moral ou de discrimination syndicale n’a au demeurant été caractérisée envers d’autres collaborateurs.

Le rapport du cabinet CADECO du 20 janvier 2017 produit par Monsieur X ne matérialise aucun harcèlement moral au sein de l’entreprise et fait état d’une situation générale, ne visant aucunement Monsieur X, ni aucun autre salarié en particulier d’ailleurs. La tension générale que peut connaître toute entreprise, ne peut être utilisée par Monsieur X pour combler sa carence probatoire.

La preuve de la dégradation des conditions de travail alléguée n’est pas apportée par la production des attestations de MM. A et Z qui émanent de salariés ayant été ou étant en contentieux avec la société SERCA, ce qui fait obstacle à leur objectivité.

La société SERCA rappelle que Monsieur X ne peut se constituer de preuve à lui-même par le biais de ses courriers et elle souligne qu’il a toujours été déclaré apte à son poste de travail, et ce avec des restrictions physiques sans lien avec une quelconque situation de harcèlement moral. Elle fait observer qu’alors que Monsieur X dispose de divers mandats et connaît donc bien les institutions auxquelles s’adresser en cas de difficultés, il ne produit aucun élément démontrant une alerte aux services concernés. Une enquête menée par suite de l’accident de travail déclaré par Monsieur X n’a pas permis de mettre en évidence l’existence d’un harcèlement moral à son encontre, et il n’a jamais été question de supprimer son imprimante. Aucune faute inexcusable n’a été retenue à l’encontre de l’employeur par arrêt définitif de la cour d’appel de Riom. Enfin, la caisse primaire d’assurance maladie a refusé de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle et le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale qui a admis la prise en charge de l’accident de travail lui est donc inopposable.

*

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 du même code prévoit que : 'Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.'

Au sens de ces textes il appartient donc d’abord au salarié de présenter des faits répétés, qui pris dans leur ensemble, permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral.

En l’espèce, Monsieur X verse aux débats les éléments suivants :

— Un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Haute Loire du 29 octobre 2015 opposant Monsieur X à la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire, entérinant un rapport d’expertise judiciaire qui conclut à l’existence d’une relation de causalité à effet direct par aggravation entre les lésions invoquées dans le certificat du 11.07.2013 (trouble anxio dépressif) et l’accident de travail du 10 juillet 2013, et renvoyant Monsieur X devant la caisse primaire d’assurance maladie pour obtenir la liquidation de ses droits dans le cadre de l’accident déclaré le11 juillet 2013.

Monsieur X avait suivant ce jugement, déclaré avoir mal ressenti le fait que Monsieur Y souhaite relever la référence de son imprimante mise à sa disposition, ce qui lui a occasionné un choc psychologique (pièce 4).

— Un rapport d’expertise du cabinet CADECO du 20 janvier 2017 portant sur l’analyse des conditions de travail et des expositions professionnelles à des risques, les représentants du personnel ayant considéré que la mise en place de divers changements d’activités et d’organisations successifs depuis plusieurs années étaient susceptibles d’avoir des conséquences sur la santé physique et mentale des salariés.

Ce rapport observe que la société est structurée autour d’une organisation du travail qui a pour effet de compromettre la santé et la sécurité des travailleurs et notamment l’absence de dispositifs protégeant ou accompagnant la réintégration de salariés dont la justice a reconnu le harcèlement (pièce 14 page 43).

— Une attestation de Monsieur A, salarié de la société SERCA, qui expose ses propres difficultés avec ses supérieurs hiérarchiques et précise que depuis l’arrivée de Monsieur Y au poste de responsable : 'Ce qui est arrivé à Monsieur X n’est pas étonnantIl [M. Y] était aussi continuellement sur son dos à surveiller ce qu’il faisait' (Pièce 18).

— Une attestation de Monsieur Z qui indique : ' Monsieur X qui était souvent avec moi alors que j’étais délégué syndical CFDT a subi le comportement suspicieux de M. Y. … La pression s’est accentuée avec la nomination de Monsieur X le 1er février 2013 en tant que conseiller du salarié puis le 17 juin 2013 en tant que représentant syndical au CE CFDT….M. Y a imposé à M. X une restriction de l’usage de son téléphone portable, l’interdiction d’avoir sa serviette contenant ses documents du conseiller du salarié, la suppression de l’imprimante rattachée à son poste de travail (…). Son attitude oppressante sans fondement de surveillance permanente envers Monsieur X a provoqué chez ce dernier une pression morale énorme et a entraîné son accident de travail du 11 juillet 2013" (Pièce 19).

— Divers signalements par Monsieur X adressés à la DIRECTE courant juin et juillet 2013 concernant une entrave à sa fonction de conseiller du salarié (évocation de l’interdiction qui lui aurait été faite le 12 juin 2013 de disposer d’un téléphone portable sur le lieu de travail et de sa sacoche contenant ses documents de conseiller, et l’annonce le 10 juillet 2013 d’un retrait de son imprimante car un autre salarié M. Z s’en servirait).

— Monsieur X a été placé en arrêt de travail le 11 juillet 2013 et a repris le travail tout d’abord en mi-temps thérapeutique le 1er juin 2014 durant trois mois.

— Des échanges de courriers avec l’employeur évoquant les réunions du CHSCT des 10 septembre et 7 octobre 2013, au cours desquelles la situation de Monsieur X a été évoquée et l’organisation d’une enquête décidée, puis le résultat de cette enquête qui a écarté l’existence d’un harcèlement moral (les salariés présents ayant seulement observé que sans raison, Monsieur X avait mal ressenti le fait que M. Y souhaite relever les références de l’imprimante mise à sa disposition). L’enquête a été entérinée par le CHSCT.

— Un courriel de Monsieur X à l’employeur et à la DIRECCTE le 23 mars 2015 dans lequel il se plaint de ce qu’il 'recommence à faire l’objet de remarques non fondées de la part de Monsieur Y' et qu’il a précisé par courriel du 2 avril 2015 ('Monsieur Y en passant m’a dit d’arrêter d’aller sur internet à des fins personnelles alors qu’il était à 5 mètres de mon poste de travail… la semaine d’avant, il est venu à mon poste pour me dire qu’il entendait du bruit. Je suis agacé par son attitude suspicieuse à mon égard' (pièces 34 et 36).

— Un courriel du 28 octobre 2015 de Monsieur X à l’employeur sollicitant l’octroi d’une 'veste mip', précisant qu’il avait dû aller dehors par temps de pluie pour souffler un caisse, et qu’il a réussi à obtenir un pantalon mip et deux maillots 'après de nombreuses demandes' mais s’est vu opposer un refus pour la veste (pièces 37-38).

— Des courriers d’octobre 2017 par lesquels il s’interroge sur le respect de la procédure de nomination de Monsieur Y pour exercer de nouvelles fonctions au siège et précise qu’il ne souhaite pas avoir Monsieur C comme nouveau responsable hiérarchique car il a eu avec lui des différends d’ordre technique par le passé et qu’ils ne serrent plus la main depuis des années (pièce 39). Il déplore de ne pas avoir été convié à une réunion d’information qui s’est tenue le jeudi 19 octobre 2017 alors qu’il ne travaillait pas ce jour là (pièce 39).

— Un courriel du 29 avril 2019 par lequel Monsieur X indique qu’il n’a pu être à la réunion du 11 avril à 14h30 car il en a été informé par message sur sa boîte aux lettres professionnelle le mercredi 10 avril à 15h47 alors qu’il ne travaillait pas l’après-midi (pièce 53).

Par ailleurs, il verse aux débats des pièces concernant la situation d’autres salariés de l’entreprise :

— Un procès-verbal de la DIRECTE du 31 octobre 2013 retenant que MM Z et D, salariés de SERCA sont victimes de harcèlement moral et de discrimination indirecte en raison de leur mandat de délégués du personnel (pièce 5).

— Un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne du 10 mai 2017 et arrêt confirmatif de cette Cour du 13 novembre 2018, retenant la faute inexcusable de la société SERCA au regard de l’accident de travail survenu le 8 octobre 2012 au préjudice de M. A (altercation avec M. Y) (pièces 6 et 6 bis).

— Un procès-verbal de l’inspection du travail concernant une plainte de M. A pour harcèlement moral retenant cette qualification (pièce 7).

— Un classement sans suite des plaintes de MM. Z et A 'au regard du contexte prud’homal' du dossier par le procureur général de la cour d’appel de Lyon ( pièce 8).

— Un arrêt de la cour d’appel de Lyon du 8 avril 2016 constatant le harcèlement subi par Monsieur A et les manquements de l’employeur la société SERCA à ses obligations de sécurité de résultat et d’exécution loyale du contrat de travail (pièce 9).

— Un jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Etienne condamnant la société SERCA à verser à Monsieur E des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité (dans le cadre de relations 'ardues’ avec M. Y) et rejetant la demande au titre du harcèlement moral (pièce 13 bis).

— Une reconnaissance de travailleur handicapé de Monsieur X et un rapport médical d’évaluation du taux d’incapacité permanente en lien avec l’accident de travail du 17 mars 2009 (traumatisme dorsal – accident de la circulation).

— Un rapport d’expertise du Docteur F, psychiatre dans le cadre du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Haute-Loire du 2 juillet 2015 qui conclut 'en somme on peut admettre, au vu des données anamnestiques, qu’il y a bien eu accident du travail le 10 juillet 2013 sous la forme d’un choc émotionnel en lien avec une altercation verbale avec un supérieur, que celui-ci a été suivi d’une réaction psychopathologique de plusieurs mois, il est par contre difficile d’estimer que l’ensemble du tableau clinique noté à l’examen, en particulier les symptômes négatifs et des troubles perceptifs, s’intègre dans une dynamique post-traumatique en lien unique, direct et certain avec le choc émotionnel ressenti le 10 juillet 2013… La symptomatologie psychiatrique postérieure à la date de consolidation pouvant être considérée comme en lien avec une affection indépendante de l’accident de travail et évoluant pour son propre compte' (pièce 48).

Ces faits et ces circonstances, pris dans leur ensemble, ne sont pas de nature à laisser supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral à l’encontre de Monsieur X dès lors en effet que :

— La privation de Monsieur X de son imprimante n’est pas établie par les pièces produites mais plutôt la réaction de Monsieur X qui a mal interprété le fait que son supérieur hiérarchique relevait les références de celle-ci.

— La privation d’usage du téléphone portable et de documents à usage syndical pendant le temps de travail, à les supposer démontrés (faits contestés), relèvent du pouvoir de direction de l’employeur, de même que la surveillance de l’activité d’un salarié sur son poste de travail et ainsi le rappel de l’interdiction d’aller sur internet à des fins personnelles. A cet égard, les deux attestations de témoins ne sont pas suffisamment précises et circonstanciées quant au caractère exagéré de la surveillance de la part du supérieur hiérarchique.

— Le refus d’allouer à Monsieur X un vêtement de travail dont bénéficieraient d’autres salariés placés dans le même poste n’est pas démontré. L’employeur a en effet répondu dès le 9 novembre 2015 à Monsieur X lui indiquant qu’il étudiait le sujet et que dans l’attente de la réparation du caisson, il pouvait faire le soufflage dans le sas d’entrée de l’établissement et rappelle que la direction s’est 'engagée dans le cadre des NAO 2015 à réaliser un état des lieux des services ou activités nécessitant une tenue de travail, les actuelles étant initialement confiées exclusivement aux collaborateurs en contact direct avec la clientèle ce qui n’est pas votre cas'.

— Monsieur X n’a pas pu bénéficier de l’information délivrée par l’employeur lors de la réunion du 19 octobre 2017 car il ne travaillait pas ce jour là mais il n’est pas contesté que ces mêmes informations concernant des remplacements dans l’encadrement a été donnée lors d’une réunion du CE le mardi suivant, 24 octobre 2017, à laquelle il a participé. De même, il n’est pas démontré qu’il a été délibérément écarté de la réunion du 11 avril 2019 puisqu’il ne prétend pas qu’il ne pouvait pas

s’y rendre (le jeudi après-midi) mais simplement que la convocation a été adressée à un moment où il ne travaillait pas (un mercredi après-midi).

— Aucune aggravation de l’état de santé de Monsieur X en lien avec un harcèlement n’est avérée.

Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de Monsieur X au titre du harcèlement moral.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

Monsieur X fait valoir que la société SERCA, bien qu’informée par lui-même et par d’autres salariés de l’entreprise, des agissements destructeurs de Monsieur Y, n’a pris aucune mesure de prévention ou de protection. Il fait valoir qu’il a ainsi été obligé de travailler avec ce responsable après son arrêt de travail consécutif à ces agissements et que ce n’est qu’en novembre 2017 que celui-ci a été affecté dans un autre service, sans même recevoir de sanction.

Par ailleurs, la société n’a jamais pris de mesures pour corriger les dysfonctionnements observés au sein de l’entreprise et les risques psycho-sociaux mis en exergue par des condamnations claires des juridictions prud’homales et de sécurité sociale. Il n’existe ainsi aucun plan de prévention des risques psycho sociaux ce qui suffit à engager sa responsabilité.

Monsieur X sollicite par conséquent la condamnation de la société SERCA à lui verser la somme de 15 000 Euros soulignant que son état de santé est extrêmement fragile en dépit d’un traitement médicamenteux contraignant et d’un suivi psychologique long.

La société SERCA s’oppose à la demande arguant qu’un diagnostic de prévention des risques psycho sociaux au travail a été réalisé au sein de l’établissement en 2014.

Par ailleurs, un rapport sur les conditions de travail des salariés du CTR SERCA de MOULINA a été rendu qui a donné lieu à un plan d’action. Elle ajoute qu’elle a toujours répondu aux nombreuses correspondances de Monsieur X et mis en place des entretiens quand cela était nécessaire. Elle ajoute qu’elle n’a pas été avisée de ce que Monsieur X aurait été victime d’un harcèlement moral et elle fait valoir les motifs de l’arrêt du 19 mars 2019 de la Cour d’appel de RIOM qui a confirmé l’absence de faute inexcusable de l’employeur retenue par le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 16 mars 2017.

*

L’employeur est tenu vis à vis de son personnel, d’une obligation de sécurité, en vertu de laquelle il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de chaque salarié. En cas de litige, il lui incombe de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s’acquitter de cette obligation.

S’il n’est pas discutable que le rapport du cabinet CADECO du 20 janvier 2017 a mis en évidence divers manquements de la société SERCA dans la politique de prévention de la société, des carences dans la politique de gestion des ressources humaines, une organisation du travail inefficace et productrice de risques, l’exposition des salariés à des risques, notamment psychosociaux au regard de risques de dégradation des rapports sociaux et notamment hiérarchique, ainsi qu’une prévention qui n’est pas suffisamment dédiée ou adaptée à l’ampleur des facteurs d’expositions à ces risques, traduisant un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, rien ne permet d’affirmer s’agissant de Monsieur X que celui-ci a, du fait des manquements observés, subi un préjudice personnel qu’il lui appartient d’établir.

Il est constant que Monsieur X a repris le travail après son arrêt pour accident de travail sous l’autorité du responsable hiérarchique impliqué dans ledit accident, Monsieur Y.

Toutefois, la société SERCA avait engagé une action de médiation afin de permettre à Monsieur X d’envisager sa reprise après son accident de travail du 11 juillet 2013 et son arrêt de travail subséquent, et celui-ci a effectivement repris son activité professionnelle le 1er juin 2014 après médiation (pièces 33 de Monsieur X, 32 de la société SERCA). Aucune difficulté n’a alors été signalée.

Monsieur X a ensuite averti son employeur, le 23 mars 2015, de l’existence 'depuis peu' de 'remarques non fondées' (demande relative à l’arrêt de la consultation d’internet à des fins personnelles) de la part de Monsieur Y. Il a été reçu le jour même par le directeur de la société Monsieur G qui a alors été selon le salarié, 'à l’écoute'.

Monsieur X a encore précisé à cette occasion qu’il n’avait eu depuis son retour 'aucun problème particulier', 'aucun reproche ne lui est fait sur son travail' et que 'tout se passe bien' pour l’exercice de ses fonctions de conseiller du salarié et d’assesseur au tribunal des affaires de sécurité sociale (cf courriel du 2 avril de Monsieur X, pièce 36).

Enfin, les éléments médicaux que produit Monsieur X pour justifier son préjudice ne peuvent pas être mis en lien avec les risques psycho-sociaux que l’employeur n’a pas su prévenir ou traiter efficacement, mais plutôt avec son accident de trajet survenu en 2009 et avec l’affection indépendante de l’accident de travail (symptomatologie psychiatrique) évoluant pour son propre compte, observée par ailleurs. Monsieur X n’apporte donc pas la preuve d’un préjudice.

Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l’indemnité procédurale

Monsieur X qui succombe sera condamné aux dépens d’appel. Il n’est pas inéquitable au vu des circonstances de la cause, de laisser à la société SERCA la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande de rabat de l’ordonnance de clôture.

Déclare irrecevables les conclusions n° 3 de Monsieur X et pièces 60 et 61 (bordereau n°3) communiquées le 17 août 2020 par Monsieur X

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamne Monsieur X aux dépens d’appel.

Le greffier, Le Président,

I J K L

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Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 1er octobre 2020, n° 19/03590