Cour d'appel de Lyon, Protection sociale, 15 décembre 2020, n° 18/07714

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, protection soc., 15 déc. 2020, n° 18/07714
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 18/07714
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ain, 7 octobre 2018, N° 677.15
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 18/07714 – N° Portalis DBVX-V-B7C-MALV

Y

C/

Etablissement Public EHPAD – MAISON DE RETRAITE DE CREMIEU

Organisme CPAM DE L’AIN

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d’Ain

du 08 Octobre 2018

RG : 677.15

COUR D’APPEL DE LYON

Protection sociale

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2020

APPELANTE :

B Y

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée par Me Thierry PERON, avocat au barreau de LYON substitué par Me Hannah CORROYER, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

EHPAD – MAISON DE RETRAITE DE CREMIEU, Résidence Jeanne de X,

[…]

[…]

représentée par Me Arnaud FRIEDRICH, avocat au barreau de STRASBOURG substitué par Me Michelle AMANTE de la SELARL AMANTE-TAQUET, avocat au barreau de LYON

CPAM DE L’AIN

[…]

[…]

représentée par madame Marina BERNET, audiencier, munie d’un pouvoir

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Octobre 2020

Présidée par E F, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

— E F, président

— Bénédicte LECHARNY, conseiller

— Marie CHATELAIN, vice présidente placée auprès de monsieur le premier président de la Cour d’Appel de Lyon

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Décembre 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par E F, Présidente, et par C D, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS. PROCÉDURE. PRETENTIONS DES PARTIES

Madame B Y était employée en tant qu’agent contractuel au sein de l’EHPAD de CREMIEU, et occupait le poste d’assistante de vie à la résidence JEANNE DE X.

Le 23 septembre 2013, elle a glissé sur le sol et est tombée.

Le certificat médical initial établi le même jour faisait état d’un «'traumatisme du genou droit avec probable atteinte membre inférieur en attente IRM'».

La Caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain a décidé de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

La consolidation des lésions a été fixée au 10 août 2017, sans séquelles indemnisables.

Souhaitant voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, Madame Y a saisi la Commission de recours amiable, le 2 septembre 2015.

En l’absence de conciliation, Madame Y a élevé sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Ain, par saisine du 19 octobre 2015.

Par jugement rendu le 8 octobre 2018, le tribunal l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et a dit

n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Madame Y a interjeté appel de cette décision, par déclaration du 7 novembre 2018.

Par ses écritures soutenues oralement lors de l’audience du 15 octobre 2020, Madame Y, sollicite de la Cour de':

— la dire recevable et bien fondée dans ses demandes,

— dire et juger que l’accident dont elle a été victime le 23 septembre 2013 est dû à la faute inexcusable de l’EHPAD de Crémieux Résidence Jeanne de X,

En conséquence,

— fixer au maximum légal la majoration de la rente accident du travail,

— la renvoyer devant l’organisme compétent pour procéder à la liquidation de ses droits,

— ordonner avant dire droit une expertise médicale aux fins d’évaluer ses préjudices,

— condamner l’EHPAD à lui verser la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamner l’EHPAD aux entiers dépens de l’instance.

L’EPHAD de CREMIEU, dans ses écritures soutenues oralement par son avocat lors de l’audience du 15 octobre 2020, demande à la cour :

A titre principal':

— de constater la caducité de la déclaration d’appel du 7 novembre 2018,

— de dire irrecevable la demande de Madame Y.

A titre subsidiaire':

— de dire que la demande de Madame Y est mal fondée et de l’en débouter.

En tout état de cause,

— de condamner Madame Y à lui verser la somme de 2000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile et statuer ce que de droit sur les frais et dépens.

Sur l’existence de la faute inexcusable, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Ain ne formule aucune observation. Toutefois, si la faute inexcusable devait être confirmée, la Caisse demande à la Cour de confirmer qu’elle fera l’avance des sommes allouées et qu’elle procédera au recouvrement de l’intégralité des sommes dont elle serait amenée à faire l’avance, directement auprès de l’employeur, y compris des frais d’expertise.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont soutenues lors de l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION :

- sur l’irrecevabilité des conclusions d’appel

L’EHPAD DE CREMIEU demande à la cour de constater la caducité de la déclaration d’appel au visa de l’article 908 du code de procédure civile au motif que la déclaration d’appel ayant été présentée le 7 novembre 2018, les conclusions d’appel devaient être remises au greffe de la cour pour le 7 février 2019 au plus tard, alors qu’elles l’ont été en vue de l’audience du 14 janvier 2020.

Madame Y réplique que l’article 908 du code de procédure civile ne s’applique pas aux procédures sans représentation obligatoire.

L’article R 142-11 du Code de la sécurité sociale dispose que la procédure d’appel est sans représentation obligatoire pour les litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale.

Les dispositions de l’article 908 du code de procédure civile ne sont pas applicables à la présente instance et la déclaration d’appel n’est pas caduque.

L’EHPAD DE CREMIEU invoque ensuite l’article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile qui prévoit que': « les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions » pour reprocher à Madame Y de n’avoir pas présenté dans ses conclusions d’appel l’énoncé des chefs de jugement critiqués et de ne pas avoir formulé de critiques précises contre les différents chefs du jugement.

Toutefois, cette disposition ne s’applique pas non plus aux procédures sans représentation obligatoire et n’est en tout état de cause pas prescrite à peine d’irrecevabilité des conclusions.

Les conclusions d’appel sont bien recevables.

sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur':

Madame Y expose qu’elle a glissé sur une flaque d’eau provenant d’une fuite du chariot-repas qu’elle poussait, que la direction de l’EHPAD avait été alertée sur cette défectuosité des chariots ainsi qu’il résulte des rapports du comité technique d’établissement et qu’elle ne pouvait donc ignorer le risque qui s’est réalisé le 23 septembre 2013.

Elle reproche à son employeur de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour éviter cet accident en observant que si l’employeur avait bien commandé de nouveaux chariots-repas, ceux-ci n’ont été livrés que postérieurement à son accident du travail. Elle souligne que cette commande vient au demeurant démontrer la conscience qu’il avait du danger encouru par les salariés.

L’EHPAD de CREMIEU soutient qu’il n’y a jamais eu d’alerte adressée au directeur d’établissement s’agissant de fuites des chariots utilisés par les agents de l’EHPAD, qu’aucun des compte-rendus du comité technique d’établissement des deux années précédant l’accident n’en fait état, qu’un premier chariot a été remplacé en 2011 car il était devenu obsolète, que les autres chariots ont tous été changés en 2013 à l’initiative de la direction pour améliorer le confort des utilisateurs et la liaison chaude avec la cuisine, la commande ayant été effectuée avant l’accident de Madame Y, et que les problèmes identifiés dans les procès-verbaux ne concernent nullement une fuite du chariot.

Par ailleurs, l’EHPAD de CREMIEU fait valoir que Madame Y n’établit pas qu’elle a chuté du fait d’une fuite du chariot et que le second témoignage de Madame A du 6 février 2019 contredit son premier témoignage et semble avoir été établi 'pour les besoins de la cause'.

En vertu des dispositions des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation légale de sécurité et de protection de la santé envers le travailleur.

Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié. Il suffit qu’elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru à la survenance du dommage. De même, la faute de la victime n’a pas pour effet d’exonérer l’employeur de la responsabilité qu’il encourt en raison de sa faute inexcusable.

La faute inexcusable ne se présume pas et il incombe au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l’employeur dont il se prévaut.

En l’espèce, la déclaration d’accident du travail produite en cause d’appel indique :

'- activité de la victime lors de l’accident: allait au repas,

- nature de l’accident: GLISSADE

- objet dont le contact a blessé la victime: sol,

- siège des lésions: genoux droit.'

Il n’est pas donné de précision quant à l’origine de la glissade.

Mme Y verse aux débats :

— le rapport médical d’évaluation de son taux d’incapacité permanente en accident du travail daté du 10 août 2017 mentionnant au chapître circonstances de l’accident : 'elle a glissé sur une flaque d’eau (torsion vers l’extérieur du genou) elle a été aidée pour se relever puis, avec l’arrivée des pompiers, elle a été conduite à l’hôpital de BOURGOIN'

— une attestation de Madame A, datée du 6 février 2019, aux termes de laquelle celle-ci indique : j’ai été témoin de l’accident de travail de Mme B Y le 23 septembre 2013; le chariot d’alimentation fuyait depuis un certain temps et avait été signalé à plusieurs reprises à la direction. Elle a donc glissé sur cette flaque d’eau occasionnée par la fuite de celui-ci et elle est tombée au sol. Les pompiers sont venus la chercher pour l’emmener aux urgences.

Or, le rapport ne fait que reprendre les déclarations de Mme Y elle-même , tandis que l’attestation tardive établie par Madame A n’est corroborée par aucun autre élément de preuve en ce qui concerne les fuites du chariot d’alimentation alléguées.

En effet, les procès-verbaux du comité technique d’établissement du 18 octobre 2011, 25 octobre 2012 et du 15 avril 2013 font simplement apparaître :

— le premier que ' des remarques ont été faites sur le choix des chariots'

— le second que 'les représentants du personnel trouvent que le nouveau chariot repas au service 3 est dangereux. Le sujet a déjà été abordé lors du CTE du 18/10/2011"

— le troisième :' OK pour les nouveaux chariots mais attention au problème de papier film car cela colle et tout vient avec quand les agents sortent les plats'.

Ainsi, les remarques portent exclusivement sur le chariot de cuisine du service 3B, dont l’employeur

verse la facture d’achat en date du 28 septembre 2011, aucun élément de la procédure ne permettant en tout état de cause de déterminer que ledit chariot était utilisé par Madame Y le jour des faits

Certes, l’employeur a pris la décision de remplacer l’ensemble des chariots repas, le 30 juillet 2013, mais sans que soit signalé un problème de fuite des précédents chariots, le procès-verbal du 15 avril 2013 ayant validé la décision d’acheter de nouveaux chariots n’évoquant pas de défectuosité des anciens chariots et attirant uniquement l’attention des employés sur un problème de papier film.

La dangerosité d’un équipement de travail ne peut se déduire de son seul renouvellement par l’employeur.

L’existence de fuites affectant les chariots mis à la disposition du personnel, qui aurait été portée à la connaissance de l’employeur et serait à l’origine de l’accident n’étant pas démontrée, aucun manquement à son obligation de sécurité n’est établi à l’encontre de l’EHPAD de CREMIEU.

Le jugement qui a débouté Mme Y de ses demandes sera confirmé.

Il convient de statuer sur les dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile, l’article R 144-10 du code de la sécurité sociale, prévoyant la gratuité en la matière ayant en effet été abrogé à compter du 1er janvier 2019, par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018.

Madame Y qui succombe en son recours sera condamnée aux dépens d’appel et sera déboutée de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour des raisons d’équité, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de Madame Y les frais irrépétibles d’appel exposés par l’EHPAD de CREMIEU.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement:

- DIT que la déclaration d 'appel n’est pas caduque

- DECLARE les conclusions d’appel recevables

- CONFIRME le jugement

- REJETTE la demande de l’EHPAD de CREMIEU fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel

- CONDAMNE Madame B Y aux dépens d’appel

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE

C D E F

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Cour d'appel de Lyon, Protection sociale, 15 décembre 2020, n° 18/07714