Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 16 décembre 2021, n° 19/06686

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Chronologie de l’affaire

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www.aramis-douanes.com · 25 janvier 2022

En vertu de l'ancien article 221 du code des douanes communautaires, “le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu'il a été pris en compte“. Ainsi, pour notifier une dette douanière, l'administration douanière est tenue de “prendre en compte” au préalable cette dette, c'est-à-dire l'intégrer en comptabilité. Par un arrêt du 16 décembre 2021, la Cour d'appel de Lyon s'est intéressée aux modalités et au mode de preuve de cette prise en compte. En premier lieu, cet arrêt considère que l'avis de résultat d'enquête (qui précède donc la …

 

Cyrille Chatail · Actualités du Droit · 23 décembre 2021
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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. a, 16 déc. 2021, n° 19/06686
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 19/06686
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lyon, 10 septembre 2019, N° 16/01166
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

N° RG 19/06686

N° Portalis DBVX – V – B7D – MTP5

Décision du tribunal de grande instance de LYON

Au fond du 11 septembre 2019

Chambre 1 cab 01

RG : 16/01166

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 16 Décembre 2021

APPELANTE :

SAS EDF RENOUVELABLES DEVELOPPEMENT

[…]

[…]

[…]

représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938

et pour avocat plaidant la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMEE :

DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS DE LYON

[…]

[…]

[…]

représenté par la SELARL ASTORIA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Octobre 2021

Date de mise à disposition : 16 Décembre 2021

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Anne WYON, président

— Françoise CLEMENT, conseiller

— X Y, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l’audience, X Y a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Au cours de l’année 2013, la société EDF en développement, spécialisée dans le secteur des énergies renouvelables, a importé en France des panneaux solaires et des modules photovoltaïques en provenance de la République populaire de Chine.

Ceux-ci, fabriqués en France, étaient exportés en Chine pour l’opération d’assemblage avant d’être réimportés en France.

Le 1er juillet 2014, le bureau des douanes de l’Isle d’Abeau a contrôlé la société dans le cadre de cette importation.

Le 23 octobre 2014, l’administration des douanes a adressé à la société EDF en développement un avis de résultat de contrôle aux termes duquel elle lui reprochait un défaut de régularisation des droits antidumping concernant vingt et une déclarations de 2013 ; elle considérait que les droits provisoires dont elle s’était acquittée au titre des importations de produits déclarés par elle comme originaires de Chine étaient devenus définitifs par application du règlement d’exécution de l’Union européenne du 2 décembre 2013.

Par lettre du 27 novembre 2014, la société EDF en développement a contesté cet assujettissement au motif que les panneaux avaient fait l’objet d’une réexportation vers Israël, lieu de destination finale des marchandises.

Le 20 janvier 2015, l’administration des douanes a notifié à la société EDF en développement une infraction au code des douanes et a émis un avis de paiement d’un montant de 544'921 euros, composé des droits antidumping et de la TVA.

Le 2 février 2015, l’administration des douanes a notifié à la société EDF en développement un avis de mise en recouvrement (AMR) d’un montant de 544'921 euros.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 mai 2015, la société EDF en développement a contesté cet AMR auprès de la recette régionale de Lyon.

Le 8 février 2016, l’administration des douanes a rejeté cette contestation.

Auparavant, le 20 janvier 2016, la société EDF en développement a assigné l’administration des douanes devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins d’annulation de l’AMR.

Par jugement du 11 septembre 2019, le tribunal a débouté la société EDF en développement de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à payer à la direction des douanes et des droits indirects la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société EDF en développement a relevé appel de cette décision le 30 septembre 2019, puis le 7 octobre 2019.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 5 novembre 2019.

Aux termes de ses écritures, auxquelles elle s’est expressément référée, la société EDF en développement, devenue EDF renouvelables développement, demande, en substance, à la cour de :

— infirmer dans toutes ses dispositions le jugement ;

— annuler l’avis de mise en recouvrement n° 865-047-2015 du 2 février 2015 ;

— avant dire droit, si la cour avait un doute quant au fait que le Règlement d’exécution (UE) n° 1238/2013 du Conseil du 2 décembre 2013 est inapplicable à des marchandises d’origine communautaire lors de leur importation sur le territoire de l’Union Européenne, renvoyer devant la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante : « Le Règlement d’exécution (UE) n° 1238/2013 du Conseil du 2 décembre 2013 instituant un droit antidumping définitif et collectant définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les impositions de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composant essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine, et les droits qui en découlent, peuvent-ils s’appliquer à des marchandises originaires de l’Union européenne lors de leur importation sur le territoire douanier de l’Union européenne, sous le prétexte qu’elles sont en provenance de Chine ' » ;

— ordonner la remise des droits sur le fondement de l’équité codifiée à l’article 239 du code des douanes communautaire, aujourd’hui 116 et 120 du code des douanes de l’Union,

— condamner la direction régionale des douanes et droits indirects de Lyon à verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société EDF renouvelables développement fait principalement valoir que :

— la douane ne justifie pas d’une prise en compte de la dette douanière, ni de la communication de celle-ci dès sa prise en compte, dans le respect de la chronologie imposée tant par le code des douanes communautaire, alors applicable, que la jurisprudence,

— aucun préjudice ne peut être retenu lors de l’importation des marchandises dans la mesure où, d’une part, elles sont originaires de l’Union européenne et, d’autre part, elles ont été réexportées immédiatement après leur mise en libre pratique, vers le territoire d’Israël,

— l’origine communautaire des marchandises n’est pas contestée par l’administration des douanes et les importations ne relèvent pas non plus d’un contournement, de sorte que le règlement ne peut pas s’appliquer,

— ainsi, le règlement n’est pas applicable à une marchandise originaire de l’Union européenne même

si elle est en provenance de Chine,

— l’existence d’un dumping n’est pas caractérisée en l’espèce,

— le Règlement n° 1238/2013 est contraire au Règlement de base n° 1225/2009 en ce qu’il institue des mesures antidumping aux marchandises en provenance de Chine et ne se limite ainsi pas à celle originaires de Chine, de sorte que ses dispositions doivent être écartées en l’espèce,

— il n’y a pas eu de véritable mise en libre pratique des marchandises au sens des textes communautaires dès lors qu’elles ont été réexportées dès leur sortie de l’entrepôt,

— la dette douanière résulte non pas de conditions de fond mais d’une simple erreur formelle dans le choix du régime douanier,

— elle bien fondée à solliciter la remise des droits sur le fondement de l’équité prévu par l’article 239 du code des douanes communautaires, devenu 116 et 120 du code des douanes de l’Union.

Aux termes de ses écritures, auxquelles elle s’est expressément référée, l’administration des douanes demande, en substance, à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société EDF renouvelables développement à lui payer la somme de 3 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait essentiellement valoir que :

— elle admet de façon constante l’origine communautaire et la provenance chinoise des produits litigieux

— le règlement 1238/2013 vise non seulement les produits originaires de Chine mais également ceux en provenance de Chine et qu’il est inopérant de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne

— l’application de ce règlement, qui instaure des droits anti-dumping définitifs ne dépend pas de l’établissement des preuves cumulatives du dumping et d’un préjudice subi par l’Union européenne

— l’AMR n’a été émis que le 02 février 2015, après un avis de résultat de contrôle, en date du 23 octobre 2014, mentionnant les droits dus et mettant en 'uvre le droit d’être entendu, et un procès-verbal de notification d’infraction et un avis de paiement du 20 janvier 2015, de sorte que les conditions de communication des droits et de leur prise en compte sont parfaitement remplies, en termes de chronologie et de transmission à la société redevable

— les produits importés ont été dans un premier temps placés dans un entrepôt douanier, puis dans un second temps mis à la consommation et en libre pratique en France ; cette mise en libre pratique et à la consommation a donné naissance à une dette douanière, et oblige à l’application du règlement anti-dumping

— la société EDF renouvelables développement n’apporte pas la preuve d’un défaut de contournement des mesures anti-dumping.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger »ou « déclarer » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

L’Union européenne a adopté le Règlement d’exécution (UE) n° 1238/2013 du Conseil du 2 décembre 2013 instituant un droit antidumping définitif et collectant définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine.

En cause d’appel, la société EDF renouvelables développement conteste la régularité de la procédure suivie par l’administration des douanes.

Aux termes de l’ancien article 217 du code des douanes communautaire, applicable à l’espèce, tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière, ci-après dénommé « montant de droits », doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte).

L’ancien article 221 du code des douanes communautaire disposait, notamment, que le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte.

Il ressort de ces textes que, pour être recouvrés par la voie de l’AMR, les droits qui en font l’objet doivent avoir été régulièrement communiqués au débiteur et la Cour de justice des Communautés européennes, devenue Cour de justice de l’Union européenne, a précisé que, pour être régulière, cette communication doit avoir été précédée de leur prise en compte (CJCE, arrêt du 23 février 2006, Molenbergnatie, C-201/04 ; CJUE, arrêt du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium, C-264/08).

En l’espèce, par un procès-verbal du 20 janvier 2015, l’administration des douanes a notifié à la société EDF en développement les infractions qui étaient retenues contre elle.

Toutefois, dès le 23 octobre 2014, l’administration des douanes a adressé à cette société un avis de résultat de contrôle, reçu le 27 octobre 2014, qui précise que le montant de 544 921 euros de droits et taxes éludés se décompose de la manière suivante :

Droits antidumping : 455 621 euros

Taxe sur la valeur ajoutée : 89 300 euros.

Il résulte de ses termes que cet avis valait communication des droits à régler, au sens de l’article 221 du code des douanes communautaire, de sorte que la prise en compte de la dette douanière devait être antérieure au 27 octobre 2014, date de réception de l’avis.

La juridiction européenne a précisé que le montant des droits dus constatés par les autorités est réputé pris en compte lorsque les autorités douanières inscrivent ce montant dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (CJUE, arrêt du 26 octobre 2017, « Aqua Pro » SIA c. Valsts ienemumu dienests, C-407/16).

Pour justifier de la prise en compte, l’administration des douanes se borne à produire deux pièces, intitulées « bordereaux », qui ont été éditées le 5 octobre 2021, étant observé que ces deux pièces, qui ne sont pas numérotées contrairement aux prescriptions de l’article 954 du code de procédure civile, sont constituées au total de huit pages non agrafées.

Sur le premier « bordereau », figurent sous l’intitulé « référence créance », une date de création au 23 octobre 2014 et un montant de 455 621 euros.

Le nom de la société EDF en développement ne figure pas sur ce document.

Est produite une page intitulée « redevables », dont la cour ne sait si elle se rapporte au premier « bordereau », au second ou aux deux, sur laquelle figure le nom de la société EDF en développement avec pour identification « 12157982 » et « 11162549 », ainsi qu’un « code Rosa » 493536676.

Aucune de ces références ne figure sur le bordereau n° 0865, de sorte qu’à supposer que cette pièce constitue la prise en compte visée à l’ancien article 217 du code des douanes communautaire, il n’est pas justifié qu’elle est relative aux droits dus par la société EDF en développement, nonobstant le fait que le montant de la dette est identique à celui figurant dans l’avis de résultat de contrôle.

S’agissant du second « bordereau », qui porte la référence RAR n° 14DNA21053450865, il est indiqué une date de création au 1er décembre 2014 et la somme de 89 300 euros, sous l’intitulé « référence créance ».

Ainsi, à supposer que cette pièce constitue la prise en compte, celle-ci est postérieure à la communication des droits du 27 octobre 2014.

Il sera au surplus observé que, comme pour le premier bordereau, celui-ci ne mentionne ni le nom de la société EDF en développement ni les références attachées à cette société.

Il ressort de ce qui précède que l’administration fiscale n’établit pas que la communication des droits ait été précédée d’une prise en compte, de sorte que la procédure est irrégulière et qu’il y a lieu d’annuler l’AMR n° 865/047/2015 du 2 février 2015, le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions.

Par application de l’article 367 du code des douanes, dans sa rédaction applicable au litige, il n’y a pas lieu à dépens.

Enfin, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Annule l’avis de mise en recouvrement n° 865/047/2015 du 2 février 2015 ;

Dit n’y avoir lieu à dépens ;

Rejette les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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