Cour d'appel de Montpellier, du 31 octobre 2001, 2001/01343

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le fait de laisser planer le doute sur l’honnêteté intellectuelle d’un avocat et même sur la possible commission par lui de l’infraction de subornation de témoin en référence au fait précis de la production d’une attestation dans la procédure de divorce assurée par ledit avocat est assurément diffamatoire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 31 oct. 2001, n° 01/01343
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 2001/01343
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Narbonne, 28 juin 2001
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006937779
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Sur les parties

Texte intégral

X… D’APPEL DE MONTPELLIER

3ème CHAMBRE CORRECTIONNELLE ARRET N DU 31/10/2001 DECISION CONTRADICTOIRE Irrecevable exception de nullité de la citation Annule le jugement déféré AC 250 F DOSSIER 01/01343- GN/PB prononcé publiquement le Mercredi trente et un octobre deux mil un, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Monsieur BROSSIER, en application des dispositions de l’article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale. en présence du ministère public : Monsieur Y… et assisté du greffier :

Mademoiselle Z… sur appel d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de NARBONNE du 29 JUIN 2001 COMPOSITION DE LA X…, lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur BROSSIER A… :

Madame SALVAN-BAYLE Monsieur B… présents lors des débats : Ministère public : Monsieur Y…

C… : Mademoiselle Z… PARTIES EN CAUSE DEVANT LA X… : PREVENU D… Jean-Pierre Né le xxxxxxxxxxxxxxxx à NARBONNE (11), directeur de clinique, de nationalité française, demeurant Avenue de la Mer – - Polyclinique le Languedoc – 11100 NARBONNE Libre Prévenu, intimé Comparant Assisté de Maître CASSIGNOL Michel, avocat au barreau de MONTAUBAN LE MINISTERE PUBLIC, non appelant PARTIE CIVILE E…

F…, demeurant 20, Quai Valllière – 11100 NARBONNE Partie civile, appelant Comparant Assisté de Maître VIALARET Jérôme, avocat au barreau d’ALBI RAPPEL DE LA PROCEDURE :

Le jugement rendu le 26 juillet 2001 par le Tribunal de Grande Instance de NARBONNE a déclaré nulle en la forme la citation directe

en date du 4 mai 2001. Sur l’action civile : a déclaré Monsieur E…

F… irrecevable en ses actions tant pénale que civile.

APPEL :

L’appel a été interjeté par la partie civile le 30 Juillet 2001.

DEROULEMENT DES DEBATS :

A l’audience publique du 3 OCTOBRE 2001, Monsieur BROSSIER, Président, a fait le rapport prescrit par l’article 513 du code de procédure pénale.

Le prévenu a été entendu en ses explications.

Maître VIALARET Jérôme, avocat de la partie civile, a été entendu en sa plaidoirie.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.

Maître CASSIGNOL Michel, avocat, a été entendu en sa plaidoirie.

Le prévenu et son conseil ont eu la parole en dernier.

A l’issue des débats, Monsieur le Président a averti les parties que l’arrêt serait prononcé le 31 OCTOBRE 2001. Les faits: Dans le cadre de son procès en divorce Jean D… a produit des pièces comportant des écrits jugés diffamatoires par F…

E…, conseil de l’épouse de Jean D…; dans un arrêt du 17 avril 2001 la X… d’Appel de Montpellier , Ière chambre civile, section C, a , en application de l’article 41 de la loi sur la presse , prononcé la suppression des écrits jugés diffamatoires et réservé l’action civile de F…

E…; Les propos diffamatoires étaient les suivants : -dans les conclusions de Me SAUMADE, avocat de Jean D…, signifiées les 6, 21février et 12 mars 2001: " On ne peut que remarquer aussi l’étroitesse des relations existant entre Madame G… et le Conseil de Madame D… (voir attestations H…, attestation I…) pour constater le manque de crédibilité et de sincérité de ce témoignage divergent, variable, empreint de

subjectivité et manifestement dicté par le souci de faire plaisir… (cotes /7 et 14) -dans un mémoire personnel de Jean D… versé aux débats le 6 février 2001:

Me E… Avocat de Mme .Brigitte D…, particulièrement zélé, n 'hésite pas à accepter le témoignage mens 9nger de Mme J…, avec qui il entretient des relations intimes. Mme Catherine G…: . Amie du couple Savy D… et petite amie de Me E…

… de la (voir chapître 9)"

Maître E… amant de Mme catherine G…, aurait du s 'interdire d accepter d 'intégrer dans ses conclusions, des dires de Mme Brigitte D… impliquant sa maîtresse sans les avoir au préalable, scrupuleusement vérifiés…

. .. la connivence existant entre Mme Catherine G… Maître E… et Mme Brigitte D…

« . il est loin de se douter que celle-ci entretient une relation étroite avec Maître E…. Maître E…. ne peut donc ignorer que l’appartement que Mme G… occupe et dans lequel il lui rend visite, est la propriété de M. Jean D…. . -dans des attestations de Mme I… et Mme H… contenant des propos de même nature, Demandes et moyens des parties:

La partie civile, appelante, soutient les moyens et demandes figurant dans sa citation et conteste le jugement du tribunal correctionnel en indiquant que la citation est régulière; elle sollicite la somme de 200 000F à titre de dommages-intérêts et celle de 10 000F en application de l’article 475-1 du code de Procédure pénale

Le Ministère public, non appelant s’en rapporte à justice;

Le prévenu Jean D…, reprend son exception de nullité de la citation, abandonne l’exception d’ incompétence soutenue devant les premiers juges , et invoque la prescription de trois mois sauf en ce qui concerne le mémoire personnel de Jean D…; il soutient l’immunité de son mémoire en application de l’article 41 de la loi de 1881 et le défaut de publicité ainsi que le fait que seule l’action civile à été réservée à F…

E… et non l’action pénale devant le tribunal correctionnel ; il juge téméraire l’action de F…

E… et sollicite au visa des articles 1382 du Code Civil, 700 du Nouveau Code de Procédure civile et 392-1 du Code de procédure pénale , la somme de 30 000F à titre de dommages-intérêts ; il offre « à titre infiniment subsidiaire » de rapporter la preuve de la vérité des faits allégués dès lors que ceux ci touchent à la fois la vie privée et la vie publique, F…

E… étant atteint sur le plan de sa profession d’avocat; MOTIFS DE LA DECISION: La X…, après en avoir délibéré, Sur la procédure:

L’ appel est recevable; le tribunal correctionnel ayant admis une exception de nullité c’est à la fois de l’action publique et de l’action civile dont est saisie la X… d’Appel ;

Le prévenu et la partie civile comparaissent; l’arrêt sera contradictoire , Sur l’action publique: 1.Sur la nullité de la citation devant le tribunal correctionnel: Attendu que l’article 385 du Code de procédure pénale dispose que « dans tous les cas les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond »; Attendu que cette exception ,bien que régulièrement soulevée devant le tribunal correctionnel devait être reprise devant la X… d’Appel avant toute défense au fond en application de l’article 512 du Code de procédure pénale ; qu’il est constant que ce n’est qu’après instruction à l’audience et interrogatoire du prévenu que le conseil de celui ci ,qui n’avait déposé alors aucune conclusions

écrites, a repris son exception; que celle ci est dès lors irrecevable; Attendu que la X… d’Appel , annulant le jugement déféré devra évoquer; 2.Sur la prescription concernant les conclusions de Me SAUMADE, avocat de Jean D…: Attendu que tout écrit produit devant une juridiction est couvert par l’immunité de l’article 41 de la loi de 1881; que ce n’est que si la juridiction fait application du dernier alinéa de ce texte et réserve l’action d’une partie après avoir jugé diffamatoires et étrangers à la cause les propos incriminés, que l’action est ouverte; Attendu que les conclusions attribuées par le plaignant à Me SAUMADE ,qui n’est pas une partie au procès, et visées dans la citation directe ont été signées devant la X… d’Appel , chambre civile, par Me GUARRIGUE avoué, qui n’est pas non plus une partie au procès et qui les a reprises à son compte; Attendu que le fait pour un avocat et un avoué d’écrire à propos d’un autre avocat du même barreau qu’il y a lieu de « remarquer l’étroitesse des relations existant entre » cet avocat et un témoin de la cause pour, en citant précisément deux attestations produites en procédure, essayer de faire constater par les juges « le manque de crédibilité et de sincérité de ce témoignage divergent, variable, empreint de subjectivité et manifestement dicté par le souci de faire plaisir » laisse planer le doute sur l’honnêteté intellectuelle de F…

E… et même sur sa possible commission de l’infraction de subornation de témoin; Qu’ainsi les faits assurément diffamatoires , à supposer qu’ils puissent faire l’objet de poursuites, pourraient être reprochés à titre principal à ces auxiliaires de justice, Jean D… n’en étant pas l’auteur; que de ce fait la question de la prescription de ces écrits non imputables à Jean D… est sans intérêt; 3.Sur la recevabilité de l’action de F…

E…: Attendu que la X… d’Appel dans son arrêt du 17 mars 2001 a "Prononcé la suppression du premier alinéa de la page 10

des conclusions déposées au nom de D…, des attestations des dames I… et H…(pièces 71 et 72), du mémoire rédigé par D… et communiqué avec les conclusions de celui ci(pièce N°201). Réservé l’action civile de Me F…

E… quant aux faits diffamatoires constitués par la production des écrits ci dessus visés"; Attendu que la X… d’Appel n’a aucunement contraint F…

E… à choisir la voie purement civile devant le tribunal de grande instance ou le tribunal d’ instance , la victime d’un dommage qui peut résulter d’une infraction pouvant toujours, à son choix exclusif, engager son action devant les tribunaux civils ou correctionnels; que l’action de F…

E… devant le tribunal correctionnel puis devant la X… d’Appel est recevable; 4.Sur l’immunité du mémoire de Jean D…:

Attendu que Jean D… ne peut plus soutenir l’immunité de l’article 41 de la loi de 1881 dès lors que la juridiction devant laquelle ce mémoire a été produit en a prononcé la suppression pour cause d’évocation de faits diffamatoires, et a expressément réservé l’action de F…

E…; 5.Sur le défaut de publicité:

Attendu qu’il est constant que les pièces incriminées contenant les propos jugés diffamatoires, ont été produites devant la X… d’Appel , auprès des magistrats, des greffiers du service civil de la première chambre section C, des avoués et des avocats des parties, de l’huissier significateur, les collaborateurs de ces personnes en ayant eu nécessairement connaissance; Attendu qu’il est constant que les débats concernant le procès en divorce devant la X… d’Appel se sont déroulés en chambre du conseil et que seul le dispositif de l’arrêt qui ne reprend pas les propos diffamatoires a été prononcé en audience publique; Attendu que les personnes citées ci dessus sont tenues au secret professionnel ou à une obligation de discrétion et constituent une communauté judiciaire qui participe à une même oeuvre de justice; que le caractère public des propos jugés diffamatoires

n’est pas établi; Mais attendu qu’il convient alors de rechercher si les faits dénoncés ne constituent pas la contravention de diffamation non publique; 6.Sur le caractère diffamatoire du mémoire de Jean D… contenant les propos dénoncés:

Attendu que la chambre civile de la X… d’Appel a déjà apprécié le caractère diffamatoire des faits dénoncés, bien que cette appréciation ne s’impose pas au juge pénal; Attendu que le fait d’affirmer que F…

E… « n’hésite pas à accepter le témoignage mensonger de Mme G… » et qu’il entretient « une collusion relationnelle » avec celle ci est évidemment diffamatoire puisqu’il est fait référence au fait précis de la production d’une attestation dans la procédure de divorce et laisse soupçonner une subornation de témoin à l’encontre d’un avocat; Attendu d’autre part qu’écrire , s’agissant de F…

E… « qu’il entretient des relations intimes » avec Mme G…, qui est « sa petite amie » ou encore « Me E… amant de Mme Catherine G… » avec qui il« entretient une relation étroite » est éminemment diffamatoire dès lors qu’il est imputé à F…

E… une violation du devoir de fidélité , celui ci étant marié depuis le 17 juillet 1998 et père d’un enfant depuis le 6 août 1998; Qu’en effet le mémoire versé aux débats le 6 février 2001 emploie le présent de l’indicatif, alors que les faits, à les supposer avérés, remonteraient à l’année 1997; 7.Sur la vérité des faits diffamatoires Attendu qu’à supposer que la vérité des faits diffamatoires puisse être établie, elle devait l’être devant le tribunal correctionnel et non devant la X… d’Appel et que la nouvelle offre de preuve devant la X… d’Appel est irrecevable; Que devant les premiers juges seul le témoin H…, rédactrice d’une attestation litigieuse a été entendue, et a affirmé que F…

E… et Mme G… étaient amants mais en août 1997 alors que le mémoire situe ces faits en 2001; que la fausseté de l’attestation de Mme G… n’a jamais été

établie et que l’affirmation selon laquelle F…

E… « n’hésite pas à accepter le témoignage mensonger de Mme G… » n’a jamais fait l’objet d’une offre de preuve; Qu’en tout état de cause Jean D… n’a pas respecté la procédure de l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 et n’ a pas fait la preuve de la vérité des faits diffamatoires devant les premiers juges ; Qu’ainsi toutes écritures dans ce but déposées devant la X… d’Appel , chambre correctionnelle, par le conseil de Jean D…, sont irrecevables; 8.Sur l’imputabilité des infractions: Attendu que les attestations H… et I… sont visées dans la citation pour contenir des propos diffamatoires qui ne sont aucunement indiqués par le plaignant qui a l’obligation d’articuler et de qualifier ces faits; qu’aucune condamnation ne peut être prononcée en considération de ces attestations; Attendu par contre que Jean D… a reconnu devant le tribunal correctionnel que son mémoire personnel « était destiné à la X… d’Appel » et qu’il ne peut invoquer le fait que son avocat ou son avoué l’aient transmis et signifié sans son mandat; Attendu en conséquence que Jean D… sera déclaré coupable de la contravention de diffamation non publique pour son mémoire personnel seulement, et condamné à une amende de 250F; Sur l’action civile:

Attendu que la constitution de partie civile est régulière et recevable, Attendu que le montant des dommages-intérêts doit être apprécié au vu du comportement de F…

E… envers le Bâtonnier de l’ordre des avocats de Narbonne qui avait conseillé le retrait de l’attestation de Mme G… en mars 1998 , conseil d’abord accepté par F…

E… avant qu’il ne change d’avis, invoquant dans une lettre du 12 mai 1998 l’absence de mandat écrit de sa cliente pour transiger et l’opposition formelle de celle ci pour le retrait de l’attestation ; Que F…

E… écrit encore au Bâtonnier que c’est sa cliente (et non lui même) qui estime que le Bâtonnier ne peut intervenir en

l’espèce !(cf lettre du 12 mai 1998 régulièrement versée aux débats par le conseil de Jean D…),alors que l’avocat est le conseil indépendant de son client; Qu’il convient de rappeler que le mémoire produit par Jean D… ne l’a été que 3 ans plus tard le 6 février 2001, en réponse à cette attestation qu’il estimait mensongère et qui a été maintenue par F…

E…; Attendu que la X… d’Appel a , au vu du comportement de F…

E… les élément suffisants pour lui allouer la somme de 1000Frs à titre de dommages-intérêts ; Attendu que la somme de 1500F sera allouée en équité à F…

E… en application de l’article 475-1 du code de Procédure pénale ;

Attendu que F…

E… est reçu en son action civile et qu’en conséquence Jean D… sera débouté de sa demande fondée sur la témérité de l’action ou l’intention de nuire de F…

E…; PAR CES MOTIFS La X…, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l’égard du prévenu et de la partie civile ,en matière correctionnelle et en dernier ressort, Reçoit les appels réguliers en la forme, sur l’action publique: Déclare irrecevable l’exception de nullité de la citation et irrecevable l’offre de preuve des faits diffamatoires, Annule le jugement déféré, Evoquant, déclare Jean D… coupable de la contravention de diffamation non publique et le condamne à une amende de 250F, Dit que le condamné sera soumis au paiement du droit fixe de procédure d’un montant de 800Frs , prévu à l’article 1018A du Code général Dit qu’il n’y a pas lieu à exercice de la contrainte par corps en l’espèce, sur l’action civile: Reçoit la constitution de partie civile de F…

E…, la déclare fondée et condamne Jean D… à payer à F…

E… la somme de 1000F à titre de dommages-intérêts et celle de 1500F en application de l’article 475-1 du code de Procédure pénale , Déboute Jean D… de sa demande

reconventionnelle en dommages-intérêts , Condamne Jean D… aux dépens de l’action civile Constate qu’une consignation a été versée par F…

E… Le tout par application des textes visés, des articles 512 et suivants du Code de procédure pénale; Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an susdits; le présent arrêt a été signé par le Président et le C…

LE C…

LE PRESIDENT

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