Cour d'appel de Montpellier, 28 septembre 2010, n° 2009/05200

  • Protection au titre du droit d'auteur·
  • Titularité des droits sur le modèle·
  • Reproduction des caractéristiques·
  • Rappel des circuits commerciaux·
  • Impression visuelle d'ensemble·
  • Inspiration d'un modèle ancien·
  • Validité du constat d'huissier·
  • Combinaison d'éléments connus·
  • À l'encontre du fournisseur·
  • Collier, boucles d'oreilles

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 28 sept. 2010, n° 09/05200
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 2009/05200
Décision précédente : Tribunal de commerce de Montpellier, 28 juin 2009, N° 2008-8145
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de commerce de Montpellier, 29 juin 2009, 2008/08145
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20100199
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2010

2° chambre Numéro d’inscription au répertoire général : 09/05200

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 JUIN 2009 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER N° RG 2008-8145

APPELANTES : S.A.R.L. AKWABA RCK DIFFUSION, A L’ENSEIGNE 'CIMAROSA', prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualités au siège social […] 34000 MONTPELLIER représentée par la SCP JOUGLA – JOUGLA, avoués à la Cour assistée de Me BERNARD S (Cabinet CASTAGNOS), avocat au barreau de MONTPELLIER

SAS GAS BIJOUX, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualités au siège social […] 13006 MARSEILLE représentée par la SCP SALVIGNOL – GUILHEM, avoués à la Cour assistée de Me Maxime C (Cabinet GREFFE) avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. ALLAN’S, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualités au siège social […] 51100 REIMS représentée par la SCP NEGRE – PEPRATX-NEGRE, avoués à la Cour

INTIMEES : SARL AKWABA RCK DIFFUSION, à l’enseigne 'CIMAROSA’ prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualités au siège social […] Angle rue de l’Ancien Courrier 34000 MONTPELLIER représentée par la SCP JOUGLA – JOUGLA, avoués à la Cour assistée de Me BERNARD S (Cabinet CASTAGNOS), avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A.R.L. ALLAN’S, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualités au siège social […] 51100 REIMS représentée par la SCP NEGRE – PEPRATX-NEGRE, avoués à la Cour

SAS GAS BIJOUX, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualités au siège social

[…] 13006 MARSEILLE représentée par la SCP SALVIGNOL – GUILHEM, avoués à la Cour assistée de Me Maxime C (Cabinet GREFFE) avocat au barreau de PARIS ORDONNANCE DE CLOTURE DU 17 JUIN 2010 REVOQUEE PAR UNE NOUVELLE ORDONNANCE DE CLOTURE DU 22 JUIN 2010

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 22 JUIN 2010, en audience publique, Madame Noële-France D Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Daniel BACHASSON, Président Madame Noële-France DEBUISSY, Conseiller Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :
- contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Madame Sylvie SABATON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE : La société GAS Bijoux, qui a pour activité la création de bijoux de fantaisie, commercialise notamment, depuis la fin de l’année 2004, un modèle de collier « Dalida », ainsi qu’un modèle de boucles d’oreilles « Diva Strass » lequel a fait l’objet d’un dépôt simplifié auprès de l’INPI le 27 septembre 2004. Au mois d’avril 2008, la société GAS Bijoux, a appris que la société AKWABA RCK Diffusion commercialisait dans son fonds de commerce situé […], à proximité de la boutique dans laquelle ses propres produits étaient vendus, des bijoux prétendument contrefaisants de ses modèles de collier et de boucles d’oreilles. Après avoir fait dresser, le 30 avril 2008, un procès-verbal de constat par maître B, huissier de justice, la société GAS Bijoux a, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 21 mai 2008, mis en demeure la société AKWABA de cesser d’importer ou de fabriquer, d’offrir à la vente et de commercialiser les modèles de bijoux argués de contrefaçon.

Par acte du 8 juillet 2008, la société GAS Bijoux a fait assigner en contrefaçon la société AKWABA devant le tribunal de commerce de Montpellier ; celle-ci a alors appelé en intervention forcée son fournisseur, la société ALLAN’S. Le tribunal, par jugement du 29 juin 2009, a notamment :

-constaté que la société AKWABA a offert à la vente et commercialisé des boucles d’oreilles « Diva Strass » reproduisant des modèles déposés à l’INPI par la société GAS Bijoux,
-fait interdiction à la société AKWABA de commercialiser des modèles de boucles d’oreilles « Diva Strass » sous astreinte de 1000,00 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
-ordonné à la société AKWABA, sous la même astreinte, de communiquer les quantités commercialisées, livrées, reçues et commandées, ainsi que le prix obtenu pour les boucles d’oreilles « Diva Strass »,
-condamné la société AKWABA à payer à la société GAS Bijoux la somme de 5000,00 euros à titre de dommages et intérêts,
-condamné la société ALLAN’S à relever et garantir la société AKWABA des condamnations prononcées à son encontre,
-dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné la société AKWABA à payer à la société GAS Bijoux la somme de 750,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. La société GAS Bijoux a régulièrement relevé appel de ce jugement le 21 juillet 2009, la société AKWABA le 11 août 2009 et la société ALLAN’S le 19 août suivant. Les procédures d’appel ont été jointes par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 7 janvier 2010.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES : En l’état des conclusions qu’elle a déposées, la société GAS Bijoux demande à la cour de réformer le jugement et, en conséquence, de :

-constater qu’elle est titulaire des droits de création sur le modèle de collier « Dalida » et que la société AKWABA a offert à la vente et commercialisé des colliers qui reproduisent les caractéristiques originales du modèle « Dalida » lui appartenant,
-dire que la société AKWABA a commis des actes de contrefaçon artistique en application des articles L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle,

— faire interdiction à la société AKWABA d’importer, de faire fabriquer, de fabriquer et/ou de commercialiser de quelque façon que ce soit des bijoux reproduisant le modèle « Dalida » et ce, sous astreinte de 1000,00 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
-ordonner, en application de l’article L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, sous astreinte de 1000,00 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, que les bijoux reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux et instruments ayant principalement servis à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués à son profit et aux frais de la société AKWABA,
-ordonner, sous la même astreinte, en application de l’article L. 331-1-2 b) du code de la propriété intellectuelle, à la société AKWABA de communiquer les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues et commandées, ainsi que le prix obtenu pour les colliers en cause,
-condamner la société AKWABA à lui verser la somme de 5000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon du modèle de collier « Dalida »,
-ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux ou revues à son choix et aux frais avancés de la société AKWABA, sans que le coût de chacune de ces insertions ne soit supérieur à la somme de 5000,00 euros HT,
-ordonner que le texte suivant soit affiché, dans les quinze jours de son prononcé, sur le site http://cimarosa.biz/ en accès direct et en partie haute de la page d’accueil pendant une durée d’un mois sous astreinte de 1000,00 euros par jour de retard : « Par arrêt du « .., la cour d’appel de Montpellier a condamné la société AKWABA RCK Diffusion pour avoir copié servilement deux modèles de bijoux reproduits ci- dessous créés et commercialisés par la société GAS Bijoux. La cour a condamné la société AKWABA RCK Diffusion à verser à la société GAS Bijoux la somme de » euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé du fait des acte de contrefaçon ainsi qu’aux présentes mesures de publication »,
-condamner la société AKWABA à lui payer la somme de 5000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris pour le surplus.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

-elle est bien recevable à agir en contrefaçon sur le fondement des livres I et III du code de la propriété intellectuelle, étant présumée titulaire, en application de l’article L. 113-1, des droits d’auteur sur les modèles de bijoux en cause, qu’elle a divulgués,
-ses deux modèles de bijoux, qu’elle exploite depuis septembre 2004, présentent une indéniable originalité et sont protégeables au titre du droit d’auteur, dès lors que la combinaison des différents éléments qui les caractérisent, révèle, par le choix des

apprêts, des motifs et des formes, une préoccupation ornementale, marque de l’empreinte personnelle de l’auteur,
-cette originalité est systématiquement reconnue par les cours et tribunaux, récemment par un jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 12 juin 2009, et les documents communiqués par les sociétés AKWABA et ALLAN’S, qui prétendent en particulier que ses modèles de bijoux sont inspirés de l’art celte, ne peuvent, en aucun cas, constituer des antériorités valables,
-les pièces versées aux débats établissent que le modèle de collier « Dalida » et le modèle de boucles d’oreilles « Diva Strass », ont été créés antérieurement à la commercialisation par la société AKWABA de bijoux contrefaisants. La société AKWABA conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de la société GAS Bijoux relatives à la contrefaçon du modèle de collier « Dalida » ; formant appel incident, elle demande à la cour de rejeter le surplus des prétentions de la société GAS Bijoux et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 4500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, elle sollicite que la société ALLAN’S la relève et garantisse des condamnations pouvant être prononcées à son encontre, y compris des frais de publication de la décision à intervenir, et soit condamnée à lui payer la somme de 20 000,00 euros en réparation de son préjudice commercial et d’image, outre l’allocation de la somme de 4500,00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles. Elle soutient en substance que :

-la société GAS Bijoux ne justifie pas de ce qu’elle est titulaire des droits de propriété intellectuelle qu’elle revendique, alors que les décisions de justice qu’elle citent mentionnent André GAS comme titulaire des droits d’auteur, ce dont il résulte qu’elle n’a ni intérêt, ni qualité à agir,
-le procès-verbal de constat du 30 avril 2008 n’est pas probant quant à l’identification des objets contrefaits,
-les modèles de collier et de boucles d’oreilles argués de contrefaçon sont tombés dans le domaine public et sont insusceptibles d’appropriation, s’agissant de modèles inspirés directement de l’art celte, qui se caractérisent en particulier par l’emploi d’entrelacs dans les enluminures,
-les pièces produites par la société ALLAN’S démontrent, sans contestation possible, l’antériorité de la commercialisation des modèles incriminés par Spyrioliti’s Collection,
-en toute hypothèse, le préjudice allégué n’est pas établi, dès lors que le chiffre d’affaires réalisé avec les bijoux litigieux représente seulement 444,00 euros HT et qu’elle les a retirés de la vente dès la mise en demeure de la société GAS Bijoux. Formant appel incident, la société ALLAN’S demande à la cour d’annuler l’assignation délivrée le 8 juillet 2008 par la société GAS Bijoux, ainsi que celle de la

société AKWABA en date du 1er août 2008, ou de déclarer la société GAS Bijoux irrecevable en ses demandes pour défaut de droit, de qualité et d’intérêt à agir ; subsidiairement, elle conclut au débouté de la société GAS Bijoux de ses demandes ou à la réduction des demandes de dommages et intérêts formulées par celle-ci ; enfin, elle réclame sa condamnation à lui payer la somme de 5000,00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles. Elle expose que :

-la société GAS Bijoux ne justifie pas que monsieur G serait l’auteur des oeuvres prétendument contrefaites et qu’elle serait cessionnaire des droits patrimoniaux sur ces oeuvres,
-les énonciations du constat d’huissier ne permettent pas de rapporter la preuve de la contrefaçon alléguée et les pièces produites établissent que les modèles invoqués par la société GAS Bijoux, constitués d’un motif ancien tombé dans le domaine public, sont dépourvus d’originalité et ont été commercialisés postérieurement aux siens,
-la société GAS Bijoux, qui modifie, au gré de ses modèles, les chaînes ou les emplacements de strass ne saurait d’ailleurs solliciter la protection des éléments autres que les médailles du collier et des boucles d’oreilles et les systèmes d’attache qu’elle utilise, ne présentent, quant à eux, aucune originalité.

MOTIFS DE LA DECISION : 1- la propriété des droits d’auteur : L’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée. A cet égard, il est de principe qu’en l’absence de revendication de la part de l’auteur, fût-il identifié, l’exploitation d’une 'uvre par une personne morale fait présumer, vis-à-vis des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre du droit de propriété incorporelle de l’auteur. En l’occurrence, la société GAS Bijoux, qui affirme que les bijoux argués de contrefaçon ont été créés par son président, André GAS, justifie par les pièces produites, notamment les attestations de plusieurs de ses distributeurs exclusifs en France, accompagnées des factures d’achats des bijoux, que les boucles d’oreilles « Diva strass » et le collier « Dalida » sont exploités commercialement, sous son nom, depuis le mois de septembre 2004 pour les boucles d’oreilles, lesquelles ont par ailleurs fait l’objet, le 27 septembre 2004, d’un dépôt simplifié à l’INPI, et depuis le mois de décembre 2004 pour le collier, présenté à partir de la fin de l’année 2005 sur le site Internet d’un couturier et dans diverses revues de mode. La société GAS Bijoux est ainsi présumée titulaire des droits d’auteur sur les deux modèles de bijoux litigieux, en l’absence de toute contestation de la part du créateur desdits modèles, ce dont il résulte qu’elle est en droit d’agir en contrefaçon sur le

fondement des livres I et III du code de la propriété intellectuelle ; il ne peut dès lors être soutenu que l’assignation délivrée à rencontre de la société AKWABA et, par voie de ricochet, celle diligentée à rencontre de la société ALLAN’S seraient nulles ou que ses demandes seraient irrecevables pour défaut de droit, d’intérêt et de qualité à agir.

2- l’existence d’actes de contrefaçon : Les sociétés AKWABA et ALLAN’S prétendent, en premier lieu, que les constatations faites par maître B, huissier de justice, le 30 avril 2008 ne sont pas probantes quant à l’identification des objets contrefaits. Certes, l’huissier instrumentaire, qui, ce jour-là, a accompagné un certain Frédéric A, se présentant comme client de la société GAS Bijoux, n’a pas pénétré à intérieur de la boutique à l’enseigne « Cimarosa » […], suspectée de proposer à la vente des bijoux contrefaisants ; pour autant, l’huissier, qui indique avoir constaté qu’était exposé sur un présentoir un collier avec médaillon rond correspondant aux caractéristiques d’un modèle de la société GAS Bijoux et observé monsieur A à travers la vitrine tandis qu’il effectuait son achat, relève que celui-ci est ressorti une dizaine de minutes plus tard, porteur d’un sac turquoise à l’enseigne « Cimarosa » ; il certifie, en outre, avoir procédé personnellement à l’ouverture du sac, dont les attaches étaient maintenues fermées par un papier autocollant, lequel contenait deux bourses, elles-mêmes fermées par des lacets, l’une de couleur turquoise renfermant un collier avec médaillon argenté marqué « ALLAN’S Bijoux », identique à celui présenté dans la vitrine, l’autre de couleur kaki renfermant une paire de boucles d’oreilles argentées ; enfin, il décrit avec précision ces deux bijoux, dont les photographies se trouvent annexées au constat, et mentionne que lui ont également été remis par monsieur A un bon pour échange et une facture à en-tête de la bijouterie. Les constatations matérielles faites par l’huissier sont suffisantes à établir que le collier et les boucles d’oreilles, que celui-ci décrit dans son procès-verbal du 30 avril 2008 et qui ont été facturées à l’ordre de monsieur A comme des articles « ALLAN’S », ont bien été achetés dans la boutique « Cimarosa » du […] ; les conditions dans lesquelles s’est déroulée la transaction, tenant la brièveté de l’opération et le conditionnement des bijoux par le commerçant dans deux bourses placées dans un sac fermé, excluent, en effet, qu’une substitution des articles achetés par d’autres articles se soit produite à l’insu de l’officier ministériel ; la société AKWABA tient d’ailleurs pour valables, ainsi qu’elle l’indique en page 6 de ses conclusions d’appel, les constatations de l’huissier relatives au collier, figurant sur le cliché photographique n°5, ce qui rend peu crédible sa contestation limitée à la seule identification des boucles d’oreilles, pourtant achetées dans le cadre de la même transaction. Les intimées soutiennent ensuite que les modèles de bijoux dont se prévaut la société GAS Bijoux, constitués d’un motif ancien inspiré de l’art celte et tombé dans le domaine public, sont dépourvus d’originalité et ne bénéficient d’aucune antériorité.

Selon l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, ce droit comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ; il résulte de l’article L. 122-4 du même code que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Une oeuvre de l’esprit est protégeable si elle présente un caractère original, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, et le fait de s’inspirer de créations existantes n’est pas en soi exclusive d’une création originale ; la combinaison d’éléments, même relevant du domaine public, est, en effet, susceptible de manifester l’originalité de l’auteur, dont il incombe au juge de vérifier l’existence. Au cas d’espèce, le motif central des boucles d’oreilles « Diva Strass » et du collier « Dalida » représente deux dessins symétriques d’entrelacs curvilignes, d’inspiration celtique ; ce motif, quoique sensiblement différent, rappelle celui gravé dans une série de pendentifs commercialisés en France depuis 1986 par une certaine Faraj FORTUNATA, exerçant sous l’enseigne « Frajexpo », ainsi qu’il ressort de l’attestation de celle-ci et de l’extrait de son catalogue de bijoux fantaisie, produits par la société AKWABA ; il est également versé aux débats par la société ALLANTS deux attestations de commerçantes grecques (Aimilia LOUFA, Eleni A), reçues les 15 et 16 mai 2008 par un notaire d’Athènes, affirmant acheter depuis 1999 une bague pièce motif arabe auprès des frères SPYRILIOTI (sic), ainsi que diverses factures d’achat de ces bijoux, datant de février ou mars 2001, et les photocopies de deux bagues, l’une ronde, l’autre ovale, reproduisant à l’identique le dessin des entrelacs gravés sur les modèles de la société GAS Bijoux. La simple ressemblance entre le motif des pendentifs du catalogue « Frajexpo » et celui des boucles d’oreilles et du collier de la société GAS Bijoux, n’établit pas l’existence d’une antériorité de nature à exclure l’originalité des créations revendiquées ; en effet, les modèles de boucles d’oreilles et de collier de la société GAS Bijoux s’insèrent dans une gamme complète de bijoux de fantaisie et tirent leur originalité de la combinaison des divers éléments qui les composent, boucles rondes, dont les entrelacs sont agrémentés de strass, munies de clous d’oreilles arrondies, d’une part, médaille du collier reproduisant le même motif d’entrelacs, pendu à une chaîne faite de trois séries de maillons de taille et de forme différentes, agrémentée de deux fermoirs bâton et mousqueton, d’un maillon en forme de coeur et de plusieurs maillons en forme de couronne, d’autre part. Les sociétés AKWABA et ALLAN’S communiquent, en outre, divers extraits d’ouvrage et de photocopies de médaillons et de boucles d’oreilles, non datés ou comportant des dates postérieures aux créations revendiquées, qui ne présentent aucun point commun avec les modèles de la société GAS Bijoux, hormis une même source d’inspiration, tirée de l’art celtique. En ce qui concerne les attestations des deux commerçantes grecques, accompagnées de factures et de photographies de bagues, que produit Fa société ALLAN’S, il convient de considérer que ces éléments n’établissent pas, de façon suffisamment convaincante, la preuve de l’absence de nouveauté des modèles de la société GAS Bijoux, dès lors que les attestations sont rédigées en des termes

semblables, sans que soit respecté le formalisme de l’article 202 du code de procédure civile, et qu’aucune garantie n’est donnée de ce que les deux bagues photographiées, au dessin d’entrelacs identique à celui des boucles d’oreilles et du collier de la société GAS Bijoux, correspondent bien aux modèles commercialisés en Grèce depuis 1999. C’est donc vainement que les sociétés AKWABA et ALLAN’S soutiennent que les créations de la société G AS Bijoux sont dépourvues d’originalité et ne bénéficient d’aucune antériorité. La comparaison des boucles d’oreilles et du collier, commercialisés courant 2007 par la société AKWABA dans sa boutique située à proximité de la boutique à l’enseigne « Carlita », diffusant les produits de la société GAS Bijoux, fait apparaître de nombreuses ressemblances entre les deux modèles de bijoux ; sur les boucles d’oreilles, le dessin des entrelacs est identique, comme la forme, la taille et la couleur argentée des boucles, également agrémentées de strass ; la médaille du collier de la société GAS Bijoux est légèrement plus petite, tandis que celui de la société ALLAN’S est agrémentée de strass ; en revanche, la forme, la couleur argentée de la médaille et le dessin des entrelacs, qui y est gravé, sont les mêmes et la chaîne du collier de la société ALLAN’S reproduit les caractéristiques de celui de son concurrent (trois séries de chaînes de différentes forme et taille, deux fermoirs bâton et mousqueton, un maillon en forme de coeur') ; l’impression visuelle d’ensemble, que produit la comparaison effectuée, amène ainsi à considérer que les modèles de la société GAS Bijoux, qui constituent des créations originales commercialisées respectivement en septembre et décembre 2004, ont été effectivement contrefaits.

3- les mesures réparatrices : Pour déterminer le préjudice subi par la société GAS Bijoux du fait de l’atteinte portée à ses droits d’auteur, il convient de rechercher, en premier lieu, son manque à gagner lié à la vente des bijoux contrefaisants ; à cet égard, il résulte des factures éditées les 10 août et 2 octobre 2007 par la société ALLAN’S à l’ordre de « Cimarosa », que la vente de bijoux contrefaits porte sur 13 articles (9 colliers et 4 paires de boucles d’oreilles) représentant un prix d’achat total de 508,00 euros HT ; par ailleurs, en commercialisant des bijoux, qui constituent la contrefaçon des modèles de boucles d’oreilles « Diva Strass » et de collier « Dalida », la société AKWABA a indûment tiré profit des frais de recherche, de création et de publicité exposés par la société GAS Bijoux pour donner aux modèles en cause leur notoriété, comme en témoignent les articles parus dans des magazines de mode à partir de l’été 2006, mettant en valeur les boucles d’oreilles et le collier, portés par certaines célébrités ou des mannequins ; enfin, les bijoux contrefaisants apparaissent d’une qualité inférieure à celle des modèles originaux, ce qui, dans une certaine mesure, a eu pour effet de dévaloriser ces modèles, comme la gamme elle-même des bijoux commercialisés par la société GAS Bijoux ; d’après les éléments fournis, les ventes de colliers « Dalida » réalisées par la boutique « Carlita » en 2008 ont diminuées de 68% par rapport à l’année précédente.

Le préjudice que subit la société GAS Bijoux doit dès lors être indemnisé par l’allocation, toutes causes confondues, de la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts. Il convient, selon des modalités qui seront précisées ci-après, de faire interdiction à la société AKWABA de fabriquer, de faire fabriquer, d’offrir à la vente et de vendre des bijoux reproduisant les modèles « Diva Strass » et « Dalida » de la société GAS Bijoux ; il y a lieu également, conformément aux articles L. 331-1-2 et L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, de lui ordonner, d’une part, de produire les informations en sa possession sur les quantités produites, commercialisées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les boucles d’oreilles et les colliers en cause et, d’autre part, de rappeler des circuits commerciaux, d’écarter définitivement de ces circuits ou de détruire les produits contrefaisants. Concernant la mesure de publication sollicitée, il convient d’autoriser la société GAS Bijoux, à l’exclusion de toute autre disposition, à faire publier un extrait du présent arrêt dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais de la société AKWABA, sans que le coût total des insertions n’excède la somme de 3 000,00 euros HT. La société AKWABA doit être relevée et garantie par la société ALLAN’S, fournisseur des bijoux contrefaisants, tenue à ce titre à la garantie d’éviction découlant de l’article 1626 du code civil, de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre. Il n’est pas, en revanche, justifié du préjudice d’image et commercial, que subirait nécessairement la société AKWABA du fait de la publication du présent arrêt ; la demande de celle-ci en paiement de dommages et intérêts compensatoires d’un préjudice seulement éventuel, ne peut dès lors qu’être rejetée.

4- les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile : Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société AKWABA doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à la société GAS Bijoux la somme de 2000,00 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau, Dit qu’en commercialisant, dans sa boutique à l’enseigne « Cimarosa » […], des boucles d’oreilles et des colliers reproduisant les modèles « Diva Strass » et « Dalida » de la société GAS Bijoux, qui lui avaient été fournis par la société ALLAN’S, la société AKWABA a commis des actes de contrefaçon,

Lui fait interdiction de fabriquer, de faire fabriquer, d’offrir à la vente et de vendre des bijoux reproduisant les modèles « Diva Strass » et « Dalida » sous peine d’une astreinte de 1 000,00 euros par infraction constatée, Ordonne à la société AKWABA, d’une part, de produire les informations en sa possession sur les quantités produites, commercialisées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les boucles d’oreilles et les colliers en cause et, d’autre part, de rappeler des circuits commerciaux, d’écarter définitivement de ces circuits ou de détruire les produits contrefaisants et ce, dans les quinze jours suivant la signification du présent arrêt, sous peine d’une astreinte de 500,00 euros par jour de retard pendant le délai de trois mois passé lequel il sera à nouveau statué, Condamne la société AKWABA à payer à la société GAS Bijoux la somme de 5 000,00 euros, toutes causes confondues, en réparation de son préjudice consécutif à l’atteinte portée à ses créations de modèles de bijoux et au manque à gagner lié à l’exploitation non autorisée de ses modèles,

Autorise la société GAS Bijoux à faire publier un extrait du présent arrêt dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais de la société AKWABA, sans que le coût total des insertions n’excède la somme de 3 000,00 euros HT, Condamne la société ALLAN’S à relever et garantir la société AKWABA de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société AKWABA aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à la société GAS Bijoux la somme de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, Condamne la société ALLAN’S à relever et garantir la société AKWABA de cette condamnation.

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Cour d'appel de Montpellier, 28 septembre 2010, n° 2009/05200