Cour d'appel de Montpellier, 17 décembre 2013, 13/03576

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Sauf stipulation expresse contraire énoncée dans le bail, les travaux prescrits par l’administration sont à la charge du bailleur.

Des travaux de transformation ou de réparation aux fins de mises aux normes rendues nécessaires par la réglementation en vigueur, doivent s’interpréter comme étant prescrits par l’administration.

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 1o ch. sect. d, 17 déc. 2013, n° 13/03576
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 13/03576
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Carcassonne, 27 mars 2013
Identifiant Légifrance : JURITEXT000029200300

Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie
délivrées le à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section D
ARRET DU 17 DECEMBRE 2013
Numéro d’inscription au répertoire général : 13/ 03576

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 MARS 2013 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE
No RG 11/ 00071

APPELANTE :
SARL CAMUS au capital de 7. 622, 00 euros, inscrite au RCS de CARCASSONNE sous le noB 329 380 786, représentée en la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis
RN 113 11400 SAINT MARTIN LALANDE

représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SCP PHILIPPE SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de la SCP AUSSILLOUX-SANCONIE, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur Daniel X… né le 22 Juin 1961 à CASTELNAUDARY

11000 CARCASSONNE

représenté par Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS-AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assisté de Me MEGNIN de la SELARL CIRERA, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat plaidant

Madame Maria Pasqualina X… née le 15 Septembre 1946 à REVELLO (ITALIE)

11400 ST MARTIN LALANDE

représentée par Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS-AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Me MEGNIN de la SELARL CIRERA, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 23 OCTOBRE 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques MALLET, Président, chargé du rapport et Madame Chantal RODIER Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jacques MALLET, Président
Madame Chantal RODIER, Conseiller
Madame Chantal PERRIEZ, Conseiller, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président du 30 août 2013

Greffier, lors des débats : Madame Myriam RUBINI

L’affaire mise en délibéré au 03 décembre 2013 a été prorogée au 17 décembre 2013.

ARRET :

— CONTRADICTOIRE.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ;
- signé par Monsieur Jacques MALLET, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte du 28 décembre 1989, la Sarl Camus faisait l’acquisition auprès de la Sarl Relais Saint Martin II dont le gérant était M. Daniel X…, d’un fonds de commerce de « station d’essence, bar, café, restaurant et vente d’accessoires auto », situé dans un ensemble immobilier comprenant en outre une maison d’habitation.

Par acte du même jour, M. Daniel X… et Mme Maria X…(consorts X…), propriétaires de cet ensemble, le donnaient à bail à loyer, à titre commercial, à la Sarl Camus pour une durée de neuf années à effet du 29 décembre 1989.
Le bail commercial était renouvelé pour une période de neuf ans à effet du 29 décembre 1998, puis du 29 décembre 2007.
Entre temps, deux avenants au bail intervenaient en la forme notariée les 5 septembre 1991 et 17 octobre 2005 concernant la restitution par la locataire d’une partie des terrains attenant à l’immeuble, puis d’une partie des locaux, avec une diminution du loyer à due proportion.

Parallèlement, la Sarl Camus signait, le 28 octobre 2005 avec effet au 1er novembre 2005, avec la société Total France un contrat d’approvisionnement exclusif en carburants, pour une durée de cinq ans.
Par courrier remis le 30 juillet 2008, la société Total invitait la Sarl Camus, en sa qualité de « propriétaire et d’exploitant ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement) », à mettre ses installations de distribution et de stockage en conformité avec l’arrêté du 7 janvier 2003 modifiant l’arrêté du 22 juin 1998 relatif aux réservoirs enterrés de liquides inflammables et aux aires de distribution et de dépotage, et ce avant le 31 décembre 2010, sous peine de se voir opposer la faculté de résiliation de plein droit stipulée au contrat.
Estimant que la charge de ces travaux incombait aux bailleurs, ce que ces derniers ont toujours contesté, la Sarl Camus mettait vainement en demeure, par courrier du 19 juillet 2010, les consorts X… d’avoir à s’exécuter.
La société Total interrompait tout approvisionnement de carburants à effet du 30 octobre 2010 et la Sarl Camus cessait son activité de station-service le 2 novembre 2010, tout en informant les bailleurs qu’elle consignait les loyers sur le compte Carpa de son conseil.
Par acte du 9 décembre 2010, les consorts X… lui signifiaient un commandement de payer les loyers de novembre et décembre 2010, visant la clause résolutoire.
Suivant exploit du 7 janvier 2011, la Sarl Camus assignait les consorts X… aux fins, notamment, de faire juger que les travaux de mise en conformité imposés par l’autorité administrative incombent aux bailleurs, de les entendre condamner à réaliser lesdits travaux, de voir ordonner une expertise afin de déterminer son préjudice, de voir écarter les effets de la clause résolutoire à raison du paiement des loyers dans le délai d’un mois du commandement et d’être autorisée à consigner les loyers postérieurs sur un compte séquestre.
Par jugement contradictoire du 28 mars 2013, le tribunal de grande instance de Carcassonne a :
¿ dit que la charge des travaux de mises aux normes résultant des dispositions de l’arrêté du 7 juin 2003 incombait à la Sarl Camus ; ¿ débouté la Sarl Camus de ses demandes tendant à voir retenir la responsabilité des consorts X… et ordonner une expertise ; ¿ condamné la Sarl Camus à payer aux consorts X… la somme de 30 693, 65 € TTC au titre des loyers arrêtés au 31 mars 2012 ; ¿ prononcé la résolution du contrat de bail liant les parties ;
¿ ordonné l’expulsion de la Sarl Camus et de tous occupants de son chef des locaux litigieux, au besoin avec le concours de la force publique ;
¿ condamné la Sarl Camus à payer aux consorts X… la somme mensuelle de 2 000 € TTC au titre des loyers du 1er avril 2012 jusqu’au jugement et à titre d’indemnité d’occupation à compter du jugement ; ¿ condamné la Sarl Camus à payer aux consorts X… la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens avec application de l’article 699 du même code ; ¿ ordonné l’exécution provisoire.

Le 7 mai 2013, la Sarl Camus a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 22 juillet 2013, en réponse à leur requête déposée à cette fin, le 8 de ce mois, les consorts X… ont été autorisés à assigner à jour fixe la Sarl Camus pour l’audience du 25 septembre 2013, reportée à la demande des parties à celle du 23 octobre 2013.
Ce jour advenu, les parties s’accordent sur la remise de leurs dernières conclusions :
* le 23 octobre 2013 par la Sarl Camus ; * le 21 octobre 2013 par les consorts X….

******
La Sarl Camus conclut, au visa des pièces versées aux débats, des articles 1719 2o et 1382 du code civil, des arrêts de la 3e chambre de la Cour de cassation des 17 avril 1996, 7 janvier 1998, 15 juin 2002, 19 mars 2003, 27 mai 2003, 19 novembre 2003 et 9 novembre 2004, à la réformation du jugement déféré en toutes ses dispositions, demandant en conséquence à la cour de dire et juger :
Que, nonobstant les dispositions contenues dans le bail, les travaux de mise en conformité imposés par les autorités administratives et l’arrêté du 18 avril 2008 tels que définis par l’étude réalisée par le bureau d’étude Gecos, devaient être, pour la partie qui n’incombait pas à la société Total, pris en charge par les consorts X…, ès qualités de bailleurs, en application de l’article 1719-2 du code civil, Que les consorts X…, ès qualités de bailleurs, ont donc commis une faute en refusant de prendre en charge des travaux leur incombant, Que cette faute est la cause du non-renouvellement du contrat d’approvisionnement exclusif de carburant par la société Total France,
Qu’elle a entraîné un préjudice important pour la Sarl Camus tant sur le plan de l’exploitation que sur le plan économique, notamment par une dévalorisation du fonds liée à la disparition de l’activité principale qui était la distribution de carburant,
Qu’il est demandé à la cour de les condamner à réparer le préjudice subi par elle dont le montant peut être évalué à la somme total de 114 000 €, à parfaire après expertise, Que les loyers des mois de novembre et décembre 2010 visés par le commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 9 décembre 2010, ont été réglés selon paiement libératoire avant l’expiration du délai d’un mois, que la clause résolutoire n’a donc pas joué et qu’elle se trouve tout du moins suspendue,
Que la Sarl Camus, qui a payé le solde des loyers des années 2011 et 2012, en application du jugement dont appel revêtu de l’exécution provisoire, sera autorisée à verser le loyer sur un compte séquestre jusqu’à ce que les consorts X…, ès qualités de bailleurs, l’aient indemnisée du préjudice qu’ils lui ont fait subir, Que le défaut de paiement des loyers depuis le mois de janvier 2013 ne saurait justifier la résiliation du bail aux torts du preneur, compte tenu de l’exception d’inexécution qu’il est fondé à invoquer et de la répétition d’une partie des loyers dus depuis la fermeture de la station-service qu’il est recevable à solliciter ;
Que les consorts X…, ès qualités de bailleurs, seront condamner d’une part, à lui payer une somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et d’autre part, aux entiers dépens.
Les consorts X… demandent à la cour, au visa des articles 1719, 1134, 1728 et 1729 et 1184 du code civil, des pièces produites aux débats et de la jurisprudence citée, de : Rejetant toutes fins et moyens contraires de la Sarl Camus comme y étant non fondés,
I-Sur la confirmation du rejet du moyen de la Sarl Camus alléguant que les travaux de mise en conformité des installations de distribution du carburant incomberaient aux bailleurs :
Vu le bail commercial, et spécialement la convention passée entre Total et la Sarl Camus, Dire et juger que le bail commercial prévoit que la Sarl Camus a à sa charge toutes les réparations et transformations nécessitées par son activité de station-service,

Confirmer la décision du 28 mars 2013 qui a justement jugé que les travaux de mise aux normes des matériels de distribution de carburant entrent dans les transformations nécessitées par l’exercice de l’activité dont le respect incombe à l’exploitant,
Dire et juger qu’en outre, les installations de distribution de carburant ne sont pas la propriété des bailleurs, ni compris dans la chose louée, mais sont, suivant convention entre Total et la Sarl Camus (cf. art. l0. l) propriété ou en tous cas, sous la responsabilité du distributeur, qui en assume l’obligation d’entretien et de mise en conformité,
Dire et juger qu’en application de la convention Total-Camus, les bailleurs ne sont tenus d’aucune obligation d’entretien ou mise en conformité des installations pétrolières, non comprises dans la chose louée, et qu’ils ne peuvent être recherchés sur le fondement des obligations de délivrance ou d’entretien de l’article 1719 du code civil, Dire et juger que l’appelante a été directement informée de son obligation de mettre en conformité ses installations, à peine de résiliation du contrat avec Total,
Rejeter en conséquence toutes demandes de la Sarl Camus tendant à voir mettre les travaux de mise en conformité des installations de distribution du carburant à leur charge,
Dire et juger que la Sarl Camus est la cause de la perte du contrat de distribution avec Total et des pertes d’exploitation et de dévalorisation du fonds qu’elle allègue, Par suite, confirmer la décision du 28 mars 2013 en ce qu’elle a justement rejeté l’ensemble des demandes infondées de la Sarl Camus,
II-Sur la confirmation de la résiliation du bail commercial :
Vu les articles 1134, 1184 et 1728 et 1729 du code civil et le commandement de payer du 9 décembre 2010, Dire et juger que la Sarl Camus a manqué gravement à ses obligations de paiement du loyer en ne réglant pas les loyers échus et impayés pendant 2, 5 ans,
Dire et juger la Sarl Camus infondée à invoquer une exception d’inexécution, alors au surplus qu’elle a continué à exploiter 1'activité de bar-restaurant,
Dire et juger que la consignation des loyers par la Sarl Camus en Carpa, sans acquiescement du bailleur ni autorisation judiciaire, n’est nullement opposable au bailleur et encore moins libératoire, et n’a pu suspendre la clause résolutoire, Confirmer la résiliation judiciaire du bail liant les parties au jour du jugement,
Rejeter la demande de la Sarl Camus de se voir autoriser à verser quelque somme que ce soit en compte séquestre,
Confirmer l’expulsion de la Sarl Camus, au besoin avec la force publique, Confirmer la condamnation de la Sarl Camus à payer les loyers dus du 1er janvier 2011 au 28 mars 2013, date du jugement,

Le réformant en ce qu’il a retenu que la Sarl Camus est débitrice, pour les loyers impayés depuis le 1er janvier 2011, de 30 693, 65 € TTC arrêtés au 31 mars 2012, et l’a condamnée à payer une indemnité d’occupation mensuelle de 2 000 € TTC,
Et statuant à nouveau, dire et juger que le montant mensuel des loyers pour l’année 2011 est de 2 000, 51 € TTC, pour l’année 2012 de 2 090, 50 € TTC et pour l’année 2013 de 2 121, 70 € TTC,
Condamner la Sarl Camus à leur payer la somme de 56 829, 12 € TTC représentant les loyers et taxes échus et impayés du 1er janvier 2011 au 31 mars 2013, en ce compris la TEOM due pour 2011 et 2012 de 686 € pour chaque année, Dire et juger que la Sarl Camus sera tenue, à compter du 1er avril 2012, de payer une indemnité d’occupation mensuelle de 2 100 € jusqu’à ce qu’elle ait vidé les lieux,
Condamner la Sarl Camus à leur payer d’ores et déjà la somme de 14 700 € TTC pour les mois d’occupation sans droit ni titre d’avril 2013 à octobre 2013 (7 x 2. 100),
Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Sarl Camus à leur payer la somme de 3 000 € en contrepartie de leurs frais irrépétibles exposés par ces derniers en première instance, Y ajoutant, condamner la Sarl Camus à leur payer sur le même fondement en cause d’appel, la somme de 4 000 €,
Confirmer également le jugement sur les dépens de première instance et condamner la Sarl Camus aux dépens d’appel dont distraction au profit de la SCP Argellies-Apollis avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
SUR CE :

Sur les travaux de mise en conformité et leur prise en charge :
Il s’évince des dispositions de l’article 1719 2o du code civil que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir pour l’usage pour lequel elle a été louée.
Une telle obligation de délivrance implique de délivrer la chose louée dans des conditions permettant l’exploitation prévue au bail.

En l’espèce, le bail commercial en date du 28 décembre 1989 liant les consorts X… et la Sarl Camus mentionne, au titre de la destination des lieux, que les locaux doivent servir au preneur exclusivement à l’exploitation du « commerce de station essence et de dépannage, bar, café, restaurant, garage et vente d’accessoires autos ».
Il y est également stipulé au titre des « Charges et conditions » les clauses suivantes :
* 1o Etat des lieux : Il Le preneur prendra les lieux dans leur état actuel, sans pouvoir exiger aucune réparation. (…).
* 2o Entretien. Réparations :
Il entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives ou de menu entretien, pendant toute la durée du bail, (…), étant précisé que toutes les réparations, grosses et menues, et même les réfections et remplacements qui deviendraient nécessaires au cours du bail (…) seront à sa charge exclusive.

* 4o Transformation :
Il aura à sa charge exclusive toutes les transformations et réparations nécessités par l’exercice de son activité.

Forts de ces clauses, et plus particulièrement de celle relative aux transformations et réparations nécessitées par l’exercice de l’activité, en ce qu’elles dérogent au principe de la charge des travaux incombant au bailleur, les consorts X… ont refusé de prendre en charge les travaux de mise en conformité de l’installation de la station-service (en tant que ICPE) au regard des dispositions de l’arrêté du 7 juin 2003 modifiant l’arrêté du 22 juin 1998 relatif aux réservoirs enterrés de liquides inflammables et de leurs équipements annexes.
En réalité, nonobstant le courrier de la société Total évoquant l’arrêté du 7 juin 2003, il apparaît que l’arrêté du 22 juin 1998 a complété l’arrêté du 18 avril 2008 qui notamment par son article 16, fixe au 31 décembre 2010 la date butoir pour le remplacement des réservoirs selon les normes définies à l’article 10.
Suivant en cela la thèse des bailleurs, le premier juge a dit que lesdits travaux de mise aux normes incombaient à la Sarl Camus, retenant en substance que ces mises aux normes sont à l’évidence nécessitées par l’exercice de l’activité de cette société, que les travaux en cause n’ont pas été requis sur injonction de l’administration mais constituaient l’application des normes réglementaires, qu’ils entrent dans les transformations et réparations nécessitées par l’activité, laquelle s’inscrit dans un cadre légal et réglementaire dont le respect incombe à l’exploitant.

Certes, le premier juge a pertinemment relevé que les bailleurs ne sont pas propriétaires des installations de distribution et de stockage du carburant. À ce titre, ces derniers demeurent étrangers au contrat d’approvisionnement conclu entre la Sarl Camus et la société Total, suivant acte à effet du 1er novembre 2005.
Toutefois, sauf stipulation expresse contraire stipulée au bail, les travaux prescrits par l’administration sont à la charge du bailleur.
Or, des travaux de transformation ou de réparation aux fins de mises aux normes rendues nécessaires par la réglementation en vigueur, doivent s’interpréter comme étant prescrits par l’administration.

Aussi, faute de contenir une stipulation expresse en ce sens, la clause litigieuse dont se prévalent les consorts X… n’est-elle pas de nature à les exonérer de la charge de travaux qui se trouveraient imposés par de nouvelles normes administratives.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a jugé, sur le principe, que lesdits travaux de mise aux normes incombaient à la locataire.
Au cas d’espèce, il est constant, ainsi qu’en convient la Sarl Camus, que seule la société Total ayant passé un contrat d’approvisionnement de carburants avec la société locataire, est propriétaire des réservoirs, des canalisations et évents, des installations de dépotage et des pompes de distribution comme des installations accessoires.

Il s’en évince que seules les transformations ou les réparations nécessitées par l’exercice de l’activité de station-service qui demeurent la propriété des bailleurs et à la condition de devoir faire l’objet d’une mise aux normes en application d’une réglementation administrative, conformément à la clause intitulée « transformation » du bail commercial (page 4 § 4o).
Se prévalant de deux rapports établis en octobre 2009 par le bureau d’études Gecos, suite à sa visite des lieux en date du 29 septembre 2009, concernant le diagnostic sécurité environnement de la station-service et un état du coût des travaux de modernisation, la Sarl Camus soutient que les travaux de mise aux normes relatifs au génie civil, à la piste étanche, au séparateur d’hydrocarbures et à l’auvent, tels que préconisés par le bureau d’études, sont à la charge des bailleurs.
Contrairement à ce que font valoir les bailleurs, indépendamment de l’entretien de la piste incombant à la locataire, il n’est pas sérieusement contestable que les travaux liés à une aire de distribution étanche, impliquant des travaux de génie civil, ou à l’équipement d’un séparateur d’hydrocarbures avec un regard de contrôle et de prélèvement (RCP) en aval du séparateur, permettant de séparer les eaux hydrocarburées (EH) et les eaux pluviales (EP), sont des travaux d’une part, imposés par les annexes 1 des arrêtés du 19 et du 22 décembre 2008, comme précisé par le bureau Gecos dans son diagnostic et d’autre part, nécessités par l’exercice de l’activité dont s’agit.

À ce seul titre, les bailleurs ont manqué à leur obligation de délivrance.
Il n’est en revanche pas démontré que les travaux concernant l’auvent trouvent leur origine dans une telle nécessité, la Sarl Camus ne contestant pas l’affirmation des bailleurs selon laquelle celui-ci avait fait l’objet d’une détérioration par un véhicule d’un client.
Sur la résiliation du bail :

La Sarl Camus soutient que le tribunal ne pouvait prononcer la résolution du bail mais seulement sa résiliation en raison des manquements constatés du preneur et conservait, de ce fait, une liberté d’appréciation de ces manquements.
En l’occurrence, la Sarl Camus fait valoir qu’elle n’a pas cessé de payer les loyers, les ayant consignés de sa propre initiative, et qu’elle est également en droit d’invoquer l’exception d’inexécution en l’état du non-respect par les bailleurs de leurs obligations.
Le preneur est tenu à une obligation de paiement des loyers aux termes fixés par le contrat de bail.

Si les causes du commandement de payer en date du 9 décembre 2000 ont bien été payées dans le mois de sa délivrance, de sorte que la clause résolutoire insérée au bail ne pouvait produire ses effets, il est constant qu’à compter du mois de janvier 2011, la Sarl Camus, s’affranchissant de toute autorisation judiciaire à ce titre, a d’elle-même retenu ou consigné les loyers tandis qu’elle continuait de jouir de la chose louée, notamment du bar-restaurant.
La Sarl Camus ne peut donc sérieusement se prévaloir d’une quelconque exception d’inexécution de nature à l’avoir empêchée de jouir de la chose louée.
Dès lors, le non-respect par la locataire de son obligation de paiement des loyers justifie, non pas la résolution comme retenue par le premier juge, mais la résiliation du bail avec effet à la date du jugement, la mesure d’expulsion étant alors confirmée.

Sur les préjudices invoqués par les parties :
Celui de la Sarl Camus.
La Sarl Camus invoque une perte d’environ 2 600 € par mois de commissions sur les carburants, de la perte des ventes de produits annexes (produits d’entretien, accessoires, huiles…) outre la diminution du nombre des repas servis au restaurant du fait de la fermeture de la station-service et de son état d’abandon, soit jusqu’au mois de mai 2013, une somme globale d’environ 114 400 € à parfaire.

Toutefois, la cour observe que les manquements à leurs obligations imputables aux bailleurs ne sauraient être la seule cause de la cessation de toute activité de station-service à compter du 2 novembre 2010 dès lors que parmi les non-conformités relevées par le bureau d’études Gecos figuraient également l’absence d’arrêtés préfectoraux, l’absence de déclaration ICPE, la dernière remontant au 6 octobre 1993, et l’absence de diverses autres déclarations ou de registres spécifiques à l’activité, lesquelles relevaient de la responsabilité de la Sarl Camus en sa qualité d’exploitante de la station-service.
De fait, la locataire ne démontre pas en quoi le non-respect, pour partie, par les bailleurs de leurs obligations, l’a empêchée de satisfaire aux obligations de la société Total afin d’éviter la résiliation du contrat d’approvisionnement.
Dans ces conditions, le préjudice directement lié aux manquements des bailleurs ne peut correspondre qu’à la perte de chance pour la Sarl Camus de réaliser une partie du chiffre d’affaires depuis la cessation d’activité de la station-service, le 2 novembre 2010, jusqu’à la résiliation du bail à effet au 28 mars 2013.

En l’état des circonstances de l’espèce et des éléments de la cause, la cour est en mesure de fixer définitivement le préjudice subi à ce titre par la Sarl Camus à la somme de 20 000 €, sans qu’il y ait d’ordonner une expertise comme sollicitée par la Sarl Camus.

Celui des consorts X…:
La cour reprendra à son compte les calculs pertinents et détaillés par les consorts X… dans leurs conclusions d’appel incident et arrêtant à la date du 31 mai 2013, le montant des loyers dus depuis le mois de janvier 2011, avec application de la clause de révision, outre les taxes d’enlèvement des ordures ménagères, soit la somme globale de 56 829, 12 €, au demeurant non querellée par la Sarl Camus.
Il y a lieu de faire droit également à la fixation d’une indemnité d’occupation à hauteur de 2 100 € par mois (le dernier loyer révisé étant de 2 121, 70 €) à compter du 1er avril 2013 et de prononcer d’ores et déjà condamnation de la Sarl Camus au paiement, à ce titre, de la somme de 14 700 € pour la période du 1er avril au 31 octobre 2013, soit 7 mois.
La compensation entre les deux créances sera ordonnée selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt.

Sur les autres demandes :
La Sarl Camus qui succombe au principal, sera tenue au paiement des dépens d’appel.
Compte tenu de la somme allouée en première instance, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes des consorts X… sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel. Il en sera de même de la demande sur le même fondement formée par la Sarl Camus.

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions, sauf en celles relatives au rejet de la demande d’expertise par la Sarl Camus, au principe de la dette de loyers et de la fixation d’une indemnité d’occupation, à la mesure d’expulsion de la locataire, aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance,

Statuant à nouveau sur le surplus des demandes,
Dit qu’en l’absence de stipulation expresse contraire stipulée au bail, les travaux de transformations et de réparations liées à l’exercice de l’activité de la Sarl Camus mais prescrits par l’administration ou rendus nécessaires par la réglementation en vigueur, sont à la charge des bailleurs,
Constate que les consorts X… ont manqué à leur obligation de délivrance concernant les travaux de terrassement et d’étanchéité de l’aire de distribution et ceux relatif au séparateur des hydrocarbures,
Condamne les consorts X…, pris ensemble, à payer à la Sarl Camus la somme de 20 000 € en réparation du préjudice subi à raison de ces manquements,
Constate que la Sarl Camus n’a pas satisfait à son obligation de payer le loyer depuis le mois de janvier 2011,
Prononce la résiliation du bail liant les parties à effet du jugement déféré en date du 28 mars 2013,

Condamne la Sarl Camus à payer aux consorts X…, pris ensemble, la somme de 56 829, 12 € TTC au titre des loyers et taxes échus, dus pour la période du 1er janvier 2011 au 31 mars 2013, en ce compris les taxes d’enlèvement des ordures ménagères pour 2011 et 2012,
Fixe l’indemnité d’occupation mensuelle due à compter du 1er avril 2013 jusqu’à la libération effective des lieux à la somme de 2 100 €,
Condamne d’ores et déjà la Sarl Camus à payer aux consorts X…, pris ensemble, la somme de 14 700 € TTC au titre de l’indemnité d’occupation due pour la période d’avril 2013 à octobre 2013 inclus,

Ordonne la compensation entre les créances de la Sarl Camus et des consorts X…, conformément aux dispositions des articles 1219 et suivants du code civil,
Déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en ca cause d’appel,
Condamne la Sarl Camus aux dépens d’appel, avec recouvrement direct au profit de la SCP Argellies-Watremet, avocat, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT.

JM/ MR

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Montpellier, 17 décembre 2013, 13/03576