Cour d'appel de Montpellier, 10 janvier 2016, 14/03355

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 554 et 555 du code de procédure civile que peuvent être appelées devant la cour les personnes qui n’ont pas été parties en première instance, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause. L’évolution doit être caractérisée par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure, modifiant les données juridiques du litige.

Est irrecevable l’assignation en intervention forcée en cause d’appel par l’appelant du premier acquéreur de parcelles et du notaire rédacteur de la deuxième vente de celles-ci, dès lors que ces ventes successives sont antérieures aux débats engagés devant le premier juge, que le jugement déféré mentionne que l’assignation a été délivrée au visa des deux actes de vente et que l’appelant ne démontre donc pas une révélation postérieure au jugement impliquant la mise en cause seulement en appel des personnes concernées.

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 1o ch. sect. d, 10 janv. 2016, n° 14/03355
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 14/03355
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Montpellier, 13 avril 2014, N° 14/01318
Identifiant Légifrance : JURITEXT000033265998

Texte intégral

Grosse + copie
délivrées le
à


COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section D

ARRET DU 10 MAI 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/ 03355


Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 AVRIL 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
No RG 14/ 01318


APPELANTE :

SARL ROSEMATEL immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le no 523 674 273 prise en la personne de son représentant légal
Chemin de Soriech-Mas de Couran
34970 LATTES
représentée et assistée de Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMES :

Société civile DU DOMAINE DE COURAN immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le no 776 004 616 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social
Domaine de Couran-Place Chaptal
34970 LATTES
représentée par Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Lola JULIE, avocat au barreau de MONTPELLIER et assistée de Me Eric PERRET DU CRAY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

SAS V ESTATES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège
1025 avenue Henri Becquerel
34000 MONTPELLIER
représentée et assistée de Me Christophe DE ARANJO, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant


INTERVENANTS :

Maître Luc Y…

Notaire associé dans la SCP Y…
C…
D…, titulaire d’un office notarial à la Résidence de SAINT RAPHAEL (VAR) domicilié en cette qualité audit siège

83700 SAINT RAPHAEL
représenté par Me Gilles LASRY de la SCP D’AVOCATS BRUGUES-LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assisté de Me Gilles LASRY substituant la SCP LOUSTAUNAU-FORNO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN avocat plaidant


Monsieur Ahmed Z… dit E…

né le 16 Juin 1966 à SAINT MARTIN DE VALGALGUES
de nationalité Française

1150 BRUXELLES
représenté par Me 
Madeleine ARCHIMBAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée par Me Jean Gabriel TISSOT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assisté de Me Saphia FOUGHAR, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant


ORDONNANCE DE CLOTURE DU 02 Mars 2016


COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 MARS 2016, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, chargé du rapport et de Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller
Madame Chantal RODIER, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER


ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ;

— signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


*
* *


La société Rosematel est locataire de la SCI du Domaine de Couran au titre d’un bail commercial consenti le 26 février 1976 pour exercer une activité d’hôtel et restaurant.
La SCI du Domaine de Couran a vendu par acte du 30 décembre 2003 à Ahmed Z… dit E… les parcelles cadastrées CM 53, 52 et 54, lequel a revendu ses parcelles par acte du 16 août 2011 à la société V Estates.

En janvier 2014, la société Rosematel a fait assigner la SCI du Domaine de Couran et la société V Estates pour obtenir le rétablissement d’un parking derrière les bâtiments agricoles, et la remise en état d’une allée donnant accès à la voie publique.


Le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Montpellier le 14 avril 2014 énonce dans son dispositif :

• Dit que le bail commercial du 26 février 1976 donne au bénéfice du preneur :
- la faculté d’utiliser un passage le long du mur du parc et des bâtiments agricoles donnant accès au chemin du Mas Rouge à l’Estell ;
- la possibilité de garer les véhicules derrière les bâtiments agricoles.

• Dit que le titre de propriété de la société V Estates ne lui impose pas d’autoriser la société Rosematel à garer des véhicules sur un terrain lui appartenant situé derrière les bâtiments agricoles.

• Dit qu’à la suite de la vente à Ahmed Z… dit E… le 30 décembre 2003, la SCI du Domaine de Couran n’est plus propriétaire de la parcelle derrière les bâtiments agricoles, sur laquelle la société Rosematel était autorisée à garer des véhicules et n’a, par conséquent plus, le droit d’en disposer.

En conséquence :

• Déboute la société Rosematel de sa demande d’obtenir la possibilité de garer des véhicules derrière les bâtiments agricoles.

• Dit que la société V Estates et la SCI du Domaine de Couran ont l’une et l’autre l’obligation de maintenir en bon état d’entretien la servitude de passage grevant son fonds au profit de celui appartenant à la SCI du Domaine de Couran, afin de préserver la faculté conférée à la société Rosematel d’utiliser un passage le long du mur du parc et des bâtiments donnant accès au chemin du Mas Rouge à l’Estell prévu par le bail commercial.

• Condamne in solidum la société V Estates et la SCI du Domaine de Couran à réaliser les travaux nécessaires, afin de permettre sans difficulté le passage des véhicules ou des clients de la société Rosematel.

• Condamne notamment in solidum la société V Estates et la SCI du Domaine de Couran à reboucher la tranchée réalisée par ERDF dans l’intérêt de Madame Aude A…, dans un délai de deux mois suivants la fin des travaux d’ERDF dont la date sera établie par tout moyen.

• Condamne in solidum la société V Estates et la SCI du Domaine de Couran à payer à la société Rosematel une astreinte de 100 € par constat d’infraction journalière en cas d’entrave à l’exercice de la servitude de passage et à défaut de reboucher dans le délai imparti la tranchée réalisée par ERDF, et dit n’y avoir lieu à se réserver la liquidation de l’astreinte.

• Condamne in solidum la société V Estates et la SCI du Domaine de Couran à payer à la société Rosematel la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

• Condamne in solidum la société V Estates et la SCI du Domaine de Couran aux entiers dépens de l’instance, y compris le coût du procès-verbal de constat de Maître B… du 5 mars 2014.

Le jugement constate que la vente à Ahmed Z… dit E… concernait notamment la parcelle sur laquelle la société Rosematel avait « la possibilité de garer les véhicules derrière les bâtiments agricoles », que l’acte de vente mentionnait l’autorisation du preneur du bail du 26 février 1976 d’utiliser le passage donnant accès au chemin du Mas Rouge à l’Estell et la possibilité de parking des véhicules, mais qu’Ahmed Z… dit E… a omis de reproduire cette clause en vendant le bien à la société V Estates, de sorte que l’engagement envers le locataire dans le bail du 26 février 1976 est inopposable à cette société.
Il déboute en conséquence la société Rosematel de sa demande d’obtenir le rétablissement de son droit de garer les véhicules sur la parcelle appartenant aujourd’hui à la société V Estates.

Le jugement constate par ailleurs que le bail de 1976 et l’acte de vente du 30 décembre 2003, laissent au bénéfice de la société Rosematel une servitude de passage à pied et avec tous véhicules le long du mur du parc et des bâtiments agricoles donnant accès au chemin du Mas Rouge à l’Estell, reproduite dans la vente du 16 août 2011 à la société V Estates.
La société Rosematel est en conséquence fondée à obtenir la condamnation conjointe de son bailleur, la SCI du Domaine de Couran et de la société V Estates à maintenir le passage en bon état d’entretien, et pour cela réparer les désordres constatés par huissier le 5 mars 2014, imputables aux tracteurs et véhicules circulant sur la propriété de la société V Estates.


La société Rosematel a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 2 mai 2014, cantonné à la partie du jugement concernant le stationnement des véhicules et l’usage de la partie arrière du bâtiment agricole, clauses particulières.


Par acte du 25 juin 2014, la société Rosematel a fait assigner en intervention forcée Ahmed Z… dit E…, et le notaire rédacteur de l’acte de vente du 16 août 2011 à la société V Estates, Maître Luc Y….

La clôture de la procédure a été prononcée le 2 mars 2016.

Les dernières écritures pour la société Rosematel ont été déposées le 17 février 2016.

Les dernières écritures pour la SCI du Domaine de Couran ont été déposées le 3 septembre 2015.

Les dernières écritures pour la société V Estates ont été déposées le 12 décembre 2014.

Les dernières écritures pour Ahmed Z… dit E… ont été déposées le 26 février 2016.

Les dernières écritures pour Maître Luc Y… ont été déposées le 8 septembre 2015.


Le dispositif des écritures de la société Rosematel énonce :

• Donner acte que l’appel est cantonné à l’encontre de la partie de la décision concernant la possibilité de stationner sur la parcelle de la société V Estates, et qu’elle acquiesce au surplus de la décision concernant la servitude de passage.

• Dire recevable l’action en intervention forcée à l’encontre du notaire rédacteur de l’acte et de Monsieur Z… vendeur de la parcelle.

• Infirmer la décision et dire acquis après 30 ans écoulés entre la signature du bail et l’acte du notaire les droits d’usage de la partie arrière de la propriété vendue à V Estates.

• Tenant l’erreur commise, ordonner aux frais du notaire Boidart la rectification de l’acte de vente entre Z… et V Estates.

• A défaut, constater que l’usage de la partie arrière du bâtiment agricole était visible à la date à laquelle V Estates a acquis en parfaite connaissance de la situation, ayant visité les lieux.

• Ordonner le rétablissement des lieux, au besoin sous astreinte de 150 € par jour à compter du 15e jour suivant la signification de la décision, par la suppression de la clôture et le comblement de la partie arrière des bâtiments permettant de retrouver l’état ancien de la parcelle et les possibilités de stationner pour les véhicules légers et lourds.

• À titre subsidiaire, désigner un expert, pour évaluer le préjudice consécutif à l’impossibilité d’utiliser la partie arrière du bâtiment agricole.

• Dire la décision opposable à la SCI du Domaine de Couran en application des articles 1719 et 1720 du Code civil.

• Condamner V Estates, Z…, la SCI du Domaine de Couran, in solidum à payer la somme de 100 000 € de dommages-intérêts, avec la capitalisation des intérêts échus sur une année.

• Condamner la partie qui succombera à payer 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.


La société Rosematel expose que l’usage de parking de véhicules de la parcelle à l’arrière du bâtiment agricole est continu et apparent depuis l’origine du bail en 1976, de sorte qu’au-delà de la clause non reproduite dans le dernier acte de vente en 2011, elle bénéficie d’une possession trentenaire acquisitive de la servitude.
Elle soutient que l’intervention forcée du notaire rédacteur, responsable de l’omission dans l’acte de 2011, était nécessaire pour obtenir une rectification par acte authentique de l’acte de vente à la société V Estates, ainsi par conséquent que celle du vendeur Ahmed Z… dit E….
Elle expose que le notaire ne peut pas sérieusement prétendre ne pas avoir eu connaissance du précédent acte de vente de 2003, reproduisant les servitudes résultant du bail de 1976.
Si son droit d’usage de la servitude parking n’était pas établi, il faudrait ordonner une expertise judiciaire pour établir le préjudice de perte d’exploitation résultant de l’omission de ses droits dans l’acte de vente de 2011.


Le dispositif des écritures de la SCI du Domaine de Couran énonce :


• Infirmer la décision entreprise, en ce qu’elle condamne la SCI du Domaine de Couran.

• À titre subsidiaire, condamner solidairement Monsieur Z… et Maître Y… à la garantir de toute condamnation.

• Dans tous les cas, mettre la SCI du Domaine de Couran hors de cause.

• Condamner la société Rosematel à verser à la SCI du Domaine de Couran la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

• La condamner aux dépens.

Elle soutient qu’elle a parfaitement rempli ses obligations de bailleur dans la vente consentie en 2003, et ne peut être tenue responsable en application des dispositions de l’article 1165 du Code civil d’un préjudice du preneur résultant de la vente en 2011 à un tiers.


Le dispositif des écritures d’Ahmed Z… dit E… énonce :


• Constater que la société Rosematel qui avait connaissance de l’acte de vente passé entre lui-même et la société V Estates ne l’avait pas appelé en première instance, et qu’en l’absence d’élément nouveau sa mise en cause en appel est irrecevable.

• Condamner par conséquent la société Rosematel au paiement de la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

• À titre subsidiaire, confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions.

• Dire que Maître Y… le garantira de toute condamnation prononcée au profit de toute partie de la procédure.

• Condamner Maître Y… et la société Rosematel au paiement de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.


Il rappelle qu’aux termes des dispositions de l’article 555 du code de procédure civile, des parties nouvelles ne peuvent être appelées devant la cour qu’à la condition que l’évolution du litige implique leur mise en cause, c’est-à-dire par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci, et donc nécessairement qui n’était pas connue en première instance.
Il soutient par ailleurs l’incontestable responsabilité professionnelle du notaire qui devait vérifier pour l’efficacité de son acte de vente l’existence de servitudes pouvant grever le bien, et qu’il est tenu d’une obligation de conseil des parties à l’acte, alors qu’il avait bien transmis à l’étude l’intégralité des documents justifiant sa propriété.
Dans ces conditions, aucune faute ne peut lui être reprochée.

Il expose par ailleurs qu’il s’agit d’un droit d’usage pour la société Rosematel qui n’apparaît pas utile en l’espèce, dans la mesure où l’espace ne permettrait pas à un bus ou un gros véhicule de faire demi-tour et à l’époque où il était propriétaire, il n’a jamais constaté la présence de véhicules stationnés à cet endroit-là, de sorte que la société Rosematel ne démontre aucun préjudice ni perte d’exploitation.


Le dispositif des écritures de la société V Estates énonce :

• Confirmer le jugement en ce qu’il rejette les demandes formulées par Rosematel concernant l’accès à un soi-disant parking présent sur sa propriété.

• Condamner la société Rosematel à lui verser la somme de 3000 € au titre de la procédure abusive.

• Condamner la société Rosematel à lui verser la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

• Condamner la société Rosematel aux entiers dépens.


Elle soutient qu’elle n’était pas au courant de l’existence du bail de 1976, que par ailleurs son contenu est imprécis concernant la possibilité de garer des véhicules derrière les bâtiments agricoles, et ne permet pas de localiser sur sa propriété le terrain concerné, que la parcelle objet du bail dispose de plusieurs parkings permettant de garer de nombreux véhicules, de sorte qu’aucun préjudice ne peut être invoqué.


Le dispositif des écritures de Maître Luc Y… énonce :

• Dire irrecevable par application de l’article 555 du code de procédure civile l’appel en intervention forcée formée par la société Rosematel.

• Déclarer irrecevable à cet égard Monsieur Z….

• Subsidiairement, rejeter toute demande à son encontre.

• Condamner la société Rosematel ou tout contestant au paiement de la somme de 3000 € en application de l’article
700 du code de procédure civile.

• La condamner aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP Brugues Lasry.

Il soutient l’absence d’évolution du litige pour fonder l’intervention forcée.
Il soutient que l’obligation pour Monsieur Z… de préserver un usage de parking en arrière des bâtiments agricoles lui est personnelle et ne constitue pas une servitude réelle que, par ailleurs, elle ne comporte aucune précision quant à la délimitation de son assiette foncière, qu’elle ne porte aucune obligation de transmettre et ne peut s’imposer au nouvel acquéreur, la société V Estates.

MOTIFS

Sur les interventions forcées en appel


Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 554 et 555 du code de procédure civile que peuvent être appelées devant la cour les personnes qui n’ont pas été parties en première instance, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause.
L’évolution doit être caractérisée par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure, modifiant les données juridiques du litige.

Dans l’espèce, la société Rosematel, demandeur en première instance et appelante, a fait assigner en intervention forcée dans l’instance d’appel, d’une part, Ahmed Z…, premier acquéreur par acte du 30 décembre 2003 des parcelles, objet de la revendication du droit d’usage de parking, d’autre part, Maître Luc Y…, rédacteur de l’acte de la nouvelle vente des mêmes parcelles par Ahmed Z… à la société V Estates le 16 août 2011.
Ces deux ventes successives en 2003 et 2011 sont évidemment antérieures aux débats engagés devant le premier juge sur ce litige de revendication de parking par l’assignation de la société Rosematel en janvier 2014.
La société Rosematel prétend d’autant moins avoir pu ignorer la circonstance de fait et de droit impliquée par ces transferts de propriété qu’elle a, elle-même engagé le litige en première instance notamment à l’encontre du dernier acquéreur, la société V Estates.

Le rappel des faits et prétentions dans le jugement déféré mentionne précisément que l’assignation était délivrée « au visa du bail du 26 février 1976, de l’acte du 30 décembre 2003, de l’acte du 16 août 2011 ».
Le jugement énonce ensuite dans son rapport de synthèse de l’argumentation de la société Rosematel que celle-ci s’étonne que l’acte de propriété produit par la société V Estates dans une précédente instance en référé ne reproduise pas le droit d’usage du parking.

Il en résulte que la société Rosematel ne démontre pas une révélation postérieure au jugement déféré, impliquant la mise en cause seulement en appel du premier acquéreur des parcelles, Ahmed Z… et du notaire rédacteur de la deuxième vente de celles-ci, Maître Luc Y…, de nature à porter atteinte au principe judiciaire du double degré de juridiction.
La cour prononce en conséquence l’irrecevabilité de l’intervention forcée en appel d’Ahmed Z… dit E… et de Maître Luc Y…, faisant droit à leur prétention principale au dispositif de leurs écritures.


Sur la revendication d’un usage de parking

La cour constate comme le premier juge que la stipulation du bail du 26 février 1976 offrant au preneur « la possibilité de garer des véhicules derrière les bâtiments agricoles » n’a pas été reproduite dans l’acte de la deuxième vente des parcelles concernées à la société V Estates le 16 août 2011.
La cour confirme les motifs pertinents du premier juge qui en déduit que cette stipulation est par conséquent inopposable à la société V Estates au regard de l’effet relatif des contrats au visa des dispositions de l’article 1165 du Code civil.

La société Rosematel prétend revendiquer le bénéfice d’une acquisition trentenaire du droit d’usage de parking depuis le 26 février 2006, opposable à tout propriétaire des parcelles.
Cependant, elle ne vise au soutien de cette prétention dans ses écritures aucune pièce figurant sur son bordereau récapitulatif annexé, pour démontrer en application du premier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile notamment, une utilisation paisible et continue d’un usage de parking opposable aux propriétaires successifs des parcelles, alors que Ahmed Z… à la société V Estates déclarent l’un comme l’autre n’avoir jamais constaté à cet endroit-là la présence de véhicules stationnés.
La revendication d’acquisition trentenaire n’est pas fondée.

La cour constate également comme le premier juge que la SCI du Domaine du Couran n’est plus propriétaire des parcelles concernées depuis la vente du 30 décembre 2003 à Ahmed Z…, et adopte les motifs qui en déduisent « qu’elle n’a aujourd’hui aucun moyen juridique pour faire respecter l’engagement qui la lie à sa locataire par la société V Estates ».

La cour déboute en conséquence la société Rosematel de sa demande de condamnation au paiement de dommages-intérêts à l’encontre de la SCI du Domaine du Couran, d’autant que celle-ci avait respecté son obligation de transmettre au premier acquéreur la stipulation contractuelle et de la demande subsidiaire d’une expertise d’évaluation d’un préjudice qui ne pourrait pas être mis à la charge de la SCI.

Sur les autres prétentions


La société Rosematel a expressément cantonné l’objet de son appel à la revendication du bénéfice d’un usage de parking de véhicules derrière les bâtiments agricoles.
L’énoncé dans le dispositif des écritures de la SCI du Domaine du Couran dans la rédaction imprécise de son principal « infirmer la décision en ce qu’elle condamne la SCI du Domaine de Couran » pourrait supposer un appel incident sur sa condamnation prononcée en première instance à réaliser des travaux de restauration d’une servitude de passage des véhicules vers le chemin du Mas Rouge à l’Estell ou à reboucher une tranchée réalisée par ERDF, mais ses écritures ne présentent aucune argumentation au soutien de telles prétentions.

La cour confirmera dans ces conditions l’ensemble des dispositions du jugement déféré.
Il est équitable de mettre à la charge de la société Rosematel qui succombe dans ses prétentions d’appelante une part des frais non remboursables engagés en appel par la SCI du Domaine du Couran, Ahmed Z… dit E…, la société V Estates, Maître Luc Y…, pour un montant de 1500 € à chacun d’eux.

La société Rosematel supportera la charge des dépens de l’appel, distraits au profit de la SCP Brugues Lasry pour ceux de Maître Luc Y….


PAR CES MOTIFS


La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,


Déclare irrecevables les interventions forcées en appel d’Ahmed Z… dit E… et de Maître Luc Y….

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 avril 2014 par le tribunal de grande instance de Montpellier.

Condamne la société Rosematel à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la SCI du Domaine du Couran, Ahmed Z… dit E…, la société V Estates, Maître Luc Y…, un montant de 1500 € à chacun d’eux.

Condamne la société Rosematel aux dépens de l’appel, distraits au profit de la SCP Brugues Lasry pour ceux de Maître Luc Y….


LE GREFFIERLA PRESIDENTE


PG/ MM

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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