Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 7 juin 2022, n° 19/02066

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, ch. com., 7 juin 2022, n° 19/02066
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 19/02066
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Montpellier, 19 février 2019, N° 2018015136
Dispositif : Sursis à statuer
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 07 JUIN 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/02066 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OCQK

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 20 FEVRIER 2019

JUGE COMMISSAIRE DE MONTPELLIER

N° RG 2018015136

APPELANTS :

Monsieur [R] [W]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Emily APOLLIS substituant Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A.R.L. VIMIALLEJA représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par par Me Emily APOLLIS substituant Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

SAS ITM ALIMENTAIRE SUD EST prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER

SELARL MJSA représenté par son gérant en exercice Me [D] [Y] successeur de Me [S] [O] [E], agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL VIMIALLEJA

[Adresse 7]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par Me Catherine KERDONCUFF, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant non plaidant

Ordonnance de clôture du 17 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 AVRIL 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA

Ministère public :

L’affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

*

**

FAITS et PROCÉDURE – MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES:

La SARL Vimialleja dont le gérant est M. [W] est une société de holding.

Par acte sous seing privé en date du 28 février 2012, elle a signé un protocole d’accord portant sur la cession des actions détenues par la société ITM Alimentaire Sud Est dans la société Tilda exploitante d’un magasin Intermarché à Laroques (34). Le prix de base a été fixé à 2 153 308 euros dans l’attente de la définition d’un prix définitif à définir en lecture d’un bilan de cession à établir. Le règlement d’un acompte de 1 435 700 euros a été convenu, payable à la signature des ordres de mouvement portant sur les actions Tilda.

Ce protocole prévoit au titre de 'conditions particulières et déterminantes’ pour l’acheteur, la conclusion d’un avenant au bail commercial en date du 14 novembre 1988 renouvelé par acte du 3 janvier 2000 par tacite reconduction, afin de repousser 'au départ effectif du preneur', les effets de la clause d’accession des aménagements ainsi que l’obtention d’une autorisation expresse donnée à la société Tilda de sous-louer tout ou partie des locaux donnés à bail. Le vendeur s’est porté fort de cette obtention auprès du bailleur, préalablement à la réalisation de la cession, de ces actes.

Le protocole contenait enfin une clause compromissoire (art.11.3) et une clause d’expertise visant l’article 1592 du code civil (art. 11.4).

Dans le cadre de la détermination du prix de vente des titres, les parties à la cession ont désigné chacune un expert (M. [C] pour la société ITM Alimentaire Sud est et M. [U] pour la société Vimialleja) dont le rapport commun en date du 22 juin 2015, a évalué le prix de cession des titres de la société Tilda à 1 902 812 euros, soit un solde dû sur le prix de vente de 467112 euros.

Dans le cadre d’une procédure d’arbitrage mise en oeuvre par la société Vimialleja le 26 novembre 2015, une sentence arbitrale en date du 9 juillet 2015, a notamment « rejeté les demandes d’annulation (du protocole d’accord de cession d’actions) présentées par la société Vimialleja fondées sur le dol et sur l’erreur ».

Par jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 4 avril 2016, la société Vimialleja a fait l’objet d’une ouverture de procédure de sauvegarde, convertie en redressement par jugement en date du 9 janvier 2017, puis en liquidation judiciaire par jugement en date du 28 avril 2017, la Selarl MJSA étant désignée mandataire liquidateur.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 19 mai 2016, la société ITM alimentaire sud est a déclaré une créance entre les mains du mandataire judiciaire de :

—  467 112 euros au principal au titre du solde du prix d’achat des actions de la SA Tilda,

—  142 001,94 euros au titre des intérêts contractuels à valoir sur cette somme, ainsi que prévu à l’article 6 du protocole de cessions d’actions du 28 février 2012,

soit un total de 609 113,94 euros à titre chirographaire.

Par courrier recommandé en date du 23 février 2017 et du 21 avril 2017, la société Vimialleja a contesté cette créance.

Par ordonnance du 20 février 2019, le juge commissaire a prononcé l’admission à titre définitif de la société ITM alimentaire sud est pour la somme de 467 112 euros en principal et 142 001,94 euros au titre des intérêts, le tout à titre chirographaire.

La société Vimialleja et M. [W] ont relevé appel, le 26 mars 2019, de cette ordonnance en intimant le mandataire liquidateur.

La procédure a été communiquée pour avis au Procureur général.

Par arrêt rendu le 23 mars 2021 sur requête en déféré, la cour d’appel de Montpellier a :

— infirmé l’ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 4 novembre 2020 en ce qu’il a déclaré M. [W] recevable en son appel,

— dit et jugé que M. [W] est irrecevable à former appel contre l’ordonnance du juge-commissaire en date du 20 février 2019,

— confirmé l’ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 4 novembre 2020 en ce qu’il a déclaré la société Vimialleja recevable en son appel.

******

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 4 décembre 2019 via le RPVA, la société Vimialleja demande à la cour de :

Vu les articles 1592 du code civil, L.624-3-1 et L.624-3 du code de commerce, vu la sentence arbitrale du 9 juillet 2015, (…)

— réformer en toutes ses dispositions, l’ordonnance rendue le 20 février 2019, par M. le juge commissaire (suppléant) du tribunal de commerce de Montpellier,

Au principal,

— dire et juger que l’un des experts, M. [C], n’était pas un mandataire indépendant de la société ITM alimentaire sud est et, plus généralement, du groupe Intermarché,

— dire et juger que cet expert s’est abstenu de porter cette situation à la connaissance des sociétés Tilda et Vimialleja, alors qu’il en avait l’obligation et que, faute d’avoir fait cette révélation, le consentement donné par les sociétés Tilda et Vimialleja n’a pas été librement exprimé,

— dire et juger que M. [C] n’avait pas, en l’espèce, la qualité de tiers au sens de l’article 1592 du code civil,

Subsidiairement,

— dire et juger que le problème de la fixation du prix de cession des titres de la société Tilda n’entrait pas dans le périmètre de la clause compromissoire,

— dire et juger que les experts ont violé l’article 11-4 alinéa 2 du protocole d’accord de cession signé le 28 février 2012 en ce qu’ils ont immédiatement renoncé, dès signature de la convention spécifique les missionnant, à avoir recours à un tiers expert, en cas de désaccord entre eux,

— dire et juger aussi que les experts se sont rendus coupables d’une erreur grossière en faisant dépendre l’un des points essentiels de leur rapport, en l’occurrence l’intégration de la clause d’accession dans la valeur des titres cédés, d’une analyse purement juridique du protocole de cession, reposant au surplus sur des éléments erronés, à savoir l’existence purement hypothétique d’un avenant au bail commercial,

Au principal comme au subsidiaire,

— prononcer la nullité du rapport d’expertise établi par MM [U] et [C], en date du 22 juin 2015,

En conséquence, dire n’y avoir lieu à inscription sur l’état vérifié des créances de la SAS Tilda, des sommes de 467 112 euros et 142 001,94 euros déclarées par la société ITM alimentaire sud est à titre chirographaire,

En tout état de cause,

— débouter la société ITM alimentaire sud est de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— rejeter, plus spécialement, toutes les fins de non recevoir opposées par cette société,

— condamner la société ITM alimentaire sud est à payer à la SARL Vimialleja la somme de 6000 euros, au profit de chacun d’eux, sur le terrain de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner solidairement la société ITM alimentaire sud est et la SELARL MJSA, ès qualités de liquidateur de la SARL Vimialleja, en tous les dépens, distraits au profit de la SCP Argellies-Apollis, avocat soussigné, dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

Après avoir expliqué que les experts avaient rendu leur rapport alors que l’avenant au bail commercial devant repousser les effets de la clause d’accession au départ effectif du preneur et l’acte de renouvellement du bail n’avaient pas ou avaient mal été établis au terme de deux années d’attente, elle fait essentiellement valoir que :

— la demande tendant à la nullité du rapport d’expertise ne relève pas de la compétence de la juridiction arbitrale, elle est hors périmètre de la clause compromissoire et la clause de conciliation, consubstantielle à l’arbitrage n’avait pas à être mise en oeuvre, l’acte de missionnement des experts ayant d’ailleurs biffé la mention 'après procédure de conciliation infructueuse',

— le grief d’un manquement au principe de l’estopel comme à celui de la concentration des moyens manque en fait et l’action en contestation du prix n’est pas prescrite puisqu’il s’est écoulé moins de 5 ans entre le dépôt du rapport d’expertise le 9 juillet 2015 et la déclaration d’appel le 27 mars 2019,

— ce n’est qu’après le dépôt du rapport d’expertise qu’elle avait appris que M. [C] était partie liée de très longue date avec le groupe Intermarché,

— les experts ont contrevenu à l’article 11-4 du protocole de cession en renonçant par avance de désigner un tiers expert en postulant ainsi par avance qu’ils tomberaient d’accord,

— ils ont ensuite commis une erreur grossière en intégrant dans leur évaluation le prix des travaux d’aménagement du site et des constructions réalisées pour un montant de 501 424 euros alors qu’il s’agissait d’une question juridique impliquant de rechercher si les conditions substantielles prévues au protocole de cession (à savoir le transfert au profit du propriétaire de la valeur des aménagements au jour du départ du repreneur) avaient été ou non remplies,

— ils avaient ainsi de leur propre chef validé l’avenant au renouvellement du bail commercial neutralisant la clause d’accession :

' en retenant par erreur que les ordres de mouvement des actions avaient été signés par l’acquéreur

' en spéculant sur la garantie offerte par la stipulation de portefort

' en retenant la licéité certaine de l’avenant signé le 13 mars 2012 par une personne dépourvue de qualité (M. [T] ancien président de la SAS Tilda) en concluant faussement à une erreur matérielle alors que les parties avaient elles-même tenu cet acte pour nul depuis le 18 avril 2014, date d’un nouveau projet d’avenant qui devait se révéler incomplet,

— la nullité du rapport d’expertise invalide le montant du solde déclaré.

La société ITM alimentaire sud est sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 13 janvier 2022 :

Vu les articles L.624-2, L.624-3-1 et R.624-2 et suivants du code de commerce, 564 et suivants du code de procédure civile et 1592 du code civil, vu l’arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d’appel de Montpellier

A titre principal,

— débouter la société Vimialleja de sa demande d’annulation du rapport d’expertise [U]/[C] du 22 juin 2015,

— confirmer l’ordonnance rendue par le juge commissaire à la liquidation des biens de Vimialleja le 20 février 2019,

Très subsidiairement,

— renvoyer la société Vimialleja à mieux se pourvoir sur la demande présentée à la cour en annulation du rapport [U]/[C],

Infiniment subsidiairement,

Si la cour estimait recevable l’appel de la société Vimialleja et abordait le fond du dossier,

— dire et juger que les experts-arbitres [U] et [C] n’ont commis aucune erreur grossière dans la mission qui leur avait été confiée par les parties,

— débouter la société Vimialleja de sa demande d’annulation du rapport d’évaluation du 22 juin 2015,

— confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge commissaire de la liquidation judiciaire Vimialleja le 20 février 2019,

— condamner la société Vimialleja en tous les dépens ainsi qu’à la somme de 2800 euros HT d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Après avoir rappelé que l’action engagée par la société Vimialleja s’inscrit dans le dispositif légal des articles L.624-2 et R.624 – 4 du code de commerce, elle expose en substance que :

— la société Vimialleja n’a pas contesté le rapport d’expertise devant le juge commissaire qui a donc statué sur la demande d’admission 'en l’absence de contestation sérieuse',

— la question de la validité du rapport d’expertise aurait constitué une difficulté sérieuse obligeant le juge commissaire à inviter les parties à saisir la juridiction compétente et la compétence de la cour statuant sur un recours d’une ordonnance d’admission du juge commissaire connaît les mêmes limites,

— les différents conseils de la société Vimialleja ne pouvait ignorer les interventions de M. [C] auprès des adhérents du groupement Intermarché au demeurant bien antérieures et postérieures à l’expertise,

— la renonciation à la désignation d’un tiers expert n’a été convenue par les deux experts que de très nombreux mois après leur désignation à un moment où il leur paraissait évident qu’ils pouvaient se passer de cette intervention,

— les experts avaient justement estimé qu’au jour de la signature de l’acte de cession comme au jour de la signature des ordres de mouvement, l’appelant avait obtenu la modification de la clause d’accession pour que cette dernière ne prenne effet qu''au départ du preneur',

— cette question n’était que factuelle et non juridique et l’appelant ne précise même pas l’impact comptable de la prétendue erreur grossière imputée aux experts,

— au jour de la signature de l’acte de cession et de l’ordre de mouvements des actions, M. [W] avait également obtenu un acte de renouvellement du bail, la modification de la clause d’accession et la confirmation par le bailleur de son accord pour une sous-location,

— le litige était en réalité survenu quand M. [W] avait refusé de signer le bilan de cession et fait intervenir un nouveau conseil qui devait contester le prix de vente en ciblant ses griefs sur le problème de la station de carburants, sur une étude de marché et sur la fixation d’un loyer non conforme,

— dans le cadre des tentatives de rapprochement, un nouvel avenant au contrat de bail, signé le 18 avril 2014 par le bailleur, lui avait été transmis qu’il refusait de signer préférant agir en nullité de l’acte de vente dont il avait été débouté par le tribunal arbitral.

La Selarl MJSA bien qu’ayant constitué avocat n’a pas conclu.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 17 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le motif de contestation nouveau en cause d’appel :

Il est de principe que le débiteur est recevable à invoquer devant la cour d’appel un motif de contestation qu’il n’avait pas invoqué devant le juge-commissaire dès lors qu’il a contesté la créance, en première instance.

Il résulte de l’ordonnance critiquée que le juge commissaire avait bien été saisie d’une contestation de la créance déclarée par la société ITM Alimentaire portant sur le cours des intérêts et sur l’existence d’un contentieux en cours portant sur la nullité de l’acte de cession des parts.

En cause d’appel, la société Vimialleja soutient sa contestation au motif que la créance repose dans son quantum sur une expertise critiquable et affectée d’une erreur grossière.

Il s’agit bien d’un motif de contestation nouveau qui tend cependant aux mêmes fins que ceux soulevés en première instance à savoir le rejet de la créance invoquée.

Dès lors, la société ITM Alimentaire Sud Est ne peut soutenir un débouté de la société Vimialleja sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile.

Sur la contestation de la créance déclarée :

Aux termes de l’article L. 624-2 du code de commerce, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, et à sa suite la cour d’appel saisie d’un recours contre son ordonnance, décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission.

Pour être sérieuse, la contestation doit être de nature à avoir une influence sur l’existence ou le montant de la créance déclarée.

Il est établi que la créance déclarée repose sur les constatations d’un rapport d’expertise réalisée au visa de l’article 1592 du code civil. Il est constant que le prix fixé par le tiers désigné sur ce fondement s’impose aux parties, sauf erreur grossière commise par celui-ci qui est donc une condition de la remise en cause de la détermination du prix.

Cette détermination est critiquée en l’espèce aux motifs d’une partialité d’un expert, des conditions dans lesquelles la renonciation au recours d’un troisième expert s’est effectuée et d’une évaluation faite en considération de l’existence d’un avenant au bail commercial stipulée comme condition essentielle de l’engagement de la cessionnaire.

En page 10 de leur rapport, les experts ont rappelé la clause du protocole de cession (art.4.2) selon laquelle : ' il est expressément convenu entre les parties que les effets de l’accession du bailleur à la propriété, en fin du bail en cours, des améliorations faites par la société pendant le cours de celui-ci aux locaux loués, seront pris en compte dans le bilan de cession, sauf signature, préalablement au renouvellement du bail commercial, d’un avenant au bail repoussant les effets de l’accession du bailleur au jour du départ effectif du preneur', pour ensuite préciser qu’en l’absence d’un avenant à bail préalablement au renouvellement du bail commercial, les améliorations faites par la société pendant le cours de celui-ci seraient prises en compte en perte dans le bilan de cession.

Puis en page 12, ils ont rappelé l’existence d’un avenant au bail commercial daté du 13 mars 2012 pour retenir 'comme réalisées les conditions de cession en considérant que la volonté des parties était bien respectée en date du 1er mars 2012".

En cours d’expertise, la société Vimialleja avait déjà contesté la validité de cet avenant au motif qu’il portait la signature de M. [T] en sa qualité de président de la société Tilda alors qu’à la date du 13 mars 2012, il n’était plus habilité à engager cette société puisqu’il n’en était plus le président, de sorte que cet acte était susceptible d’être mis en cause par le bailleur.

Les experts ont écarté la critique après prise en compte des explications des représentants de ses signataires pour ne retenir qu’une erreur matérielle de date et implicitement la qualité de M. [T] pour le signer.

La société Vimialleja fait cependant valoir qu’un projet de nouvel avenant lui a été soumis le 18 avril 2014 contenant l’aveu d’une irrégularité puisqu’en préambule de cet avenant, il est indiqué que ' les parties rappellent qu’un avenant de renouvellement de bail a été signé le 13 mars 2012 par M. [N] [T] alors que, depuis le 1er mars 2012, le président de la société Tilda est M. [R] [W]. Les parties se sont donc rapprochées aux fins de régulariser un nouvel avenant de renouvellement, celui signé le 13 mars 2012 étant sans effet'.

Elle ajoute que ce projet d’avenant au demeurant non signé par le bailleur ne comprenait pas les éléments essentiels visés au protocole de cession (absence d’autorisation de sous-location, date de prise d’effet du bail).

La contestation implique donc une appréciation portant sur la validité de l’avenant de renouvellement du bail, sur la réalisation ou non des conditions particulières et déterminantes stipulées dans l’acte de cession des titres et sur les conséquences susceptibles d’en résulter quant à la détermination du prix faite par les experts au regard des stipulations rappelées de l’article 4.2 du protocole de cession, appréciation dont il résultera l’existence ou non d’une erreur grossière commise dans leur évaluation des titres.

Il est constant que dans le cadre de ses pouvoirs juridictionnels, le juge-commissaire n’a pas le pouvoir de statuer sur la validité d’un contrat ou sur son exécution prétendument défectueuse qui apparaît en l’espèce un préalable nécessaire à l’appréciation de la critique formée contre l’évaluation expertale.

Il convient de retenir que la contestation excède les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire impliquant l’infirmation de l’ordonnance soumise à la cour et de faire application des dispositions de l’article R. 624-5 du code de commerce selon lequel lorsque le juge commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d’appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

Il appartient ainsi au juge commissaire de désigner la partie, qui y a le plus d’intérêt, aux fins de saisine de la juridiction compétente lorsque la contestation ne relève pas de son pouvoir juridictionnel.

Dans le cas présent, dans la mesure où la contestation a pour objet de remettre en cause la détermination du prix faite par expert en considération d’une convention dont la validité est mise en cause, il convient de désigner la société Vimialleja et son mandataire liquidateur comme étant la partie à qui incombe la saisine de la juridiction compétente.

Sur les autres demandes :

Les frais irrépétibles et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Rejette la fin de non recevoir fondée sur l’article 564 du code de procédure civile,

Infirme l’ordonnance du juge-commissaire en date du 20 février 2019 et statuant à nouveau,

Dit que les contestations soulevées par la SARL Vimialleja ne relèvent pas du pouvoir juridictionnel du juge commissaire,

En conséquence, sursoit à statuer sur la demande d’admission de la créance déclarée par la SAS ITM Alimentaire Sud Est, jusqu’à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette contestation, ou à défaut jusqu’à l’expiration du délai de forclusion prévu à l’article R.624-5 du code de commerce,

Renvoie la société Vimialleja et la Selarl MJSA à saisir cette juridiction pour faire trancher ses contestations,

Rappelle aux parties, qu’en application des dispositions de l’article R.624-5 du code de commerce, la saisine de cette juridiction doit intervenir, à peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de l’avis délivré à cette fin à la diligence du secrétariat greffe de la cour par le RPVA,

Renvoie l’examen de l’affaire à la mise en état,

Dit qu’à défaut de justification de la saisine du fond compétent dans le délai précité, adressée au greffe de la cour, dans le délai de 2 mois à compter du présent arrêt, il sera mis fin au sursis à statuer ordonné,

Dit qu’en cas de justification de la saisine du juge compétent dans le délai imparti, l’affaire sera radiée du rôle de la cour et qu’elle sera rétablie sur la demande de la partie la plus diligente sur justification de la décision passée en force de chose jugée de la juridiction compétente,

Réserve l’examen des dépens.

Le greffier, Le président,

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