Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 24 février 2022, n° 21/00602

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, ch. soc.-2e sect, 24 févr. 2022, n° 21/00602
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 21/00602
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nancy, 7 février 2021, N° 19/00135
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° /2022

PH

DU 24 FEVRIER 2022

N° RG 21/00602 – N° Portalis DBVR-V-B7F-EXKN


Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY

[…]

08 février 2021

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2

APPELANTE :

Madame Y X

[…]

[…]


Représentée par Me Vincent LOQUET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Association ALFOREAS-IRTS DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[…]

[…]


Représentée par Me Raphaël – Antony CHAYA, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :


Lors des débats et du délibéré,


Président : WEISSMANN Raphaël,


Conseillers : STANEK Stéphane,


Z A,


Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :
En audience publique du 16 Décembre 2021 ;


L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 10 Février 2022 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 17 février 2022; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 24 février 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;


Le 24 Février 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Mme Y X a été engagée par l’Association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale (l’IRTS de Lorraine) suivant plusieurs contrats à durée déterminée, à compter du 1er septembre 1996, en qualité de vacataire enseignante.


La convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 était applicable.


Par requête du 20 mars 2019, Mme Y X a saisi le conseil de prud’hommes de Nancy aux fins de voir requalifier ses contrats de vacation en contrat de travail à durée indéterminée, faire produire à la rupture du contrat les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir, en conséquence, diverses indemnités.


L’IRTS de Lorraine a soulevé, in limine litis, l’incompétence du conseil de prud’hommes pour statuer sur la demande de dommages et intérêts pour abandon de la propriété intellectuelle sur les supports de cours dispensés.


Par jugement du 8 février 2021, le conseil de prud’hommes de Nancy, en sa formation de départage, a :


- s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Nancy sis cité judiciaire ' rue du

[…] ' au titre de la demande relative à l’abandon de la propriété intellectuelle sur les supports de cours dispensés,


- débouté Mme Y X de sa demande de requalification du contrat cadre de vacation d’enseignement en un contrat à durée indéterminée,


- débouté Mme Y X de ses demandes indemnitaires,


- condamné l’IRTS de Lorraine à verser à Mme Y X les sommes de :


- 100 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de ses droits électoraux liés à l’illégalité de son statut,


- 1 000 euros pour absence de mention de l’inclusion du paiement des congés payés dans le salaire de base sur ses bulletins de paie,


- 200 euros pour non-respect du droit à la formation,


- 500 euros pour non-respect de son droit à bénéficier d’une mutuelle d’entreprise,


- 3 412,10 euros bruts pour rappel de salaire au titre des congés trimestriels,
- débouté Mme Y X de sa demande au titre des rappels de salaire,


- condamné l’IRTS de Lorraine à verser à Mme Y X la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamne l’IRTS de Lorraine aux dépens,


- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Mme Y X a relevé appel de ce jugement le 9 mars 2021.


Par conclusions d’incident notifiées le 10 août 2021, l’IRTS de Lorraine a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de constater la caducité de la déclaration d’appel.


Par ordonnance d’incident du 21 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté l’exception de procédure et renvoyé l’affaire à la mise en état du 1er décembre 2021.


Vu l’article 455 du code de procédure civile,


Vu les conclusions de Mme Y X déposées sur le RPVA le 9 septembre 2021 et celles de l’association ALFOREAS-IRTS de Lorraine déposées sur le RPVA le 2 septembre 2021,


Vu l’ordonnance de clôture rendue le 1er décembre 2021,

Mme Y X demande :


- d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nancy en date du 8 février 2021 en ce qu’il :


- s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Nancy au titre de la demande relative à l’abandon de la propriété intellectuelle sur les supports de cours dispensés,


- l’a déboutée de sa demande de requalification du contrat cadre de vacation d’enseignement en un contrat à durée indéterminée et de sa demande d’indemnité de requalification de 1350 euros,


- l’a déboutée de ses demandes indemnitaires qui tendaient à voir condamner l’IRTS de Lorraine à lui verser les sommes suivantes :


- 5 307 euros bruts à titre d’indemnités de préavis (4 mois),


- 531 euros à titre de congés payés sur préavis,


- 13 269,26 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,


- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- 500 euros au titre de ses droits de propriété intellectuelle pour les cours dispensés,


- a limité le montant des condamnations de l’IRTS de Lorraine à lui verser les sommes suivantes :


- 100 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de ses droits électoraux liés à l’illégalité de son statut,


- 1 000 euros pour absence de mention de l’inclusion du paiement des congés payés dans le salaire de base sur ses bulletins de paie,


- 200 euros pour non-respect du droit à la formation,


- 500 euros pour non-respect de son droit à bénéficier d’une mutuelle d’entreprise,


- l’a déboutée de sa demande au titre des rappels de salaire, à savoir :


- 32 359,41 euros bruts à titre de rappel de salaires,


- 3 235 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de salaire,


Statuant à nouveau sur ces points,


- de prononcer la requalification de son contrat cadre de vacation d’enseignement au sein de l’IRTS de Lorraine en un contrat à durée indéterminée,


- de dire nul le licenciement prononcé à son encontre,


- de condamner l’IRTS de Lorraine à lui verser les sommes de :


- 1 350 euros à titre d’indemnité de requalification,


- 5 307 euros bruts à titre d’indemnités de préavis (4 mois),


- 531 euros à titre de congés payés sur préavis,


- 13 269,26 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement (ancienneté : 15 ans),


- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,


- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de ses droits électoraux liés à l’illégalité de son statut,


- 1 500 euros pour absence de mention de l’inclusion du paiement des congés payés dans le salaire de base sur ses bulletins de paie,


- 500 euros au titre de ses droits de propriété intellectuelle pour les cours dispensés,


- 1 500 euros pour non-respect du droit à la formation,


- 1 500 euros pour non-respect de son droit à bénéficier d’une mutuelle d’entreprise,


- 32 359,41 euros bruts de rappel de salaires,


- 3 235 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de salaire,


- 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- de confirmer le jugement pour le surplus,


- de débouter l’IRTS de Lorraine de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- de condamner l’IRTS de Lorraine à lui payer la somme de 2 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel, ainsi qu’aux entiers frais et dépens.

*


L’IRTS de Lorraine demande :


- de confirmer le jugement entrepris en qu’il :


- s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Nancy au titre de la demande relative à l’abandon de la propriété intellectuelle sur les supports de cours dispensés,


- a débouté Mme Y X de sa demande de requalification du contrat cadre de vacation d’enseignement en un contrat à durée indéterminée et de sa demande d’indemnité de requalification de 1 350 euros,


- a débouté Mme Y X de ses demandes indemnitaires, qui tendaient à la voir condamnée à lui verser les sommes suivantes :


- 5 307 euros bruts à titre d’indemnités de préavis (4 mois),


- 531 euros à titre de congés payés sur préavis,


- 13 269,26 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,


- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- 500 euros au titre de ses droits de propriété intellectuelle pour les cours dispensés,


- a débouté Mme Y X de sa demande au titre des rappels de salaire, à savoir 36 212,07 euros bruts à titre de rappel de salaires et 3 942 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de salaire,


- d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à verser à Mme Y X les sommes de :


- 100 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de ses droits électoraux liés à l’illégalité de son statut,


- 1 000 euros pour absence de mention de l’inclusion du paiement des congés payés dans le salaire de base sur ses bulletins de paie,


- 200 euros pour non-respect du droit à la formation,


- 500 euros pour non-respect de son droit à bénéficier d’une mutuelle d’entreprise,


- 3 412,10 euros bruts pour rappel de salaire au titre des congés trimestriels,


- 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- de débouter Mme Y X de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,


Plus subsidiairement,
- de fixer la rémunération mensuelle moyenne brute de Mme Y X à 268 euros,


- de ramener ses prétentions à de plus juste proportions,


En toutes hypothèses,


- de condamner Mme Y X à payer à la société défenderesse une somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR


Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de Mme Y X, le 9 septembre 2021 et s’agissant de celles de l’association ALFOREAS-IRTS de Lorraine, le 2 septembre 2021.

Sur l’irrecevabilité des demandes de Madame Y X :


L’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale fait valoir que les conclusions d’appel de Madame Y X notifiées le 8 juin 2021 ; que leur dispositif qui, aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, récapitule les prétentions, ne comporte aucune demande d’annulation, de réformation, d’infirmation totale ou partielle ou de confirmation partielle du jugement rendu en première instance ; que le dispositif des conclusions n’indique pas en quoi il critique le jugement ; qu’il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, étant précisé que cette règle de procédure n’est opposable qu’aux déclarations d’appel régularisées après le 17 septembre 2020, ce qui est le cas en l’espèce.

Madame Y X fait valoir qu’il s’agit d’une omission relevant d’une erreur matérielle, la déclaration d’appel visant « en tout premier lieu à voir « infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de NANCY en date du 8 février 2021 en ce qu’il … » » ; que la cour d’appel n’est saisie que des dernières conclusions


Motivation :


La cour constate que les dernières conclusions de Madame Y X, datée du 9 juin 2021, dont la cour est saisie, se réfèrent dans leur dispositif à l’infirmation totale ou partielle du jugement déféré ; qu’elles sont donc recevables.

Sur la requalification des contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminé :

Madame Y X fait valoir que l’enseignement n’est pas l’activité principale de l’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale et qu’elle ne peut donc se prévaloir de l’article L. 1242-2 du code du travail ; qu’en tout état de cause l’employeur ne justifie pas du caractère par nature temporaire occupé par Madame Y X, celle-ci ayant dispensé des formations, toujours du même type, pendant de nombreuses années ; que dès lors il s’agit là d’une activité normale et permanente de l’Association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale.

Madame Y X fait également valoir que la mention de « contrat cadre de vacation d’enseignement » indiquée sur les CDD ne constitue pas un motif précis tel qu’exigé par le code du travail ; que la durée minimale de travail n’y figure pas, ni les dates précises de début de poste, les annexes aux contrats étant à cet égard insuffisantes.


Elle fait aussi valoir que la durée de son travail, de même que ses jours d’intervention, fixés par le biais des « annexes contractuelles » sont différents de la durée effectivement réalisée et des jours d’intervention effectués par la salariée, tels que figurant sur les plannings communiqués par l’employeur et que dès lors cela implique qu’elle devait se tenir à sa disposition permanente.
Elle indique enfin que les contrats ne mentionnaient pas d’organisme de prévoyance en violations des dispositions de l’article L.1242-12-8 du code du travail.


L’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale fait valoir que les contrats signés par Mme Y X entrent dans la catégorie des contrats à durée déterminée « d’usage » prévus par le code du travail, lesquels sont admis lorsque l’employeur exerce une activité d’enseignement, ce qui est son cas.


Elle fait également valoir que les contrats comportaient les mentions obligatoires prévues par la loi, sauf en ce qui concerne la mention de l’organisme de prévoyance complémentaire, mais dont l’omission n’entraîne pas la requalification automatique en contrat à durée indéterminée.


Elle fait enfin valoir que le contenu de la formation est fixé par voie réglementaire ; qu’elle est dispensée de manière continue ou discontinue sur une amplitude comprise entre 24 et 30 mois ; qu’elle comporte 700 heures d’enseignement théorique et 510 heures de formation pratique ; que le contenu des formations et leurs calendriers changent annuellement.


Motivation :


Tout d’abord, la cour relève que l’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale indique dans ses écritures « que de nouveaux types de contrats sont à l’étude, mais aussi qu’une réflexion plus globale sur le statut est engagée, ce compris la mise à disposition des salariés par leur employeur principal ».


Il résulte de l’article L. 1242-12 du code du travail que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte notamment la date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il comporte un terme précis, ou la durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu’il ne comporte pas de terme précis.


L’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale produit trois contrats à durée déterminée signés le 1er septembre 2015, le 5 septembre 2016 et le 29 août 2017 (pièces n°3 à 5) ; Madame Y X n’en produit aucun.


Il ressort de ces pièces que trois contrats à durée déterminée, accompagnés d’annexes, ont été signés successivement du 1er septembre 2015 au 29 août 2017.


Tous les contrats signés par Madame Y X indiquent dans leur troisième paragraphe que « La durée du contrat, les heures, les contenus des missions et la rémunération sont fixés dans la ou les annexes contractuelles ».


Or, la cour constate que les annexes à ces contrats sont systématiquement signées antérieurement ou postérieurement aux dates de signature desdits contrats et que ces annexes ne mentionnent que des dates de cours.


De sorte que, lors de la signature de ces « contrats-cadre », Mme Y X n’a pas eu connaissance des durées minimales pour lesquelles ils avaient été conclus.


En outre, il ressort des plannings produits par l’employeur, que Madame Y X a donné des cours à des jours non prévus, ni dans les « contrats-cadre », ni dans leurs annexes (pièces n° 9 et 10).


En conséquence, les contrats à durée déterminée successifs des 1er septembre 2015, 5 septembre 2016 et le 29 août 2017 sont irréguliers et seront requalifiés en contrat à durée indéterminée, le jugement du conseil de prud’hommes étant infirmé sur ce point.

Sur l’indemnité de requalification :


La cour constate que dans le dispositif de ses conclusions la salariée réclame la somme de 1350 euros à titre d’indemnité de requalification mais que dans ses motivations, elle ne formule aucun moyen de fait quant au quantum demandé. Madame Y X sera donc déboutée sur ce point, le jugement du conseil de prud’hommes étant confirmé.

Sur la rupture du contrat de travail :

Madame Y X fait valoir que malgré le planning d’interventions prévu pour des cours de droit du travail au premier trimestre 2019, à raison de près de 50 heures, l’IRTS a décidé de cesser toute relation contractuelle avec elle, en lui demandant de ne plus honorer les cours prévus ; « qu’une telle décision, non motivée, s’apparente à un licenciement de fait, et donc à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ».


L’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale indique qu’elle n’ayant pas été en mesure de proposer un nouveau CDD à Madame X , les relations contractuelles ont pris fin à l’échéance du dernier CDD.


Motivation :


Il résulte d’un courriel du 25 janvier 2019 (pièce n° 105) que l’association a signifié à Madame Y X la fin de leur collaboration, ce que ne conteste pas l’employeur.


Dès lors que Madame Y X était liée à l’association par un contrat à durée indéterminée, la rupture du contrat, sans convocation à un entretien préalable au licenciement et sans notification d’une lettre de licenciement, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Madame Y X fait valoir que le barême d’indemnisation prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté en ce que « la rupture du contrat de travail de Madame Y X et de ses collègues intervient indiscutablement en violation d’une liberté fondamentale que constitue un licenciement discriminatoire », en ce que le refus de poursuivre la relation contractuelle est concomitante avec l’envoi le 19 novembre 2018 d’un courrier rédigé par le conseil de Mme Y X, ainsi que trois de ses collègues, indiquant qu’il allait saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la requalification de leurs contrats en contrat à durée indéterminée (pièce n°42).

Madame Y X indique que seuls eux quatre ont vu la rupture de leurs contrats et que « la rupture intervient dans des conditions brutales et vexatoires puisqu’une semaine avant les cours et alors même que leurs noms apparaissent sur le planning remis pour le 1er semestre 2019, on leur a signifié la fin de leur intervention ».


Enfin, Madame Y X fait valoir que l’article L. 1235-3 du code du travail doit également être écarté comme étant contraire aux dispositions de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT et à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne.

Madame Y X demande en conséquence « 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ».


L’association Y X fait valoir qu’il n’y a eu aucune mesure de rétorsion ; que l’indemnisation demandée correspond à 93 mois de salaire ; qu’elle n’allègue aucun préjudice spécifique.


Motivation :


- sur l’existence d’une discrimination : la seule circonstance que Madame Y X a, le 19 novembre 2018, par l’intermédiaire de son conseil, avisé son employeur qu’elle allait saisir le conseil de prud’hommes et que le 5 janvier 2019, son employeur a décidé d’interrompre la relation contractuelle ne permet pas de laisser supposer l’existence d’une discrimination fondée sur l’un des fondements énumérés par l’article 1132-1 du code du travail.


- Sur la conventionnalité de l’article L. 1235-2 du code du travail au regard de l’article 10 de la Convention n° 58 de l’OIT :
Selon l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT, en cas de licenciement injustifié, le juge prud’hommal doit être habilité à « ordonner le versement d’une indemnité adéquate, ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».


Le terme « adéquat » doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d’appéciation.


En droit français, si le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par le salarié ou l’employeur, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux.


Le barème prévu par l’article L. 1235- 3 du code du travail est écarté en cas de nullité du licenciement.


Il s’en déduit que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail qui prévoient notamment, pour un salarié ayant une année complète d’ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d’un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut, sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n 158 de l’OIT.


- Sur la conventionnalité de l’article L. 1235-2 du code du travail au regard de l’article 24 de la Charte sociale européenne :


Eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de l’article 24 de la Charte sociale, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de l’article 24 de ladite Charte ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.


Dès lors, en l’espèce il doit être fait application du barème prévu par l’article L.1235-3 du code du travail.


- Sur le montant de l’indemnisation :


Il résulte de l’article L. 1235-3 du code du travail que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue, le montant des dommages et intérêts qu’il peut décider étant compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par l’article visé ci-dessus.


L’ancienneté de Madame Y X doit être calculée à partir de la date de conclusion du premier des trois contrats à durée déterminée successifs, soit le 1er septembre 2015.


Dès lors, l’employeur devra lui verser, sur la base d’un salaire mensuel de référence de 605,54 euros, tel que cela découle des trois derniers bulletins de salaire (pièce n° 9 de l’intimée), la somme de 2422,16 euros. Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé sur ce point.

Sur l’indemnité de licenciement :

Madame Y X salariée réclame la somme de 13 269,26euros à titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.


L’employeur ne contestant pas à titre subsidiaire les modalités de calcul de la somme demandée par Madame Y X, il sera condamnée à la lui verser, le jugement du conseil de prud’hommes étant infirmé sur ce point.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis :

Madame Y X indique réclamer la somme de 5307euros, outre 531 euros au titre des congés payés y afférents, correspondant à quatre mois de salaire.


L’employeur ne contestant pas à titre subsidiaire les modalités de calcul de la somme demandée par Madame Y X, il sera condamnée à la lui verser, le jugement du conseil de prud’hommes étant infirmé sur ce point.

Sur le non-respect du droit à la formation de Madame Y X :

Madame Y X fait valoir qu’elle n’a bénéficié d’aucune formation professionnelle, n’a jamais été intégrée dans les plans de formation de cet organisme et n’a jamais été informée de ses droits précisément au niveau de son droit individuel de formation.


Elle indique que l’article 13 de l’Annexe 6 de la CCN 66 (annexe Cadres) prévoit que « eu égard aux responsabilités exercées, les cadres devront régulièrement actualiser leurs connaissances par des actions de formation, de perfectionnement et de recherche en accord avec l’employeur ».

Madame Y X réclame la somme de 1500 euros de dommages et intérêt à ce titre.


L’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale faut valoir que compte tenu de son niveau de formation, elle n’en avait pas besoin de nouvelle.


Motivation :

Madame Y X n’apportant aucun élément pour justifier le préjudice qu’elle dit avoir subi, sera déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud’hommes étant confirmé sur ce point.

Sur son impossibilité d’exercer ses droits collectifs :

Madame Y X fait valoir qu’elle n’a jamais été prise en compte au sein des effectifs salariés de l’IRTS lui permettant d’assurer le respect de ses droits collectifs tels que le droit de vote ou de se présenter aux élections internes professionnelles.


Elle demande 500 euros de dommages et intérêts à ce titre.


L’employeur s’oppose à cette demande en faisant valoir que la salariée n’a été présente au sein de l’Institut 134 heures en trois ans, soit 3,7 heures par mois en moyenne, et était de surcroit titulaire d’un CDI auprès d’un autre employeur.


Motivation :

Madame Y X ne fait valoir aucun préjudice, ne présentant notamment aucune pièce sur la tenue effective d’élections professionnelles pendant sa période d’emploi par l’association, auxquelles elle n’aurait pu participer, comme candidate ou votante.

Sur l’absence de mention de l’inclusion du paiement des congés pavés dans le salaire de base sur les bulletins de paie :

Madame Y X fait valoir que L’IRTS a procédé à l’inclusion du paiement des congés payés dans un salaire dit de base, en application de l’article 4 de son contrat de travail, alors que les bulletins de salaire ne font apparaître aucune mention à ce titre et aucune notion de salaire de base avec paiement variable de cours ou de corrections ; or cette pratique ne se justifie pas par son emploi d’enseignante et ne résulte pas d’une convention expresse avec son employeur.


Elle fait aussi valoir qu’il n’y a aucun détail sur les bulletins de salaires, ni références au taux horaire, permettant de vérifier la bonne allocation au salarié des congés payés qui lui sont dus.

Madame Y X demande en conséquence 1 500 euros à titre de dommages et intérêts


L’employeur indique que les contrats de travail énoncent clairement que « le salaire de base inclut l’indemnité compensatrice de congé payé.


Motivation :
La cour constate que Madame Y X ne fait valoir aucun préjudice et ne réclame aucun rappel de salaire.


En conséquence, elle sera déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud’hommes étant infirmé sur ce point.

Sur la propriété intellectuelle des cours dispensés :

Madame Y X fait valoir qu'« il a été exigé de sa part l’abandon de la propriété intellectuelle sur les supports de cours dispensés ».


S’agissant d’un accessoire au contrat de travail, la juridiction prud’homale est compétente pour statuer.

Madame Y X réclame la somme de 500 euros de dommages et intérêts.


L’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale fait valoir que la juridiction prud’homale n’est pas compétente pour statuer sur cette demande.


Motivation :


Il résulte de l’article L331-1 du code de la propriété intellectuelle que les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, sont exclusivement portées devant les tribunaux judiciaires.


Cette loi donnant compétence exclusive au tribunal judiciaire pour connaître des actions relatives à la propriété littéraire et artistique, le conseil de prud’hommes ne peut pas connaître de demandes relative à des droit d’auteurs.


En conséquence, le jugement du conseil de prud’hommes par lequel il se déclare incompétent sera confirmé.

Sur les rappels de salaire :

Madame Y X fait valoir qu’elle n’a pas été rémunérée conformément au taux horaire convenu pour les heures effectuées ; que la requalification en contrat à durée indéterminée, a minima 14 heures par semaine, justifie l’octroi de rappel de salaire correspondant.


Elle réclame en conséquence 32 359,41euros, correspondant aux salaires dus de février 2016 à janvier 2019.


L’employeur fait valoir qu’à l’appui de ses prétentions, Madame Y X produit un tableau de rappel forfaitaire d’heures fixé sur la base d’un droit à rémunération à hauteur de 60,87 heures par mois ; que ces tableaux n’indiquent pas le taux horaire appliqué, seule une référence étant faite au coefficient multiplicateur ; que les contrats signés indiquent clairement que les taux horaires différents sont prévus pour chaque intervention, ce qui réduit à néant les demandes relatives à l’alignement de toutes les heures de travail sur le taux de 45,73 euro incluant la rémunération du temps consacré au travail de préparation et l’indemnité compensatrice de congés payés.


Motivation :

Madame Y X ne produit aucun élément précis à l’appui de sa prétention à être rémunérée sur la base forfaitaire de quatorze par semaine.


En conséquence, elle sera déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud’hommes étant confirmé sur ce point.

Sur les congés trimestriels : Madame Y X fait valoir qu’au titre de la requalification de la relation contractuelle, elle est en droit de prétendre au bénéfice des congés trimestriels supplémentaires qui ne lui ont jamais été accordés ; qu’il résulte de l’article 6 de l’annexe 3 de la convention collective applicable que le personnel éducatif est en droit de bénéficier de congés trimestriels à raison de 6 jours consécutifs par trimestre X 3 trimestres soit 18 jours de congés trimestriels par an.


Elle réclame en conséquence la somme de 3412,10 euros, outre 341 euros au titre des congés payés y afférents, à titre de rappel de ces congés trimestriels.


Motivation :


L’employeur, s’il demande le rejet de cette demande dans le dispositif de ses conclusions, ne motive pas cette demande.


En conséquence, il devra verser à Madame Y X les sommes de 3412,10 euros, outre 341 euros au titre des congés payés y afférents, à titre de rappel de ces congés trimestriels.


Sur l’absence de mutuelle :

Madame Y X fait valoir « qu’elle n’a pu bénéficier non plus du droit de tout salarié de bénéficier d’une mutuelle d’entreprise ».


Elle réclame à ce titre de la somme de 1500 euros de dommages et intérêt.


L’employeur fait valoir que la salariée bénéficiait de la mutuelle de son employeur principal, étant directrice d’une maison de retraite.


Motivation :

Madame Y X ne justifiant d’aucun préjudice, sa demande sera rejetée, le jugement du conseil de prud’hommes étant infirmé sur ce point.


Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :


L’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale devra verser à Madame Y X la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande.


L’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale sera condamnée aux entiers dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DIT que les conclusions de Madame Y X datées du 9 septembre 2021 sont recevables ;

CONFIRME le jugement du 8 février 2021 du conseil de prud’hommes de Nancy en ce qu’il :


- se déclare incompétent pour statuer sur la demande de Madame Y X relative à l’abandon de la propriété intellectuelle sur les supports de cours dispensés,
- déboute Madame Y X de sa demande d’indemnité au titre de la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée,


- déboute Madame Y X de sa demande au titre de rappels de salaires,


- condamne l’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale à verser à Madame Y X la somme de 3 412,10 euros (trois mille quatre cent douze euros et dix centimes) bruts pour rappel de salaire au titre des congés trimestriels, outre 341 euros (trois cent quarante et un euros) au titre des congés payés y afférents,


- condamne l’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale à verser à Madame Y X la somme de 800 euros (huit cents euros) au titre des frais irrépétibles,


- condamne l’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale aux dépens,

INFIRME le jugement du 8 février 2021 du conseil de prud’hommes de Nancy pour le surplus ;

STATUANT A NOUVEAU

Requalifie les contrats à durée déterminée signés par les parties entre le 26 mars 2014, et le 29 août 2017 inclus, en un contrat à durée indéterminée,

Condamne l’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale à verser à Madame Y X la somme de 2422,16 euros (deux mille quatre cent vingt deux euros et seize centimes) au titre de l’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne l’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale à verser à Madame Y X la somme de 13 269,26 euros (treize mille deux cent soixante neuf euros et vingt six centimes) à titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

Condamne l’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale à verser à Madame Y X les sommes de 5307 euros (cinq mille trois cent sept euros) , outre 531 euros (cinq cent trente et un euros) au titre des congés payés y afférents au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

Y AJOUTANT

Condamne l’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale à verser à Madame Y X la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles,

Condamne l’association Lorraine de Formation et de Recherche en Action Sociale aux dépens d’appel.


Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.


LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
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Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 24 février 2022, n° 21/00602