Cour d'appel de Nancy, 5e chambre, 15 novembre 2023, n° 22/02587

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 5e ch., 15 nov. 2023, n° 22/02587
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 22/02587
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 20 avril 2022, N° 18/00236
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 24 novembre 2023
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

— -----------------------------------

COUR D’APPEL DE NANCY

CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT N° /23 DU 15 NOVEMBRE 2023

RENVOI APRES CASSATION

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/02587 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FCN6

Décision déférée à la Cour :

Déclaration de saisine de Me Clarisse MOUTON agissant pour le compte de Monsieur [C] [R] et de la S.A.R.L. ACADEMIE DU FEU , suite à l’arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation du 21 avril 2022 qui a a cassé et annulé partiellement les dispositions de l’arrêt prononcé le 1er juillet 2020 par la Cour d’Appel de COLMAR R.G. n° 18/00236 et désigné la Cour d’appel de Nancy comme cour de renvoi ;

DEMANDEURS A LA REPRISE D’INSTANCE:

Monsieur [C] [R], demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

S.A.R.L. ACADEMIE DU FEU agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, [Adresse 5]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

Avocat plaidant pour les demandeurs à la reprise d’instance : Me Nicolas SIMOENS avocat au barreau de COLMAR

DEFENDERESSE A LA REPRISE D’INSTANCE :

BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social [Adresse 2]/FRANCE inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Metz sous le numéro 356 801 571

Représentée par Me Patrice CARNEL de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 27 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller, Président d’audience, chargé du rapport ;

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,

Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller

Madame Marie HIRIBARREN Conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.

A l’issue des débats, le conseiller faisant fonction de Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 15 Novembre 2023, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Olivier Beaudier, Conseiller à la chambre commerciale , et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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FAITS ET PROCEDURE

La société Banque Populaire d’Alsace, aux droits de laquelle vient la société Banque Populaire d’Alsace-Lorraine-Champagne a consenti à la société Académie du feu deux ouvertures de compte courant.

Suivant trois actes en date des 15 septembre 2012, 4 janvier 2013 et 20 février 2013, M. [C] [R] s’est rendu caution solidaire envers la banque de l’ensemble des engagements de la société Académie du feu, dont il est le gérant, à concurrence, respectivement dans la limite de la somme de 130 000 euros et des sommes supplémentaires de 65 000 euros et 91 000 euros.

Après avoir notifié à la société Académie du feu, la rupture de ses concours financiers a l’issue d’un délai de soixante jours, la banque l’a assignée en paiement, ainsi que la caution.

Suivant jugement rendu le 16 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Colmar a :

— condamné solidairement la société Académie du feu et M. [C] [R] à payer à la Banque Populaire Alsace-Lorraine-Champagne, au titre du compte n°'[XXXXXXXXXX03], la somme de 17 565,12 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 10,48 % à compter du 19 janvier,

— condamné solidairement la société Académie du feu et M. [C] [R] à payer à la Banque Populaire Alsace-Lorraine-Champagne, au titre du compte n°'[XXXXXXXXXX04], la somme de 47 08736 euros, augmentée des intérêts au taux conventionnel de 10,26 %, à compter du 19 janvier 2015,

— condamné solidairement la société Académie du feu et M. [C] [R] à payer à la Banque Populaire Alsace-Lorraine-Champagne, au titre des escomptes impayés, la somme de 26 305,89 euros, outre les intérêts arrêtés au 4 février 2015 pour 3 043,63 euros, augmentée des intérêts au taux conventionnel de 10,48 %, à compter du 5 février 2015, sur le montant de 26 305,189 euros,

— ordonné 1a capitalisation des intérêts échus par année entière,

— débouté la Banque Populaire Alsace-Lorraine-Champagne du surplus de ses demandes,

— débouté la société Académie du feu de l’intégralité de ses demandes de dommages et intérêts,

— débouté M. [C] [R] de l’intégralité de ses demandes de dommages et intérêts,

— condamné solidairement la société Académie du Feu et M. [C] [R] à supporter les entiers dépens,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Academie du feu et M. [C] [R],

— condamné solidairement la société Académie du feu et M. [C] [R] à payer à 1a Banque Populaire-Alsace-Lorraine-Champagne la somme de 1500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

Par arrêt du 1er juillet 2020, la cour d’appel de Colmar a :

— infirmé le jugement rendu le l6 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Colmar, en ce qu’il a assorti les condamnations solidaires de M. [C] [R] et de la société Academie du Feu :

*au titre du compte n° [XXXXXXXXXX03], sur la somme de 17 565,12 euros, des intérêts au taux conventionnel de 10,48 % a compter du 19 janvier 2015,

* au titre du compte n° [XXXXXXXXXX04], sur la somme dc 47 087,96 euros des intérêts au taux conventionnel de 10,26 % à compter du 19 janvier 2015,

* au titre des escomptes impayés, sur le montant dc 26 305,89 euros des intérêts au taux conventionnel de 10,48 % à compter du 5 février 2015.

Et statuant à nouveau de ces chefs de demande,

— dit que les condamnations solidaires de M. [C] [R] et de la société Academie du feu seront assorties :

*au titre du compte n° [XXXXXXXXXX03], sur la somme de 17 565,12 euros, des intérêts au taux conventionnel de 10,48 %, à compter du 5 février 2015 jusqu’au 16 mars 2015,

* au titre du compte n° [XXXXXXXXXX04], sur la somme de 47 087,96 euros des intérêts au taux conventionnel de 10,26 %, à compter du 5 février 2015 jusqu’au 16 mars 2015,

* au titre des escomptes impayés, sur le montant de 26 305,89 euros des intérêts au taux conventionnel de 10,48 %, à compter du 5 fevrier 2015 jusqu’au 16 mars 2015,

— prononcé la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels pour la période débutant le 17 mars 2015,

— dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du 17 mars 2015,

— confirmé le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

— condamné solidairement M. [C] [R] et la société Academie du feu aux dépens de l’appel,

— condamné solidairement M. [C] [R] et la société Academie du feu à payer à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu a application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne.

Suivant arrêt du 21 avril 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt susvisé, mais seulement en ce que infirmant le jugement entrepris, il a prononcé la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels pour la période débutant le 17 mars 2015 et dit que les condamnations solidaire prononcées contre la société Académie du feu et M. [C] [R] porteront intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2015, remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyé devant la cour d’appel de Nancy.

Le 14 novembre 2022, M. [C] [R] et la société Académie du feu ont saisi la cour d’appel de Nancy, désignée cour d’appel de renvoi.

Aux termes de leurs conclusions remises au greffe le 5 avril 2023, M. [C] [R] et la société Académie du feu demandent à la cour de :

— déclarer l’appel recevable,

— le dire bien fondé.

Y faisant droit :

— infirmer partiellement le jugement rendu le 16 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Colmar, en ce qu’il avait condamné M. [C] [R], tenu solidairement avec la société Académie du feu, à payer à la Banque populaire-Alsace-Lorraine-Champagne :

* 17 565,12 euros avec intérêts au taux de 10,48% à compter du 19 janvier 2015,

* 47 087,96 euros avec intérêts au taux de 10,26% à compter du 19 janvier 2015,

* 26 305,89 euros avec intérêts au taux de 10,48% à compter du 5 février 2015.

— prononcer la déchéance de la Banque Populaire Alsace-Lorraine-Champagne de son droit aux intérêts conventionnels à l’égard de M. [C] [R] en sa qualité de caution.

— dire et juger que les sommes qui pourraient être mises à la charge de M. [C] [R] ne sauraient porter intérêts autre que légaux à compter du 5 février 2015, date du lendemain de la mise en demeure adressée à la caution,

— juger n’y avoir lieu à majoration du taux d’intérêt légal sur le fondement de l’article L.313-3 du code monétaire et financier sauf à permettre à la Banque populaire ALC de récupérer près de 70% des intérêts conventionnels dont elle sera privée.

— juger n’y avoir lieu à capitalisation des intérêts ou application d’un anatocisme,

— condamner la Banque Populaire Alsace-Lorraine-Champagne aux entiers frais et dépens de la présente procédure,

— condamner la Banque Populaire Alsace-Lorraine-Champagne à payer à M. [C] [R] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions remises au greffe le 12 mai 2023, la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne demande à la cour de :

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Colmar le 16 novembre 2017 en ce qu’il a :

* condamné solidairement la société Académie du feu et M. [C] [R] à payer à la Banque Populaire Alsace-Lorraine-Champagne, au titre du compte n°[XXXXXXXXXX03] la somme de 17 565,12 euros avec intérêts au taux conventionnel de 10,48 % l’an, à compter du 19 janvier 2015,

* condamné solidairement la société Académie du feu et M. [C] [R] à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne au titre du compte n°[XXXXXXXXXX04] la somme de 47 087,96 euros augmentés des intérêts au taux conventionnel de 10,26 % l’an à compter du 19 janvier 2015 ;

* condamné solidairement la société Académie du feu et M. [C] [R] à payer à la Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne, au titre des escomptes impayés la somme de 26 305,89 euros outre les intérêts arrêtés au 4 février 2015 pour 3 043,63 euros augmentés des intérêts au taux conventionnel de 10,48 % l’an, à compter du 5 février 2015, sur la somme de 26.305,89 euros,

— ordonné la capitalisation annuelle des intérêts échus ;

— en ce qu’il a débouté la société Academie du feu de l’intégralité de ses demandes de dommages et intérêts,

— en ce qu’il a débouté M. [C] [R] de l’intégralité de ses demandes de dommages et intérêts,

— et en ce qu’il a condamné la société Académie du feu et M. [C] [R] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance,

— débouter en conséquence la société Académie du feu et M. [C] [R] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

— condamner solidairement la société Académie du feu et M. [C] [R] au paiement des sommes ci-dessus rappelées,

— condamner solidairement M. [C] [R] et la société Académie du feu au paiement de la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouter M. [C] [R] de sa demande en paiement de la somme de 4 000 euros fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Académie du feu et M. [C] [R] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 5 juillet 2023 ;

MOTIFS

— Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Aux termes de l’article L.341-6 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, devenu les articles L.343-6 et L.333-2, le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.

Selon l’article L.313-22 du code monétaire et financier, dans a version antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l’information.

Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Ainsi, les établissements de crédit ayant accordé à une entreprise un concours financier sous la condition d’un cautionnement, doivent se conformer aux prescriptions des articles L. 313-22 du code monétaire et financier et L. 341-6 du code de la consommation jusqu’à l’extinction de la dette garantie. Il incombe à l’établissement de crédit de justifier de l’exécution de son obligation d’information annuelle à l’égard de la caution.

M. [C] [R], caution, verse lui-même aux débats trois lettres datées des 4 janvier 2017, 10 janvier 2019 et 14 janvier 2020 qui lui ont été adressées par la banque, l’informant en exécution de l’ obligation prévue à l’article L. 312-22 du code monétaire et financier, du montant respectif des concours financiers, qu’elle a antérieurement consentis à la société Académie du feu.

Certes, M. [C] [R] ne conteste pas en l’espèce la réception de ces trois lettres d’information, figurant au bordereau de pièces joint à ses conclusions d’appel.

Cependant, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal de grande instance de Colmar, M. [C] [R] observe à juste titre que la seule production par lui-même des originaux de ces trois lettres d’information ne constitue pas une preuve suffisante de leur envoi,et ce, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, comme il est prescrit par les dispositions de l’article L. 312-22 du code monétaire et financier.

Ainsi en premier lieu, il n’est pas démontré que la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne ait adressé à M. [C] [R], avant le 31 mars 2016, une information portant sur le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires, restant à courir au 31 décembre 2015.

S’agissant des années suivantes, il n’est pas non plus établi par les lettres d’information de la caution que produit lui-même M. [C] [R] (en date des 4 janvier 2017, 10 janvier 2019 et 14 mars 2020), mais également par les autres exemplaires versés aux débats par la banque (en date des 8 mars 2016, 8 janvier 2018 et 13 février 2023), de l’exécution de cette obligation d’information avant la date prescrite par l’article L.313-22 du code monétaire et financier. Il y a lieu de préciser à cet effet que la seule date figurant sur toutes ces lettres d’information susvisées ne constitue pas en effet une preuve effective de leur envoi à la caution, et ce, avant le 31 mars de l’année considérée.

Il convient dans ces circonstances d’infirmer le jugement entrepris, et de prononcer la déchéance de la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne de son droit aux intérêts conventionnels à compter du 17 mars 2015.

Conformément à l’article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution par le débiteur ne consistent jamais que dans la condamnation de ce dernier au taux légal sur celle-ci, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement.

Il résulte de ce texte que la déchéance du droit aux intérêts du créancier professionnel ou de l’établissement de crédit ne dispense pas la caution du paiement des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

En conséquence de la déchéance du droit aux intérêts précédemment prononcée, il convient de dire que les condamnations prononcées contre M. [C] [R], tenu solidairement avec la société Académie du feu, porteront intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2015, date à laquelle une somation de payer a été adressée à la caution par la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne.

En application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d’adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé. Toutefois, le juge de l’exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant.

Afin de garantir l’effectivité des règles de protection des consommateurs prévues par la directive 2008/48 CE, il incombe au juge de réduire d’office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive, le manquement de l’établissement de crédit ou du créancier professionnel à son obligation légale d’information, lorsque le taux majoré résultant de l’application des dispositions susvisées est supérieur ou équivalent au taux conventionnel pour lequel il a été déchu à titre de sanction.

M. [C] [R] et la société Académie du feu demandent d’exclure l’application des dispositions de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, au motif que la majoration prévue des intérêts au taux légal, courant à compter du 17 mars 2015, permettrait à la banque de récupérer une somme presque équivalente à 70% du montant des intérêts au taux conventionnel dont elle a été privée par l’effet de la déchéance du droit aux intérêts. Les appelants demandent également de dire n’y avoir lieu à la capitalisation des intérêts dus au moins sur une année entière en conséquence de la sanction prononcée contre l’établissement financier.

Il résulte cependant des propres affirmations des appelants que la déchéance du droit aux intérêts qui a été précédemment prononcée par la cour n’est pas entièrement compensée par l’application de la majoration des intérêts aux taux légal courant sur les créances de la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne à compter de la délivrance de la sommation de payer.

Ainsi dans ces conditions, la sanction du créancier professionnel au titre du non-respect de son obligation d’information à l’égard de la caution reste effective et proportionnée au regard de la gravité du manquement de la banque à cette obligation qui est caractérisé seulement à compter de la dernière information reçue.

Il n’y a pas lieu en conséquence d’exclure l’application des dispositions de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, M. [C] [R] et la société Académie du feu étant déboutés de leur demande.

Par ailleurs, conformément à l’article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière.

La société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne ne formant aucune demande de capitalisation des intérêts et n’invoquant par ailleurs l’existence d’aucune convention spéciale liant les parties, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande formée par M. [C] [R] et la société Académie du feu au dispositif de leurs conclusions d’appel.

— Sur les demandes accessoires :

La société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne est condamnée aux entiers frais et dépens d’appel et déboutée de sa demande formée au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne est condamnée à payer à M. [C] [R] et la société Académie du feu la somme de 3 000 euros au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation en date du 21 avril 2022 ;

Infirme le jugement en date du 16 novembre 2017 du tribunal de grande instance de Colmar, en ce qu’il a condamné solidairement M. [C] [R] et la société Académie au paiement des intérêts au taux conventionnel, à compter du 19 janvier 2015 sur les sommes respectives de 17 565,12 euros, à compter du 5 février 2015 sur celle de 26 305,89 euros ;

Statuant à nouveau sur ce chef infirmé et ajoutant :

Prononce la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne à compter du 17 mars 2015 ;

En conséquence :

Dit que les condamnations prononcées au profit de la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne contre M. [C] [R], tenu solidairement avec la société Académie du feu, en qualité de caution, porteront intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2015 ;

Déboute M. [C] [R] et la société Académie du feu de leur demande d’exclusion de l’application de l’application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

Déboute la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne de sa demande formée au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne aux entiers frais et dépens d’appel ;

Condamne la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne à payer à M. [C] [R] et la société Académie du feu la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller à la chambre commerciale , à la Cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

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