Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 5, 16 juin 2011, n° 09/28449

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Chronologie de l’affaire

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CMS · 19 novembre 2013

Le grief de rupture brutale des relations commerciales est fréquemment invoqué dans les litiges commerciaux. Néanmoins, si la jurisprudence est abondante, elle n'en est pas moins casuistique, si bien qu'il est difficile de dégager des principes généraux notamment concernant l'évaluation du préjudice. Toutefois, l'article L. 442-6, III, al. 5 dispose que « les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret (1) ». Ainsi, cette disposition qui centralise les contentieux au sein de huit juridictions …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 5, 16 juin 2011, n° 09/28449
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 09/28449
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 5 novembre 2009, N° 2007003179
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 29 décembre 2022
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Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 16 JUIN 2011

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 09/28449

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2007003179

APPELANT

Maître [J] [V] en qualité de mandataire judiciaire de la société COFIM SAS

demeurant : [Adresse 1]

représenté par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

assisté de Maître Arnaud LHERBIER (SELARL AL CONSEIL ENTREPRISE) avocat au barreau de Rouen,

INTIMEES

SAS CARREFOUR ADMINISTRATIF FRANCE

ayant son siège : [Adresse 3]

SAS CARREFOUR FRANCE venant aux droits de la Société CARREFOUR HYPERMARCHES France

ayant son siège : [Adresse 4]

représentées par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour

assistées de Maître Béatrice MOREAU-MARGOTIN (SELARL J.P. KARSENTY et Associés) avocat au barreau de PARIS, toque : R 156,

PARTIE INTERVENANTE

Madame le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE

représenté par M. [F] [X]

demeurant : [Adresse 2]

représentée par M. [F] [X], chef du pôle 'concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie’ (pôle C) de la DIRECTE de HAUTE NORMANDIE, muni d’un mandat,

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral de Madame Patricia POMONTI, Conseillère et conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Mai 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Conseillère

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Hélène ROULLET

ARRET :

— contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

La société par actions simplifiées Cofim, ci-après Cofim, a pour objet la fourniture d’études de marchés et de sondages dans le milieu de la grande distribution. Elle a pour principal client la société Carrefour Hypermarchés France, ci-après Carrefour Hypermarchés, qui assure l’exploitation des hypermarchés à enseigne Carrefour.

Le 6 octobre 1988, Cofim a conclu un contrat avec Carrefour Hypermarchés par lequel la première s’engageait à relever les prix pratiqués dans certains magasins du groupe Carrefour et dans certains magasins concurrents et à élaborer des statistiques en lien avec ces relevés de prix. Ce contrat a été conclu pour une durée d’une année et pouvait être renouvelé.

Le 31 décembre 1990, Cofim et Carrefour Hypermarchés ont conclu un contrat ayant un objet similaire à celui du 6 octobre 1988. Ce contrat a été conclu pour une durée d’une année et pouvait être renouvelé tacitement par durée d’un an.

Le 7 octobre 2005, la société Carrefour Administratif France, ci-après Carrefour Administratif, a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception à Cofim par lequel elle informait cette dernière de la cessation de leurs relations contractuelles, à l’issue d’un préavis de 15 mois.

Par jugement du 5 septembre 2006, le tribunal de commerce de Rouen a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de Cofim, Maître [J] [V], ayant été nommé en qualité de mandataire judiciaire de Cofim.

Par acte d’huissier du 21 décembre 2006, Maître [V], ès-qualités, a assigné Carrefour Administratif devant le Tribunal de Commerce de Paris.

Le 4 mai 2007 Carrefour Hypermarchés a déposé des conclusions d’intervention volontaire. Carrefour hypermarchés a été dissoute et son patrimoine a été transmis à titre universel à la SAS Carrefour France, ci-après Carrefour. Carrefour vient donc aux droits de Carrefour Hypermarchés.

Le 7 mars 2008, le tribunal de commerce de Paris a ordonné, avant dire droit, la désignation d’un expert ayant pour mission de déterminer le chiffre d’affaires réalisé par Cofim avec Carrefour durant les années 2002, 2003 et 2004 et de déterminer la marge sur coûts variables de Cofim durant ces mêmes années.

Le 27 mars 2009, Madame le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, ci-après le ministre de l’économie, a déposé des conclusions d’intervention volontaire au titre de l’article L 470-5 du code de commerce.

Par un jugement rendu le 6 novembre 2009, le tribunal de commerce de Paris a :

— pris acte que la SAS Carrefour France venait au droits de la SAS Carrefour Hypermarchés France et jugé recevable son intervention volontaire,

— pris acte de l’intervention du ministre de l’économie,

— débouté la SAS Carrefour Administratif de sa demande de mise hors de cause,

— condamné in solidum la SAS Carrefour Administratif et Carrefour, à payer à Maître [V], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Cofim :

la somme de 405 000 euros à titre principal,

la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté le Ministre de l’économie de l’ensemble de ses demandes,

— débouté respectivement les parties de leurs demandes plus amples, autres ou contraires au présent dispositif.

Le 18 décembre 2009, Maître [V], ès-qualités, a interjeté appel de ce jugement.

LA COUR :

Le 15 avril 2010, le ministre de l’économie a déposé des conclusions intitulées « d’intervention » dans lesquelles elle a déclaré interjeter appel incident. Le 5 juillet 2010, Carrefour et Carrefour Administratif ont déposé des conclusions tendant à ce que l’appel du ministre de l’économie soit déclaré irrecevable. Par une ordonnance du 25 novembre 2010, le magistrat en charge de la mise en état a requalifié l’appel incident du ministre, d’intervention sur le fondement de l’article L470-5 du code de commerce et a déclaré l’intervention recevable.

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 avril 2010, par lesquelles Maître [V] demande à la Cour de :- déclarer Maître [J] [V], ès qualité de mandataire judiciaire de la société Cofim, bien fondé en son appel,

— confirmer le jugement de première instance rendu par le tribunal de commerce de Paris sur le principe même de la responsabilité de Carrefour envers la société quant à la rupture brutale des relations commerciales sans avoir respecté le préavis,

— rejeter le rapport d’expertise de M. [U] pour contestations sérieuses, incohérentes et partialité,

— condamner in solidum Carrefour Administratif et Carrefour France à payer à Cofim, la somme de 3 064 007 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation en justice, à titre compensatoire et la capitalisation des intérêts,

— dans l’hypothèse où la Cour ne retiendrait pas la marge à 74,45%, condamner in solidum Carrefour Administratif et Carrefour France, à payer à Cofim, la somme de 3 335 923, 47 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation en justice, à titre compensatoire et de capitalisation des intérêts,

— condamner Carrefour Administratif à la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Maître [V], ès-qualités, conteste l’exactitude du rapport d’expert réalisé à la suite de la décision du Tribunal de Commerce de Paris en date du 7 mars 2008, ci-après le rapport d’expert :

— le rapport définitif n’aurait pas été précédé d’un rapport préliminaire pouvant être contradictoirement discuté par les parties. Il aurait été presque exclusivement fondé sur les observations de Carrefour et de Carrefour Administratif,

— l’appréciation par l’expert de la marge sur les coûts variable serait erronée. Ainsi, il aurait passé en charges variable des éléments qui auraient du être comptabilisés en charges fixes. Cette erreur s’expliquerait notamment par la non distinction des coûts directs et des coûts indirects. L’expert aurait également considéré l’ensemble de la rémunération des enquêteurs comme constituant une charge variable alors qu’un nombre non négligeable d’enquêteurs disposait d’une part de rémunération fixe.

Maître [V], ès-qualités, affirme que Carrefour a rompu les relations contractuelles la liant à Cofim, sans raison légitime et de façon brutale et unilatérale. Carrefour a ainsi causé un préjudice, à Cofim, qui correspondrait au gain manqué et aux pertes annexes subies.

Le gain manqué serait constitué de la perte de la marge commerciale pendant tout le temps du préavis que Carrefour aurait du respecter, soit pendant vingt mois. Le chiffre de 18,83% retenu par le tribunal conformément aux conclusions du rapport d’expertise serait excessivement bas et ne correspondrait pas à la réalité des sociétés de prestations de service qui doivent réaliser au moins une marge de 40 à 50% pour pouvoir être viables, le commissaire aux comptes de Cofim ayant attesté d’une moyenne de 74,45%..

Cofim avait acquis des logiciels spécifiques adaptés aux seules prestations demandées par Carrefour.

Selon Maître [V], ès-qualités, la liquidation de Cofim est due à la rupture brutale par Carrefour de leurs relations commerciales. Carrefour doit donc indemniser Cofim à tout le moins de son passif qui s’élève à 2 871 423,47 euros, ainsi que de la perte du fonds de commerce, estimé à 464 500 euros le 1er janvier 2004.

Vu les dernières conclusions signifiées le 10 mars 2011 par lesquelles Carrefour Administratif et Carrefour France demandent à la Cour de :

— juger irrecevable l’appel, l’intervention et les demandes du Ministre de l’Economie,

— réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 6 novembre 2009, sauf en ce qu’il a pris acte que Carrefour vient aux droits de Carrefour Hypermarchés France, et a jugé recevable son intervention volontaire,

Pour le surplus, et statuant à nouveau :

— mettre hors de cause Carrefour Administratif,

— débouter Maître [V], ès qualité de liquidateur de Cofim et le Ministre de l’Economie de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

— condamner in solidum Maître [V], ès-qualités, et le Trésor Public à payer à chacune des sociétés Carrefour et Carrefour Administratif la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Carrefour et Carrefour Administratif soutiennent que le ministre de l’économie n’est recevable ni à interjeter appel incident ni à intervenir à l’instance et, à titre subsidiaire, si le ministre de l’économie pouvait, au nom de l’article L470-5 du Code de commerce, participer à la présente instance, qu’il devrait se contenter de déposer des observations, en application de la jurisprudence. Il ne pourrait pas demander la condamnation de Carrefour à une amende civile.

Carrefour et Carrefour Administratif demandent à ce que Carrefour Administratif soit mis hors de cause, n’ayant pas bénéficié des prestations de Cofim mais s’étant contentée d’assurer le paiement des factures.

Carrefour nie avoir eu un comportement pouvant être sanctionné sur le fondement de l’article L442-6 I 5° du code de commerce :

— le contrat prévoyait le respect d’un préavis de trois mois en cas de rupture. Carrefour a informé Cofim qu’il entendait respecter un préavis de quinze mois. Ce préavis est d’une durée suffisante pour une relation d’affaires ayant duré 17 ans,

— Cofim n’était pas dans une relation de dépendance vis à vis de Carrefour, car il aurait pu conclure des contrats équivalents avec d’autres acteurs de la grande distribution. Quand bien même une relation de dépendance serait caractérisée, elle ne saurait justifier l’octroi d’un préavis plus long,

— Carrefour nie avoir rompu le contrat avant l’expiration du préavis :

*Cofim a mis fin au contrat le liant à Carrefour le 5 septembre 2006 en invoquant la procédure de liquidation judiciaire dont il était l’objet, alors même qu’il avait été autorisé par le tribunal de commerce à continuer son activité,

*Carrefour nie avoir rompu partiellement le contrat. La baisse du chiffre d’affaires de Cofim, observée en 2005 n’est pas inédite dans la relation contractuelle liant Carrefour à Cofim. Une telle baisse avait pu être observée entre les années 2000 à 2001. De plus, selon la jurisprudence, une seule baisse du chiffre d’affaires, même si elle est de 80%, ne suffit pas à caractériser une rupture brutale des relations contractuelles. Enfin, le chiffre d’affaires de Cofim a connu une forte augmentation en novembre 2005,

*A titre subsidiaire, la jurisprudence n’impose pas lorsqu’une une rupture partielle est suivie d’une rupture totale, de respecter deux préavis,

— Cofim aurait violé deux de ses obligations contractuelles, soit une clause de non concurrence, prévue à l’article 10 du contrat de 1990 et une interdiction de sous-traiter, prévue à l’article 10 du même contrat. Par conséquent, en application de l’article L442-6 I 5° du Code de commerce, Carrefour n’avait plus l’obligation de respecter un préavis pour rompre le contrat le liant à Cofim.

A titre subsidiaire, Carrefour et Carrefour administratif affirment que la rupture des relations contractuelles avec Cofim, si elle était brutale, n’aurait en aucun cas causé un préjudice à Cofim.

— l’article L 442-6 I 5° du code de commerce ne permet de réparer que les conséquences de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle même. Or Maître [V], ès-qualités, n’aurait pas prouvé les conséquences de la brutalité de la rupture sur Cofim. La perte d’un fonds de commerce ne saurait, selon la jurisprudence, résulter de la brutalité de la rupture. Enfin, la liquidation de la société serait due à sa mauvaise gestion,

— Maître [V], ès-qualités, ne prouve pas la réalité du passif de Cofim. Quant au fonds de commerce de Cofim, il a été cédé en 2004.

Le rapport de l’expert ne doit pas être écarté, l’absence de pré-rapport étant due à l’intervention de la liquidation judiciaire, le calcul des marges commerciales enregistrées par Cofim étant valable et la notion de coûts directs étant spécifique aux entreprises de biens.

Carrefour considère que la demande en réparation de la perte de l’investissement de logiciels est irrecevable car nouvelle.

Carrefour estime que le tribunal aurait du retenir que Carrefour avait respecté 15 mois de préavis et ne calculer le préjudice de Cofim que sur cinq mois. Si les quinze mois de préavis n’ont pas été intégralement exécutés, cela est imputable à Cofim et non à Carrefour.

Carrefour et Carrefour administratif affirment qu’ils ne sauraient être condamnés au paiement d’une amende civile.

Vu les dernières conclusions signifiées le 17 janvier 2011 par lesquelles le Ministre de l’Economie demande à la Cour de :

— recevoir les conclusions du Ministre de l’économie,

— réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 6 novembre 2009 en ce qu’il a débouté le ministre de l’économie de ses demandes,

— prononcer à l’encontre de Carrefour France (venant aux droits de la société Carrefour Hypermarchés France) et solidairement avec Carrefour Administratif une amende civile d’un montant de 150 000 euros, au titre de l’atteinte à l’ordre public économique,

— condamner Carrefour et solidairement avec Carrefour Administratif au paiement au profit de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le ministre de l’économie rappelle la spécificité de son intervention, dérogatoire au droit commun de la procédure civile.

Selon le ministre de l’économie, la rupture brutale partielle des relations entre Carrefour et Cofim est intervenue dès le janvier 2005 puisque le chiffre d’affaire réalisé par Cofim avec Carrefour a baissé de 53,60% par rapport à la moyenne des chiffres d’affaires des années 2002, 2003 et 2004. En 2006, la baisse était de 75,08%.

— La rupture a été soudaine, imprévisible et violente car Cofim travaillait à titre quasi exclusif avec Carrefour depuis 16 ans. Cofim pouvait légitimement croire à la continuation de la relation.

Carrefour n’a adressé son préavis de rupture que le 7 octobre 2005. Si Carrefour avait voulu respecter une durée de 15 mois pour le préavis, ce dernier aurait du être signifié en octobre 2003.

Le ministre de l’économie considère que Carrefour a placé et maintenu Cofim dans une situation de dépendance maintenue grâce à une clause d’exclusivité liant Cofim à Carrefour.

Puisque le contrat contenait une clause d’exclusivité, Carrefour ne pouvait pas raisonnablement demander à Cofim de s’être préparé à l’ éventualité de la rupture en diversifiant sa clientèle.

Selon le ministre de l’économie, Carrefour est mal fondée à invoquer des violations de Cofim à ses obligations contractuelles puisque Carrefour, qui suivait de très près l’activité de Cofim, ne s’est jamais plainte et a au contraire affirmé lors de la notification de la rupture dans un courrier du 7 octobre 2005 que la rupture ne remettait en rien en cause la qualité des prestations de Cofim.

Le comportement de Carrefour a causé un important préjudice à Cofim et à l’ordre public économique.

Cette rupture a en partie causé la mise en liquidation judiciaire de Cofim et les licenciements qui en sont résultés.

La rupture brutale des relations commerciales est visée à l’article L442-6 du code de commerce qui dresse une liste de restrictives de la concurrence. Ces dernières ne nécessitent pas, à la différence des pratiques anticoncurrentielles, pour être caractérisées d’étudier leur impact sur le marché. Le seul fait pour Carrefour d’avoir rompu brutalement ses relations commerciales a porté atteinte au marché et au principe de libre-concurrence.

Ainsi, le trouble à l’ordre public n’a pas à être démontré et le ministre peut sur le fondement de sa mission de protection de l’ordre public économique, demander le prononcé d’une amende civile.

Quoi qu’il en soit, le comportement de Carrefour a bien eu un impact sur le marché. Aujourd’hui, seules trois sociétés sont en charge de l’exploitation statistique des relevés de prix au stade de la distribution. La disparition d’un acteur de ce secteur porte nécessairement atteinte au fonctionnement de la concurrence.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

— Sur la recevabilité de l’appel, de l’intervention et des demandes du ministre de l’économie :

Les intimées soutiennent que Madame le Ministre de l’Economie et de l’Industrie et de l’Emploi est irrecevable à former appel du jugement, à intervenir dans la procédure et à former une quelconque demande.

Il convient de rappeler que par des conclusions intitulées 'd’intervention', sous-titrées 'appel incident du jugement n°2007003179 du 06/11/2009 du Tribunal de commerce de Paris (10ème chambre)', déposées devant la Cour, le ministre de l’économie a déclaré interjeté appel incident de cette décision en vertu des articles 548 et suivants du code de procédure civile.

Aux termes des articles 549 et 550 du code de procédure civile, l’appel incident peut émaner, sur l’appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance, et peut être formé en tout état de cause, alors même que celui qui l’interjetterait serait forclos pour agir à titre principal.

Il est constant que le ministre de l’économie est intervenu dans la procédure de première instance le 27 mars 2009, sur le fondement de l’article L 470-5 du code de commerce, ce dont le jugement dont appel lui a donné acte.

Cependant, si l’article L 470-5 du code de commerce permet au ministre de l’économie de déposer devant les juridictions civiles des conclusions et de les développer oralement à l’audience, ce texte ne lui confère pas pour autant la qualité de partie à l’action (Com. 26 nov. 1996; Bull. civ. IV n°290).

Dès lors, l’article 550 du code de procédure civile, réservant la possibilité de faire un appel provoqué aux seules personnes ayant été partie en première instance, le ministre de l’économie ne pouvait valablement former un tel appel.

Cependant, l’article L 470-5 du code de commerce, qui organise l’intervention du ministre de l’économie à une instance en cours lui confère un statut particulier, en ce sens qu’il n’est pas soumis aux règles processuelles d’un justiciable défendant des intérêts privés.

Dans la mesure où il n’a pas qualité de partie à l’action, son intervention est recevable en cause d’appel car, en déposant devant la Cour, comme il l’avait fait en première instance, des conclusions préconisant des mesures fondées sur l’application de l’article L 442-6-1 5° du code de commerce, dans le cadre de la protection générale de l’ordre public économique, le ministre de l’économie n’a fait qu’user de la faculté qui lui est conférée par l’article L 470-5 du code de commerce.

Dès lors, les conclusions du ministre de l’économie sont bien des conclusions 'd’intervention', sur le fondement de l’article L 470-5 du code de commerce et elles sont parfaitement recevables.

Dans ces dernières conclusions devant la Cour, signifiées le 17 janvier 2011, le ministre de l’économie ne soutient pas qu’il serait devenu une partie à l’instance de sorte que, contrairement à ce que soutient Carrefour, il n’y a pas atteinte au principe de l’estopel ou de cohérence.

Par ailleurs, l’intervention du ministre de l’économie ne porte pas atteinte au principe du procès équitable, dès lors que cette intervention n’est motivée que par la préservation de l’ordre public économique et ne défend qu’un intérêt collectif, le ministre de l’économie n’ayant d’ailleurs pas la faculté de se substituer aux victimes des pratiques visées à l’article L 442-6 du code de commerce pour solliciter réparation du préjudice en résultant.

Par contre, le ministre de l’économie, recevable à être présent dans la présente instance, est irrecevable à former une quelconque demande, dès lors qu’il n’a pas lui-même engagé l’action prévue à l’article L 442-6 du code de commerce mais qu’il s’est contenté d’intervenir, sur le fondement de l’article L 470-5 du code de commerce, à la procédure initiée par Maître [V], ès-qualités de liquidateur de la SAS Cofim (Cass.com.7 juillet 2004, pourvoi n°03-11.369).

Le ministre de l’économie doit se contenter de formuler des observations par voie de conclusions et de produire les procès-verbaux et les rapports d’enquête et le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes.

— Sur la mise hors de cause de la société Carrefour Administratif :

Les intimées soutiennent que la société Carrefour Administratif doit être mise hors de cause au motif que c’est la société Carrefour France, venant aux droits de la société Carrefour Hypermarchés France, qui était bénéficiaire des prestations réalisées par la société Cofim.

Il est constant que la société Carrefour Administratif a une personnalité morale distincte de la SAS Carrefour France, venant aux droits de la société Carrefour Hypermarchés France.

Il apparaît cependant, comme l’ont relevé les premiers juges, que c’est elle qui a pris l’initiative d’adresser à la société Cofim le courrier du 7 octobre 2005, informant cette dernière de la cessation des relations commerciales, précisant qu’il était mis fin aux 'prestations de relevés de prix que votre société (Cofim) réalisait pour notre compte'.

La société Carrefour Administratif s’est donc elle-même positionnée comme co-contractant de la société Cofim, les intimées reconnaissant par ailleurs qu’elle est 'intervenue pour effectuer des paiements'.

Il convient donc de rejeter la demande de mise hors de cause de la société Carrefour Administratif et de confirmer le jugement dont appel sur ce point.

— Sur la rupture des relations commerciales entre les sociétés Carrefour et Cofim :

La demande de Maître [V], ès-qualités, est fondée sur les dispositions de l’article L442-6-5° du code de commerce.

Aux termes de cet article : 'Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels…… Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis , en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.'

L’existence entre les parties de relations commerciales établies n’est pas contestée par les sociétés Carrefour qui admettent qu’elles ont débuté le 6 octobre 1988 et qu’elles ont été continues jusqu’à leur rupture à leur initiative.

Les sociétés Carrefour ont adressé une lettre de résiliation à la société Cofim le 7 octobre 2005, de sorte que ces relations commerciales ont duré 17 ans.

Carrefour estime que le caractère brutal de la cessation de ces relations ne peut être retenu alors qu’il a été accordé à Cofim un préavis de 15 mois, ce qui est conforme à la jurisprudence au regard de la durée des relations, et qu’en exécution du dernier contrat signé entre les parties, le préavis était fixé à 3 mois.

Pourtant, dès le mois de janvier 2005, le chiffre d’affaires confié par Carrefour à Cofim a été diminué de plus de 50 %, son montant annuel s’établissant à la somme de 1.360.731 € alors qu’il était de 2.755.145 € pour l’année 2004, de 2.817.300 € pour l’année 2003 et de 2.669.001 € pour l’année 2002.

L’impact de cette diminution de chiffre d’affaires est encore accentué par le fait que la part de chiffre d’affaire réalisé par Cofim avec Carrefour représentait en moyenne plus de 75 % de son chiffre d’affaires total.

En effet, pour les six exercices de 1999 à 2004 inclus, la moyenne du chiffre d’affaires réalisé par Cofim avec Carrefour était de 2.136.757 € pour un chiffre d’affaires moyen total de 2.830.455 €.

Cette baisse ne s’est pas limitée, contrairement à ce que soutient Carrefour, à une baisse conjoncturelle mensuelle limitée au mois de janvier 2005 mais n’a fait que s’accroître ultérieurement.

En 2006, alors que le préavis de 15 mois donné par Carrefour dans la lettre du 7 octobre 2005 courrait pendant toute l’année, le chiffre d’affaires n’a plus été que de 719.144 €, soit une baisse de 75 % par rapport à la moyenne des chiffres d’affaires réalisés en 2002, 2003 et 2004.

Dès lors, une rupture brutale partielle des relations commerciales était bien caractérisée dès le mois de janvier 2005 et le préavis dont il est fait état dans la lettre de résiliation du 7 octobre 2005 n’en est pas un puisque la rupture partielle était consommée depuis de longs mois lorsque ce courrier est adressé à Cofim.

Carrefour ne saurait arguer, pour justifier d’une rupture de la relation commerciale sans préavis, du non respect par Cofim de ses obligations contractuelles, à savoir la clause d’exclusivité prévue à l’article 10 du contrat du 31 décembre 1990 et la clause d’intuitu personae prévue à l’article 13 dudit contrat.

D’une part, Carrefour a bien voulu, au moins dans la forme, accorder à Cofim un préavis de 15 mois, de sorte qu’elle n’entendait manifestement pas se prévaloir d’un quelconque non respect des obligations contractuelles par Cofim.

D’autre part, le courrier de résiliation du 7 octobre 2005 indique que 'cette décision ne remet bien entendu absolument pas en cause la qualité de vos prestations ni de celle de notre relation’ ce qui signifie que Carrefour n’a manifestement aucun reproche à adresser à Cofim.

En troisième lieu, Carrefour confirme cette position dans son procès-verbal de déclaration devant les services enquêteurs du ministère de l’économie du 7 octobre 2008 dans lequel elle affirme que 'la rupture de relation commerciale était motivée par un choix d’entreprise. Nous n’expliquons pas au prestataire les raisons multiples qui ont motivé ce choix. Ce choix n’est pas lié à la qualité des prestations fournies par Cofim'.

Carrefour indique certes dans cette déclaration qu’elle se serait rendue compte ultérieurement d’un non-respect par Cofim des clauses d’exclusivité et d’intuitu personae du contrat mais elle ne pouvait ignorer pendant le cours de la relation contractuelle que Cofim travaillait, de manière marginale, avec d’autres clients, pour l’essentiel des sociétés du groupe Carrefour, des fournisseurs travaillant avec Carrefour et Continent Promodes qui a fusionné avec Carrefour en mars 2000 de même qu’elle n’a pu ignorer l’opération de cession partielle d’actifs réalisée au profit d’une société Cofim’Enket en avril 2004 apportant à cette dernière la branche d’activité relative aux opérations de relevé de prix.

Par ailleurs, Carrefour ne saurait tirer argument du fait que, selon elle, le préavis n’aurait pas été exécuté dans son intégralité du seul fait de Cofim au motif qu’elle avait déposé une demande de mise en liquidation judiciaire, alors qu’il a été rappelé ci-dessus que le chiffre d’affaires en 2006 n’a plus été que de 25 % de ce qu’il était en 2002, 2003 et 2004, de sorte qu’à l’évidence Cofim a été mise dans l’impossibilité de poursuivre la fourniture de ses prestations et n’a eu d’autres choix que de déposer son bilan .

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments la rupture partielle, brutale et fautive, des relations commerciales retenue par les premiers juges est bien caractérisée et Carrefour doit indemniser Cofim respectivement Maître [V], ès-qualités, du préjudice en résultant.

— Sur la validité du rapport d’expertise :

Préalablement à l’analyse du préjudice subi par Cofim, il convient de se prononcer sur la validité du rapport d’expertise de Monsieur [W] [U] du 5 janvier 2009.

En effet, cette expertise a été ordonnée par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 7 mars 2008, précisément aux fins d’obtenir les éléments d’appréciation du préjudice de Cofim puisque l’expert avait pour mission 'de déterminer le chiffre d’affaires réalisé par la SAS Cofim de par son activité avec Carrefour durant les années 2002, 2003 et 2004 et la marge sur coût variable de la SAS Cofim durant les mêmes années'.

Maître [V], ès-qualités, critique les conclusions du rapport d’expertise en estimant que la marge sur coûts variables ne peut être de 18,82 %, ce qui n’aurait pas permis à la société Cofim de faire face à ses engagements et de dégager des bénéfices nets comptables conséquents en 2003 et 2004. Selon lui l’expert a incorporé dans ses coûts variables des charges qui n’auraient pas dû l’être. Il ajoute que l’expert a, à tort, considéré que le poste 'rémunération’ était quasiment en totalité variable.

Maître [V], ès-qualités, reproche également à l’expert de n’avoir pas déposé de rapport provisoire sur lequel les parties auraient pu faire valoir ses observations.

Il estime enfin que Monsieur [U] s’est principalement fondé sur les dires de Carrefour et n’a donc pas respecté le principe d’impartialité.

Tout d’abord, il ne saurait être reproché à l’expert judiciaire de ne pas avoir déposé de pré-rapport alors qu’il n’avait aucune obligation de le faire, ni légalement, ni par la mission qui lui avait été confiée.

Il résulte de l’exposé du déroulement des opérations d’expertise que le 21 août 2008 le conseil de Cofim écrivait à Monsieur [U] que, pour des raisons financières suite à la liquidation judiciaire de Cofim, et estimant que l’expert était en possession de pièces suffisantes pour terminer sa mission, il devait délivrer son rapport.

Par courrier du 31 octobre 2008, Maître [V], ès-qualités, a confirmé qu’il sollicitait le dépôt du rapport d’expertise en l’état et, par ordonnance du 6 novembre 2008, le magistrat chargé du contrôle des expertises a autorisé l’expert à déposer son rapport en l’état de ses investigations.

En outre, il apparaît que, tant pendant le déroulement des opérations d’expertise, que postérieurement au dépôt du rapport, dans le cadre de la présente instance, Maître [V], ès-qualités, a eu tout loisir de faire valoir ses arguments de manière contradictoire. Il y a eu plusieurs réunions d’expertise et les parties ont pu adresser dires et pièces à l’expert, qui a diffusé plusieurs notes d’information, a annexé ces dires à son rapport et y a répondu dans son rapport.

Aucun élément du dossier ne permet de dire que l’expert aurait été partial en privilégiant la position d’une des parties par rapport à l’autre.

Quant au fond de l’expertise, les critiques formulées par Maître [V], ès-qualités, ne sont pas fondées.

La mission de l’expert était précisément de déterminer la marge sur coût variable qui ne se confond pas avec le bénéfice net comptable. Comme le tribunal l’a relevé dans son jugement avant dire droit du 7 mars 2008, s’agissant de prestations de services, la notion de marge sur coût variable est plus appropriée que celle de marge brute ou de résultat d’exploitation.

L’expert a fait une analyse des comptes de charges et a réparti les frais entre le poste variable et le poste fixe pour parvenir à la marge sur coûts variables. Cette analyse est très fouillée et répond aux objections de la société Cofim.

Il convient donc de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté la demande de Maître [V], ès-qualités, Cofim tendant au rejet du rapport d’expertise, sur lequel il convient, au contraire, de s’appuyer pour apprécier le préjudice de Cofim.

— Sur l’indemnisation du préjudice de la société Cofim :

L’expert judiciaire a donné une définition comptable du coût variable qui 'est constitué par les seules charges qui varient avec le volume d’activité de l’entreprise. La différence entre le total des charges de l’entreprise et les charges variables forme une masse constituant les charges de structure, souvent considérées comme fixes pour une période de temps relativement courte'.

Les analyses qui ont été présentées à l’expertise ont consisté à répartir les soldes des comptes correspondants aux postes de charges d’exploitation entre les charges variables et les charges fixes ou de structure.

Les conclusions de l’expertise sur ce point font apparaître des pourcentages suivants de marge sur coût variable :

— année 2002 22,93 %

— année 2003 19,22 %

— année 2004 14,33 %

soit une moyenne de 18,83 % comme l’ont retenu à juste titre les premiers juges.

Les chiffres et calculs sur lesquels se fonde Maître [V], ès-qualités, pour invoquer une marge de 74,45 % ne reposent sur aucun élément sérieux au regard des calculs très complets effectués par l’expert et l’attestation du commissaire au compte dont il se prévaut n’est pas de nature à convaincre de l’existence d’une telle marge.

Il convient de rappeler que le calcul de marge est propre à chaque entreprise et une entreprise peut parfaitement pratiquer une marge sur coût variable inférieure à 40 %.

Contrairement à ce qu’affirme Maître [V], ès-qualités, l’expert n’a pas confondu les notions de 'charges variables’ et de 'coûts directs', cette dernière notion concernant essentiellement les entreprises qui produisent des biens et non des services, comme c’est le cas pour Cofim, et il n’a pas incorporé certaines charges dans les coûts variables alors que, selon Maître [V], il s’agirait de charges de structures, fixes par nature.

Le chiffre de marge de 74,45 % ne saurait être retenu et seul celui déterminé par l’analyse de l’expert de 18,83 % peut servir à calculer le préjudice subi par Cofim.

Il convient de rappeler que le fournisseur ne peut obtenir réparation que du préjudice résultant du caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même.

La perte de marge brute subie par Cofim est incontestablement imputable à la brutalité de la rupture des relations commerciale à l’initiative de Carrefour qui aurait dû donner à Cofim un préavis suffisant pour lui permettre de se réorienter.

Ceci est d’autant plus vrai que Cofim était dans une situation de dépendance à l’égard de Carrefour, puisque cette société représentait en moyenne plus de 75 % de son chiffre d’affaires total.

Cette situation de dépendance était voulue par Carrefour comme cela est attesté par de la clause d’exclusivité contenue dans les deux contrats liant les parties.

C’est à juste titre que les premiers juges ont retenu une durée de préavis qui aurait dû être respectée par Carrefour de 20 mois, au regard de l’ancienneté de la relation qui a duré 17 ans et de la clause d’exclusivité.

La moyenne de chiffres d’affaires réalisés durant les années 2002, 2003 et 2004 reflète parfaitement l’importance des relations entre les parties et doit effectivement servir de base de référence à l’indemnisation du préjudice.

Cette moyenne s’établit à 2.332.689 €, soit 3.887.815 € pour 20 mois, dont à déduire les prestations effectuées et payées durant les années 2005 et 2006 pour un montant total de 1.739.026 €, soit un solde de 2.148.789 €, sur lequel il convient d’appliquer le taux moyen de marge sur coût variable de 18,83 %, soit une indemnisation à hauteur de 405.000 €.

La perte relative à des logiciels non amortis invoquée par Maître [V], ès-qualités, et pour laquelle il réclame une somme de 169.529 € constitue une demande nouvelle, même si ce sujet avait déjà été évoqué devant le tribunal de commerce de Paris qui y a consacré un paragraphe en page 10 de son jugement.

En effet, aucune demande chiffrée à ce titre n’avait été formée en première instance, Maître [V], ès-qualités, réclamant l’intégralité du passif de Cofim, soit 2.871.423,47 €, ainsi que la valeur du fonds de commerce, soit 464.500 €.

La demande au titre de la perte des logiciels non amortis doit donc être déclarée irrecevable sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il ne peut être fait droit à la demande subsidiaire de Cofim tendant à la condamnation de Carrefour à prendre en charge l’intégralité de son passif, au motif que la liquidation judiciaire est la conséquence directe de la rupture brutale des relations commerciales.

Il y a lieu de retenir que la rupture des relations commerciales date de janvier 2005 alors que la liquidation judiciaire a été prononcée le 5 septembre 2006, soit 20 mois plus tard et que Cofim avait déjà fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire le 6 juillet 1999 qui a été convertie en plan de continuation le 24 avril 2001, ce qui n’a pu qu’affaiblir sa trésorerie.

En outre, il est indéniable que Cofim a dû faire face à la concurrence des récentes avancées technologiques en ce qui concerne les relevés de prix.

Ainsi, si la rupture des relations commerciales avec Carrefour a contribué à la mise en liquidation judiciaire de Cofim, le lien de causalité entre la brutalité de la rupture et la procédure collective n’est pas suffisamment établi et il n’est pas possible de faire supporter par Carrefour l’intégralité du passif de Cofim, de sorte que les premiers juges ont justement rejeté cette demande.

En conséquence, le jugement dont appel doit être confirmé dans son intégralité.

L’équité commande ne commande pas d’allouer à l’une ou l’autre des parties une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DECLARE recevable l’intervention Madame le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi mais irrecevables ses demandes en paiement d’une amende civile et en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DECLARE irrecevable la demande de Maître [V], ès-qualités, en paiement de la somme de 169.529 € au titre de la perte des logiciels non amortis sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’une ou l’autre des parties,

CONDAMNE Maître [V], ès-qualités, aux dépens d’appel et DIT qu’ils seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la SAS Cofim,

AUTORISE la SCP Duboscq & Pellerin, avoués, à recouvrer directement les dépens d’appel conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier

A. BOISNARD

La Présidente

C. PERRIN

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 5, 16 juin 2011, n° 09/28449