Cour d'appel de Paris, 3 juillet 2013, n° 11/17161

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Chronologie de l’affaire

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Lettre des Réseaux · 17 décembre 2021

Cette affaire concernait l'examen de la validité d'une clause d'exclusivité contenue dans un bail au regard du droit de la concurrence. La jurisprudence s'intéresse régulièrement à la validité des clauses d'exclusivité territoriale contenues dans les contrats de distribution. Plus rares sont les hypothèses dans lesquelles ces clauses sont remises en cause lorsqu'elles sont contenues dans des baux. Tel est pourtant l'objet du différend tranché le 3 juillet dernier par la Cour d'appel de Paris, dans un litige opposant deux centres commerciaux concurrents implantés à Montpellier. Le second …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 3 juill. 2013, n° 11/17161
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/17161
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 5 septembre 2011, N° 08/07983

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 03 JUILLET 2013

(n° 217 , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/17161

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de Marseille – 2e Chambre Civile – RG n° 08/07983

APPELANTES

SCI SOCIETE CIVILE D 2 représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

XXX

XXX

SCI SCI D PLACE DE FRANCE représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

XXX

XXX

Représentées par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (Me Michel GUIZARD), avocats au barreau de PARIS, toque L0020

Assistées de Me Emmanuel ROSENFELD, avocat au barreau de PARIS, toque T002

INTIMEES

Société A SNC agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

XXX

Bureau du A

XXX

Assistées de Me Pierre-Marie GRAPPIN plaidant pour la SCP GRAPPIN, avocat au barreau de MONTPELLIER

SA N O prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

XXX

XXX

XXX

Représentées par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque J125

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mai 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame COCCHIELLO, Président, chargée d’instruire l’affaire et Madame LUC, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame COCCHIELLO, Président, rédacteur

Madame LUC, Conseiller

Mme POMONTI, Conseiller désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de Paris en vertu de l’article R 312-3 du code de l’organisation judiciaire pour compléter la chambre.

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame GAUCI

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame COCCHIELLO, Président et par Madame GAUCI, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*****

Vu le jugement rendu le 6 septembre 2011, par lequel le Tribunal de grande instance de MARSEILLE a déclaré l’action de la société D PLACE DE FRANCE, venant aux lieux et place de la SCI D 2, recevable, débouté celle-ci de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée à payer à la société LE A 2 la somme de 2.000 euros et à la société N O la somme de 1.000 euros, en application de l’article 700 du Code de procédure civile';

Vu l’appel des sociétés D 2 et D PLACE DE FRANCE du 22 septembre 2011, et leurs conclusions signifiées le 11 avril 2012 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé plus ample des moyens, dans lesquelles elles demandent à la Cour':

— Sur l’appel principal, de déclarer la société D PLACE DE FRANCE recevable en son appel'; d’écarter des débats comme ne faisant pas foi de son origine et de la licéité de sa communication la pièce adverse n°26', d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions leur faisant grief', de prononcer la nullité de la clause d’exclusivité contenue dans le bail commercial conclu entre la société LE A et la société N O, d’enjoindre à la société LE A, dans les huit jours de la date à laquelle la décision sera exécutoire, de notifier par lettre recommandée avec avis de réception, dont un double sera adressé concomitamment à la SCI D PLACE DE FRANCE, à tous ses preneurs, autres que la société N O, la renonciation unilatérale à la clause d’exclusivité stipulée, de juger que faute d’exécution dans ce délai, une astreinte de 10.000 euros par jour de retard courra de plein droit et sans qu’il soit besoin d’aucune mise en demeure jusqu’à parfaite exécution de l’injonction';

— Sur l’appel incident formé par la société LE A, de juger la société LE A irrecevable en son appel incident, le jugement déféré lui ayant donné la satisfaction demandée', subsidiairement, de dire non-fondée la fin de non-recevoir soulevée par la société LE A, de rejeter l’appel incident de la société LE A et, en tout état de cause, d’ordonner la jonction des deux instances inscrites sous les numéros 11/17161 et 11/17158, et enfin de condamner la société LE A à payer à la société D PLACE DE FRANCE la somme de 50.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

'

Vu les conclusions signifiées le 7 février 2012 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé plus ample des moyens, dans lesquelles la société A demande à la Cour de’lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte sur la demande de jonction des deux appels inscrits contre les deux jugements du 6 septembre 2011, de juger l’action irrecevable pour défaut de qualité, en conséquence, réformer le jugement entrepris de ce chef, subsidiairement et si la Cour ne faisait pas droit à l’appel incident, confirmer la décision entreprise, et condamner les appelantes à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 8 février 2012, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé plus ample des moyens, de la société N O, dans lesquelles elle demande à la Cour de prendre acte de ce qu’elle ne présente aucune demande à l’encontre des autres parties au litige, hormis la prise en charge de ses frais de justice, la mettre hors de cause et condamner la partie succombante à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile';

SUR CE

'

Considérant qu’il résulte de l’instruction les faits suivants':

'

La société D PLACE DE FRANCE est propriétaire du centre commercial dénommé D à MONTPELLIER, comprenant un hypermarché, des complexes de loisir et une galerie marchande devant accueillir 117 boutiques. Elle loue à des enseignes les emplacements commerciaux de la galerie marchande, depuis l’ouverture du centre, en septembre 2009. La société D 2 en est le propriétaire initial. Il résulte de la décision de la Commission nationale d’équipement commercial du 22 septembre 2005 ayant autorisé le projet d’ensemble commercial de la société D 2, qui a étudié la faisabilité du projet au regard des commerces déjà existant dans la zone de chalandise, incluant toutes les communes situées à 35 minutes en voiture de l’ensemble commercial, qu’aucun déséquilibre ne devait résulter de son implantation.

'

Les sociétés LE A et LE A II exploitent depuis 1975 le principal centre commercial de l’agglomération montpelliéraine, le'«'A'», situé en plein centre-ville et accueillant 120 magasins dans la galerie marchande dont elles sont copropriétaires. Ces sociétés appartiennent au groupe SOCRI.

Lors du lancement d’D, les sociétés LE A, mais aussi une association de commerces du centre-ville ont émis de nombreuses réserves, allant jusqu’à la contestation du projet et conduisant les parties à transiger. Le 8 octobre 2001, était signé un protocole entre la ville, la SERM, D et LE A, dans laquelle SOCRI et D, qui devaient commercialiser les nouveaux locaux commerciaux à parts égales, s’interdisaient de transférer des enseignes du A ou de créer des doublons avec elles, au sein du nouveau centre commercial. Ce protocole n’a pas été appliqué.

Dans un protocole transactionnel du 21 septembre 2005, D 2 s’est engagée à «'ne pas diviser la galerie marchande du centre commercial jusqu’au cinquième anniversaire de l’ouverture en plus de 90 boutiques'».

La société D ayant décidé de ne pas confier le mandat de co-commercialisation à la SOCRI et de louer des locaux à des enseignes jouissant d’une antériorité au A, par une transaction du 21 février 2006, D s’engageait à indemniser SOCRI de la perte de son mandat, de la perte éventuelle des loyers des locataires susceptibles de contracter avec D 2, et de la perte de notoriété et d’attractivité liée à l’absence d’exclusivité de ces locaux sur la zone de chalandise du A, d’un montant de 1 million 400 000 francs. D s’engageait aussi, pendant cinq ans à compter de l’ouverture au public, à ne pas donner à bail une surface de vente au moins égale à 1700 m2 à un preneur exploitant dans le secteur musique livres, dans le centre commercial LE A. En contrepartie, les sociétés LE A s’engageaient à renoncer à tout recours.

Cependant, D 2 puis D PLACE DE FRANCE se sont plaintes d’avoir eu des difficultés pour rechercher des preneurs à bail et remplir leur galerie commerçante, certains se disant déjà liés aux sociétés LE A par une clause d’exclusivité incluse dans leurs baux. Elles ont donc délivré sommation interpellative aux sociétés LE A, prétendant que celles-ci, en acceptant l’indemnisation de 1 million 4 de francs, avaient de facto renoncé aux clauses d’exclusivité. Les intéressées leur ont répondu, par courrier du 30 mars 2007, qu’elles n’avaient pas la même interprétation du protocole et qu’un nombre très important d’enseignes cherchaient à s’implanter à MONTPELLIER, ce qui garantissait au nouvel ensemble une offre effective.

Par un arrêt en date du 8 novembre 2007, la Cour d’appel de MONTPELLIER a confirmé l’ordonnance du Tribunal de grande instance du 13 septembre 2007 qui avait désigné un huissier, mais prévoyant, en ce qui concerne la mission de l’huissier, qu’il devait «'se faire communiquer par les sociétés LE A et LE A II la liste de tous leurs preneurs dans le centre commercial A et se faire remettre les baux et les consulter sur place en présence d’un représentant des sociétés LE A et LE A II et ne relever que la teneur des clauses intitulées «'clauses d’exclusivité'» ou «'clauses de non-concurrence'» ou «'clauses de non-rétablissement'», en indiquant seulement le nom des preneurs concernés et ce à l’exclusion de tout autre renseignement'».

L’huissier a relevé plusieurs types de clauses voisines, dans la centaine de baux communiqués, étant précisé que la date de conclusion des contrats ne lui a pas été indiquée.

La clause la plus fréquente concerne 81 preneurs, dont les sociétés N O, KALYSTE (SEPHORA), ETAM, CAMAÏEU, C, K Y, E, G H, X, ETAM, XXX, XXX associés, B, I I et est ainsi rédigée : «' Le PRENEUR s’interdit, sous peine de résolution de plein droit du bail, pendant la durée du présent Bail et de ses renouvellements éventuels, d’exploiter ou de s’intéresser directement ou indirectement à l’exercice d’une activité similaire :

— à une distance de moins de cinq mille mètres à vol d’oiseau d’une limite extérieure quelconque du Centre, si cette activité s’exerce dans un autre Centre Commercial considérant également pour le calcul de cette distance la limite extérieure de ce dernier.

à une distance de moins de mille mètres à vol d’oiseau si cette activité s’exerce en dehors d’un Centre Commercial.

La présente clause ne porte pas toutefois atteinte au droit du PRENEUR de maintenir à l’intérieur de cette zone une exploitation préexistante lui appartenant.

Il est expressément précisé que la présente clause est une condition essentielle et déterminante du bail, et qu’elle a été librement acceptée par le PRENEUR'». PIER IMPORT et LES OPTICIENS ASSOCIES ont la même clause, à l’exception de la dernière phrase. La clause de la société CARIBOO ne parle pas d’activité similaire, mais d''«'activité exploitée sous le concept ROXY SHOP'».

Le deuxième type de clause concerne 11 preneurs et ne reprend pas l’interdiction «'sous peine de résolution de plein droit du bail'», ni la dernière phrase.

Le troisième type de clause, conclu avec la société BMP, précise au contraire, s’agissant du caractère de la clause, que sans elle «'le BAILLEUR n’aurait pas donné Bail au PRENEUR'» et prévoit la résiliation de plein droit du bail en cas de violation de la clause, à la fin et non plus au début.'

La quatrième clause, au profit de la société BZB, prévoit une dérogation à l’exclusivité : «'Toutefois par dérogation à ce qui précède le PRENEUR est autorisé à ouvrir une boutique supplémentaire à l’une ou l’autre des enseignes du Groupe auquel il appartient en Centre Ville de Montpellier et/ou dans l’enceinte du Centre Commercial Grand Sud sis sur la commune de LATTES'». La société ARNUEL profite aussi d’une dérogation concernant le Centre Commercial GRAND SUD. Le bail de BENETTON prévoit que «'Par dérogation à ce qui précède, LE PRENEUR est expressément autorisé à ouvrir s’il le souhaite, une seule et nouvelle exploitation à l’enseigne BENETTON dans le périmètre de mille visé ci-dessus'» (donc pour l’activité en dehors d’un centre commercial).

La cinquième clause, contenue dans le contrat de bail de la société GAP FRANCE, prévoit : «' Le PRENEUR s’interdit, sous peine de résolution de plein droit du bail, pendant une durée de un an à compter de la signature du présent Bail, d’exploiter ou de s’intéresser directement ou indirectement à l’exercice d’une activité similaire :

— à une distance de moins de mille mètres à vol d’oiseau si cette activité s’exerce en dehors d’un Centre Commercial.

La présente clause ne porte pas toutefois atteinte au droit du PRENEUR de maintenir à l’intérieur de cette zone une exploitation préexistante lui appartenant.

NB : Il est expressément précisé que la présente clause est une condition essentielle et déterminante du bail, et qu’elle a été librement acceptée par le PRENEUR.

Que la notion d’activité similaire signifie une activité identique à celle effectivement exercée par le PRENEUR dans les locaux loués, c’est-à-dire une duplication des produits vendus dans lesdits locaux sous les mêmes marques et enseignes. Il est par conséquent convenu entre les parties que les dispositions du présent article ne s’appliqueront pas, au cas où le PRENEUR exploiterait une autre boutique sous une de ses enseignes, différentes de celles sous lesquelles il exploite effectivement son activité dans les lieux loués'».

La clause du bail de la société GROUPE X comporte exactement la même rédaction que le premier type de clause à l’exception de la phrase : «'La présente clause ne porte pas toutefois atteinte au droit du PRENEUR de maintenir à l’intérieur de cette zone une exploitation préexistante lui appartenant'», où il est ajouté à «'maintenir'» : «'transférer à l’intérieur de la zone'» une exploitation préexistante.

La clause du bail de la société ZARA FRANCE est identique, mais limitée dans le temps, «'3 années si l’activité est exercée dans un autre Centre Commercial et à 2 années si l’activité est exercée en dehors d’un Centre Commercial. Passé ce délai le preneur retrouvera sa pleine et entière liberté de rétablissement'».

Le huitième type de clause ne contient aucune restriction concernant l’activité hors d’un centre commercial. Il concerne la société SUD DISTRIBUTION.

La clause de la société NATURE ET DECOUVERTE est limitée dans le temps : «'L’application de cette clause sera limitée aux deux premières périodes triennales du bail seulement. Passé ce délai, cette clause sera de plein droit considérée caduque'».

Les baux des sociétés PROMOD et P-Q prévoient le même périmètre d’interdiction, à savoir la distance de cinq mille mètres, que l’activité similaire soit exercée dans ou en dehors d’un centre commercial. Enfin, le bail de la SOCIETE COOPERATIVE DE BANQUE POPULAIRE ne contient aucune clause de non concurrence.

Par acte d’huissier en date du 3 juillet 2008, la société D 2 a assigné la société LE A et la société N O devant le Tribunal de grande instance, en annulation de la clause d’exclusivité contenue dans le bail conclu entre les deux parties, N O étant preneur à bail dans la galerie marchande du centre A, en soutenant que ladite clause était contraire à l’article L. 420-1 du Code de commerce.

'

Sur la jonction

Considérant qu’il n’est pas opportun de joindre les deux affaires ;

'

Sur les pièces 26 des intimées

Considérant qu’insuffisamment circonstanciées, ces pièces n’ont pas été utilisées par la Cour ;

Sur l’appel incident formé par la société LE A

'

Considérant que la société LE A expose que la société D ne justifierait d’aucun intérêt légitime à agir ;

Mais considérant que les sociétés D 2 et D PLACE DE FRANCE, appelantes, agissent en nullité d’une clause du contrat de bail conclu entre LE A et N O, sur le fondement de l’article L. 420-1 du Code de commerce ; que cette nullité alléguée, d’ordre public, peut être invoquée par toute personne y ayant un intérêt, cet intérêt s’appréciant lors de la saisine ; que les sociétés D versent aux débats une attestation de Madame F, directeur de la commercialisation de la société ICADE Tertial, actionnaire des sociétés D, relatant «'avoir personnellement approché un certain nombre d’enseignes dans le cadre de la pré-commercialisation de la galerie marchande du Centre commercial D (JULES, ETAM, Y, BEZZBE…)'» et s’être fait indiquer par ces enseignes «'qu’il leur serait impossible de conclure un bail commercial dans le Centre D en raison des engagements pris envers LE A et des menaces de poursuites dont elles avaient fait l’objet de la part du groupe SOCRI'», et notamment des clauses d’exclusivité des baux commerciaux ; que la circonstance que l’enseigne Y, mentionnée dans l’attestation, ou d’autres enseignes, aient finalement pu prendre un local à bail dans la galerie D, nonobstant la présence de la clause litigieuse dans le bail conclu avec A, n’enlève pas à l’action son intérêt, celle-ci étant fondée, de façon générale et globale, sur les réticences des sociétés liées à A à prendre bail chez D, à cause de l’obstacle de la clause litigieuse ; qu’elles attestent ainsi d’un intérêt à agir légitime afin de préserver leurs intérêts économiques'; que l’activité de location est bien une activité économique se déroulant sur un marché et la transaction de 2006 n’a pas mis un terme anticipé aux clauses antérieures des baux commerciaux de la société A ; que les deux sociétés sont donc bien recevables à agir et le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Sur l’appréciation de la clause d’exclusivité contenue dans le bail de la société N O au regard de l’article L. 420-1 du code de commerce

'

Considérant que les sociétés D demandent à la Cour, sur le fondement de l’article L. 420-3 du Code de commerce, d’annuler la clause d’exclusivité comprise dans le bail conclu entre les sociétés LE A et N O, «'dès lors que celle-ci limite l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises, répartit les marchés ou les sources d’approvisionnement et a en outre une incidence indirecte mais certaine sur la fixation des prix de loyer, voire indirectement sur les marchés respectifs et enseignes prenant à bail dans le centre A'» ; que cette clause serait contraire à l’article L. 420-1 du Code de commerce, étant illimitée dans le temps, disproportionnée dans l’espace, «'la nocivité de l’exclusivité (étant) encore aggravée par le cumul des clauses'», dépourvue de toute contrepartie, et de toute justification technique ; que les sociétés appelantes considèrent que la clause d’exclusivité conclue entre le centre LE A et ses différents preneurs à bail commercial leur aurait porté préjudice au motif que ceux-ci n’auraient pu librement contracter avec elles et accéder à l’espace commercial du centre D ; que par l’effet des exclusivités, LE A aurait «'confisqué à tout le moins 107 enseignes dont environ 80 % d’enseignes nationales, soit les plus attractives pour leur bénéfice exclusif'» ; que cette pratique aurait, de surcroît, porté atteinte aux preneurs concernés, qui n’auraient pas été en mesure de promouvoir leurs produits ailleurs qu’au A ; que la clause d’exclusivité aurait donc, selon les appelantes, créé un effet de verrouillage sur un marché qu’il a délimité au marché des locaux commerciaux de centres commerciaux, celui-ci étant distinct du marché des locaux commerciaux «'en pieds d’immeubles'» ;

'

Considérant que l’article L.420-1 du Code de commerce dispose : «' Sont prohibées même par l’intermédiaire direct ou indirect d’une société du groupe implantée hors de France, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu’elles tendent à :

1° Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ;

2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;

4° Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement'» ; que l’article L420-3'prévoit : «'Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les’articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-2-'1'» ;

Considérant que la conclusion de clauses d’exclusivité ne constitue pas, par elle-même, une entente anticoncurrentielle, à la condition qu’elle n’affecte pas la concurrence au-delà des restrictions qui peuvent être nécessaires pour assurer la rentabilité d’une activité, par exemple du fait de l’existence d’investissements spécifiques ou du fait du caractère particulièrement risqué d’une activité ; que si de telles clauses ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de fausser ou de restreindre directement ou indirectement le jeu de la concurrence sur le marché concerné, elles constituent par l’effet – constaté ou potentiel – d’éviction qu’elles comportent une entente prohibée par l’article L. 420-1 du Code de commerce ; que dès lors, l’analyse revient à vérifier que les clauses d’exclusivité et le cas échéant les autres clauses des contrats n’instaurent pas, en droit ou en pratique, une barrière artificielle à l’entrée sur le marché en appréciant l’ensemble de leurs éléments constitutifs ; qu’en pratique, l’effet d’éviction ou de verrouillage que peuvent comporter les clauses d’exclusivité dépend de nombreux facteurs, parmi lesquels le champ et la portée de l’exclusivité, la part de la demande liée, la durée ou la combinaison dans le temps des contrats, les conditions de résiliation et de renouvellement, la position des opérateurs et les conditions régnant sur le marché en cause ;

Considérant que dans cette situation, il convient de s’interroger sur le périmètre du marché pertinent concerné par cette pratique, afin de vérifier l’existence de l’effet de forclusion allégué ;

Considérant que selon la communication de la Commission européenne sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JOCE n° C 372 du 09/12/1997 p.5), le marché pertinent est « le lieu où se confrontent l’offre et la demande de produits ou de services qui sont considérés par les acheteurs ou les utilisateurs comme substituables entre eux mais non substituables aux autres biens ou services offerts », la substituabilité y étant définie comme l’interchangeabilité des produits ou services « en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés » ; que suivant la même approche, l’Autorité de la concurrence a rappelé récemment qu’ « il y a lieu de rappeler que se situent sur un même marché les produits et services dont on peut raisonnablement penser que les acheteurs les regardent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande'» ; que dans son rapport annuel pour 2001, le Conseil de la concurrence a précisé que «'la substituabilité entre différents biens ou services du point de vue de la demande constitue le critère déterminant pour la délimitation du marché pertinent » ; que le marché géographique, quant à lui, comprend le territoire sur lequel les entreprises sont engagées dans l’offre et la demande en cause et sur lequel les conditions de concurrence sont homogènes ; qu’enfin, la délimitation précise du marché pertinent n’est pas nécessaire lorsque les pratiques sont recherchées au titre de la prohibition des ententes ;

Considérant que le marché pertinent est le marché de la location d’emplacement commerciaux, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’existence d’un marché distinct de la location d’emplacement dans les centres commerciaux, qui serait distinct de celui de la location des emplacements commerciaux dits «' au pied de l’immeuble'» ; qu’en effet, il résulte de l’étude de marché réalisé par la DDCCRF dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation du projet, et des différentes tractations entre les parties, qu’une certaine concurrence existe entre bailleurs de toute catégorie pour attirer les commerces de détail susceptibles de s’installer dans l’agglomération montpelliéraine ; que la pertinence de la segmentation de marché proposée, outre qu’elle ne change pas radicalement la solution de l’espèce, est contestable, les «'zones passantes'» qui permettent aux commerçants riverains de s’assurer d’une clientèle importante et sont au coeur des stratégies d’implantation, existant tant dans les centres commerciaux que dans les rues commerçantes de centre-ville ; que la Cour ne dispose d’ailleurs d’aucun élément qui lui permettrait d’étayer la subdivision proposée, dans le cas concret ; que les emplacements commerciaux situés dans une zone de chalandise délimitée par 30 à 35 minutes de déplacement en voiture sont généralement considérés comme substituables, ainsi qu’il résulte de la décision de la Commission nationale d’équipement commercial du 22 septembre 2005 ayant autorisé le projet d’ensemble commercial de la société D 2 ;

Considérant, s’agissant du champ d’application de la clause, qu’il convient au delà des seules clauses concernant N O, d’apprécier les clauses liant LE A aux différents preneurs ; qu’en effet, compte tenu des éléments au dossier, seul le jeu cumulé des différentes clauses présentes dans les contrats de LE A serait susceptibles de créer des barrières à l’entrée sur le marché, eu égard notamment au champ d’application et à la portée de la clause d’exclusivité concernant, selon les sociétés appelantes, qui n’en rapportent d’ailleurs pas la preuve, près de 50 % des commerces de détail, tous secteurs confondus, susceptibles de candidater aux emplacements commerciaux ; que les clauses litigieuses limitent la liberté des sociétés d’exercer une activité similaire dans un second établissement dans le périmètre de 5 kilomètres, s’agissant des centres commerciaux et de 1 kilomètre s’agissant de l’activité hors centres commerciaux, pendant la durée du bail ; qu’un seul preneur n’est lié par aucune clause, la société SCBP ; que des variantes de la clause permettent à certaines enseignes de déroger à l’interdiction pour un établissement, d’autres ont des durées limitées à un, deux, trois ou six ans ; que certaines clauses ne visent que l’activité en centre commercial et non en dehors d’un centre commercial ;

Considérant que le succès du centre commercial et sa pérennité dépendent de l’attractivité et de la diversité des enseignes qu’il réunit ; qu’il doit, pour maximiser sa fréquentation, réunir une gamme complète de commerces de détail, allant de la grande distribution alimentaire et spécialisée, aux enseignes nationales (habilement, chaussures, parfums et produits de beauté, bijoux, lunettes, ') ; que selon l’article V du bail commercial, une part des loyers perçus par le bailleur est proportionnelle au chiffre d’affaires réalisé par chaque enseigne ; qu’il n’est aucunement démontré que cette part soit minime ; qu’inversement, les preneurs tirent individuellement profit de l’attractivité globale du centre commercial, résultant de la politique de recrutement du bailleur, de sa publicité et des différents investissements sur les parties communes ; que les deux parties ont donc un intérêt commun à préserver ; que le bail commercial de la société N O reflète cet objectif, dès son préambule «'La création ordonnée et planifiée de ce Centre Commercial Régional couvert et climatisé permet de satisfaire les besoins d’une clientèle nombreuse. Le bon fonctionnement d’un tel Centre implique certaines servitudes pour les exploitants qui le constituent. Son équilibre est seul susceptible de permettre une exploitation rationnelle et d’assurer sa pleine réussite commerciale'» ; que l’article VIII précise encore, s’agissant des activités autorisées, que «'les promoteurs du Centre ont mis en oeuvre, après des études économiques de marché, un plan d’aménagement commercial du centre prévoyant la localisation, le nombre et l’importance des différentes branches d’activités dont découlent les limitations imposées aux Preneurs sur le plan des activités commerciale autorisées'» ; que ces particularités expliquent que l’équilibre des différentes enseignes ne puisse être modifié par les preneurs, le b) de l’article III exprimant l’opposition du bailleur «'aux demandes de despécialisation qui porteraient atteinte à l’équilibre qu’il aura mis en place entre les différents commerces'» et que l’enseigne du Preneur constitue «'compte tenu de l’appartenance du magasin à l’entité constituée par le Centre commercial et compte tenu de sa notoriété (') une condition déterminante du présent bail sans laquelle le Bailleur n’aurait pas contracté'» (article IV), ce qui empêche le Preneur d’en changer «'sans l’accord préalable et écrit du Bailleur'» ;

Considérant que l’effet de forclusion résultant des 107 contrats conclus entre LE A et ses preneurs équivaut aux enseignes présentes en son sein ; que cet effet doit être appréhendé tant au niveau du centre commercial concurrent, D, qu’au niveau de la concurrence prévalant entre commerçants spécialisés sur leurs marchés respectifs ainsi que sur le choix des consommateurs ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que les sociétés D ont reçu, dès la constitution du centre, 700 demandes de preneurs pour une centaine d’emplacements dans la galerie commerçante ; que ce centre a été conçu pour attirer une large clientèle grâce à un cinéma, des aires de jeux, l’implantation de grandes et moyennes surfaces particulièrement attractives, telles IKEA, Z, H et M ; qu’ainsi, l’incitation des enseignes à prendre à bail un emplacement dans la nouvelle galerie était forte, compte tenu du drainage attendu d’une importante clientèle ; que la galerie a pu très rapidement et sans subir de retards d’ouverture, se constituer une gamme complète d’enseignes, touts les emplacements étant pourvus à l’ouverture du centre, en septembre 2009 ; qu’il résulte des pièces du dossier que le nombre d’enseignes nationales existant en France dans chaque catégorie de commerce de détail permettait aisément d’alimenter l’offre globale de la galerie, environ 150 nouvelles enseignes étant créées chaque année ; que, de plus, D ne démontre pas avoir réuni des enseignes de moindre attractivité que celles présentes chez LE A ; que des enseignes prestigieuses, comme Apple Store ou Desigual s’y sont implantées ; qu’elle ne soutient pas davantage qu’une enseigne indispensable et incontournable pour assurer son succès aurait été verrouillée par les pratiques des sociétés LE A ; que, de plus, il ressort des pièces du dossier que la clause n’a pas été rigoureusement appliquée, certaines enseignes liées par la clause, comme SEPHORA et N O, ayant ouvert un magasin dans chacun des centres commerciaux, sans difficultés particulières ; qu’ainsi, la clause litigieuse n’a pas eu d’effets d’appauvrissement de l’offre au détriment d’D ;

Considérant que s’agissant de l’effet des pratiques sur les commerces liés à LE A que certains ont négocié une liberté plus grande ; que s’agissant de N O, elle soutient que l’impossibilité d’ouvrir un second magasin dans la zone de chalandise a restreint la concurrence intra marque sur le marché local de la distribution des parfums et produits de beauté au détriment des consommateurs ;

Mais considérant qu’il n’est pas démontré que la concurrence intramarque soit plus profitable pour les consommateurs que la concurrence intermarque ; que la Cour ne disposant d’aucun élément sur cette concurrence, elle ne peut qu’émettre les plus expresses réserves quant à l’affirmation d’D selon laquelle les prix de chaque produit franchisé auraient été plus élevés qu’en l’absence de la clause litigieuse ;

Considérant, en outre, qu’il résulte de la clause prévue au contrat de bail de la société GAP, qui explicite cette notion, présente dans tous les autres baux, que par «'activité similaire'», LE A signifie une «'activité identique à celle effectivement exercée par le PRENEUR dans les locaux loués, c’est-à-dire une duplication des produits vendus dans lesdits locaux sous les mêmes marques et enseignes'» ; qu’il en résulte que les dispositions du présent article ne s’appliquent pas, au cas où le PRENEUR exploiterait une autre boutique sous une de ses enseignes, différentes de celles sous lesquelles il exploite effectivement son activité dans les lieux loués ou sous une nouvelle enseigne ; qu’il en résulte que c’est l’enseigne qui est visée, et non l’activité commerciale de la société en cause ; qu’un périmètre géographique d’exclusivité est fréquent en matière de franchise, l’ouverture d’un second magasin de la même enseigne par le même commerçant dans le même périmètre étant souvent soumis à l’accord du franchiseur ;

Considérant que le périmètre est limité au rayon de 5 kilomètres, qui englobe le centre commercial D, mais ne couvre pas toute la zone de chalandise sur laquelle des consommateurs sont susceptibles de venir s’approvisionner en marchandises ; qu’ainsi, la faculté d’adhérer à un centre commercial distant de plus de 5 kilomètres, ou d’ouvrir un magasin en ville à plus d’un kilomètre, permet aux enseignes concernées de toucher une clientèle plus vaste ; que des dérogations ont été ponctuellement octroyées à certaines enseignes, sans qu’il puisse en être déduit l’inutilité de cette limitation ;

Considérant que la durée est alignée sur celle du contrat de bail, qui peut, selon les dispositions d’ordre public du Code de commerce, être dénoncé tous les trois ans ; que l’article II du bail de la société KALYSTE prévoit que le Preneur «'dispose d’un droit unilatéral de résiliation triennale pendant le cours du bail, de ses prorogations et renouvellements'» ; que les sociétés D ne démontrent pas en quoi cette sortie des contrats serait particulièrement difficile pour les preneurs ; qu’aucune disposition des contrats ne prévoit l’obligation du preneur de s’acquitter des loyers jusqu’au terme du contrat, contrairement aux allégations des sociétés appelantes ; qu’il est seulement stipulé qu’en cas de résiliation du fait du preneur, le montant total de loyers d’avance restera acquis au Bailleur, conformément à l’article 19.6 du contrat, ce qui représente trois mois de loyers selon l’article VI, dont aucune partie n’allègue le caractère excessif ; qu’il en résulte la faculté pour chacune des enseignes visées, moyennant le respect d’un préavis de six mois, et la perte de cette avance, de résilier son bail chez A et d’ouvrir un établissement dans un autre centre commercial ou en centre-ville ; que les sociétés appelantes ne soutiennent pas que le départ de certaines enseignes ait pu être entravé ; qu’il n’est pas démontré que la sortie anticipée du contrat ait été difficile ou coûteuse ; que la durée a été limitée à un, deux, trois ou 6 ans dans certains contrats, sans que la Cour puisse savoir si cette modification résulte d’une évolution des clauses dans le temps, puisqu’elle ne dispose pas de la date de conclusion des baux litigieux ; qu’il ne peut en être déduit l’inutilité ou le défaut de justification de la clause, la puissance respective des parties en présence se traduisant légitimement par un rapport de forces parfois inégal et par des concessions réciproques ;

Considérant que, dans la mesure où la portée et la durée des clauses d’exclusivité, cumulativement appliquées, ne sont pas de nature à verrouiller le marché de la mise à disposition d’espace commercial dans les centres commerciaux, ou l’activité des preneurs sur la zone, la clause n’est pas prohibée au regard de l’article L. 420-1 ;

Considérant que les sociétés D soutiennent que le seul fait de cumuler des clauses d’exclusivité dans une centaine de baux a un objet anticoncurrentiel, indépendamment de ses effets ;

Mais considérant qu’en vertu d’une jurisprudence constante, l’effet restrictif de concurrence résultant d’un ensemble d’accords de distribution doit s’apprécier au regard de la nature et de l’importance des contrats sur le marché en cause, de l’existence de possibilités réelles et concrètes pour un nouveau concurrent de s’infiltrer dans le faisceau de contrats, et des conditions dans lesquelles s’accomplit le jeu de la concurrence sur le marché de référence, à savoir, notamment le nombre et la taille des producteurs présents sur le marché, le degré de saturation de ce marché, la fidélité de la clientèle aux marques existantes ; qu’il en résulte la nécessité de la mesure des effets restrictifs ;

Considérant que les sociétés appelantes soutiennent encore que les clauses de non concurrence de l’article 5 du règlement n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 (remplacé par le règlement 330/2010) sur les restrictions verticales ne bénéficient pas de l’exemption automatique de ce règlement ; qu’en appliquant cette règle aux baux commerciaux, bien que ceux-ci ne soient pas visés par le règlement, le caractère indéfini de la clause est manifestement excessif ;

Mais considérant qu’à supposer cette règle applicable, le défaut d’exemption ne suffit pas à démontrer le caractère anticoncurrentiel de la clause, qui reste encore à démontrer ;

Considérant, de plus, qu’il est plus pertinent, ainsi que le suggèrent les intimées, d’examiner la conformité des clauses au droit de la concurrence au regard des règles de la distribution des chaînes de télévision ; que comme les centres commerciaux qui doivent pour assurer leur attractivité présenter des enseignes variées et attractives, les distributeurs de chaîne doivent proposer dans leurs bouquets des chaînes différentes et porteuses ; que les exclusivités de distribution liant les chaînes de télévision payante aux distributeurs peuvent, par effet de cumul, verrouiller la distribution de la télévision payante, et, par voie de conséquence, dresser des barrières à l’entrée de concurrents, désireux de composer leurs offres de télévision destinées à leurs abonnés ; que dans la présente espèce, les enseignes nationales disponibles existaient en nombre suffisant pour permettre au nouveau centre commercial de constituer son offre et, ainsi, de fonctionner dans des conditions de «'commercialité'» raisonnables et concurrencer les centres existants, à la différence du secteur de la télévision payante où les chaînes de télévision constituent une ressource rare ;

Considérant enfin, qu’il n’y a pas lieu d’examiner les autres critères d’appréciation tenant à l’examen des justifications techniques ou économiques de l’exclusivité ; que celui-ci trouve sa place dès lors que l’accord est considéré comme restrictif de concurrence du fait de son objet ou de ses effets ; que l’article L. 420-4 du Code de commerce permet de prendre en compte les justifications apportées par les entreprises mises en cause dans des dossiers d’entente ; que cet article a pour finalité d’évaluer si les effets restrictifs de concurrence de l’accord ou de la pratique peuvent être compensés par des efficiences de nature technique ou économique et si cette compensation bénéficie au consommateur sans que la concurrence ne soit éliminée ; qu’au cas d’espèce, la clause d’exclusivité ne tombe pas dans le champ de l’interdiction des ententes, notamment eu égard au fait qu’elle n’est pas de nature à verrouiller l’accès au marché ;

Considérant, cependant, que les appelantes contestent les justifications apportées par LE A ;

Mais, considérant qu’il convient à cet égard de souligner que la pratique d’D consistant à vouloir attirer les enseignes déjà présentes au centre LE A, sans d’ailleurs arriver à démontrer leur caractère incontournable pour son succès, aurait abouti à la duplication des enseignes, ce qui n’était pas le dessein affiché du projet, voulant attirer de nouvelles franchises sur la zone de chalandise, et accroître ainsi le choix des consommateurs ; que la concurrence intermarque est à juste titre considérée comme plus bénéfique pour le consommateur que la concurrence intramarque où les différents franchisés de la même enseigne ont tendance à s’aligner sur les prix de la tête de réseau, qu’il s’agisse d’un alignement sur des prix proposés, pratique licite en droit de la concurrece, ou d’ententes anticoncurrentielles ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la clause litigieuse ne peut être qualifiée d’entente anticoncurrentielle et que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté les sociétés D de leurs demandes d’annulation de cette clause ;

Sur l’appréciation de la clause au regard du décret d’Allardes

'

Considérant que les appelantes soutiennent ecore que la clause litigieuse porte atteinte au libre exercice du commerce, garanti par l’article 7 du décret des 2-17 mars 1791 ;

Mais considérant que si la clause apporte bien une restriction au principe de la liberté du commerce et de l’industrie, la restriction en cause, limitée dans son champ matériel, le temps et l’espace, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au regard des intérêts légitimes qu’elle vise à protéger ; qu’il a été vu plus haut qu’elle ne s’oppose pas à ce que les commerçants liés par cette clause ouvrent un autre commerce sous une autre enseigne où bon leur semble ou encore sous la même enseigne au-delà du périmètre prescrit, réduit à 1000 mètres lorsqu’il s’agit d’ouvrir une boutique au pied de l’immeuble ; qu’ils peuvent se dégager tous les trois ans des baux litigieux, pour contracter avec un autre centre commercial, ou s’installer dans une rue commerçante, dans la zone de chalandise ; que les intérêts protégés sont ceux des organismes gestionnaires du centre LE A, qui se confondent en grande partie avec ceux des locataires ; que les restrictions en cause, qui visent à préserver la «'commercialité'» du centre au profit commun de celui-ci et des commerçants installés, ne sont pas disproportionnées à ces intérêts ;

'

Considérant que le jugement déféré sera donc également confirmé en ce qu’il a estimé que la clause litigieuse n’était pas contraire au décret d’Allardes ;

'

'

PAR CES MOTIFS

DIT n’y avoir lieu à jonction des instances enregistrées sous les numéros 11/17161 et 11/17158';

CONFIRME le jugement entrepris,

DÉBOUTE les sociétés D 2 et D PLACE DE FRANCE de leurs demandes,

LES CONDAMNE aux dépens de l’instance d’appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,

LES CONDAMNE à payer à la société LE A la somme de 10.000 euros, et à la société N O la somme de 4 000 euros, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, 3 juillet 2013, n° 11/17161