Cour d'appel de Paris, 10 janvier 2014, n° 12/18138

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 10 janv. 2014, n° 12/18138
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/18138
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 12 mars 2012, N° 10/14933

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 10 JANVIER 2014

(n° 2014- , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/18138

Décision déférée à la Cour : jugement du 13 mars 2012 -Tribunal de grande instance de Paris – RG n° 10/14933

APPELANTE

ASSOCIATION GROUPEMENT DE CHASSE DE SAINT-QUIRIN

agissant en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de Paris, toque L0018

assistée de Me Alexandre PILLIET, avocat au barreau de Paris, toque P585, substituant Me Antoine DELABRIERE, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

OFFICE NATIONAL DES FORETS, établissement public a caractère industriel et commercial

pris en la personne de son représentant légal

2 avenue de Saint-Mandé

XXX

représenté par Me Corinne LEPAGE de la SELARL HUGLO LEPAGE & ASSOCIES CONSEIL, avocat au barreau de Paris, toque P0321

assisté de Me Valérie SAINTAMAN, plaidant pour la Selarl HUGLO LEPAGE & ASSOCIES CONSEIL, avocat au barreau de Paris, toque P0321

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 novembre 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Y Z, conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Un rapport a été présenté à l’audience selon les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Anne VIDAL, présidente de chambre

Y Z, conseillère

Marie-Sophie RICHARD, conseillère

Greffier, lors des débats : Khadija MAGHZA

ARRÊT

— contradictoire

— rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Anne VIDAL, présidente de chambre et par Claire VILACA, greffier.

*******

L’Office national des forêts, détenteur du droit de chasse sur les forêts domaniales et titulaire pour chaque forêt d’un plan de chasse individuel dont il délègue l’exécution à ses locataires par des plans de chasse délégués, a accepté la cession par l’association Saint X de Wangenbourg-Engenthal à l’association Groupement des chasseurs de Saint Quirin d’un droit de chasse à tir d’une durée de douze ans à effet du 1er avril 2004, qui avait été adjugé au cédant le 24 février 2004 sur le lot 2 (article 66 du catalogue) situé en forêts domaniales d’Abreschwiller et de Walscheid (Moselle) moyennant un loyer annuel de 44 800 euros.

Le 3 avril 2009, l’Office national des forêts a notifié au Groupement des chasseurs de Saint Quirin la résiliation du bail de chasse pour ne pas avoir atteint à plusieurs reprises les minima prévus par les plans de chasse délégués pour les espèces cerf et chevreuil. Soutenant que cette résiliation ne reposait sur aucun motif sérieux et lui avait causé des dommages au titre d’une perte de cotisations et d’une perte de jouissance sur les années 2009 à 2016, le Groupement des chasseurs de Saint Quirin a introduit le 19 avril 2010 une action afin de poursuite du bail sur la parcelle 66 et d’indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 13 mars 2012, le tribunal de grande instance de Paris a constaté la résiliation du bail de chasse consenti par l’Office national des forêts à l’association Groupement de chasse de Saint Quirin sur le lot numéro 66, a condamné l’association à payer à l’Office national des forêts la somme de 10 000 euros à titre de clause pénale ainsi que celle de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties de leurs autres demandes et a ordonné l’exécution provisoire. Pour se prononcer ainsi le tribunal a retenu qu’aucun quota de chasse minimum n’avait été défini par l’Office national des forêts pour l’espèce des chevreuils mais qu’en revanche le Groupement de chasse de Saint Quirin n’avait pas respecté durant trois saisons, dont deux consécutives, les quota minima de chasse pour l’espèce des cerfs, devant être appréciés par rapport aux deux forêts domaniales et non par rapport à l’ensemble du massif vosgien du Donon dont elles font partie.

Le Groupement des chasseurs de Saint Quirin a relevé appel de cette décision et, dans ses dernières conclusions signifiées le 16 octobre 2013, elle demande d’infirmer la décision, de dire que la résiliation du bail ne reposait sur aucun motif sérieux et se trouve dans ces conditions dépourvue de tout effet, d’ordonner en conséquence à l’Office national des forêts de reprendre les relations contractuelles qui les lient s’agissant de l’allocation de la parcelle 66, de juger que l’office a engagé sa responsabilité à son égard, de condamner l’office à lui payer la somme de 100 000 euros par saison de chasse perdue à titre de perte sur cotisations pour les sept années 2009 à 2016 et celle de 140 000 euros à titre de perte de jouissance pour les années 2009 à 2016, de dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l’assignation et que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, de condamner l’office à lui rembourser les sommes payées en exécution du jugement infirmé soit 12 500 euros, d’ordonner que l’arrêt à intervenir soit publié aux frais de l’office dans deux revues, l’une spécialisée telle «Le journal du chasseur», l’autre généraliste telle «Les dernières nouvelles d’Alsace», et de condamner l’office à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’association fait valoir que la résiliation est infondée, que l’obligation de respecter les quotas minima ne peut être que de moyens, que des aléas climatiques l’ont empêchée de réaliser les quotas des trois saisons 2004/2005, 2005/2006 et 2008/2009 concernées, qu’en outre les quotas pris en compte ne ressortent pas des arrêtés préfectoraux fixant des plans de chasse globaux et indicatifs mais des appréciations unilatérales de l’office, que la zone de référence sur laquelle le plan de chasse doit être apprécié ne peut s’entendre que du massif du Donon dans son ensemble, ce que confirment les plans de chasse établis pour les saisons 2012/2013 et 2013/2014 mentionnant le «Groupement d’intérêt cynégétique du Donon» ainsi qu’un protocole d’accord que l’office a signé le 6 janvier 2012 avec ce dernier énonçant que si les minima étaient atteints à l’échelle du massif l’office s’engageait à ne pas engager de résiliations sauf en cas de carence ou de négligence, et qu’enfin l’office a fait preuve d’un comportement discriminatoire à son égard dans la mesure où d’autres groupements de chasse dans des situations identiques n’avaient pas vu leur bail résilié.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 mars 2013, l’Office national des forêts demande, au visa des articles 1134 du code civil, L.425-6 à L.425-13 et R.428-2 du code de l’environnement, et 32-1, 559, 699 et 700 du code de procédure civile, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de dire que la résiliation du bail de chasse litigieux est justifiée, valable et bien fondée eu égard aux dispositions du cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale, et de débouter le Groupement de chasse de Saint Quirin de toutes ses prétentions. Formant appel incident, il demande en outre de dire que la demande et l’appel de l’association ne reposant sur aucun moyen sérieux et initiés dans le seul but de lui nuire revêtent un caractère abusif et en conséquence de condamner le Groupement de chasse de Saint Quirin à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, celle de 21 840 euros à titre d’indemnité de résiliation, et celle de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Il fait valoir qu’il s’est contenté de faire une application stricte et rigoureuse des clauses contractuelles liant les parties en conformité avec le cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale, que l’association a été la seule parmi les locataires à cumuler des manquements pour quatre saisons de chasse sur cinq depuis le début du bail, qu’elle ne peut ignorer que des procès-verbaux ont été dressés et que des lettres lui ont été adressées pour non réalisation des plans de chasse minima délégués puisqu’elle a accepté en 2006 une transaction impliquant qu’elle reconnaissait l’infraction commise dans le non respect du plan de chasse délégué, réprimée par les dispositions de l’article R.428-2 du code de l’environnement auquel renvoie l’article 17.3 alinéa 1er du cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale, qu’elle n’a pas su mettre en 'uvre les moyens à sa disposition pour réaliser le plan de chasse minimum délégué sur la parcelle dont elle connaissait les contraintes, et que, si la répartition par catégorie d’animaux est indicative, l’atteinte des minima fixés est quant à elle impérative.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article L. 425-6 du code de l’environnement, le plan de chasse détermine le nombre minimum et maximum d’animaux à prélever sur les territoires de chasse. Le cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale prévoit en son article 17.3 que, pour les espèces soumises au plan de chasse, l’Office national des forêts fait exécuter le plan de chasse légal en notifiant au locataire un «plan de chasse délégué» indiquant les contingents d’animaux à prélever au minimum et au maximum et qui doivent globalement être compris dans les limites minimum et maximum du plan de chasse légal. Ce même texte précise que le plan de chasse délégué doit contribuer à permettre la réalisation du plan de chasse légal en garantissant, au moins à l’échelle du massif, la réalisation du minimum légal imposé, qu’il ne peut être modifié en cours de saison sans un accord préalable des locataires du massif, et que toute inexécution par chaque locataire du plan de chasse délégué, constatée par procès-verbal, constitue une contravention aux clauses relatives à la chasse au sens de l’article R. 228-2 du code rural. L’article 17.4 dispose que, quel que soit le mode de chasse, la non réalisation du minimum du plan de chasse délégué, au cours de deux saisons, peut entraîner la résiliation du bail.

En déclarant sa candidature le 19 décembre 2003 sur le lot 2 (article 66 du catalogue), le président délégué du groupement de chasse de Saint Quirin s’est expressément engagé à «accepter et respecter les objectifs des forêts ou massif forestiers tels qu’ils sont définis dans les clauses communes et particulières (fiches de lot) ou éventuellement le tableau récapitulatif des lots figurant dans le catalogue, ainsi que l’objectif cynégétique global en forêt domaniale qui est de maîtriser les niveaux de population compatibles d’une part avec la régénération naturelle des forêts et d’autre part avec leur régénération artificielle». Dans l’acte du 18 juin 2004, le groupement cessionnaire a de nouveau déclaré accepter sans réserves les clauses communes et particulières du cahier des charges de la location de la chasse en forêt domaniale. Les objectifs assignés sous forme de quotas sur lesquels le locataire s’engage, dont la seule variable possible est celle du maximum pouvant être atteint, qui ne comportent pas d’autres aléas que ceux d’ordre climatique parfaitement pris en compte, puisque les clauses particulières du lot prévoient l’hypothèse du temps de neige où la chasse en battue est interdite et seule la chasse silencieuse autorisée et que la topographie des lieux comportant une partie haute et une partie basse bien identifiables permet la migration du gibier en période hivernale, et qui sont expressément sanctionnés tant par voie de répression pénale que par la résiliation civilement encourue en cas d’inexécution, ne peuvent s’analyser en une simple obligation de moyens comme le prétend le groupement de chasse de Saint Quirin.

Le tribunal a exactement analysé les résultats des années 2004 à 2009 pour retenir que le plan de chasse minimum délégué de l’espèce cerf n’avait pas été réalisé pour les saisons 2004-2005, 2005-2006 et 2008-2009. L’association fait valoir en vain que les arrêtés préfectoraux définissent des plans de chasse légaux indicatifs et moins sévères, alors que ces plans sont seulement destinés à l’Office national des forêts chargé d’en déléguer l’exécution suivant les modalités individuelles qu’il définit dans ce cadre et qui s’imposent au preneur suivant la convention qui les lie. La reconnaissance du Groupement d’intérêt cynégétique du Donon ne peut modifier le champ d’application du bail de chasse portant sur un lot déterminé de 1 907 hectares constituant l’aire de référence conventionnelle comprise dans les forêts domaniales d’Abreschwiller et de Walscheid, et non sur le massif forestier plus vaste du Donon auxquelles ces forêts appartiennent. Le protocole conclu le 6 janvier 2012 avec le Groupement d’intérêt cynégétique du Donon, énonçant que si les minima étaient atteints à l’échelle du massif l’office s’engageait à ne pas engager de résiliations sauf en cas de carence ou de négligence, ne peut avoir pour effet de modifier rétroactivement les conditions contractuelles qui s’imposaient au preneur au titre des saisons considérées.

Conformément à l’article 51-1 du cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale, qui prévoit que, si le locataire n’a pas prélevé au cours de deux saisons le minimum fixé à chacun des plans de chasse correspondant, la résiliation peut être prononcée sous réserve de préavis dès la constatation des faits, l’Office national des forêts a valablement exercé la faculté de résiliation dont il disposait en notifiant la rupture du bail par lettre recommandée du 3 avril 2009 avec accusé de réception sous préavis d’un mois. Aucune discrimination entre preneurs ne se trouve caractérisée alors que ceux-ci sont soumis à des conditions générales identiques, que les quotas de prélèvement relèvent des conditions particulières de chaque lot, et que l’appréciation de leur situation est à cet égard indépendante de celle applicable aux titulaires des autres parcelles. Au demeurant, aucun justificatif sérieux n’est produit d’un comportement inégal de l’office en fonction de l’identité des adjudicataires de lots comme l’affirme l’appelante, plutôt que des contingences propres à la mission de gestion des domaines forestiers dont l’office a la charge, étant indiqué que, préalablement à sa décision de résilier le bail le 3 avril 2009, l’office a pris soin de rappeler ses obligations au Groupement de chasse de Saint Quirin par lettre recommandée du 16 août 2006 avec accusé de réception ainsi que par lettres simples des 8 janvier, 27 mai et 21 juillet 2008 et a transigé le 21 novembre 2006 avant jugement sur un procès-verbal d’infraction dressé le 26 juin 2006.

L’article 50.2 du cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale qui prévoit que toute résiliation prononcée par l’Office national des forêts donne lieu au versement d’une indemnité forfaitaire de résiliation évaluée par avance à un montant, indexé comme le loyer, ne pouvant être inférieur à 600 euros ni excéder 20 000 euros, s’analyse en une clause pénale que le tribunal a à juste titre limitée à la somme de 10 000 euros en exerçant le pouvoir de modération énoncé par l’article 1152 du code civil.

Le droit d’agir n’a pas dégénéré en abus pouvant justifier l’allocation des dommages et intérêts que sollicite l’Office national des forêts.

Dès lors, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il est équitable de compenser à hauteur de 3 000 euros les frais non compris dans les dépens que l’Office national des forêts a été contraint d’exposer en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne le Groupement de chasse de Saint Quirin aux dépens exposés en appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile, et à verser à l’Office national des forêts la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du même code.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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