Cour d'appel de Paris, 22 janvier 2014, n° 12/21176

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 22 janv. 2014, n° 12/21176
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/21176
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 6 décembre 2010, N° 09/14112

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 1

ARRÊT DU 22 JANVIER 2014

(n° 25 , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/21176

Décision déférée à la Cour :

jugement du 7 décembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 09/14112

APPELANT

Monsieur M-N Q

XXX

XXX

Représenté et assisté de Me Philippe PLANTADE, avocat au barreau de PARIS, toque: B0210

INTIMES

Monsieur A B

49 rue Brillat-Savarin

XXX

Représenté par Me M Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675

Assisté de Me M-Loup NITOT de la SELARL NITOT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0208

Monsieur Y D

XXX

XXX

Représenté par Me A FISSELIER de la SCP SCP FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assisté de Me Prisca ORSONNEAU substituant Me Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0738

Société GUILLAUME LE FLOC’H ANCIENNEMENT SVV U P W

K L, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux.

XXX

XXX

Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Assistée de Me Anne VAISSE toque : R038 substituant Me Anne LAKITS toque : C0765, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques BICHARD, Président

Madame Marguerite-P MARION, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

ARRÊT :

— contradictoire

— rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Jacques BICHARD, président et par Melle Sabine DAYAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***************

Au cours de la vente organisée le 8 décembre 2003 par la Sarl U-P W K Enchère, dénommée désormais société Guillaume Le Floc’h SVV, avec le concours de M. Y D, expert, M. M-N Q a acquis le lot n° 53, propriété de M. A B, décrit au catalogue comme ' un superbe Bouddha Siddhârta , debout sur un socle quadrangulaire, orné en bas relief, d’un Bouddha assis en méditation et entouré de deux adorants . Coiffure perlée et parure composée de deux colliers et d’un porte-amulette . Il tient dans sa main gauche le pan de sa robe et faisait vraisemblablement, de la main droite, le geste de l’absence de crainte . Drapé mouillé finement exécuté . Schiste . H : 73 cm . ( voir reproduction sur la couverture )' pour le prix de 56 022 euros frais inclus .

A la demande de M. M-N Q, le Brussels Art Laboratory a examiné cette statue et a conclu, le 6 septembre 2007, à son absence d’authenticité .

Par ordonnance de 21 février 2008, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une mesure d’expertise confiée, in fine, à M. G H lequel a déposé le 29 novembre 2008 son rapport en concluant que la statue présentait des défauts et des restaurations importantes qui auraient dû être signalés au catalogue de vente et ne pouvait être considérée comme une oeuvre authentique du Gandhâra .

C’est dans ces circonstances qu’au visa des articles 1110, 1147, 1151, 1153, 1382 et 1383 du code civil et de l’article L . 321-31 du code de commerce et de l’article 2 du décret du 3 mars 1981, M. M-N Q a fait assigner en annulation de la vente du 8 décembre 2003, remboursement des sommes exposées et versement de dommages intérêts, la société Guillaume Le Floc’h SVV, M. Y D, expert et M. A B devant le tribunal de grande instance de paris dont le jugement rendu le 7 décembre 2010 est déféré à la cour .

***********

Vu le jugement entrepris qui a :

— dit n’y avoir lieu à annulation de l’expertise judiciaire,

— débouté M. M-N Q de ses prétentions,

— constaté que l’appel en garantie de la société Guillaume Le Floc’h SVV à l’encontre de M. Y D était sans objet,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. M-N Q aux dépens .

Vu la déclaration d’appel déposée le 23 mai 2011 par M. M-N Q .

Vu les dernières conclusions déposées par la voie électronique le :

8 octobre 2013 par M. M-N Q qui demande à la cour de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a validé l’expertise judiciaire,

— infirmer ledit jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

* prononcer l’annulation de la vente du 8 décembre 2003,

* condamner M. A B à lui rembourser le prix de vente de 47 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2007 et application des dispositions de l’article 1154 du code civil,

* condamner la société Guillaume Le Floc’h SVV à lui garantir la restitution du prix dans les conditions visées,

* condamner la société Guillaume Le Floc’h SVV à lui rembourser la somme de 8 522 euros montant des frais acquittés avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2007 et application des dispositions de l’article 1154 du code civil,

* condamner in solidum M. A B, la société Guillaume Le Floc’h SVV et M. Y D à lui payer les sommes de :

. 9 830, 30 euros au titre du préjudice financier,

. 10 000 euros au titre du préjudice moral,

. 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile .

— à titre principal, confirmer le jugement entrepris,

— à titre subsidiaire, débouter M. M-N Q de ses demandes,

— en tout état de cause :

* rejeter l’appel en garantie formé par la société Guillaume Le Floc’h SVV

* condamner M. M-N Q à lui verser la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile .

— déclarer M. M-N Q irrecevable et mal fondé en ses demandes et de confirmer le jugement déféré,

— subsidiairement :

* dire que l’article L. 321-31 alinéa 2 du code de commerce n’est pas applicable,

* confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. M-N de ses demandes dirigées à son encontre,

* en cas d’annulation de la vente :

. dire qu’elle n’est redevable que du montant des frais sans intérêts ni capitalisation de ceux-ci,

. dire qu’en cas de garantie retenue la statue doit lui être restituée,

— très subsidiairement : dire que M. Y D doit la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,

— condamner toute partie qui succombe à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile .

— confirmer le jugement déféré,

— condamner M. M-N Q à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile .

SUR QUOI LA COUR

Considérant que l’expert H dont les parties ne contestent plus le caractère contradictoire du rapport qu’il a déposé, conclut que l’oeuvre litigieuse est 'une sculpture originale authentique qui a été :

— soit fortement accidentée, restaurée, maquillée et/ou embellie,

— soit quasiment entièrement resculptée, restaurée, maquillée et/ou embellie’ ;

qu’il est en effet pas discuté qu’à la suite d’un accident de transport la statue a été cassée en deux au niveau chevilles, que l’avant-bras droit ainsi que le plissé attenant ont été cassés et que le haut du nimbe présente un éclat ;

que ces dommages ont donné lieu à une restauration exécutée à la fin de l’année 2003 par M. Z qui en attesté dans une déclaration en date du 21 décembre 2007 qui est reprise par l’expert judiciaire ;

que celui-ci relève la pièce présente un aspect lisse et 'cireux’ sur la quasi totalité de l’avers et qui se retrouve au revers et 'qui ne concerne pas uniquement les zones de fracture connues, mais se retrouve sur toutes les parties plissées du vêtement, les bras, la tête, le torse et la base avec en outre des zones plus sombres qui semblent indiquer la présence d’une matière résiduelle, spécialement dans les creux .' ;

qu’il indique également que ' le tissu plissé reposant sur les avant-bras du Bouddha ne semble pas faire partie du vêtement en général contrairement à l’habitude . (………..) La sculpture de ce > est d’ailleurs curieusement beaucoup plus profonde que celle des autres plissés – sur le torse et l’épaule gauche – il est très >, presque > du reste de la pièce est semble de ce fait avoir été en quelque sorte rapporté . La qualité de la sculpture n’est pas homogène . Comme nous l’avons dit le plissé de devant est très profond et très > alors que sur l’épaule gauche principalement il est peu accentué comme s’il était usé’ ;

qu’il conclut que ' l’utilisation d’une substance >, voire > (…….) Est caractéristique du moyen employé par un restaurateur pour combler les lignes de collage effritées entre deux morceaux . Cela est parfaitement compréhensible aux endroits où nous savons que la sculpture a été restaurée mais qu’en es-il pour le reste de la pièce '' ;

Considérant qu’en l’état de ces constatations d’ordre technique qui ne sont pas sérieusement remises en cause par les intimés et alors même que l’avis de M. X produit aux débats par M. A B est dépourvu de toute force probante puisqu’il a été émis sur la seule photographie de l’objet en cause et par ailleurs, étant observé que les réparations effectuées en 2003 ne sont pas la conséquence de la vétusté de l’objet mais d’un accident relativement récent, l’expert judiciaire a légitimement pu estimer que cette pièce avait été fortement restaurée, maquillée ou embellie, voire quasiment entièrement 'resculptée', restaurée, maquillée ou embellie et qu’elle ne pouvait plus être donnée comme étant 'parfaitement authentique de l’art du Gandhara’ ;

qu’il apparaît ainsi que la sculpture litigieuse, a fait l’objet, à tout le moins, de restaurations importantes, dépassant les simples réparations d’usage, qui en ont altéré l’authenticité et qui devaient dès lors être mentionnées dans le catalogue de vente ;

que ce défaut d’information sur l’importance des restauration effectuées a ainsi entraîné la conviction erronée et excusable de M. M-N Q, quoiqu’il ait examinée la sculpture litigieuse au cours de l’exposition préalablement à la vente, que celle-ci n’avait pas subi de remises en état excédant manifestement celles commandées par le simple usage et la vétusté ;

qu’il convient en conséquence sur le fondement des dispositions de l’article 1110 du code civil d’accueillir sa demande en annulation de la vente du 8 décembre 2003 ;

que M. A B sera en conséquence condamné à lui payer la somme de 47 500 euros, montant du prix d’adjudication, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2009 date à laquelle il a été assigné devant le tribunal ;

qu’en revanche faute de démontrer l’impossibilité pour son vendeur de lui restituer le prix payé, M. M-N Q sera débouté de sa demande visant à obtenir sur ce point la garantie de la société Guillaume Le Floc’h SVV ;

que pour sa part la société Guillaume Le Floc’h SVV sera condamnée à lui verser la somme de 8 520 euros, montant des frais de vente qu’il lui ont été réglés, cette somme étant également augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2009, condamnation, qui résultant de la seule annulation de la vente, ne permet pas à cette société d’obtenir la garantie de l’expert en cas de faute démontrée de celui-ci ;

qu’il convient également d’ordonner l’application des dispositions de l’article 1154 du code civil dans les conditions prévues par ce texte ;

Considérant par ailleurs qu’invoquant un préjudice tant financier que moral, M. M-N Q sollicite à ce titre la condamnation solidaire des intimés ;

que le préjudice économique qu’il allègue ne peut résulter de la seule affirmation de ce qu’il aurait pu placer l’équivalent du prix d’adjudication augmenté des frais à un taux qu’il fixe à 3 % alors qu’il s’agit d’une simple hypothèse et qu’au demeurant tout placement financier a pour corollaire un risque important ;

que sa demande ne peut donc être accueillie ;

qu’en ce qui concerne le préjudice moral, M. M-N Q, amateur d’art, n’a pu qu’être déçu par l’acquisition d’une oeuvre ayant fait l’objet d’importantes restaurations et qui ne correspondait donc pas à sa légitime attente eu égard à l’absence de toute mention particulière du catalogue de vente ;

que son préjudice est certain et sera réparé par l’allocation d’une somme de 3000 euros ;

que tenus par les mentions portées dans ledit catalogue de vente rédigé sous leur seule responsabilité, la société Guillaume Le Floc’h SVV et M. Y D doivent supporter le paiement de cette somme, in solidum et non pas solidairement puisque ne sont pas applicables les dispositions de l’article L 321-31 alinéa 2 du code de commerce instituées par la loi du 11 février 2004 postérieures à la vente en cause ;

que le commissaire-priseur ayant une connaissance générale alors que par définition l’expert possède une compétence particulière et approfondie dans un domaine précis, la société Guillaume Le Floc’h SVV qui a pris la précaution de s’adresser à un expert dans le cadre de l’organisation de sa vente et dont il n’est pas démontré ni même soutenu que le choix de M. Y D serait critiquable, est ainsi fondée à solliciter la garantie de celui-ci qui, alors que les réparations exécutées sur la statue proposée à la vente étaient importantes, n’a pas cependant crû devoir les signaler, commettant ainsi une faute engageant sa responsabilité ;

qu’en revanche ne peut être retenue la responsabilité de M. A B qui est étranger à la rédaction du catalogue de vente et aux mentions qui y sont inscrites ;

Considérant que la solution du litige eu égard à l’équité commande d’accorder à M. M- N Q et à lui seul, une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 4 000 euros, supportée par M. Y D ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à annulation du rapport d’expertise judiciaire .

Statuant à nouveau dans cette limite,

Annule la vente, organisée le 8 décembre 2003 par la Sarl U-P W K Enchère, dénommée désormais la société Guillaume Le Floc’h SVV, avec le concours de M. Y D, expert, du lot n° 53, propriété de M. A B, décrit au catalogue comme ' un superbe Bouddha Siddhârta , debout sur un socle quadrangulaire, orné en bas relief, d’un Bouddha assis en méditation et entouré de deux adorants . Coiffure perlée et parure composée de deux colliers et d’un porte-amulette . Il tient dans sa main gauche le pan de sa robe et faisait vraisemblablement, de la main droite, le geste de l’absence de crainte . Drapé mouillé finement exécuté . Schiste . H: 73 cm .

(voir reproduction sur la couverture )' acquis par M. M-N Q .

Condamne M. A B payer à M. M-P Q la somme de 47 500 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2009 .

Condamne la société Guillaume Le Floc’h SVV à payer à M. M-N Q la somme de 8 520 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2009.

Ordonne l’application des dispositions de l’article 1154 du code civil dans les conditions prévues par ce texte .

Condamne in solidum la société Guillaume Le Floc’h SVV et M. Y D à payer à M. M-P Q la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral ;

Dit que dans leurs rapports entre eux M. Y D doit garantir la société Guillaume Le Floc’h SVV de la condamnation auxdits dommages intérêts pour préjudice moral .

Condamne M. Y D à payer à M. M-P Q une indemnité d’un montant de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile .

Rejette toute autre demande .

Condamne M. Y D aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande dans les conditions de l’article 699 du code civil .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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