Cour d'appel de Paris, 26 novembre 2014, n° 13/02373

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Chronologie de l’affaire

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Dimeglio Avocat · 21 septembre 2021

La liberté d'expression est au fondement même de l'activité de l'avocat. Cette liberté est reconnue par des textes fondamentaux tels que l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 10 de la Convention Européenne des droits de l'homme. Immunité judiciaire Cette liberté d'expression est quasi absolue dans l'enceinte judiciaire. En effet, selon l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, l'avocat bénéficie d'une immunité judiciaire : Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 26 nov. 2014, n° 13/02373
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/02373
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 9 décembre 2012, N° 11/14907

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 7

ARRET DU 26 NOVEMBRE 2014

(n° 37 , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/02373

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 11/14907

APPELANT

Monsieur M, AE, AH-AI Z

XXX

XXX

Représenté par Me Chantal-Rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

assisté de Me M MALKA, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque : C0593

INTIME

Monsieur I DE A

XXX

XXX

Représenté par Me Aurélien HAMELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : J022

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

AK PORTIER, présidente de chambre

Pierre DILLANGE, conseiller,

AK-AL AM, conseillère

qui en ont délibéré sur le rapport de AK-AL AM

Greffier, lors des débats : Maria IBNOU TOUZI TAZI

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par AK PORTIER, président et par Maria IBNOU TOUZI TAZI , greffier présent lors du prononcé.

*

* *

Par acte délivré le 5 octobre 2011, dûment dénoncé au ministère public, I B de A a fait assigner M Z, à raison d’un article publié dans le quotidien LIBÉRATION daté du 23 septembre 2011 consistant en une interview de ce dernier, accordée à deux journalistes désignés par leurs initiales (« R G. et L.R. »), article intitulé "M Z, avocat de l’ex-directrice de la coordination de l’AEF, dénonce une manipulation pour évincer O Y : 'J’ACCUSE A D’AVOIR SACRIFIÉ Q X’ '' figurant à la seconde page d’un sujet occupant les pages 26 et 27 du journal, dans la rubrique 'Ecrans & Médias’ sous le titre " France 24 : le gros traquenard '', aux fins de voir, au visa des articles 23 alinéa 1er, 29 alinéa 1er et 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 :

Dire que cette interview comporte les allégations diffamatoires suivantes au préjudice de Monsieur I B de A en violation des dispositions des articles 23 alinéa 1er ,29 alinéa 1er et 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881:

« J’accuse monsieur de A d’avoir été informé de la possibilité d’une manipulation. Je l’accuse de savoir pertinemment, depuis le 21 décembre 2010, que Q X n’avait volé aucun document dans les serveurs et de n’avoir rien fait pour la laver des ignobles accusations portées contre elle. »

« J’accuse I de A d’avoir sacrifié Q X dans le but d’obtenir le départ de madame Y. »

On va charger un magistrat indépendant d’apprécier si il y a, oui ou non, une manipulation intentionnelle, »

« A la lecture de l’enquête, résonnent en moi les propos d’AN AO-AP, qui a dit qu’elle avait vu le parquet de Nanterre à l''uvre dans des affaires concernant A. »

« Toutes les personnes qui savaient que Q X n’avait rien volé et n’ont rien dit n’ont plus leur place à l’AEF. C’est à dire, toutes les personnes qui ont participé à la réunion du 21 décembre 2010 établissant une stratégie de défense en cas d’enquête judiciaire, »

Par jugement en date du 10 décembre 2012, la 17e chambre civile du Tribunal de grande instance de Paris a :

— jugé que les propos contenus dans les deux premiers et le dernier paragraphe poursuivis, figurant dans l’article intitulé « M Z, avocat de l’ex-directrice de la coordination de l’AEF, dénonce une manipulation pour évincer O Y : « J’ACCUSE A D’AVOIR SACRIFIE Q X » » publié dans le quotidien LIBERATION daté du 23 septembre 2011 sont constitutifs de diffamation publique envers particulier ;

— condamné M Z à verser à I B de A 1 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

— rejeté la demande de publication ;

— condamné M Z à verser à I B de A la somme de trois mille euros (3.000 euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné l’exécution provisoire du jugement ;

— condamné M Z aux entiers dépens de l’instance.

Monsieur M Z a interjeté appel de cette décision le 6 février 2013.

Le 9 avril 2013, Monsieur I B de A a déposé des conclusions d’intimé et d’appel incident,

Par conclusions signifiées le 30 avril 2013 Monsieur M Z demande à la cour :

Vu l’article 10 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme,

Vu les articles 29 alinéa 1er et 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881,

— d’infirmer le jugement prononcé le 10 décembre 2012 ;

En conséquence,

— de dire que les propos poursuivis ne sont pas diffamatoires ;

— subsidiairement, de dire que la preuve des faits diffamatoires est rapportée ;

— très subsidiairement, de dire que Maître Z doit bénéficier de l’excuse de bonne foi ;

— à titre infiniment subsidiaire, de dire que Monsieur B DE A n’apporte pas la preuve du préjudice qu’il invoque ;

En conséquence,

— de débouter Monsieur B DE A de l’intégralité de ses demandes ;

— de dire que Monsieur B DE A a commis un abus de droit et le condamner en conséquence à payer à Maître Z la somme de 10.000€ ;

— le condamner à payer à Maître Z la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— le condamner aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Maître Chantal BODIN CASALIS conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses conclusions, après avoir rappelé que cette interview a été publiée dans un contexte conflictuel particulièrement violent au sein de l’AEF, qu’en sa qualité d’avocat de Q X qui se retrouvait licenciée par l’AEF pour faute grave et stigmatisée par la presse comme étant l’auteur d’un système d’espionnage mené au profit de O Y visant à déstabiliser et discréditer I B de A, il a souhaité porter la parole de sa cliente, alors que les éléments techniques du dossier permettaient d’établir, sans aucun doute, son absence totale de culpabilité quant à la présence sur son ordinateur portable de cinq serveurs de l’AEF, puisque l’enquête menée par la BEFTI permettait d’établir que le service informatique de l’AEF les avaient lui-même placés, M Z conteste le caractère diffamatoire des trois passages qui ont été retenus comme tels par le tribunal, soutient que dans le premier passage il livre son opinion et son analyse personnelle de la situation en tant qu’avocat, que dans le deuxième passage, il conteste avoir imputé une infraction de dénonciation calomnieuse, estimant qu’il s’agit de l’expression d’un sentiment personnel, qu’en tout état de cause, la presse n’est pas considérée comme une autorité ayant le pouvoir de poursuivre ou de donner des suites judiciaires à une dénonciation, qu’il ne tient donc qu’un propos général et vague relatif à un comportement passif qui ne peut pas être qualifié de dénonciation calomnieuse et qui ne peut donc relever de la diffamation et qu’en ce qui concerne le troisième passage figurant en fin d’interview, il ne livre qu’une appréciation personnelle.

Il sollicite la confirmation de la décision des premiers juges concernant les deux autres passages qui n’ont pas été jugés diffamatoires.

Subsidiairement, il fait valoir qu’il résulte de l’ensemble des éléments produits dans le cadre de l’offre de preuve que Monsieur B de A a dissimulé des éléments susceptibles de mettre hors de cause sa cliente et ce aux fins de la salir, qu’il a participé à la réunion du 21 décembre 2010 établissant une stratégie de défense en cas d’enquête judiciaire qui aurait dévoilé la fraude, qu’il a agi dans le but de déstabiliser l’ancienne directrice générale de l’AEF, Madame Y et ainsi a ' sacrifié Q X dans le but d’obtenir le départ de celle-ci ' ;

Très subsidiairement, il demande à bénéficier de l’excuse de bonne foi affirmant que le tribunal s’est référé à une instruction dont il n’était pas question ni dans l’interview en cause ni dans l’article qu’elle venait illustrer, que de plus il n’a pas pris en compte les éléments nouveaux, c’est-à-dire le rapport de la BEFTI du 1er juin 2011 et que le cas présent réunit tous les critères pour repousser les limites admissibles de la polémique puisque l’auteur des propos litigieux n’est pas journaliste, qu’il disposait une base factuelle suffisante, qu’il avait une légitimité toute particulière à prendre publiquement la défense de sa cliente compte-tenu de la violence des attaques dont elle était victime,

Infiniment subsidiairement, il affirme que Monsieur B de A ne justifie pas d’un quelconque préjudice ;

Estimant que l’action engagée par Monsieur B de A l’a été avec une légèreté certaine, il sollicite reconventionnellement une somme de 10.000 € au titre de l’abus de droit.

Par conclusions récapitulatives d’intimé et d’appelant incident signifiées par G le 3 juillet 2014, Monsieur B de A demande à la cour de :

— le recevoir en son appel incident,

— de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu que caractérisent une diffamation publique à l’endroit de Monsieur I B de A les propos suivants :

« J’accuse monsieur de A d’avoir été informé de la possibilité d’une manipulation. Je l’accuse de savoir pertinemment, depuis le 21 décembre 2010, que Q X n’avait volé aucun document dans les serveurs et de n’avoir rien fait pour la laver des ignobles accusations portées contre elle. »

« J’accuse I de A d’avoir sacrifié Q X dans le but d’obtenir le départ de madame Y. »

«Toutes les personnes qui savaient que Q X n’avait rien volé et n’ont rien dit n’ont plus leur place à l’AEF. C’est-à-dire toutes les personnes qui ont participé à la réunion du 21 décembre 2010 établissant une stratégie de défense en cas d’enquête judiciaire qui aurait dévoilé la fraude.» ;

— de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné Monsieur Z à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Pour le surplus,

— d’ infirmer le jugement déféré sur le montant des dommages et intérêts accordés et en ce qu’il a rejeté la demande de publication qu’il a sollicitée,

Statuant de nouveau,

— de condamner Monsieur M Z à lui verser la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

— de condamner Monsieur M Z à faire procéder, à ses frais, à la publication de l’arrêt de condamnation à intervenir dans trois quotidiens nationaux français de son choix, et notamment dans la section Médias du quotidien Libération, sans que le coût de chacune de ces publications n’excède 5.000 euros,

— de le condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, après avoir rappelé que les propos ont été tenus alors qu’il exerçait les fonctions de président directeur général de l’Audiovisuel Extérieur Français (AEF) depuis 2008 et qu’il a eu à connaître d’une affaire de piratage des serveurs informatiques de la société, découverte à la suite d’un article paru dans le Canard Enchaîné le 6 octobre 2010 reproduisant des documents et informations accessibles uniquement aux collaborateurs habilités sur les serveurs informatiques de la société, que cette affaire a fait l’objet d’une information judiciaire ouverte à Nanterre, récemment marquée par la mise en examen de Q X dont M Z, avocat, est le conseil, l’intimé fait valoir que les trois séries de propos dont le tribunal a retenu le caractère diffamatoire lui imputent une attitude contraire à l’honneur et à la dignité qui sied au dirigeant d’une entreprise, de surcroît publique, qu’il convient donc de confirmer la décision sur ce point ;

Il estime que les pièces versées au titre d’offre de preuve qui présentent un état partiel de l’enquête en cours, ne démontrent pas l’instrumentalisation qu’il aurait faite des accusations portées contre Madame X pour atteindre in fine Madame Y et que la preuve de la vérité des propos poursuivis n’a pas été rapportée ;

Il demande que l’excuse de bonne foi soit écartée compte-tenu de l’absence totale de prudence dans les propos de Monsieur Z, de l’absence totale d’enquête préalable, de l’animosité personnelle de Monsieur Z à son égard ainsi que de l’absence du but légitime d’information.

Reconventionnellement, il sollicite des dommages et intêrets supérieurs à ceux fixés par le tribunal ainsi qu’une publication judiciaire ,estimant que ces propos lui ont porté un grave préjudice d’autant qu’ils ont été repris sur les sites Internet de Téléobs, du magazine L’express, du magazine Elle, du magazine 'Gala', sur le site Internet 'Ecran', sur le site Internet 'Ozap’ et sur le site Internet 'arrêt sur image'.

SUR CE ,

Considérant que l’article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme 'toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé’ ledit fait devant être suffisamment précis pour pouvoir faire l’objet du débat sur la preuve de sa vérité organisé par les articles 35, 55 et 56 de cette loi ; que ce délit, qui est caractérisé même si l’imputation est formulée sous forme déguisée, dubitative ou par voie d’insinuation, se distingue ainsi d’appréciations purement subjectives ainsi que de l’injure, que l’alinéa 2 du même article 29 définit comme 'toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait’ et doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent ;

Considérant que le tribunal n’a pas retenu le caractère diffamatoire des propos contenus dans les deux phrases suivantes :

« On va charger un magistrat indépendant d’apprécier si il y a, oui ou non, une manipulation intentionnelle, »

« A la lecture de l’enquête, résonnent en moi les propos d’AN AO-AP, qui a dit qu’elle avait vu le parquet de Nanterre à l''uvre dans des affaires concernant A’ ; que l’appel incident d’I B de A ne portant pas sur ces propos, il n’est pas discuté devant la cour que les premiers juges ont considéré à juste titre qu’ils n’étaient pas diffamatoires ;

Considérant qu’en ce qui concerne les propos :« J’accuse monsieur de A d’avoir été informé de la possibilité d’une manipulation. Je l’accuse de savoir pertinemment, depuis le 21 décembre 2010, que Q X n’avait volé aucun document dans les serveurs et de n’avoir rien fait pour la laver des ignobles accusations portées contre elle. »

« J’accuse I de A d’avoir sacrifié Q X dans le but d’obtenir le départ de madame Y. », contrairement à ce que soutient Monsieur Z, il ne s’agit pas d’une opinion et analyse personnelle d’un avocat défendant sa cliente ; que c’est en effet par des motifs pertinents que les premiers juges ont estimé qu’ils imputaient à Monsieur B de A d’avoir su que Q X n’avait rien volé dans les serveurs informatiques de l’AEF et de n’avoir rien fait pour la blanchir dans le but d’évincer O Y de la direction générale de l’AEF, cette abstention étant contraire à la morale communément admise, cette imputation porte donc atteinte à l’honneur d’I B de A et est donc diffamatoire même s’il ne lui est pas imputé précisément une dénonciation calomnieuse ;

Considérant que cette imputation est renforcée par les propos contenus dans la dernière phrase de l’interview:« Toutes les personnes qui savaient que Q X n’avait rien volé et n’ont rien dit n ont plus leur place à l’AEF, C’est à dire, toutes les personnes qui ont participé à la réunion du 21 décembre 2010 établissant une stratégie de défense en cas d’enquête judiciaire », qui affirme que cette abstention est intervenue dans le cadre d’une stratégie de défense en cas d’enquête judiciaire sur cette affaire, ce qui est également contraire à la loyauté due à une salariée et porte atteinte à l’honneur d’I B de A, quand bien même Maître Z aurait répondu à une question des journalistes ;

Que la cour confirmera donc l’analyse faite par les premiers juges du caractère diffamatoire de ces deux passages de l’article poursuivi ;

Sur l’offre de preuve,

Considérant que pour produire l’effet absolutoire prévu par l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881, la preuve de la vérité des faits diffamatoires doit être parfaite, complète et corrélative aux imputations dans toute leur portée et leur signification diffamatoire ;

Considérant qu’en l’espèce, s’il résulte des pièces fournies au titre de l’offre de preuve, notamment de l’audition de Joseph Hannequin et du rapport de la BEFTI, que des erreurs de manipulation ont été commises sur l’ordinateur portable de Q X ayant induit en erreur l’expert S T, et qu’une réunion s’est effectivement tenue le 21 décembre 2010 dans le but d’établir une stratégie de défense suite à la révélation de cette erreur du service informatique de l’AEF, les déductions que Maître Z en tire pour conclure à la manipulation effectuée par I B de A pour taire ces éléments aux fins d’évincer O Y de la direction générale de l’AEF, ne sont quant à elles pas rapportées, quand bien même Madame Y aurait elle-même dénoncé une attitude de déstabilisation qui l’a conduite à finalement quitter l’AEF ;

Que la cour confirmera donc la décision des premiers juges qui ont écarté l’offre de preuve ;

Sur la bonne foi,

Considérant que les imputations diffamatoires peuvent être justifiées lorsqu’il est démontré que leur auteur a agi de bonne foi, et notamment qu’il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu’il s’est conformé à un certain nombre d’exigences, en particulier de sérieux de l’enquête, ainsi que de prudence dans l’expression ;

Que ces critères s’apprécient différemment selon le genre des propos en cause et la qualité de la personne qui les tient et notamment, avec une moindre rigueur lorsque leur auteur n’est pas un journaliste qui fait profession d’informer, mais une personne elle-même impliquée dans les faits sur lesquels elle s’exprime ;

Considérant qu’au-delà de leur opposition conjoncturelle du fait de la position de Maître Z en tant que conseil de Madame X licenciée par Monsieur B de A, aucune animosité personnelle entre les protagonistes n’est démontrée ; que le terme ' j’accuse ' répétés deux fois en réponse à la question du journaliste :'Accusez-vous I de A d’avoir monté l’affaire'' ne peut être compris que comme une clause de style , réthorique à référence historique, certes virulente et sans nuance, mais qui ne saurait en elle-même révéler une animosité personnelle contrairement à ce que soutient I B de A ;

Considérant que les premiers juges ont estimé, par des motifs pertinents, que l’interview traitait d’un sujet d’intérêt général s’agissant des luttes intestines d’une entreprise de presse percevant des subventions publiques, et destinée à faire rayonner la France à l’étranger et que le journaliste a poursuivi un but légitime d’information du public en donnant la parole au conseil de Q X 'désignée dans les médias comme une espionne à la solde de O Y’ ;

Considérant que dans une société démocratique l’avocat doit certes bénéficier, dès lors qu’il est dans l’exercice des droits de la défense, d’une licence particulière propre à la polémique, tolérant un certain excès ou outrance dans l’expression et qu’en l’espèce Maître Z, qui n’est pas journaliste, s’exprime en sa qualité d’avocat de Q X dont le lecteur n’attend pas un propos objectif mais nécessairement partisan de la version de sa cliente ; que toutefois, sa qualité d’avocat, qui lui donnait une connaissance certaine des limites légales de l’expression tout comme des règles déontologiques qui régissent sa profession, devait le conduire à une prudence dans l’expression, quand bien même il répondait aux questions du journaliste ;

Considérant qu’en effet, lorsqu’il ne bénéficie pas de l’immunité prévue par l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, l’avocat qui s’exprime au nom de son client n’est pas dispensé de la prudence et de la circonspection nécessaire à l’admission de la bonne foi ;

Considérant que les termes incriminés n’ont pas été exprimés dans le cadre d’une plaidoirie adressée au magistrat à l’audience couverte par l’immunité et que Maître Z, confondant sa position avec celle de sa cliente, a dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression dans le cadre de la défense de sa cliente, en reprenant à son compte l’accusation ferme et définitive, suggérée par la question du journaliste, en utilisant des termes péremptoires tels que 'savait pertinemment', 'rien volé', comme l’a souligné justement le tribunal ;

Considérant qu’en outre, les propos tenus par Maître Z ne mettaient pas en cause un confrère, à égalité des armes, bénéficiant de la même exposition médiatique, en réplique à une attaque personnelle au sujet d’un dossier commun qui pourrait s’apparenter à une polémique, mais concernaient un particulier, adversaire dans un procès ; que les termes péremptoires et sans nuance qu’il a utilisés ont manqué incontestablement de mesure d’autant plus qu’ils n’ont pas été tenus 'à chaud', spontanément, au jour de la découverte de la manipulation faite dans l’ordinateur de Q X mais quelques mois après le dépôt du rapport de la BEFTI du 1er juin 2011 ;

Que la cour confirmera donc la décision des premiers juges qui n’ont pas accordé le bénéfice de la bonne foi à M Z ;

Sur la demande de dommages et intérêts,

Considérant que la partie civile sollicite reconventionnellement une somme de 20.000 € au titre des dommages et intérêts, affirmant qu’en tant que 'grand patron d’un groupe important tel que l’Audiovisuel Extérieur de France’ il a subi un lourd préjudice moral compte tenu la place tenue par l’article dans le journal, accentuée par la reprise des propos sur différents sites d’autres magazines ;

Considérant que le prévenu souligne que le statut de la partie civile ne saurait en soi justifier un quelconque préjudice et que Monsieur B de A a lui-même licencié Madame X, présentée ensuite dans une publication très proche de l’intimé comme une espionne servile opérant pour Madame Y ;

Considérant que Maître Z ne saurait être tenu pour responsable de la reprise des propos publiés dans d’autres médias ;

Qu’en conséquence, compte-tenu du contexte dans lequel les propos ont été tenus ainsi que de l’absence de justificatifs, le préjudice subi par Monsieur B de A apparaît être indemnisé dans une juste mesure ; que la décision sera donc également confirmée en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts ;

Considérant que la demande de publication judiciaire de la décision déférée dans trois quotidiens nationaux n’étant pas justifiée, le jugement sera également confirmé sur ce point ;

Considérant que l’équité justifie que l’appelant qui succombe à l’instance supporte les frais irrépétibles exposés par la partie adverse ; qu’une somme de 3000 € est allouée à ce titre ; qu’il sera au surplus condamné aux dépens de la procédure d’appel ;

Sur la demande reconventionnelle pour abus de droit,

Considérant que M Z succombant dans son appel, il convient donc de le débouter de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement de l’abus de droit,

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M Z à payer à I B de A une somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M Z aux entiers dépens,

Déboute les parties de toute autre demande.

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER

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