Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 5, 17 septembre 2015, n° 13/08058

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 5, 17 sept. 2015, n° 13/08058
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/08058
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 27 mars 2013, N° 12/14522
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2015

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/08058

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mars 2013 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – 4ème chambre 2ème section – RG n° 12/14522

APPELANTS

Monsieur [C] [U]

né le [Date naissance 1] à [Localité 2], de nationalité française, Pharmacien

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 7]

Monsieur [T] [U]

né le [Date naissance 2] à [Localité 2], de nationalité française, Pharmacien

demeurant [Adresse 9]

[Adresse 11]

SAS PYXIS PHARMA

ayant son siège social [Adresse 10]

[Adresse 6]

prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

SAS SAGITTA PHARMA

ayant son siège social [Adresse 10]

[Adresse 6] prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

SELAS PHARMACIE [Adresse 8]

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 8]

prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

SELAS PHARMACIE [J]-[U]

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 5]

prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

SELAS PHARMACIE [U]

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 12]

prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

Représentées par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistées de Me François-Xavier TESTU, avocat au barreau de PARIS, toque : G0355

INTIMEE

SAS COOPERATION PHARMACEUTIQUE FRANCAISE (en abrégé COOPER)

ayant son siège social [Adresse 14]

[Adresse 13]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

Assistée de Me Yann UTZSCHNEIDER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, et Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président

Madame Françoise LUCAT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et procédure

Messieurs [T] et [C] [U], pharmaciens d’officine, ont, en 2010, créé la société Pyxis Pharma (Pyxis), structure de regroupement à l’achat (SRA) permettant à ses adhérents d’intervenir auprès des différents laboratoires fournisseurs, en qualité de commissionnaire à l’achat.

Les fondateurs de Pyxis ont par ailleurs créé, en novembre 2011, une centrale d’achat pharmaceutique (CAP), Sagitta Pharma (Sagitta), intervenant en qualité de prestataire logistique.

La société de Coopération Pharmaceutique Française (la Cooper), établissement pharmaceutique spécialisé dans la fourniture aux pharmaciens de médicaments, spécialités et matières pharmaceutiques et accessoires, négocie avec certains groupements de pharmaciens (structures informelles de globalisation des achats) des contrats de référencement pour certains produits, aux termes desquels elle offre, aux membres des groupements, des conditions particulières favorables ; elle fournit également ses produits à des grossistes-répartiteurs qui revendent les produits aux officines.

Se prévalant de ce que Pyxis et Sagitta faisaient acheter par les officines de Messieurs [U] les produits Cooper, ensuite rétrocédés à Pyxis, et vendaient les produits Cooper aux adhérents de Pyxis via le site internet créé par Pyxis www.lacentralepharma.com, la Cooper a mis en demeure Pyxis et Sagitta de cesser ces pratiques.

Le 17 décembre 2012, la Cooper a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés Pyxis, Sagitta, Pharmacie [Adresse 8], Pharmacie [J]-[U], Pharmacie [U]u et Messieurs [T] et [C] [U] pour rétrocession illicite de produits.

Par jugement du 28 mars 2013, le tribunal de grande instance de Paris a :

— dit que la société Pyxis Pharma, la société Sagitta Pharma, la société Pharmacie [Adresse 8] et la société Pharmacie [J]-[U] se sont livrées à des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Cooper ;

En conséquence,

— condamné in solidum la société Pyxis Pharma, la société Sagitta Pharma, la société Pharmacie [Adresse 8] et la société Pharmacie [J]-[U] à payer à la société Cooper à titre de dommages et intérêts les sommes de 10.000,00 euros, 8.000,00 euros et 5.000,00 euros ;

— fait interdiction à Pixys et à Sagitta de commercialiser les produits de la Cooper ;

— assorti cette interdiction d’une astreinte de 20,00 euros par jour et par produit mis en vente sur le site internet www.lacentralepharma.com dans le délai de 24 heures à compter de la signification du jugement, et durant un délai de deux mois ;

— autorisé la publication, dans trois journaux ou magazines au choix de la société Cooper, au frais des sociétés Pyxis Pharma et Sagitta Pharma, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder la somme de 4.000,00 euros hors taxe, du communiqué judiciaire suivant : « Par jugement du 28 mars 2013, le tribunal de Grande Instance a jugé que la mise en vente de produits Cooper sur le site www.lacentralepharma.com exploité par les sociétés Pyxis Pharma et Sagitta Pharma constituait un acte de concurrence déloyale à l’encontre de la société Cooper et en a ordonné la cessation immédiate. » ;

— ordonné la publication du dit communiqué sur la page d’accueil du site internet www.lacentralepharma.com accessible depuis la France dans un encadré de couleur rouge sur fond blanc figurant en partie supérieure, en police de caractère de taille 10, pendant une durée de huit jours à compter de la signification du présent jugement ;

— rejeté les demandes formées à titre reconventionnel dans l’intérêt de la société Pyxis Pharma, la société Sagitta Pharma, la société Pharmacie [Adresse 8], la société Pharmacie [J]-[U], la société Pharmacie [U], Messieurs [U] ;

— condamné in solidum la société Pyxis Pharma, la société Sagitta Pharma, la société Pharmacie [Adresse 8] et la société Pharmacie [J]-[U] à payer à la société Cooper la somme de 4.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Pyxis, Sagitta, Pharmacie [Adresse 8], Pharmacie [J]-[U], Pharmacie [U] et Messieurs [C] et [T] [U] ont interjeté appel de ce jugement le 19 avril 2013.

Messieurs [C] et [T] [U] et la SELARL Pharmacie [U] se sont désistés de leur appel par conclusions signifiées le 9 octobre 2013, désistement accepté par la Cooper selon conclusions signifiées le 21 novembre 2013.

Par leurs dernières conclusions signifiées le 10 février 2015, Pyxis, Sagitta, Pharmacie [Adresse 8] et Pharmacie [J]-[U] demandent à la Cour de :

— infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence qui avait été opposée à la demande de la Cooper après qu’elle eut saisi le tribunal de grande instance de Paris ;

— dire compétent, au titre d’une compétence exclusive, le tribunal de commerce de Paris ;

— en conséquence, annuler dans toutes ses dispositions le jugement du 28 mars 2013 comme ayant été rendu par une juridiction incompétente ;

Subsidiairement, sur le fond, statuant à nouveau en application de son pouvoir d’évocation:

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Pyxis Pharma, la société Sagitta Pharma, la société Pharmacie [Adresse 8], la société Pharmacie [J]-[U] pour concurrence déloyale ;

— dire qu’au vu des circonstances, les sociétés précitées n’ont pas commis de faute équipollente à un comportement commercial déloyal à l’égard de la Cooper ;

— dire en tout état de cause que la Cooper n’a pas qualité pour demander réparation d’un préjudice qui aurait été causé par le comportement d’entreprises avec lesquelles elle n’est pas en situation de concurrence ;

— dire en tout cas que le prétendu préjudice concurrentiel de la Cooper n’est à aucun égard justifié dans sa légitimité ou son existence ;

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Pyxis de sa demande reconventionnelle tendant à obtenir communication des conditions générales de ventes adéquates ;

Et le réformant:

— enjoindre à la Cooper de communiquer à Pyxis les conditions générales de ventes adéquates, c’est-à-dire celles sur la base desquelles elle négocie avec les officines lorsque celles-ci procèdent à des achats en direct, en précisant que ces conditions constitueront le socle de la négociation annuelle entre elle, Cooper, et Pyxis ;

— condamner la Cooper à payer à Pyxis une somme de 250.000,00 euros HT en indemnisation du préjudice subi par celle-ci comme conséquence directe des pratiques restrictives de la première ;

— ordonner la publication, aux frais de la Cooper, du dispositif de l’arrêt infirmatif à intervenir, sur l’injonction de communiquer les conditions générales de ventes adéquates, dans les cinq publications suivantes : Les Echos, Le Quotidien du Pharmacien, Le Moniteur des Pharmacies, la revue Impact Pharmacien et la revue Profession Pharmacien ;

— condamner la Cooper à verser à chacune des sociétés appelantes la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les appelantes invoquent l’incompétence du tribunal de grande instance de Paris aux motifs que :

— la demande même de la Cooper, même si elle veillait à ne pas citer le texte, prenait appui sur l’article L. 442-6 du code de commerce ;

— l’article D. 442-3, alinéa 1er, du même code, pris pour l’application de l’article L. 442-6, attribue compétence exclusive à seulement huit tribunaux de commerce ' dont celui de Paris ' pour connaître de l’application de ce texte ;

— Pyxis s’est trouvée en situation de se prévaloir, à l’encontre de la Cooper, tant en défense au fond qu’à titre reconventionnel, d’une disposition de l’article L. 442-6 ; or, il suffit qu’une des parties fasse référence au droit des pratiques restrictives de concurrence pour que l’entier litige relève de l’un des tribunaux spécialisés.

Sur le fond, elles font valoir que :

— la pratique des rétrocessions à la SRA qui a été mise en 'uvre :

* résulte du comportement des laboratoires fournisseurs et de leurs pratiques discriminatoires à l’encontre de certaines officines (refus de vente ou de livraison, augmentation des prix et diminution des remises tarifaires, livraison de produits à date de péremption trop courte), comportement contraire à l’esprit du décret n° 2009-741 du 19 juin 2009 relatif aux centrales d’achats pharmaceutiques, et qui conduit les pharmaciens à s’approvisionner auprès d’officines mieux placées en termes de volumes ; ainsi, la Cooper n’est pas en situation de se prévaloir des refus de vente qu’un système de distribution sélective permet, qu’elle n’a en effet pas de réseau de distribution sélective, ses produits ne présentant pas de spécificité telle qu’elle pourrait justifier une sélection des acheteurs en fonction de certains critères, comme le requiert un système de distribution sélective ;

* n’avait pas pour effet de diminuer l’indépendance de l’exploitant des pharmacies d’officine par rapport aux laboratoires pharmaceutiques, puisqu’au contraire, il s’agissait de permettre, malgré le blocage des laboratoires, un approvisionnement nécessaire d’une SRA victime de discrimination ;

— la qualité de la fourniture des médicaments au public n’a été, à aucun égard, affectée, puisqu’au contraire, la SRA a pour objet de favoriser l’approvisionnement des petites et moyennes officines à de meilleures conditions ;

— la pratique reprochée n’a eu à aucun égard pour effet de remettre en cause la traçabilité des produits.

Sur le grief d’affichage déloyal de prix sur le site ouvert par Pyxis lacentralepharma.com, les appelantes précisent que Cooper n’a eu accès à ce site que de manière non autorisée jusqu’au 12 avril 2012, ce qui pose un problème de loyauté de la preuve.

Elles ajoutent que la seule raison de maintenir un écart tarifaire tient dans la puissance de vente de Cooper qui veut maintenir des marges injustifiées à l’égard de certaines catégories d’acheteurs. Elles considèrent que le manque à gagner ne constitue pas un intérêt légitime juridiquement protégé. Elles considèrent que Cooper ne respecte pas l’obligation de communiquer les conditions générales de vente adéquates. La société Pyxis demande la réparation de son préjudice d’image qui résulte des pratiques restrictives de Cooper.

La société Cooper, appelante à titre incident, par ses dernières conclusions signifiées le 18 février 2015, demande à la Cour de :

Sur l’appel principal

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par les sociétés Pyxis Pharma, Sagitta Pharma, Pharmacie [Adresse 8], Pharmacie [J]-[U], Pharmacie [U] et Messieurs [T] et [C] [U] ;

— le confirmer en ce qu’il a dit que les sociétés Pyxis Pharma, Sagitta Pharma, Pharmacie [Adresse 8] et Pharmacie [J]-[U] se sont livrées à des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Cooper et fait interdiction aux sociétés Pyxis Pharma et Sagitta Pharma de commercialiser les produits de la société Cooper, et assorti cette interdiction d’une astreinte ;

— débouter les sociétés Pyxis Pharma, Sagitta Pharma, Pharmacie [Adresse 8], Pharmacie [J]-[U] de l’ensemble de leurs demandes et prétentions ;

Sur son appel incident

— réformer le jugement déféré en ce qu’il n’a pas reconnu la concurrence déloyale à raison des pratiques commerciales trompeuses de Pyxis et Sagitta ;

— dire que l’affichage des prix sur le site Internet www.lacentralepharma.com est une pratique commerciale trompeuse constitutive d’un acte de concurrence déloyale ;

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné les sociétés Pyxis, Sagitta, Pharmacie [Adresse 8] et Pharmacie [J]-[U] à payer à la Cooper la somme de 23.000,00 euros ;

— condamner les sociétés Pyxis, Sagitta, Pharmacie [Adresse 8], Pharmacie [J]-[U] à payer à la Cooper la somme de 256.007,00 euros à titre de dommages-intérêts ;

— ordonner la publication d’un communiqué sur la page d’accueil du site Internet www.lacentralepharma.com accessible depuis la France et depuis un ordinateur et/ou un smartphone, dans un encadré de couleur rouge sur fond blanc figurant sur le tiers supérieur de cette page d’accueil et au centre de l’écran, en police de caractère de taille 13, pendant une durée de deux semaines à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, ledit communiqué pouvant être rédigé dans les termes suivants: «Par arrêt du ', la Cour d’appel de Paris a confirmé que la mise en vente des produits Cooper sur le site www.lacentralepharma.com exploité par les sociétés Pyxis Pharma et Sagitta Pharma était illicite et constituait un acte de concurrence déloyale à l’encontre de la société Cooper. Elle en a ordonné la cessation immédiate et a condamné les sociétés Pyxis Pharma et Sagitta Pharma à payer des dommages-intérêts à la société Cooper.» ;

En tout état de cause,

— condamner les sociétés Pyxis Pharma, Sagitta Pharma, Pharmacie [Adresse 8] et Pharmacie [J]-[U] à verser à la société Cooper la somme de 30.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle conclut au rejet de l’exception d’incompétence soulevée aux motifs que :

— il ne peut être soutenu que l’acte introductif d’instance, le seul acte qui détermine la compétence d’attribution, visait l’article L.442-6 du code de commerce, alors que seuls en réalité les défendeurs se référent à cet article en tant que moyen de défense et fondement de leur demande reconventionnelle et que le moyen de défense opposé par les défendeurs et la demande reconventionnelle de ces derniers, fondés sur l’article L.442-6, ne permettent pas de donner compétence aux juridictions spécialisées pour l’application de cet article ;

— la référence à l’article L.441-6 du code de commerce, sur le fondement duquel les appelantes ont, en première instance, sollicité du tribunal de grande instance de Paris d’enjoindre à la Cooper de leur communiquer les conditions générales de vente destinées aux officines acheteuses, ne peut davantage justifier la compétence du tribunal de commerce, cette demande n’ayant été présentée que dans l’unique but de justifier l’exception d’incompétence, et au surplus la demande de communication étant devenue sans objet ;

— les dispositions prises pour l’application de l’article L.442-6 n’excluent pas la compétence du tribunal de grande instance de Paris dans la mesure où, en première instance, deux défendeurs étaient des personnes physiques non commerçantes et deux défenderesses étaient des sociétés d’exercice libéral, sociétés dont les litiges relèvent de la compétence exclusive des tribunaux de grande instance.

Sur le fond, elle considère que Pyxis et Sagitta s’approvisionnent de façon illicite auprès des officines pharmaceutiques de Messieurs [U], lesquelles ne sont pas habilitées à assurer la vente en gros de médicaments. Elle relève que le fait d’exercer une activité dans des conditions irrégulières au regard de la réglementation en vigueur constitue un acte de concurrence déloyale engageant la responsabilité de son auteur. Elle expose que la Cooper n’a, à aucun moment, ni mis en place ou accepté les rétrocessions de produits à Pyxis, ni même été informée de l’existence de Pyxis, ni contraint Pyxis, Sagitta et les officines de Messieurs [U] à mettre en oeuvre les pratiques en cause dès lors qu’il n’y a eu aucune discrimination de Cooper à l’égard de Pyxis et de Sagitta et que ce sont en réalité Pyxis et Sagitta qui ont refusé de vendre les produits dans les conditions proposées par Cooper.

Elle ajoute que l’affichage des prix sur le site www.lacentralepharma.com est déloyal et trompeur au sens de l’article L.121-1 du code de la consommation, en ce qu’il indique un prix de référence qui n’existe pas et qui n’a jamais été appliqué par Pyxis et Sagitta.

Elle précise enfin que le préjudice dont elle demande réparation se caractérise par un manque à gagner au regard des ventes des produits Cooper par Pyxis et Sagitta, par une atteinte à son image et à son crédit et par une désorganisation de son réseau résultant de la possibilité offerte à de nombreuses officines d’accéder à ses produits sans être en relation directe avec Cooper et de ce que les conditions commerciales pratiquées par Pyxis et Sagitta conduisent à une remise en cause de la collaboration de groupements d’officines avec Cooper.

MOTIFS

Sur la compétence

Considérant qu’aux termes du jugement entrepris, la société Cooper visait, dans son assignation délivrée le 17 décembre 2012, les articles L 5125-1 et L 5125-2 du code de la santé publique, L 121-1 du code de la consommation et 1382 du code civil, et non l’article L. 442-6-III du code de commerce dont les appelantes admettent qu’il n’était pas cité ; qu’il est toutefois constant que Pyxis s’est prévalu à l’encontre de Cooper, tant en défense au fond qu’à titre reconventionnel, de l’article L.442-6 ; que la référence au droit des pratiques restrictives de concurrence justifiait la compétence de l’un des tribunaux spécialisés énumérés par l’article D.442-3 du même code ;

Mais considérant que l’article L. 442-6-III prévoit que les pratiques de cet article peuvent relever de « la juridiction civile ou commerciale compétente » ; que, si l’article D. 442-3 du même code désigne les tribunaux de commerce compétents pour l’application de l’article L.442-6, l’article D. 442-4 désigne les tribunaux de grande instance compétents en cette matière, parmi lesquels figure le tribunal de grande instance de Paris ;

Considérant que la société Cooper a, par son acte du 17 décembre 2012, assigné notamment les SELARL Pharmacie [Adresse 8], Pharmacie [J]-[U] et Pharmacie [U] ; que le tribunal de grande instance de Paris était à ce titre compétent en application de l’article L 721-5 du code de commerce qui dispose que « par dérogation au 2° de l’article L. 721-3 et sous réserve des compétences des juridictions disciplinaires, et nonobstant toute disposition contraire, les tribunaux civils sont seuls compétents pour connaître des actions en justice dans lesquelles l’une des parties est une société constituée conformément à la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi que des contestations survenant entre associés d’une telle société. » ; que, contrairement à ce que prétendent les appelantes, il ne relève d’aucune disposition que la juridiction civile serait compétente uniquement « pour le cas où une entité à caractère civil serait en situation de fournisseur » ; qu’au surplus, le tribunal de grande instance de Paris était compétent en ce qui concerne Messieurs [C] et [T] [U], personnes physiques non commerçantes, également visés par l’acte du 17 décembre 2012 ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence ;

Sur le fond

Sur la demande de la société Cooper au titre des rétrocessions illégales

Considérant que la société Cooper invoque la concurrence déloyale à raison de l’approvisionnement illicite en produits de la société Cooper, en ce que Pyxis et Sagitta ont fait acheter, par les officines de Messieurs [U], les produits Cooper, produits qui ont été ensuite rétrocédés par ces officines à la SRA Pyxis ; que sont en cause les médicaments soumis à l’obligation d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), distribués par Cooper au titre de sa gamme « Conseil » ;

Considérant que l’article L. 5125-1 du même code dispose que la vente au détail des médicaments relève de la compétence exclusive des officines pharmaceutiques ; que l’article L. 5124-1 prévoit que la fabrication, l’exploitation et la distribution en gros de médicaments ne peuvent être effectuées que par des établissements pharmaceutiques, distincts des officines, textes dont il résulte que les officines ne peuvent ni revendre en gros, ni vendre à des personnes autres que les consommateurs ;

Considérant qu’il est constant que, dès la fin de l’année 2009, Pyxis a proposé à ses adhérents les produits de la gamme Cooper ; qu’il résulte du constat dressé le 12 avril 2012 à [Localité 2] par huissier de justice (pièce n° 24 communiquée par Cooper, page 3 du constat) que Monsieur [T] [U] a déclaré à l’huissier présent dans les locaux de Pyxis que les marchandises provenaient de l’officine de [Adresse 8] (société Pharmacie [Adresse 8]) appartenant à Monsieur [C] [U], et que l’huissier s’est fait remettre des factures de rétrocessions de ces produits à l’entité « La Centrale Pharma Pyxis» émises par l’autre officine de Monsieur [C] [U], la société Pharmacie [J]-[U] située à [Localité 1] ; que les faits de revente par les officines pharmaceutiques concernées ne sont d’ailleurs pas contestés ;

Considérant qu’en participant à la revente en gros à Pyxis des produits Cooper, les officines de Messieurs [U] ont contrevenu à l’interdiction du cumul de l’activité de distributeur en gros de médicaments avec celle d’exploitant d’officine résultant des articles L. 5124-1 et L. 5125-1 précités, lesquels ne prévoient aucune dérogation au principe de l’interdiction du cumul ; que c’est également en violation de ces dispositions que Pyxis s’est approvisionnée auprès de ces officines et que Sagitta a détenu dans ses locaux lesdits produits, pratiques reconnues tant par Pyxis, qui faisait état, dans un courriel à Cooper du 14 mars 2012, de « pratiques mal stabilisées », que par Sagitta, qui admettait, dans un courriel à Cooper du 16 février 2012, des « rétrocessions à la hussarde » ; que les appelantes ne rapportent pas la preuve de ce que les rétrocessions auraient été agréées, voire sollicitées, par la Cooper qui aurait facturé Pyxis en livrant les produits à l’officine [U] de [Adresse 8], ne pouvant constituer une telle preuve :

— ni la mention « [U] Phie St Epain Pyxis » portée sur les factures émises par la Cooper à partir du 20 décembre 2010 (pièces n° 20 et 21 communiquées par Pyxis et pièces n° 22 communiquées par la Cooper), ce seul élément étant insuffisant à établir que la Cooper avait pris acte de la substitution de Pyxis à la Pharmacie [U], dès lors que la facturation restait au nom de la Pharmacie [U] [Adresse 8] et à l’adresse de celle-ci et que l’adresse de livraison des produits correspondait à la seule Pharmacie de [Adresse 8] ;

— ni les prétendus accords passés avec les commerciaux de la Cooper, qui ne sont nullement démontrés ;

— ni la seule connaissance, par la Cooper, de l’existence de Pyxis ;

Considérant que les appelantes ne sauraient davantage justifier leur comportement par une faute de la Cooper, aucun des motifs invoqués par les appelantes n’étant recevable :

— ni un refus de vente fautif imputable à la Cooper, refus en l’espèce non caractérisé dès lors que la société Cooper relie le refus de livraison à la non acceptation, par Pyxis et Sagitta, des conditions générales de vente, ce que ces dernières ne contestent pas ;

— ni un quelconque comportement discriminatoire de la société Cooper pour avoir appliqué à Pyxis et Sagitta les conditions de vente des grossistes, et non celles des officines, un tel comportement n’étant pas en l’espèce caractérisé dans la mesure où :

* l’article L. 441-6 du code de commerce prévoit que « les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs de produits » ;

* la différenciation des conditions de vente selon que l’acheteur est détaillant (officines) ou grossiste ne peut être constitutive d’un abus ;

* Pyxis et Sagitta ne sont pas des officines ;

* les appelantes n’établissent pas que Pyxis et de Sagitta avaient la qualité de commissionnaires à l’achat, comme elles le prétendent, qualité dont elles déduisent que les officines associées au sein de la SRA conservaient chacune leur qualité d’acheteur et que le commissionnaire devait bénéficier des conditions de vente aux officines ; qu’en effet, si les appelantes soutiennent que Pyxis et Sagitta intervenaient pour l’achat de médicaments, d’ordre et pour le compte de ses associés, au sens de l’article D. 5125-24-16 du code de la santé publique, qui dispose, en ce qui concerne les SRA, que « les pharmaciens titulaires d’officine ou les sociétés exploitant une officine peuvent constituer une société, un groupement d’intérêt économique ou une association, en vue de l’achat, d’ordre et pour le compte de ses associés, membres ou adhérents pharmaciens titulaires d’officine ou sociétés exploitant une officine, de médicaments autres que des médicaments expérimentaux, à l’exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d’assurance maladie. » et de l’article R. 5124-2-15° du même code, qui prévoit, en ce qui concerne les CAP, qu'« on entend par (') centrale d’achat pharmaceutique l’entreprise se livrant, soit en son nom et pour son compte, soit d’ordre et pour le compte de pharmaciens titulaires d’officine ou des structures mentionnées à l’article D.5125-24-16, à l’achat et au stockage des médicaments autres que les médicaments expérimentaux, à l’exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d’assurance maladie, en vue de leur distribution en gros et en l’état à des pharmaciens titulaires d’officine. », elles n’établissent pas pour autant la qualité sous laquelle intervenaient la SRA et la CAP, l’expression « d’ordre et pour le compte des officines » pouvant s’appliquer tant au commissionnaire ' étant observé qu’en tout état de cause, le commissionnaire, qui agit en son propre nom, n’est pas le représentant du commettant – qu’au mandataire ; que la société Cooper n’était pas tenue, dans ces circonstances, de considérer Pyxis et Sagitta comme commissionnaires à l’achat et de leur accorder les conditions – plus favorables – des ventes directes laboratoires ' officines ; que la société Cooper était donc fondée à leur appliquer les conditions de vente régissant les grossistes ;

Considérant que c’est en conséquence à raison que le tribunal a retenu :

— l’absence de faute de la Cooper ;

— la faute des sociétés Pyxis, Sagitta, Pharmacie [Adresse 8], Pharmacie [J]-[U] et Pharmacie [U] au titre des rétrocessions irrégulières, par suite du caractère illégal des reventes en gros de produits Cooper par les officines pharmaceutiques de Messieurs [U], intervenues en violation de l’interdiction du cumul de l’activité de distributeur en gros de médicaments avec celle d’exploitant d’officine ;

Sur la demande de la Cooper au titre du caractère trompeur des tarifs de Pyxis

Considérant que la société Cooper prétend que l’affichage des prix sur le site www.lacentralepharma.com est déloyal et trompeur au sens de l’article L.121-1 du code de la consommation, en ce qu’il indique un prix de référence qui n’existe pas et qui n’a jamais été appliqué ; que toutefois les appelantes rapportent la preuve, s’agissant du seul exemple pris par la société Cooper au soutien de sa demande, celui du prix du tube de gel Arnican, que le prix de référence de 3,71 euros existe bien puisqu’il correspond au prix du catalogue Cooper avant l’augmentation de ses prix catalogues (pièce n°14 des appelantes – facture Cooper du 24 mars 2011 et pièce n°21 – facture Cooper du 16 décembre 2011) ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la Cooper de sa demande de ce chef ;

Sur le préjudice

Considérant qu’en vendant, dans des conditions illicites, les produits de la société Cooper, les sociétés Pyxis, Sagitta, Pharmacie [Adresse 8], Pharmacie [J]-[U] et Pharmacie [U] se sont livrées à des actes de concurrence déloyale envers ce laboratoire ;

Considérant que l’existence d’un préjudice s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale ; que la société Cooper invoque à ce titre la perte de marge, l’atteinte à son image et le préjudice induit par la désorganisation de son réseau ;

Que, sur la perte de marge, il n’est pas contestable que la société Cooper a subi un manque à gagner correspondant à la différence entre, d’une part, le prix de vente habituellement pratiqué par elle aux intermédiaires, qui aurait dû être perçu sur les ventes réalisées, et, d’autre part, le prix de vente dont les appelantes ont bénéficié du fait des conditions de leur approvisionnement ; que la société Cooper fait état d’un manque à gagner (pièce n° 39) pour un montant total de 19.873,64 euros au vu du listing des ventes de produits Cooper réalisées par Pyxis et Sagitta entre le 13 octobre 2011 et le 28 mars 2012 (soit cinq mois et demi), communiquées lors du constat d’huissier réalisé le 12 avril 2012 ; que la réparation à laquelle peut prétendre Cooper à ce titre ne peut résulter que de la perte de chance de réaliser directement les ventes escomptées dont rien n’établit qu’elles étaient certaines ; que les premiers juges ont procédé à une exacte appréciation des éléments de la cause en allouant à la société Cooper la somme de 10.000,00 euros de dommages et intérêts ; que la décision déférée sera confirmée sur ce point ;

Que, si Cooper, sur l’atteinte à son image et sur la désorganisation de son réseau, fait état de courriers de clients évoquant la désorganisation du réseau constitué par elle et le risque qui pesait sur la pérennité des relations entre Cooper et certains groupements (pièces n° 36, 37, 38 de la Cooper), la preuve n’est pas rapportée d’un préjudice à ce titre ; que la société Cooper sera déboutée de sa demande de ce chef ;

Sur les demandes reconventionnelles des sociétés Pyxis, Sagitta, Pharmacie [Adresse 8] et Pharmacie [J]-[U]

Considérant que les appelantes demandent, au visa de l’article L.442-6 du code de commerce ' qui dispose qu'« engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (') 9° De ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l’article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l’exercice d’une activité professionnelle. » – que la société Cooper soit enjointe de leur communiquer les conditions générales de vente destinées aux officines acheteuses ; que, toutefois, dès lors qu’elles n’établissent pas que Pyxis et Sagitta avaient vocation à bénéficier des conditions générales de vente applicables aux officines, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande ; qu’il le sera également en ce qu’il a débouté les sociétés Pyxis, Sagitta, Pharmacie [Adresse 8], Pharmacie [J]-[U] et Pharmacie [U] de leur demande de dommages et intérêts pour entrave à la libre concurrence, aucune pratique restrictive de concurrence n’étant établie à l’encontre de Cooper ;

Considérant, sur les mesures accessoires, qu’il est constant que le communiqué judiciaire prévu par le tribunal a été publié sur la page d’accueil du site «lacentralepharma.com » ; qu’en admettant que, comme le soutient la Cooper, la publication ait été effectuée en police de caractère 7,5, au lieu de la police de caractère 10 prescrite par le tribunal, ce seul élément est insuffisant à établir que la portée de la mesure de publication a été atténuée, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’ordonner une nouvelle publication du communiqué judiciaire ; que les développements de Cooper tendant à ce que soit réitérée l’interdiction faite aux appelantes de commercialiser les produits Cooper acquis de façon illicite sont sans objet, ce point n’étant pas repris dans le dispositif des conclusions de Cooper qui seules saisissent la Cour conformément à l’article 954 du code de procédure civile ;

Considérant que l’équité commande de condamner in solidum la société Pyxis Pharma, la société Sagitta Pharma, la société Pharmacie [Adresse 8] et la société Pharmacie [J]-[U] à payer à la société Cooper la somme de 4.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE in solidum la SAS Pyxis Pharma, la SAS Sagitta Pharma, la SELARL Pharmacie [Adresse 8] et la SELARL Pharmacie [J]-[U] à payer à la société Cooper la somme de 4.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE in solidum la SAS Pyxis Pharma, la SAS Sagitta Pharma, la SELARL Pharmacie [Adresse 8] et la SELARL Pharmacie [J]-[U] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

B.REITZER C.PERRIN

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 5, 17 septembre 2015, n° 13/08058