Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 5, 26 mars 2015, n° 14/00825

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 5, 26 mars 2015, n° 14/00825
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/00825
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Évry, 4 décembre 2013, N° 2011F00328;2011F00350
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 26 MARS 2015

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/00825

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Décembre 2013 – Tribunal de Commerce d’EVRY – 4ème chambre – RG n° 2011F00328 – 2011F00350

APPELANTE

SAS SIFA TRANSIT

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Maître Victoire REVENAZ de la SCP COURTOIS FINKELSTEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P526

INTIMEES

SA HELVETIA ASSURANCES

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SA GENERALI IARD

ayant son siège social [Adresse 5]

[Adresse 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentées par Me Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106

Assistées par Me Eric TEISSERENC, avocat au barreau de PARIS, toque : D1609

Société CMA CGM ANTILLES – GUYANE SASU

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Régine GUEDJ, plaidant pour le cabinet RICHEMONT NICOLAS ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : J054

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 Janvier 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président, chargé du rapport

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Rappel des faits et procédure

La société Parfumerie d’Outre Mer a confié au commissionnaire de transport SIFA TRANSIT (Sifa) l’acheminement de 400 colis de parfumerie et d’articles de luxe du port [Établissement 1] à [Localité 2]. La marchandise a été assurée auprès des sociétés d’assurance GAN EUROCOURTAGE, GENERALI IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE. L’exécution du transport a été confiée par Sifa à la société de transports maritimes CMA CGM Antilles – Guyane (CGM).

Une partie des marchandises contenues dans le conteneur ayant été dérobée, Parfumerie d’Outre mer a émis de réserves le 10 mai 2010.

Selon acte extrajudiciaire du 6 mai 2011, les sociétés d’assurance GAN EUROCOURTAGE, GENERALI IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, assureurs de Parfumerie d’Outre mer, se prévalant de l’indemnisation de leur assurée, ont assigné Sifa et CGM devant le tribunal de commerce d’Evry aux fins de les voir condamnées à leur régler la somme en principal de 53.733,48 euros. Par acte extrajudiciaire en date du 23 mai 2011, Sifa a assigné en garantie CGM. La société HELVETIA ASSURANCES, venant aux droits de GAN EUROCOURTAGE et de GROUPAMA TRANSPORT, est intervenue volontairement à l’instance le 21 février 2013.

Par jugement rendu le 5 décembre 2013, le tribunal de commerce d’Evry a :

— dit l’intervention volontaire de la société HELVETIA ASSURANCES fondée ;

— débouté la société CGM de son exception d’incompétence ;

— débouté la société CGM de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes des sociétés HELVETIA ASSURANCES, GENERALI-IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS ainsi que la demande de garantie de la société Sifa ;

— condamné la société SAS Sifa Transit à payer aux sociétés HELVETIA ASSURANCES, GENERALI-IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE la somme de 49.832,84 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2011 ;

— ordonné la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1154 du code civil ;

— condamné la société SAS Sifa Transit à payer solidairement aux sociétés

HELVETIA ASSURANCES, GENERALI-IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

— ordonné l’exécution provisoire ;

— condamné la SAS Sifa Transit aux dépens.

La société Sifa Transit a interjeté appel le 13 janvier 2014 de cette décision.

Par conclusions signifiées le 15 janvier 2015, elle demande à la Cour de :

— l’accueillir en ses conclusions d’appel ;

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté CGM de son exception d’incompétence et s’est déclaré compétent pour connaître de l’action en garantie de Sifa à l’encontre de CGM ;

— réformer ce jugement en ce qu’il a déclaré les sociétés d’assurance HELVETIA et autres recevables en leur action, et débouté Sifa de sa demande en garantie à l’encontre de CGM ;

Statuant à nouveau, sur la recevabilité,

Vu les articles L 121-12 et L 172-29 du code des assurances,

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation du 12 octobre 2004,

— déclarer les sociétés HELVETIA ASSURANCES (anciennement GAN EUROCOURTAGE et GROUPAMA TRANSPORT), GENERALI IARD, et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES, irrecevables en leur action, car prescrites, les assureurs n’ayant acquis leurs droits par voie de subrogation que postérieurement à l’acquisition de la prescription ;

— débouter les sociétés d’assurance de toutes leurs demandes ;

Statuant à nouveau sur le fond,

Vu les articles 455, 458 et 955 du code de procédure civile,

Vu l’article 27 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritime, devenu l’article L 5422-12 du code des transports,

— dire CGM responsable, en sa qualité de transporteur maritime, des préjudices subis par HELVETIA ASSURANCES, GENERALI IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE ;

En conséquence,

— condamner CGM à relever et garantir Sifa de toutes les condamnations prononcées à son encontre, au profit de HELVETIA, GENERALI IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE ;

— condamner la partie succombant à payer à Sifa la somme de 6.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la partie succombant en tous les dépens.

Elle conclut au rejet, en application de l’article 333 du code de procédure civile, de l’exception d’incompétence soulevée par l’appelée en garantie GCM.

Elle fait par ailleurs valoir que la demande des assureurs est irrecevable pour défaut de droit d’agir au motif qu’au 6 mai 2011, date de l’assignation, les assureurs demandeurs ne disposaient d’aucun droit et n’étaient pas subrogés dans les droits de leur assurée, la subrogation n’étant intervenue que le 29 mars 2012, date du chèque émis en paiement de l’indemnité d’assurance, ou le 1er avril 2012, date de valeur du débit de ce chèque.

Sur le fond, elle indique que sa responsabilité personnelle n’est pas envisageable, et que l’affirmation des sociétés d’assurances, selon laquelle 'le vol a pu être perpétré avant ou pendant les opérations d’empotage, en tout cas avant la fermeture du conteneur', n’est corroborée par aucun élément de preuve. Elle expose que la responsabilité du transporteur maritime CGM est engagée à l’analyse des faits, que c’est à tort que le tribunal a considéré que 'le pillage a eu lieu alors que la cargaison était sous la responsabilité de la société SIFA’ sans retenir qu’elle était, avant tout, sous la garde et la responsabilité du transporteur maritime, et que, si SIFA est effectivement responsable comme commissionnaire de transport, garant de ses substitués, dont CGM, c’est cette dernière, en sa qualité de transporteur maritime, qui doit supporter les conséquences du sinistre in fine.

Elle soutient que CGM doit être condamnée à garantir Sifa de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, que son appel en garantie est recevable en ce que le commissionnaire de transport, en tant que chargeur réel, dispose d’un recours à l’encontre de son substitué, et que le sinistre est en l’espèce imputable au seul transporteur maritime, le vol ayant été commis alors que le conteneur, équipé d’un antivol Navalock lorsqu’il a été remis à CGM – antivol qui avait disparu lors de la livraison du conteneur aux Antilles – était sous la responsabilité du transporteur maritime.

Les sociétés d’assurance HELVETIA ASSURANCES (anciennement GAN EUROCOURTAGE et GROUPAMA TRANSPORT), GENERALI IARD, et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES, par leurs dernières conclusions signifiées le 12 janvier 2015, demandent à la Cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a écarté l’exception de procédure et la fin de non recevoir de CGM ;

— le réformer au fond ;

— condamner in solidum Sifa et CGM au paiement de la somme de 53.733,48 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 février 2011, date de la première mise en demeure, ou à défaut du 5 mai 2011, date de l’assignation, et capitalisation des intérêts par application de l’article 1154 du code civil ;

— à défaut, confirmer le jugement ;

— condamner Sifa et CGM au paiement de la somme de 6.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles indiquent, sur la compétence, que la clause attributive de juridiction du contrat de transport maritime n’est pas valide car non spécifiée de façon très apparente, et de surcroît, non opposable aux assureurs, que le transporteur ne rapporte pas la preuve que la clause litigieuse a été acceptée par le destinataire de la marchandise.

Elles précisent, sur la recevabilité de leurs demandes, que :

— la dispache du 5 janvier 2011 vaut proposition d’indemnisation par les assureurs ;

— l’acte de subrogation du 1er mars 2011 vaut acceptation par l’assurée de l’indemnité ;

— l’accord intervenu entre l’assurée et les assureurs emporte automatiquement inscription de la dette des assureurs au compte courant du mandataire de l’assurée ;

— l’indemnité d’assurance a fait l’objet d’une passation d’écriture en compte courant ;

— la passation en compte vaut paiement, de sorte que la créance de l’assurée se trouve éteinte ;

— au surplus, l’action des assureurs a valablement interrompu la prescription, de sorte que la prescription n’était pas acquise lorsque les sociétés d’assurance ont été subrogées dans les droits de leur assurée.

Sur le fond, elles exposent :

— en ce qui concerne le transporteur :

— que CGM n’a pas procédé aux vérifications d’usage à l’embarquement ;

— qu’alors que l’antivol Navalock, dont Sifa avait équipé le conteneur, n’était plus en place au moment de l’embarquement, CGM a manqué à son obligation d’émettre des réserves au titre de transport ;

— en ce qui concerne le commissionnaire de transport, que, le vol ayant pu être perpétré avant ou pendant les opérations d’empotage, en tout cas avant la fermeture du conteneur, les dommages sont alors survenus pendant la période de responsabilité personnelle du commissionnaire de transport et Sifa a alors inexactement indiqué embarquer une marchandise qui ne se trouvait plus dans le conteneur.

Les sociétés d’assurance ajoutent, sur l’étendue du préjudice, que le transporteur maritime ne peut, en application de l’article L 5422-5 du code des transports, invoquer une limitation de sa responsabilité.

La société CMA CGM Antilles-Guyane, par ses dernières conclusions signifiées le 7 janvier 2015, demande à la Cour de :

— dire que la clause de compétence du connaissement en faveur du tribunal de commerce de Marseille est opposable aux compagnies d’assurance et doit recevoir application, que cette clause est également opposable au commissionnaire de transport Sifa qui fonde également expressément sa demande à l’encontre du transporteur maritime sur le contrat de transport, que l’application de cette clause ne peut être écartée par les dispositions de l’article 333 du code de procédure civile puisque tant la demande originaire des assureurs que l’appel en garantie de Sifa relèvent de la compétence du tribunal de commerce de Marseille, et renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Marseille ;

A titre principal

— constater que les compagnies d’assurance n’avaient pas de droit d’action lorsqu’elles ont assigné Sifa et CGM le 5 mai 2011 et que la possible régularisation soit par subrogation, soit par dénonciation de la cession de droit, est intervenue tardivement ;

— dire irrecevables car prescrites les demandes des sociétés d’assurance ;

— dire sans objet l’appel en garantie de Sifa contre CGM ;

A titre subsidiaire, confirmant le jugement entrepris

— dire qu’il peut être prouvé à l’encontre des mentions du seawaybill qui est un titre de

transport non négociable n’ayant pas la valeur d’un connaissement ;

— constater que le scellé a été posé sous la responsabilité de Sifa et que la présence et l’intégrité du scellé ont été attestées par les différents intervenants tout au long de la chaîne de transport jusqu’à l’ouverture finale sur le quai de la société Pom à Fort de France ;

— dire que l’intégrité du scellé est un élément déterminant qui met nécessairement hors de cause la société Cma Cgm qui a reçu et restitué un conteneur plombé ;

— ordonner la mise hors de cause de CGM dès lors que le vol est intervenu hors de son périmètre de responsabilité ;

Plus subsidiairement

— si la Cour devait juger que les manquants trouvent leur origine en cours de transport maritime, faire application des limitations de responsabilité dont bénéficie le transporteur ;

— dire que la responsabilité du transporteur ne peut dès lors excéder 2.328 DTS ;

— condamner les sociétés d’assurance et Sifa à payer à CGM la somme de 7.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et d’appel.

Elle affirme que le tribunal de commerce de Marseille est compétent en application de la clause attributive de juridiction figurant dans le contrat de transport, contrat sur le fondement duquel les sociétés d’assurance exercent leur action à l’encontre du transporteur CGM, de sorte qu’elles ne peuvent faire le tri entre les clauses de ce contrat, choisissant celles qu’elles estiment leur être favorables et écartant les autres, étant précisé que l’article 48 du code de procédure civile n’exige pas que la clause attributive de juridiction ait été l’objet d’une acceptation distincte de l’ensemble du contrat.

Elle expose ensuite que l’action des sociétés d’assurance est irrecevable car prescrite, le paiement de l’assurée par les assureurs n’ayant été exécuté qu’en mars 2012, alors que la prescription a été acquise le 11 mai 2011. Elle ajoute qu’au surplus, la preuve du mandat d’encaissement d’indemnité n’est pas justifiée par les sociétés d’assurance.

Elle indique que ne sont établies ni la réalité, ni l’importance des dommages, en l’absence de réserves écrites, précises et motivées au transporteur ou à son représentant au plus tard au moment de la livraison, faute de quoi les marchandises sont présumées avoir été reçues telles qu’elles sont décrites au connaissement.

Elle soutient que le transporteur maritime n’a aucune responsabilité dans le sinistre dès lors que le dommage trouve son origine avant la prise en charge du conteneur par le transporteur, et que le transporteur bénéficie d’une présomption de livraison conforme. Elle précise que les documents du suivi de transport et l’expertise démontrent que le conteneur était scellé du seul plomb lors de la prise en charge et du déchargement, que, si le connaissement mentionne un navalock, ce connaissement a été rédigé sur la base des indications données par le commissionnaire.

Elle indique enfin que si sa responsabilité devait être engagée, il ne pourrait s’agir que d’une responsabilité limitée qui sera déterminée par référence au poids de la marchandise manquante.

MOTIFS

Sur la compétence

Considérant que l’article 333 du code de procédure civile dispose que 'le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.' ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il a, par application de l’article 333, dit que CGM, appelé en garantie par Sifa, ne pouvait décliner la compétence du tribunal de commerce d’Evry ;

Sur la demande des sociétés d’assurance HELVETIA ASSURANCES (anciennement GAN EUROCOURTAGE et GROUPAMA TRANSPORT), GENERALI IARD, et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES

Sur la recevabilité des demandes des sociétés d’assurance

Considérant que l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance dispose de la subrogation légale contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur ; que la subrogation légale de l’assureur dans les droits de son assuré suppose que soit rapportée la preuve du paiement effectif de l’indemnité d’assurance ;

Considérant qu’il est constant que :

— la livraison des marchandises est intervenue le 10 mai 2010, de sorte que la prescription de l’action était acquise le 10 mai 2011 en application de l’article L 133-6 du code de commerce ;

— l’assignation a été délivrée le 6 mai 2011 ;

Considérant que, si les assureurs sur facultés produisent une quittance de subrogation en date du 1er mars 2011, visant le sinistre en cause, par laquelle 'la société Parfumerie d’Outre Mer reconnaît avoir reçu des sociétés Groupama Transport, Generali et Axa, représentées par le courtier Chevreau § Lavie, la somme de 52.819,48 euros à titre des dommages subis par nos marchandises au cours du voyage en rubrique’ (pièce n° 13 communiquée par les sociétés d’assurance) et une dispache Facultés n° DFA003/11 en date du 5 janvier 2011, par laquelle le courtier Chevreau § Lavie établit le coût du préjudice à hauteur de 52.819,48 euros pour le sinistre considéré (pièce n° 12 communiquée par les sociétés d’assurance), il n’est pas contesté que la société Parfumerie d’Outre mer n’a reçu l’indemnité de 52.819,48 euros que par chèque émis le 29 mars 2012 par le courtier d’assurance le Cabinet Alain Symphor, adressé par ce dernier par lettre du même jour portant la référence de la dispache Facultés n° DFA003/11 et payé en date de valeur le 1er avril 2012 (pièce n° 17 communiquée par les assureurs) ; que, si ces éléments établissent la réalité du paiement de l’indemnité d’assurance à l’assurée, la subrogation légale des sociétés d’assurance en application de l’article L. 121-12 du code des assurances n’était toutefois pas effective à la date du 11 mai 2011, ces dernières n’ayant acquis la qualité de subrogés dans les droits de leur assurée que le 1er avril 2012 ;

Mais considérant que l’assignation délivrée le 6 mai 2011 par les assureurs, avant paiement par ceux-ci de l’indemnité d’assurance, l’a été dans le délai de la prescription de l’article L 133-6 du code de commerce ; que cet acte a interrompu la prescription, de sorte qu’aucune prescription n’était acquise au 1er avril 2012 ; que, par motifs substitués, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit les sociétés HELVETIA ASSURANCES (anciennement GAN EUROCOURTAGE et GROUPAMA TRANSPORT), GENERALI IARD, et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES recevables en leur action ;

Sur le fond

Considérant que le conteneur n° UXXU02230269, renfermant les marchandises objet du transport, a été chargé, sans réserve, sur le navire CMA CGM FORT ST GEORGES au port [Établissement 1] le 24 avril 2010 ; qu’aux termes de la lettre de transport maritime (seawaybill) n° FR1796346 signé par CGM le 24 avril 2010, le transporteur maritime est réputé avoir pris en charge le conteneur litigieux muni de deux plombs n° 014647 et n° 201000309 et d’un antivol Navalock n° 20100309 ; qu’il résulte du Bon à embarquer établi le 22 avril 2010 par le transitaire AP + Soget et des conclusions du rapport d’expertise DOM Expertises (pièce n° 4 communiquée par les assureurs) que ce conteneur n’était muni, lors de l’embarquement au port [Établissement 1], que du seul plomb n° 014647 et ne comportait aucun antivol Navalock (pièce n° 8 communiquée par les assureurs) ; que le navire est arrivé à [Localité 2] le 6 mai 2010 et déchargé le 7 mai 2010 ; que le conteneur a été réceptionné le 10 mai 2010 à 7 heures 30 par la société Sotraco, transporteur routier mandaté par les réceptionnaires Parfumerie d’Outre Mer pour le post-acheminement, qui a indiqué que le conteneur n’était muni que du plomb n° 014647 ; qu’ayant reçu le conteneur le 10 mai 2010 à 8 heures 30, Parfumerie d’Outre Mer a, par télécopie du même jour à 9 heures 43, informé notamment CGM que le plomb n° 014647 était conforme, que le conteneur n’était pas muni du navalock dont faisait mention l’avis d’expédition et qu’ayant noté, après ouverture du conteneur, qu’une partie de la marchandise avait disparu, elle émettait les réserves d’usage ; que, par expertise contradictoire du 10 mai 2010 à 11 heures, à laquelle a été convoquée CGM, le cabinet DOM Expertises a constaté les dégâts apportés à la cargaison et a, après dépotage du conteneur, déterminé les manquants qui ont été évalués à 44.191,01 euros en valeur FOB et 52.819,48 euros en valeur revient ;

Sur la responsabilité du commissionnaire de transport

Considérant qu’application de l’article L 132-4 du code de commerce, le commissionnaire de transport est soumis à une obligation de résultat envers son client ; qu’il est tenu d’indemniser le commettant à raison de l’ensemble des dommages résultant de la mauvaise exécution du transport qu’il a été chargé d’organiser ;

Considérant qu’il est constant qu’une partie de la marchandise n’est pas parvenue à destination ; que Sifa ne rapporte la preuve d’une quelconque faute du transporteur maritime propre à l’exonérer de sa responsabilité ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné le commissionnaire de transport à indemniser les assureurs de l’expéditeur ;

Sur la responsabilité du transporteur maritime

Considérant que, conformément à l’article L 5422-12 du code des transports, le transporteur maritime est présumé responsable de tous dommages ou pertes constatés à la livraison, sauf en cas de preuve d’un des cas exceptés prévus limitativement par la convention de Bruxelles ou en l’absence, s’agissant de dommages non apparents, de réserves adressées dans les trois jours de la délivrance ou de constat contradictoire formulé ;

Considérant que, la lettre de transport maritime établie par CGM ne mentionnant que le port de chargement et le port de déchargement, la prestation du transporteur maritime ne s’étendait pas au-delà du parcours maritime proprement dit ; qu’au stade de l’embarquement, il est établi que le conteneur n’était muni que d’un seul plomb, alors que la lettre de transport maritime faisait mention de deux plombs et d’un navalock ; que, si le transporteur a commis une imprudence en prenant en charge le conteneur dépourvu de certains des équipements de sécurité prescrits, il n’est nullement démontré que cet élément soit en lien de causalité avec le vol de marchandise ; que l’imprudence du transporteur n’est pas de nature à permettre sa condamnation à réparer le préjudice occasionné par le vol ; que de même, il ne peut être reproché à CGM de n’avoir émis aucune réserve sur la lettre de transport maritime, les éléments du dossier ne permettant pas de déterminer que le vol avait déjà eu lieu lorsque le conteneur lui a été remis ; qu’il ne résulte par ailleurs d’aucun élément que le vol serait intervenu pendant la traversée ; qu’au débarquement, le navire a été déchargé le 7 mai 2010 ; que la remise du conteneur, le 10 mai 2010 à 7 heures 30, à la société Sotraco chargée du post acheminement, n’a donné lieu ni à constatation contradictoire de l’état de la marchandise, ni même à réserve ; que l’intégrité du plomb n° 014647, dont la présence avait été notée lors de l’embarquement du conteneur, a alors été observée ; que le vol n’a été constaté que le 10 mai 2010 à 11 heures ; que CGM ne peut donc voir sa responsabilité recherchée ni pour livraison non conforme, ni pour faute ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté les sociétés d’assurance de leurs demandes dirigées à l’encontre de CGM ;

Sur le montant du préjudice

Considérant qu’il est constant que l’indemnisation prise en charge par les sociétés d’assurance s’est élevée à 52.819,48 euros ; qu’elle correspond à l’évaluation, par l’expert DOM Expertises, du préjudice correspondant aux manquants ; que ne sont discutés ni le nombre de colis manquants – 65 aux termes du rapport DOM – ni le mode de calcul de l’indemnité, conforme aux dispositions de la convention de Bruxelles applicable au transport maritime, soit 666,67 DTS par colis manquant ; que les sociétés d’assurance ne rapportent pas la preuve du surplus de leur demande ; que Sifa sera en conséquence condamnée au paiement de la somme de 52.819,48 euros, avec intérêts au taux légal à compter, non du 25 février 2011, date de la lettre recommandée du courtier Chevreau § Lavie qui n’identifie pas les sociétés d’assurance au nom desquelles il prétend agir et qui, au surplus, n’a été adressée qu’à CGM, mais du 6 mai 2011, date de l’assignation ; que le jugement déféré sera réformé en ce sens ;

Sur l’appel en garantie de la société Sifa contre la société CGM

Considérant qu’en l’absence de faute du transporteur maritime, c’est à raison que les premiers juges ont dit sans objet l’appel en garantie de Sifa contre CGM ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Considérant que l’équité commande de condamner, au titre des frais hors dépens exposés en cause d’appel, Sifa à payer à HELVETIA ASSURANCES, GENERALI-IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE la somme de 5.000,00 euros et in solidum les sociétés HELVETIA ASSURANCES, GENERALI-IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et Sifa à payer à CGM la somme de 2.000,00 euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur le montant de la condamnation prononcée à l’encontre de la société Sifa Transit,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS Sifa Transit à payer aux sociétés HELVETIA ASSURANCES, GENERALI-IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE la somme de 52.819,48 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2011,

ORDONNE la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1154 du code civil,

CONDAMNE la SAS Sifa Transit à payer aux sociétés HELVETIA ASSURANCES, GENERALI-IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE la somme de 5.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE in solidum les sociétés HELVETIA ASSURANCES, GENERALI-IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et la SAS Sifa Transit à payer à la SAS CMA CGM Antilles-Guyane la somme de 2.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE la SAS Sifa Transit aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

B.REITZER C.PERRIN

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 5, 26 mars 2015, n° 14/00825