Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 8, 14 avril 2016, n° 15/06890

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 8, 14 avr. 2016, n° 15/06890
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/06890
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 25 mai 2015, N° 14/00088
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 1 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRÊT DU 14 Avril 2016

(n° 337 , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/06890

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Mai 2015 par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY RG n° 14/00088

APPELANT

Monsieur [Q] [R]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 3]

représenté par Me Frédéric CHHUM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0929

INTIMEE

EPIC ECONOMAT DES ARMEES

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 542 08 5 9 07

représentée par Me Thierry CARRON, avocat au barreau de LYON, M. GENERAL [W] (Membre de l’entrep.) en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 Février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, conseillère faisant fonction de Présidente

M. Mourad CHENAF, Conseiller

Madame Patricia DUFOUR, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, greffier présent lors du prononcé.

Faits et procédure

M. [Q] [R] a été engagé par l’Economat des Armées selon 17 contrats à durée déterminée conclus entre le 10 décembre 2007 et le 15 janvier 2014, pour l’énumération desquels la cour se réfère au jugement déféré. Il a été toujours affecté à l’étranger, dans le cadre d’opérations extérieures menées par l’armée française, en diverses qualités, soit de chef du casernement catégorie II (agent de maîtrise), soit de chargé de travaux, de responsable de travaux, ou de conducteur de travaux (cadre).

Sollicitant la requalification de ces contrats de travail en contrat à durée indéterminée depuis l’origine de la relation de travail, M. [R] a saisi le conseil des Prud’Hommes de Bobigny d’une demande tendant en dernier lieu à obtenir le paiement d’une indemnité de requalification, d’un rappel de salaire, y compris pour les période inter-contrat, des indemnités de rupture, d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour harcèlement moral, pour mise en danger de sa vie, pour travail dissimulé, pour absence du droit individuel à la formation, pour absence de chèques-vacances, d’un rappel de participation, outre la remise des documents sociaux conformes, sous astreinte, le paiement d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile, le tout avec l’exécution provisoire.

A titre reconventionnel, l’Economat des Armées a réclamé le paiement d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 26 mai 2015, le conseil des Prud’Hommes, statuant en sa formation de départage, a notamment dit prescrite la demande de rappel de salaire sur la période antérieure au 9 janvier 2009 et condamné l’Economat des Armées à payer à M. [R] les sommes suivantes :

—  3 730,56 € à titre d’indemnité de requalification

—  3 730,56 € à titre de licenciement abusif

—  11 191,68 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis

—  1 119,17 € au titre des congés payés

—  10 555,46 € à titre d’indemnité de licenciement

—  100 € au titre du droit individuel à la formation

—  1 200 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

Le conseil a, en outre, ordonné à l’Economat des Armées de remettre à M. [R] la remise des documents sociaux conformes. Il a débouté l’Economat des Armées de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

M. [R] a fait appel de cette décision dont il sollicite l’infirmation partielle.

Vu le non-respect par l’ECONOMAT DES ARMEES des dispositions relatives aux recours aux CDD ;

Vu que Monsieur [R] était à la disposition de l’EDA entre deux contrats.

Il est demandé à la Cour d’appel de Paris de :

— dire l’appel de Monsieur [R] recevable et bien fondé

— confirmer le jugement de départage du Conseil de prud’hommes de Bobigny en ce qu’il a requalifié les CDD en CDI de Monsieur [R] ;

— confirmer le jugement de départage du Conseil de prud’hommes de Bobigny en ce qu’il a jugé la prescription quinquennale applicable ;

— confirmer le jugement de départage du Conseil de prud’hommes de Bobigny en ce qu’il a jugé que la rupture des relations contractuelles du 14 janvoer 2014 s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— confirmer le jugement de départage du Conseil de prud’hommes de Bobigny en ce qu’il a condamné l’EDA à payer à Monsieur [R] une indemnité de requalification, une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité conventionnelle de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis ;

— infirmer le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

— constater que l’ECONOMAT DES ARMEES ne justifie pas que les indemnités de grand déplacement perçues par Monsieur [R] en salaire

— requalifier les indemnités de grand déplacement perçues par Monsieur [R] en salaire

— dire et juger que Monsieur [R] peut se prévaloir d’un rappel de salaire à compter du 9 janvier 2009 en application de l’article L. 3245-1 du code du travail ;

En conséquence,

— Sur les conséquences de la requalification des CDD en CDI et IGD en salaire

A titre principal :

— requalifier les IGD en salaire à hauteur de 134,661 euros bruts (période 2009 à 2013) et

— dire et juger que ces sommes doivent être intégrées au salaire de Monsieur [R]

— condamner l’EDA à payer les cotisations et contributions sociales sur ces sommes

— condamner l’EDA à payer à Monsieur [R] les congés payés à hauteur de 13.466 euros bruts (10 %) ;

— condamner l’EDA à payer à Monsieur [R] la somme de 32.698,14 euros au titre d’indemnité pour travail dissimulé prévu par l’article L. 8223-1 du code du travail

A titre subsidiaire :

— requalifier les IGD en salaire pour la partie excédant les limites d’exonération

— requalifier les IGD en salaire à hauteur de 71.988 euros bruts (période 2009 à 2013) et

— dire et juger que ces sommes doivent être intégrées au salaire de Monsieur [R]

— condamner l’EDA à payer les cotisations à payer les cotisations et contributions sociales sur ces sommes

— condamner l’EDA à payer à Monsieur [R] les congés payés à hauteur de 7.198,80 euros bruts (10 %)

— condamner l’EDA à payer à Monsieur [R] la somme de 18.207, 54 euros au titre d’indemnité pour travail dissimulé prévu par l’article L. 8223-1 du code du travail ;

— Sur les conséquences de la requalification des CDD en CDI

— condamner l’ECONOMAT DES ARMEES à payer à Monsieur [R] les sommes suivantes :

-10.000 euros au titre de l’indemnité de requalification

—  72.507,16 euros à titre de rappel de salaire du fait de la requalification en CDI et du principe d’égalité de traitement entre les salariés en CDD et en CDI et de la différence entre le montant des IGD versées aux salariés en CDI pour la période du 9 janvier 2009 au 14 janvier 2014 ;

—  7.250,71 euros à titre de congés afférents ;

—  81.000 euros bruts à titre de rappel de salaire pendant les périodes intercalaires entre deux CDD avec l’EDA (si la Cour retient un salaire de référence de 5.449,69 euros bruts mensuels) ;

—  8.100 euros à titre de congés payés afférents ;

A titre subsidiaire sur le rappel de salaire pendant les périodes intercalaires (si la Cour retient le salaire mensuel de 36.416,28 euros, soit un salaire mensuel de 3.034,59 euros bruts mensuels) ;

—  56.217 euros à titre de rappel de salaire pendant les périodes intercalaires entre deux CDD avec l’EDA

—  5 621 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

— Sur les indemnités de rupture du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse de Monsieur [R]

A titre principal,

— Condamner l’ECONOMAT DES ARMEES à payer à Monsieur [R] les sommes suivantes (base de salaire de 5.449,69 euros bruts) :

—  16.349,07 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

—  1 634,90 euros au titre des congés payés afférents ;

—  21.798,75 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

—  50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (L. 1235-3 du code du travail) ;

A titre subsidiaire,

— Condamner l’ECONOMAT DES ARMEES à payer à Monsieur [R] les sommes suivantes (base de salaire de 3.034,59 euros bruts) :

—  9.103,77 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

—  910,37 euros bruts au titre des congés payés afférents

—  12. 138, 36 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

—  50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (L. 1235-3 du code du travail) ;

En tout état de cause :

— Condamner l’ECONOMAT DES ARMEES à payer à Monsieur [R] les sommes suivantes :

—  10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral managérial (L. 152-1 du code du travail) ;

—  5.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la mise en danger volontaire de la vie de Monsieur [R] ;

—  1.098 euros à titre de dommages et intérêts du fait de l’absence de droit au DIF

— Condamner l’EDA à payer à Monsieur [R] un rappel d’intéressement pour les périodes intercalaires entre deux contrats à durée déterminée d’un montant de 20.000 euros, entre janvier 2009 et janvier 2014.

— Ordonner la remise des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l’attestation pôle emploi rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

— Condamner l’ECONOMAT DES ARMEES à 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens éventuels.

— Condamner l’ECONOMAT DES ARMEES au paiement des intérêts légaux y afférant. 30 mars 2016

L’employeur conclut à l’infirmation partielle du jugement déféré, en conséquence, au débouté de M. [R].

A titre subsidiaire, il demande de voir les indemnités de grands déplacements ramener aux montants de 49 379 € (demande principale du salarié) ou de 28 910 € (demande subsidiaire). Il réclame sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 25 février 2016, reprises et complétées à l’audience.

Motivation

— Sur les indemnités de grand déplacement

Se prévalant de ce que les sommes versées en contre-partie d’un travail sont, en principe, des salaires et par exception des frais professionnels, M. [R] soutient que les indemnités de grand déplacement qu’il a perçues, d’un montant bien supérieur à sa rémunération de base et sans lien avec la réalité des frais supportés sur le terrain, constituent une rémunération, contre-partie de son travail.

Il ajoute que l’employeur, auquel incombe cette charge, ne rapporte pas la preuve de la réalité des frais professionnels couverts par l’indemnité de grand déplacement qu’il a perçue et ajoute qu’en tout état de cause le décret du 20 décembre 2002, le décret n°2006-781 du 3 juillet 2006 et son arrêté du 3 juillet 2006, qu’il estime applicables à l’Economat des Armées, posent des limites d’exonération aux indemnités de grand déplacement qu’il convient d’appliquer en l’espèce.

Invoquant les arrêtés successifs fixant le barème des frais de mission, M. [R] précise les limites d’exonération applicables au Kosovo, au Tchad, aux Emirats arabes Unis et en Afghanistan, lieux où M. [R] s’est vu affecté en mission.

M. [R] demande, en conséquence, de voir requalifier en salaire la somme de 123 097 € (subsidiairement 71 988€ correspondant à la fraction excédant les limites d’exonération) versée à titre d’indemnité de grand déplacement sur la période 2009/2013 et condamner l’Economat des Armées à payer les cotisations et contributions sociales sur cette somme, ainsi qu’à lui payer la somme de 13 466 € (subsidiairement 7 198,80 €) à titre d’indemnité de congés payés.

L’employeur qui conteste le bien fondé de ces allégations fait valoir en premier lieu que les années 2009 à 2011 sont couvertes par l’effet libératoire des soldes de tout compte, que le caractère forfaitaire des indemnités en cause s’oppose au calcul réel des frais que réalise M. [R] . Il affirme la régularité des indemnités de grand déplacement versées au regard des textes et limites d’exonération applicables, en précisant n’avoir jamais fait l’objet d’un redressement à ce titre par l’Ursaff. Il ajoute que l’arrêté du 3 juillet 2006, dont le champ d’application est le personnel civil à la charge des budgets de l’Etat et des établissements publics administratifs, n’est pas applicable en l’espèce où sont en cause les personnels d’un établissement public à caractère industriel et commercial.

Il convient, avec l’Economat des Armées , de constater que M. [R] ne peut fonder ses prétentions sur des dispositions qui sont applicables aux seuls agents des personnels civils de l’Etat et des établissements publics administratifs, et non aux agents d’un établissement publics industriel et commercial.

Au soutien de cette demande, le salarié qui amalgame, avec le moyen tiré de l’irrégularité des indemnités de grand déplacement, celui tiré 'du principe d’égalité de traitement des salariés en CDD et CDI', sans articuler sur ce dernier point aucun élément en droit ou de fait , ne peut qu’être débouté de sa demande de ce chef.

— Sur la requalification des contrats à durée déterminée

Conformément à la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE, et CEEP sur le travail à durée déterminée que le besoin temporaire en personnel, les articles L 1242-1 et 2 du code du prescrivent que 'le contrat à durée déterminée 'quel que soit son motif', ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Sous réserve des dispositions de l’article L 1242-3, il ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise t temporaire, et seulement dans les cas énumérés par l’article L 1242-2". Selon l’article L 1242-12, le contrat à durée déterminée 'doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif ; à défaut il est réputé conclu pour une durée indéterminée'. L’article L1244-3 du code du travail impose un délai de carence entre deux contrats à durée déterminée conclus sur un poste identique.

M. [R] fait valoir, au soutien de la requalification sollicitée que :

— les cas de recours visés par les contrats à durée déterminée sont illicites

— le délai de carence entre deux contrats à durée déterminée ne sont pas respectés

— les contrats à durée déterminée ont été prolongés avant le terme du contrat à durée déterminée initial

— l’emploi de M. [R] relève d’une activité normale et permanente de l’entreprise

Il ressort des débats que l’Economat des Armées, qui rassemble environ 500 salariés, parmi lesquels seuls 60 sont titulaires d’un contrat à durée déterminée, dont M. [R], qui s’est trouvé affecté en mission sur le théâtre d’opérations militaires extérieures en vue d’accompagner, au plan logistique, les contingents français (Tchad, Kosovo, Emirats Arabes Unis, Afghanistan,…) .

Adoptant les motifs pertinents du premier juge, la cour conclut que l’emploi de M. [R] présente les mêmes caractères que les événements qu’il sert, par nature, non permanents et temporaires.

De la même manière, adoptant les motifs pertinents des premiers juges, la cour relève que les contrats à durée déterminée successifs conclus par M. [R] s’appliquent à des postes différents , ce que ne conteste pas le salarié, de sorte que les éléments produits aux débats ne permettent pas de conclure qu’il apparaît a été embauché en violation des dispositions relatives au délai de carence.

En outre, le salarié fait valoir qu’ont été conclus pour des motifs illicites pour ne pas être prévus dans les cas limitatifs visés à l’article L1242-2 du code du travail, les contrats à durée déterminée suivants, d’une durée d’une journée :

— contrat à durée déterminée du 10 mai 2012 qui a pour objet 'exécution d’une tâche précise : journée d’information à la direction générale et visite médicale en vue de la prise ultérieure de fonctions’ ;

— contrat à durée déterminée du 20 décembre 2011 qui a pour objet 'exécution d’une tâche précise : journée d’information à la direction générale et visite médicale en vue de la prise ultérieure de fonctions’ ;

— contrat à durée déterminée du 16 juin 2011 qui a pour objet : 'participation à une action de formation'

L’employeur qui conteste l’illicéité reprochée, fait valoir que n’y étant pas obligé, il a pourtant tenu à consentir un contrat à durée déterminée pour les visites médicales au siège ou pour la formation avec la finalité principale d’offrir une couverture au salarié, notamment en cas d’accident de trajet.

Au vu de ces éléments, et alors qu’il appartient au juge de donner aux relations entre les parties leur exacte qualification, il convient de considérer que n’est pas un contrat de travail, un contrat qui a pour seul objet une visite médicale ou une journée d’information ou de formation, lesquelles ne constituent pas une prestation de travail, contre-partie indispensable au paiement d’un salaire.

Il s’ensuit que les trois contrats précités échappent à l’application des articles L 1242-1 et suivants du code du travail.

Enfin, le salarié fait valoir que le contrat à durée déterminée du 20 décembre 2012 a été prolongé par un avenant daté du 3 mai 2013 qui a été signé le 25 mai 2013, de sorte que la relation de travail s’est poursuivie, à compter du 3 mai, en contrat à durée indéterminée, à défaut de nouveau contrat à durée déterminée régularisé à cette date. A l’appui de cette affirmation, M. [R] produit aux débats l’avenant en cause, signé par le salarié le 25 mai 2013, prévoyant la prolongation jusqu’au 3 juin 2013 de la relation de travail venant à son terme le 3 mai 2013.

L’employeur qui conteste ces allégations fait valoir que l’avenant litigieux a été soumis à M. [R] le 18 avril 2013 et que celui-ci l’a bien signé le jour même. Il produit l’avenant litigieux signé de M. [R] le 3 mai 2013, jour du terme du dernier contrat à durée déterminée.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, et en particulier du fait que M. [R] ne conteste pas la validité de l’avenant du 3 mai 2013 produit par l’employeur, il convient de considérer que l’avenant litigieux a été signé par les parties, le 3 mai 2013, jour de l’échéance du terme du dernier contrat à durée déterminée, en prévision de sa prolongation pour les besoins de l’exécution de la mission confiée à M. [R] au Kosovo.

Il résulte de tout ce qui précède que les contrats à durée déterminée ont été régulièrement conclus au regard des textes précités. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande de requalification de M. [R] , ainsi qu’à l’ensemble de ses demandes découlant de la requalification sollicitée : indemnité de requalification, rappel de salaires et rappel d’intéressement pour les périodes intercontrats, indemnités diverses au titre de la rupture.

— Sur le travail dissimulé

En application de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour l’employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L1221-10 du code du travail relatif à la déclaration préalable d’embauche, soit de se soustraire intentionnellement à la formalité prévue à l’article L 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. L’article L 8223-1 du code du travail sanctionne le travail dissimulé, 'd’une indemnité forfaitaire allouée au salarié égale à 6 mois de salaire, à moins que l’application d’autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable'.

Compte-tenu de ce qui précède, M. [R] qui fonde cette demande sur le caractère prétendument fictif des indemnités de grand déplacement versées au salarié et ne démontre, par ailleurs, aucunement la volonté de l’employeur d’avoir recours au travail dissimulé ne peut qu’être débouté de sa demande de ce chef.

— Sur le licenciement

Il ressort des débats que la relation de travail a pris fin le 15 janvier 2014, terme du dernier contrat à durée déterminée, lequel est régulier.

Il s’ensuit que M. [R], débouté de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée, ne peut se prévaloir d’une rupture irrégulière ouvrant droit au payement d’ indemnités de rupture et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

— Sur le harcèlement

En application des articles L1152-1 et suivants du code du travail ' aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

En outre, l’article L 1152-4 du même code prescrit au chef d’entreprise de prendre toute dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements précités.

Enfin, en cas de litige, en application de l’article L 1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu’il estime utile.

Au soutien de ses allégations, M. [R] fait valoir que l’employeur lors d’une réunion de mars 2013 a fait pression sur ses salariés pour qu’ils ne saisissent pas le conseil des Prud’Hommes, qu’il a fait l’objet d’une grande précarisation pendant plus de 6 ans et qu’il a saisi le conseil des Prud’Hommes le 9 janvier 2013 alors que son contrat de travail expirait le 14 janvier 2014.

Il ressort de ce qui précède que M. [R], compte-tenu de la nature aléatoire et temporaire des missions auxquelles il pouvait être affecté, ne peut sérieusement, en arguant d’une prétendue précarisation, se prévaloir de cet élément objectif comme d’un fait laissant présumer l’existence d’un harcèlement.

De même, il ne saurait être déduit, sans extrapoler, que son action en justice qui précède d’une année la fin de la relation de travail constitue, en soi, un fait laissant présumer l’existence d’un harcèlement. Enfin, ne saurait davantage constituer un tel fait, l’affirmation imprécise, non circonstanciée qui n’est établie par aucun élément de preuve sérieux, selon laquelle l’employeur a fait pression sur tous ses salariés pour qu’ils ne saisissent pas de leurs plaintes le conseil des Prud’Hommes.

Il résulte de tout ce qui précède que M. [R] qui n’établit pas de faits qui pris dans leur ensemble laisseraient présumer l’existence d’un harcèlement, ne peut qu’être débouté de sa demande de ce chef.

— Sur la mise en danger volontaire de la vie de M. [R]

M. [R] a accepté en connaissance de cause des missions se déroulant à l’étranger, dans le cadre d’opérations militaires françaises, dont il ne pouvait ignorer la nature dangereuse.

Il ne produit aucun élément établissant que dans l’exercice de ces missions, il aurait été mis en danger, par la faute volontaire de son employeur de manière anormale ou excessive.

Il ne peut donc qu’être débouté de sa demande de ce chef.

— Sur la demande au titre du droit individuel à la formation

M. [R] qui fonde cette demande sur l’allégation erronée qu’il a été abusivement employé dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs, ne peut qu’être débouté de sa demande de ce chef.

— Sur la remise des documents sociaux conformes

Compte-tenu de ce qui précède, il convient de débouter M. [R] de sa demande de ce chef.

Enfin, il convient de constater que M. [R] ne formule plus, en appel, de demande au titre des chèques vacances.

Le jugement déféré est partiellement infirmé.

Par ces motifs, la cour,

— confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant fait droit aux demandes de M. [R]

— l’infirme sur tous ces chefs.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

— déboute M. [Q] [R] de toutes ses demandes

— le condamne aux dépens de première instance et d’appel

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamne M. [R] à payer à l’Economat des Armées la somme de 3 000 €

— le déboute de sa demande de ce chef.

La Greffière La Présidente

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