Cour d'appel de Paris, 26 février 2016, n° 13/09208

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www.oloumi-avocats.com · 24 novembre 2023

Libertés fondamentales - droits de l'homme Guerre du Golfe : corruption et négoce du pétrole La condamnation de deux sociétés spécialisées dans le négoce du pétrole, pour délit de corruption d'agents publics étrangers, résultant de recours à des commissions occultes, ne constitue pas une violation du principe de la légalité des peines (Conv. EDH, art. 7). Le fait que les requérants aient été les premières personnes condamnées sur le fondement de l'article 435-3 du Code pénal ne saurait constituer, à elle seule, un manquement à l'exigence de prévisibilité de la loi. CEDH 12 oct. 2023, …

 

Egehan Nalbant · Dalloz Etudiants · 13 novembre 2023
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 26 févr. 2016, n° 13/09208
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/09208

Texte intégral

Jurisprudence

Corruption internationale : première condamnation française de personnes morales

Cour d’appel de Paris pôle 5, ch. 13 appels corr.

26 février 2016 n° 13/09208

Texte intégral :

Cour d’appel de Paris pôle 5, ch. 13 appels corr. 26 février 2016 N° 13/09208

LA COUR D’APPEL : – DÉCISION :

Rendue après en avoir délibéré confonnément à la loi,

RAPPEL DES ÉLÉMENTS DE CONTEXTE

Le tribunal s’étant livré à un exposé particulièrement exhaustif et complet du déroulement des faits et des déclarations des uns et des autres la cour entend s’y référer expressément.

L’origine du dossier est une note du secrétaire général de TRACFIN qui reposait sur des éléments découverts par l’administration fiscale à l’occasion d’un contrôle concernant AS AN et concernait AS AN, les sociétés Telliac (de droit suisse et de droit mauricien) et, entre autres sociétés, la société de droit bahaméen (TIL ou Totinter). Il en ressortait que AS AN servait d’intermédiaire, pour cette société Total afin de verser d’importantes commissions, via la société Telliac, à différents intermédiaires indiqués par TIL concernant des achats de produits pétroliers par TIL

* à la Communauté des États indépendants composée de 12 anciennes Républiques de l’URSS

* de pétrole brut irakien, pour lesquels des commissions étaient versées à AT S, sur instructions de TIL.

Une information était ouverte le 29 juillet 2002 des chefs d’abus de biens sociaux, complicité et recel.

Les premières investigations confirmaient les soupçons de TRACFIN selon lesquels via AS AN et la société anonyme Telliac (TSA) créée en mai 1997 à Genève et transférée en 1999 à l’Ile CK et au Luxembourg, ayant une activité d’intermédiation et de conseil, la société TIL versait des commissions à des sociétés écrans ou à des tiers. S’agissant du pétrole brut irakien, le bénéficiaire des commissions était identifié comme AT S qui avait reçu de TIL, via TSA CK, sur son compte ouvert en Suisse un montant total de commissions évalué à environ 3 520 000 CHF et 120 000 USD pour la période de août 1999 à juin 2000.

Les auditions de certains responsables au sein de la société Total, les informations fournies par la presse, et surtout

les éléments fournis par la commission d’enquête indépendante de l’ONU sur le programme « Pétrole contre Nourriture », mise en place après la chute du régime irakien en 2003, permettaient de soupçonner que les commissions versées par Total se rapportaient à un système occulte de ventes de pétrole brut irakien effectuées en violation de la réglementation établie par la résolution 986 des Nations unies du 14 avril 1995 prévoyant que le produit des ventes de pétrole par la SOMO, société pétrolière irakienne, dirigée par un cousin de AW AX, à des sociétés agréées, devait être versé sur un compte séquestre ouvert à la banque BNP Paribas à New York afin de permettre à l’Irak de financer ses importations.

Il résultait en particulier des éléments fournis par la commission d’enquête indépendante de l’ONU que le pétrole irakien avait été attribué non seulement à des compagnies pétrolières agréées, mais également à l’insu des contrôleurs de l’ONU, à un ensemble de personnes physiques ou de structures en contrepartie d’une action de lobbying en faveur du régime irakien.

Ces allocations de ressources pétrolières destinées à rémunérer le lobbying en faveur de l’Irak, c’est-à-dire en faveur de la levée des sanctions et plus généralement de la promotion de thèses favorables au régime irakien, ont été poursuivies sous la qualification de trafic d’influence passif simple et aggravé.

La commission d’enquête indépendante de l’ONU avait également établi qu’à partir de la 8e phase du programme « Pétrole contre Nourriture » (9 juin 2000) et jusqu’à la 12e phase (4 déc. 2002), et plus précisément entre septembre 2000 et septembre 2002, le régime irakien avait imposé le paiement d’une « surcharge » ou « surtaxe », d’un complément de prix venant s’ajouter au prix versé sur le compte séquestre de l’ONU, surcharges versées directement ou via des intermédiaires sur des comptes bancaires ouverts en Jordanie et au Liban, au nom de la SOMO ou au nom de ses dirigeants ou au nom de fonctionnaires irakiens ; l’argent était ensuite viré sur d’autres comptes et/ou retiré en espèces avant de parvenir sur les comptes de la Banque Centrale Irakienne.

Ces versements de surcharges ont été poursuivis sous la qualification de corruption active d’agents publics étrangers, étant précisé que la loi du 30 juin 2000, transposant dans le droit français la convention de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) du 21 décembre 1997 sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, et créant donc ce délit de corruption active d’agents publics étrangers, est applicable depuis le 29 septembre 2000 et que les personnes renvoyées du chef de corruption active d’agents publics étrangers le sont pour des faits commis à compter d’octobre 2000.

Par ailleurs des préposés de la SA Total étaient mis en examen du chef de complicité d’abus de biens sociaux.

Ces infractions s’inscrivaient dans le contexte du Programme pétrole contre nourriture mis en place par l’Organisation des Nations unies :

* 1 et au 2 août 1990, intervenait l’invasion du Koweït par l’Irak présidé par AW AX ; le jour même, la résolution 660 condamnait cette invasion et intimait l’ordre à l’Irak de se retirer sans délai du Koweït.

* en l’absence de respect de cette résolution le 6 août la résolution 661 du Conseil de sécurité des Nations unies instaurait un régime de sanctions à l’encontre de l’Irak prévoyant, sous forme d’embargo, que les États membres de l’Organisation cessent d’importer d’Irak certaines marchandises, dont du pétrole, et d’y exporter des biens non humanitaires.

Au cours des années suivantes, plusieurs rapports signalèrent les difficultés d’une partie de la population irakienne à assurer alimentation et soins si bien que, dès 1991, des propositions furent avancées pour permettre des exportations de pétrole dans des conditions étroitement surveillées et à la seule fin de financer l’achat de « biens humanitaires ».

* c’est ainsi que le 14 avril 1995, s’inquiétant du risque d’aggravation de cette situation, le Conseil de sécurité adoptait par la résolution 986 des Nations unies un assouplissement de l’embargo instauré par la résolution 661.

Celle-ci était ainsi rédigée « fondée sur le chapitre VII de la Charte des Nations unies, prenant expressément en complément les résolutions antérieures, réaffirmant l’attachement de tous les États membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Irak, la résolution 986 du Conseil de sécurité :

1 – Autorise les États (…) à permettre, aux fins énoncées dans la présente résolution, l’importation d’Irak de pétrole et de produits pétroliers, ainsi que les transactions financières et autres transactions essentielles s’y rapportant directement, le volume des importations devant être tel que les recettes correspondantes ne dépassent pas 1 milliard de dollars des États-Unis par période de 90 jours, sous réserve des conditions suivantes :

* a) pour faire en sorte que chaque transaction soit transparente et conforme aux autres dispositions de la présente résolution, approbation, par le comité créé par la résolution 661 (1990), de chaque achat de pétrole et de produits pétroliers irakiens, sur présentation par l’État concerné d’une demande approuvée par le gouvernement irakien, où figureront des détails concernant la fixation d’un prix d’achat équitable, l’itinéraire qu’emprunteront les marchandises exportées, l’émission d’une lettre de crédit à l’ordre du compte séquestre qui doit être ouvert par le Secrétaire général aux fins de la présente résolution, et toutes autres transactions financières ou autres transactions essentielles se rapportant directement à cette opération ;

* b) Versement direct par l’acheteur de l’État concerné du montant intégral de tout achat de pétrole et de produit pétrolier irakien sur le compte séquestre qui doit être ouvert par le Secrétaire général aux fins de la présente résolution ;

(…)

7 – Prie le Secrétaire général d’ouvrir un compte séquestre aux fins énoncées dans la présente résolution, de nommer des comptables publics indépendants et agréés pour vérifier ce compte, et de tenir le gouvernement irakien pleinement informé,

8 – Décide que les fonds déposés sur le compte séquestre seront utilisés par le Secrétaire général pour répondre aux besoins humanitaires de la population irakienne, ainsi qu’aux autres fins précisées ci-après :

a) financer l’exportation vers l’Irak, conformément aux modalités établies par le Comité créé par la résolution 661, des médicaments, des fournitures médicales, denrées alimentaires et produits et fournitures de première nécessité pour la population civile visés au paragraphe 20 de la résolution 687, à condition que :

* chaque exportation soit effectuée à la demande du gouvernement irakien,

* l’Irak garantisse effectivement la distribution équitable des marchandises, sur la base d’un plan soumis au Secrétaire général et approuvé par celui-ci, comprenant une description des marchandises concernées,

* le Secrétaire général reçoive confirmation authentifiée que les marchandises exportées sont parvenues en Irak,

b) compléter, eu égard aux conditions exceptionnelles qui existent dans les trois provinces…, une somme de 130 à 150 millions de dollars des États-Unis ; toutefois, si la valeur du pétrole et des produits pétroliers vendus au cours de la période de 90 jours est inférieure à 1 milliard de dollars des États-Unis, le Secrétaire général pourra réduire en

conséquence le montant du virement.

La mise en place du programme eut lieu en plusieurs phases d’environ 180 jours, une résolution du Conseil prorogeant les dispositions de la résolution 986 pour une nouvelle période de 180 jours correspondant à chaque phase. Au total, 13 phases se succédèrent dont les dernières sont les suivantes :

[…]

Au début de chaque phase le gouvernement irakien préparait un plan de répartition précisant les marchandises qu’il avait l’intention d’acheter avec les revenus pétroliers qui avaient été mis à sa disposition, et spécifiant comment il prévoyait de répartir ses marchandises (…) le Secrétaire général devait approuver ces plans après s’être assuré qu’ils permettaient une répartition équitable des fournitures humanitaires à l’ensemble du peuple irakien. Une copie du plan approuvé était ensuite envoyée à la Commission 661 pour son information.

S’agissant des exportations du pétrole irakien, la Commission d’enquête spécifiait les procédures mises en place par l’assouplissement de l’embargo initial. Parmi l’ensemble des moyens du dispositif, peuvent être cités :

* la Commission relative à la résolution 661 (dite Commission 661) : sa mission était de contrôler la mise en place du système de sanctions prévues par différentes résolutions dont la résolution 661. La résolution 986 confiait à la Commission 661 la mission de surveiller l’OFFP et de développer des procédures accélérées pour surveiller la mise en place du programme ;

* le bureau du programme irakien (Office of the Irak Program, OIP) : créé le 15 octobre 1997 par le Secrétaire général avec pour mandat d’administrer le programme, conçu comme une opération séparée et distincte de toutes les autres activités de l’ONU dans le cadre du régime des sanctions. Benon V. Sevan, Secrétaire général adjoint de l’ONU, en était nommé directeur exécutif jusqu’à sa fin, en 2003. L’OIP était principalement actif en matière d’importation de produits humanitaires, suivant à la fois l’approbation des contrats et la surveillance de leur exécution. Le bureau du coordinateur humanitaire en Irak faisait partie intégrante de l’OIP et son chef rendait compte directement au directeur exécutif de l’OIP ;

* le compte de l’Irak dans les livres de la BNP à New York : le paragraphe 7 de la résolution 986 prévoyait la mise en place d’un compte bloqué sur lequel serait déposé le produit des ventes pétrolières et à partir duquel les paiements de biens alimentaires seraient effectués. Ce compte de l’Irak était géré par les Nations unies. En accord avec le gouvernement irakien le compte fut établi à l’agence new-yorkaise de la Banque Nationale de Paris (BNP). Il était désigné sous les dénominations de « compte irakien des Nations unies », « compte de dépôt » ou encore, « compte ESB ». En exécution d’un plan de répartition proposé par le gouvernement irakien et approuvé par le Secrétaire général, environ deux tiers des fonds du compte bloqué étaient consacrés à l’achat de médicaments, fournitures sanitaires, aliments, et à pourvoir les besoins civils élémentaires.

On comptait 248 sociétés agréées par la l’ONU auprès de la SOMO dont 15 en France parmi lesquelles TIL, Totsa, Elf, Esso et des moins connues telles que Aredio, EOTC, Ibex, Glencore, TOG :

* financement par les recettes des exportations irakiennes autorisées par l’ONU via des lettres de crédit

* achat directement à la SOMO au prix déterminé par le comité 661 (OSP)

* produit de la vente (soit nombre de barils X OSP) déposé sur compte séquestre BNP NYC destiné à achat première nécessité sous contrôle de l’ONU.

En mars 2003, AU AV exigeait le départ de AW AX et une coalition envahissait l’Irak.

En avril 2004, le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, promouvait une commission d’enquête indépendante pour analyser l’administration et la gestion du programme Pétrole contre Nourriture en Irak.

Pour ce faire le Conseil de sécurité de l’ONU adoptait la résolution 1538 (2004) du 21 avril 2004 qui entérinait le principe de l’enquête et demandait une coopération totale aux investigations de tous les responsables des Nations unies, du personnel de l’Autorité provisoire de la coalition, de l’Irak et de tous les États membres, incluant leurs autorités régulatrices nationales.

Les motifs de la résolution tels qu’exposés dans son préambule, méritent d’être rappelés : « Exprimant le désir de voir une enquête approfondie sur les efforts du précédent gouvernement irakien, incluant les pots-de-vin, gratifications, sur facturation des ventes de pétrole et paiements illicites par rapport aux acquisitions de biens humanitaires, aux fins de se soustraire aux dispositions de la résolution 661 du 6 août 1991 et des résolutions pertinentes subséquentes. Préoccupé par les rapports des médias et commentaires mettant en cause l’administration et la gestion du programme Pétrole contre Nourriture (ci-après « le Programme ») établi par la résolution 986 du 14 avril 1995 et les résolutions pertinentes subséquentes, incluant des allégations de fraude et de corruption. Affirmant que toute activité illicite de la part d’officiels, personnels et agents des Nations unies, de même que contractants, incluant des entités ayant souscrit dans le cadre de ce programme, est inacceptable ».

Plusieurs extraits du rapport rendu par la CEI le 27 octobre 2005 qui explicitaient le dévoiement par les autorités irakiennes et leurs fournisseurs du système instauré par les différentes résolutions étaient versés au dossier.

Il en ressortait que dès l’année 2000, environ un an après avoir commencé à exiger de certains contractants qu’ils s’acquittent de taxes de transport levées sur la base du poids ou de la dimension des biens fournis auprès d’entités ministérielles et de sociétés écran, le gouvernement irakien élargit son programme de perception pour y inclure une « taxe sur les services après-vente » obligatoire.

Cette nouvelle taxe, qui dans la plupart des cas revenait à 10 % de la valeur contractuelle d’origine, s’appliquait à toutes marchandises achetées par les ministères, indépendamment du point d’entrée en Irak ou du moyen de transport.

Selon le rapport de la CEI, cette nouvelle « taxe » aurait rapporté au régime plus de 1 milliard entre sa mise en oeuvre et le printemps 2003.

L’organisation officielle des achats irakiens dans le cadre du programme :

Le 3 août 2000, deux mois après le commencement de la Phase VIII, le Vice-président irakien BR Ramadan, faisait adresser un mémorandum à tous les ministères irakiens résumant une récente réunion du Conseil de commandement. Ce document précisait que cette autorité souhaitait : « tirer des revenus supplémentaires à partir des contrats commerciaux ayant trait au Protocole d’accord ». II y était expressément indiqué que la procédure nouvellement créée devait s’appliquer à tous les contrats n’ayant pas été signés sous forme définitive à la date de mise en oeuvre et pour toutes les phases ultérieures.

Les taux de prélèvement applicables sur chaque contrat étaient fixés en fonction de la nature des biens concernés de 2 à 5 % pour les aliments et médicaments, de 5 à 10 % pour les autres produits. En octobre 2000, le taux minimal était porté de façon systématique à 10 % de la valeur du bien.

Une série de memoranda signés d’un vice-Premier ministre, du ministre du Commerce ou des finances, déclinait les mécanismes mis en place dont l’objectif était de collecter des devises étrangères et de les faire parvenir sur les comptes du Trésor public irakien en s’inspirant de celui élaboré dans les phases antérieures où seuls étaient prélevés des frais de transport.

Ainsi, dès lors que le fournisseur potentiel était d’accord pour acquitter le supplément requis par les autorités irakiennes, soit la valeur de son contrat était relevée du montant correspondant au taux applicable et qu’il devait rétrocéder, soit était intégrée au contrat une taxe de service après-vente, soit étaient imputés au fournisseur des charges de garantie de bonne exécution, des frais d’entretien ou de formation.

Sauf exception, le paiement devait être effectué par les fournisseurs avant que les marchandises n’atteignent la frontière irakienne sur un compte en banque ou au profit d’une société écran désignée par les autorités irakiennes, à défaut de quoi les biens n’étaient pas autorisés à sortir en Irak.

S’agissant des virements bancaires, initialement, tous les prélèvements devaient être payés sur le compte du ministère des Finances à la Rafidain Bank à Amman ou Beyrouth. Mais cet arrangement s’avérait ingérable et inadéquat faute pour le ministère des Finances d’avoir les ressources pour rattacher chacun des nombreux dépôts réalisés sur ce compte à un fournisseur ou contrat spécifique.

En conséquence de ces difficultés, au printemps 2001 les autorités irakiennes désignèrent la Banque centrale irakienne (CBI) pour gérer et superviser les comptes dans des banques non irakiennes. Peu après s’être vu confier cette responsabilité, la CBI créait des douzaines de comptes de compensation, également appelés « comptes passerelle », pour chacun des ministères irakiens autorisés à contracter sous le Programme. Ces comptes de transit étaient masqués de diverses manières. Ainsi à Amman, les comptes étaient établis au nom d’officiels irakiens (parfois avec inversion du prénom et du patronyme) tandis qu’il s’agissait de comptes anonymes à Beyrouth.

Toutes les vingt-quatre heures, sous couvert d’accords signés entre les banques et la CBI, le solde de ces comptes était automatiquement viré sur d’autres comptes contrôlés par la CBI dans la même institution.

Les sociétés désireuses d’éviter de payer sur des comptes de transit pouvaient déposer leurs versements sur des comptes détenus par des sociétés écran spécifiquement constituées pour la collecte des « taxes sur services après- vente ».

En échange de ce service, ces sociétés écran dont certaines participaient en tant que fournisseur au programme Pétrole contre Nourriture, percevaient une commission sur les revenus illicitement perçus auprès des fournisseurs.

Selon la CEI, en mars 2003, les taxes sur services après-vente auraient généré plus d’un milliard d’US pour le régime irakien et les taxes sur transport terrestre au moins US 527 millions.

Les constatations effectuées par la CEI étaient que de 1997 à 2003, environ US 37 milliards ont été dépensés sur le compte bloqué pour des aliments, médicaments, équipements, et autres biens civils pour l’Irak.

Au rapport de la CEI sont joints une série de 5 tableaux versés au dossier de la cour constitués à partir des archives de la SOMO au nombre de 5.

Dans le 1, soc acheteuse OFF, nombre de contrats, nombre de barils, prix global payé, surcharges demandées et payées, réponse de la soc/ surcharges

Dans le 3, l’identité des personnes physiques/morales ayant obtenu des allocations

Dans le 4, liste des sociétés émettrices de la lettre de crédit pour les comptes d’autres éventuellement

Dans le 5, les contrats surchargés et les personnes interposées pour le règlement et les banques destinataires des surcharges.

Ces tableaux en première colonne portent M/phase/n° de contrat, puis la société officiellement agréée, l’identité de l’allocataire, le nombre alloué/enlevé, le prix versé sur le compte onusien, le montant des surcharges demandées/payées/par quel prête nom/compte destinataire (sauf reglés en espèces dans ambassades) payeur de la lettre de crédit c’est-à-dire le financier sousjacent.

La CEI a également enquêté sur la manière dont les fonds étaient utilisés auprès des officiels irakiens dont aucun n’a prétendu que les fonds étaient utilisés pour couvrir les charges internes résultant de la mise en oeuvre du programme.

[…], ancien gouverneur de la CBI, a notamment indiqué que peu après le début des hostilités, en mars 2003, Qusay, un des fils de AW AX, était arrivé à la CBI avec une note signée de son père ordonnant le retrait de presque un milliard de dollars en espèces qui lui furent livrés dans près de deux cents boîtes.

L’ancien Vice-Premier ministre et ministre des Finances, AI Azzawi, a affirmé que les fonds détenus à la CBI étaient habituellement affectés à d’autres entités et ministères à la demande du « Diwan » présidentiel ou des ministères eux- mêmes. Certains des plus importants bénéficiaires de ces fonds étaient des organes irakiens qui ne pouvaient pas participer au Programme, comme les ministères de la défense et de l’industrialisation militaire, les services secrets Irakiens et le « Diwan » présidentiel lui-même.

Il ressort également des déclarations de certaines des personnalités interrogées dans le cadre du rapport d’enquête que des fonds étaient transférés vers les ambassades irakiennes pour financement de ce qui était qualifié de bourses au profit d’étudiants irakiens.

Figurent également au dossier les déclarations considérées comme sujettes à caution de dirigeants irakiens.

Ainsi BR BS a déclaré « oui on a donné des coupons payés mais tous étaient sollicités… on traitait avec les États jamais avec les sociétés pétrolières ».

BR Ramadan Vice-président irakien sous AW AX « lorsque la SOMO rencontre un acheteur ou son représentant surcharges sinon après les compagnies Francaises ont été exclues a cause de ça on donne des allocations à ceux qui le demandent sans contrepartie ».

Rashid ministre du Pétrole « AX donne très grandes lignes seulement tout se passe au sein du comité Ramadan (arabes), BS (responsable de la France), Al Azzawi (Russie, Chine, CEI) et 4 autres dont lui les allocations sont soit offertes soit demandées par personnes influentes » ; s’agissant des surcharges il mettait en cause le ministre de l’Industrialisation militaire hwaish… « idée bizarre car les grandes sociétés respectables ne le font pas car CAC ne sera pas d’accord » ; selon lui l’argent n’avait pas été détourné mais accumulé au cas ou et les grandes sociétés comme Total et Shell ne participaient pas à ce système.

Ont également été versés au dossier :

* Des articles de presse (article de l’Institut de recherches des médias du MO)

* Le rapport Duelfer rapport de la CIA du 30-09-04 (chef des inspecteurs du désarmement américain pour l’Irak et conseiller spécial du directeur de la CIA) qui indique notamment « AX utilise ses fonds pour freiner l’érosion de sa capacité militaire en contravention avec sanctions du conseil de sécurité. En mars 2003 soit deux semaines avant début hostilités, une commission est créée « de la répartition des fonds « … le 19 mars 50 personnes vident les caisses CBI ; existe au dossier une lettre de AW AX du 21 mars 2003 au gouverneur de la CEI pour que soient autorisés à retirer 920 M + 90 M euros « pour les protéger de l’agression militaire ».

Ce document permet à certains prévenus d’avancer au titre de leur défense « la théorie d’un complot » d’origine américaine, en portant une opinion sur la légitimité et l’efficacité réelles d’un embargo économique appliqué à une dictature, les possibles arrières-pensées des concepteurs du programme, ses imperfections structurelles qui auraient favorisé les pratiques frauduleuses.

II sera indiqué dès ce stade que ce moyen de défense qui s’analyse en une prise de position purement politique, dont il est retrouvé l’expression entre les blocs opposés au sein du conseil de sécurité lui-même, et qui n’est par ailleurs corroborée par aucun élément matériel objectif concret sera systématiquement écartée.

Surtout il ressort du dossier qu’au-delà des documents et pièces versés au dossier le magistrat instructeur s’est attaché à analyser les mouvements existants entre les divers comptes à partir des pièces retrouvées dans les archives de la SOMO et les a analysés contrat par contrat, prévenu par prévenu.

* des commissions d’enquête du congrès américain dont l’audit du GAO office général des comptes d’audit du congrès américain qui évalue entre 10 et 40 milliards de les fonds détournés lesquels ont été très difficiles à récupérer car il existait trop de sociétés écran.

Des membres des NU le savaient aussi ainsi monsieur X membre français du comité 661 « … on a été mis au courant par les superviseurs. On s’est efforcé de lutter … il en a été débattu plusieurs fois au Conseil de sécurité et au comité 661… mais divergence politique (Russie/Chine). On a proposé avec GB et US de réglementer rôle des intermédiaires. Rejet de la Russie… tout y compris autre système était bloqué par Russie… le Conseil de sécurité aussi au courant mais chaque pays membres aurait du répercuter a ses sociétés de même Mme Y représentant français de 2000/2004 déclarait tout le monde est contre au sein du comité 661 mais la règle du consensus a bloqué tout (confère supra) ».

Quant à la position des autorités françaises elle était reprise dans un télégramme du MAE rédigé par mission permanente a l’ONU en novembre 2000 « mise en place de surcharges… lors de la foire de Bagdad les entreprises disent que d’autres États le font… on leur a dit non… avons nous été entendus ».

M. Z directeur de cabinet du ministre le 2 février 2001 « violation des résolutions et des dispos communes et internes pour l’application de ses résolutions… on peut déclencher l’action publique… mais c’est un problème d’opportunité politique. Et de possibilité de réunir des preuves ».

Néanmoins est paru un avis au JO 2001 sur l’interdiction paiements hors compte séquestre et des réunions d’information des DREE ont eu lieu.

BD P, Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères de juillet 1998 à septembre 2002 indiquait le 20 décembre 2005 aux services de police avoir été au courant de ce système d’allocations occultes et de surcharges imposé par les autorités irakiennes : « Les discussions au Comité des sanctions à New York étaient toujours

difficiles. Cela était particulièrement vrai à partir du début 2001, me semble t’il, lorsque les autorités irakiennes ont imposé aux compagnies allocataires de pétrole un surprix, générateur de commissions et sans doute de rétrocommissions. II était important, même si lesdites compagnies avaient accepté ce surcoût, d’être vigilant. À cette époque, il nous est revenu que deux diplomates français se seraient vus accorder des allocations en barils par les autorités irakiennes. Il me semble que de telles informations circulaient à New York et avaient fait l’objet à Paris d’indications de la part des douanes et de nos services. D’autre part, le Directeur d’Afrique du Nord Moyen Orient, BW de la Messuzière, a appelé l’attention du ministre de l’époque, AY AZ, de son directeur de cabinet BA BB et de moi-même sur le fait que deux de nos collègues étaient impliqués, BC B et AS- BE Q.

J’ai alors pris contact avec le Secrétaire général du gouvernement AS BF A pour savoir quels étaient nos moyens d’action ou de pression sur nos collègues. Relevant que les intéressés étaient à la retraite, Monsieur A m’a dit, qu’en l’absence d’instance ou de condamnation judiciaires, nous ne pouvions pas faire grand chose. Leur retirer leur dignité d’CP aurait, par parallélisme des formes, nécessité une décision du Conseil des ministres. J’ai alors suggéré au ministre, dans un note du 10 septembre 2001, une lettre faisant valoir aux deux Ambassadeurs les risques que comportaient des opérations commerciales avec un pays sous sanction des Nations unies. J’essayais également de faire appel à la déontologie qu’implique la dignité qui leur avait été conférée quelques années plus tôt. En vain. Les deux intéressés ont chacun de leur côté répondu à cette lettre faisant valoir que rien dans leurs activités n’était répréhensible ».

* le 9 janvier 2006 AY AZ qui avait été ministre des Affaires étrangères de mai 1997 à mai 2002 admettait avoir entendu parler de surtaxes soit par BD P, soit par le directeur d’Afrique du Nord Moyen Orient, BW de la Messuzière qui avait notamment été en Jordanie et en poste aussi au Moyen Orient ; ils lui avaient expliqué, soit verbalement, soit par notes, que les irakiens avaient mis en place un système de surtaxes permettant d’augmenter le prix de ce qu’ils vendaient pour pouvoir en toucher une partie plus importante.

« Cette majoration était clairement pour nourrir une ristourne illicite et contraire aux résolutions fondant le programme « Pétrole contre Nourriture » ».

Il ne savait pas qui au sein du régime irakien avait mis en place ce système. On parlait de BR BS parce qu’il était ministre des Affaires étrangères mais c’était peut-être aussi leurs représèntants à New York qui avaient pu l’élaborer. Il n’avait pas su sur quels comptes les ristournes étaient versées ni de quelle manière.

Il n’avait pas été amené à attirer l’attention d’entreprises françaises sur le risque de paiement de ces surcharges à destination de l’Irak.

S’agissant de l’exposé des faits, le tribunal en a livré une présentation particulièrement exhaustive, à laquelle la Cour renvoie expressément ; par ailleurs il sera procédé au rappel des faits à l’occasion de l’analyse des infractions reprochées à chaque prévenu.

CONCLUSIONS DE NULLITÉS DE L’ACTE D’APPEL DÉPOSÉES IN LIMINE LITIS PAR LES CONSEILS DE BE AK CX ET DE AS-I AJ

Les conseils des prévenus ont aux visas de l’article 6 de la Convention EDH, de l’article préliminaire du code de procédure pénale et de l’article 509 du même code sollicité que soit constatée la nullité de l’acte d’appel.

Ils font valoir que :

dans l’acte d’appel ne sont nommément désignées que deux personnes, les autres l’étant sous le vocable de « et autres… » ;

les faits visés dans l’acte d’appel à savoir : corruption active, recel par personne morale du produit d’un délit, trafic d’influence et complicité de trafic d’influence actifs ne correspondent pas à ceux visés dans l’ordonnance de renvoi s’agissant de AS-I AJ, cadre de la SA Total et s’agissant de BE AK CX de complicité d’abus de biens sociaux et de corruption d’agents publics étrangers ;

la mention « étant précisé… » qui suit ajoute à l’ambiguïté de l’acte d 'appel, qui apparaît comme un appel limité à la seule liste de noms, lesquels ne se rapportent pas notamment s’agissant de BE AK CX à la liste des faits visés supra dans l’acte d’appel ;

la requête d’appel dans laquelle il est précisé « par souci de cohérence l’appel a été circonscrit aux seules dispositions du jugement contraires aux réquisitions orales… » ne fait qu’accroître la confusion dès lors qu’elle ne coïncide ni avec les réquisitions orales ni avec l’acte d’appel ;

et qu’en conséquence ils se trouvent dans l’impossibilité de se défendre utilement faute de connaître la saisine de la cour.

Le ministère public a indiqué :

s’agissant du terme « et autres » qu’il n’est pas nécessaire de rappeler le nom de tous les prévenus au regard de l’importance de leur nombre ;

que la requête d’appel est dirigée contre le jugement en ce qu’il a relaxé ceux pour lesquels le procureur de la République n’avait pas requis la relaxe et que ces éléments peuvent être vérifiés aux pages 138 et 139 des notes d’audience et que de surcroît la requête elle n’a qu’un caractère thématique et ne reprend pas l’intégralité des prévenus.

Le ministère public a fait connaître aux intimés qu’il leur remettrait à la reprise de l’audience sous forme d’un tableau les infractions dont il entendait relever appel prévenu par prévenu.

À la reprise de l’audience le ministère public a indiqué, délimitant ainsi la portée de son appel, se désister expressément des chefs de :

corruption active à l’égard de I E ;

de trafic d’influence à l’égard de BC B, AS-BE Q, BF L et de la SA Total ;

de complicité d’abus de biens sociaux à l’égard de AS-I AJ à l’exception des commissions S pour la période de 1999 à 2000 ainsi que de complicité de corruption active ;

de complicité d’abus de biens sociaux à l’égard de BE AK CX et de complicité de corruption de corruption active à l’exception de la période courant de mars 2000 à décembre 2001 ;

Il a ajouté maintenir son appel à l’encontre du jugement qui a constaté l’extinction de l’action publique à l’égard de Vitol LTD.

La cour a rappelé le principe selon lequel elle était saisie d’une part par l’ordonnance de renvoi et d’autre part par l’acte d’appel, qu’il lui revenait d’interpréter, et que les deux premières parties de l’acte d’appel contenant pour l’une la mention « et autres. » et pour l’autre la mention de quatre séries de faits suivie de (…) avaient pour unique objet par une reprise classique, quoique fragmentaire de la liste de prévenus et d’infractions, d’identifier le jugement dont appel.

Au regard des désistements expres, dont il a été pris acte à l’audience, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à la nullité de l’acte d’appel la cour restant saisie dans les limites ci-dessus rappelées.

[…]

Il est reproché à BC B d’avoir, à Paris et sur le territoire national, à compter d’octobre 2000, courant 2001, 2002 et depuis temps non couvert par la prescription, cédé aux sollicitations d’agents publics irakiens, personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif dans un État étranger, sollicitant sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elles-mêmes ou pour autrui, afin d’obtenir qu’elles accomplissent ou s’abstiennent d’accomplir un acte de leur fonction, de leur mission ou de leur mandat, ou facilité par leur fonction, leur mission, leur mandat, en l’espèce en acceptant et en organisant la rétrocession, en violation des dispositions des résolutions 661 et 689 de l’ONU, au bénéfice des dirigeants irakiens, sur des comptes ouverts à l’étranger au nom de fonctionnaires irakiens, d’une partie du produit des ventes de la société Vitol, d’allocations de barils octroyées par la SOMO, organisation irakienne d’État pour la commercialisation du pétrole, pour obtenir des autorités irakiennes l’attribution de nouvelles allocations de barils de pétrole.

Il est reproché à la Vitol LTD d’avoir, à Paris et sur le territoire national, à compter d’octobre 2000, courant 2001, 2002, 2003 et depuis temps non couvert par la prescription, en co-action indivisible avec BC B, cédé aux sollicitations d’agents publics irakiens, personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif dans un État étranger, sollicitant sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elles-mêmes ou pour autrui, afin d’obtenir qu’elles accomplissent ou s’abstiennent d’accomplir un acte de leur fonction, de leur mission ou de leur mandat, ou facilité par leur fonction, leur mission, leur mandat, en l’espèce en acceptant et en organisant la rétrocession, en violation des dispositions des résolutions 661 et 986 de l’ONU, au bénéfice des dirigeants irakiens, sur des comptes ouverts à l’étranger au nom de fonctionnaires irakiens, d’une partie du produit des ventes de la société Vitol, d’allocations de barils octroyées par la SOMO, organisation irakienne d’État pour la commercialisation du pétrole, pour obtenir des autorités irakiennes l’attribution de nouvelles allocations de barils de pétrole, faits prévus et réprimés par les articles 435-3, 435-15 du code pénal.

Les conseils de BC B et de Vitol LTD reprennent devant la cour les conclusions d’incompétence territoriale de la juridiction française soulevées in limine litis devant le tribunal, lesquelles ont été rejetées. La cour y renvoie expressément pour l’intégralité de leurs développements.

Devant le tribunal BC B avait fait valoir qu’aucun fait constitutif des infractions qui lui étaient reprochées, à savoir le trafic d’influence passif et la corruption active d’agent public étranger, n’avait été commis sur le territoire de la République ; les premiers juges avaient rejeté cette exception au motif que BC B avait en France participé à des réunions et des manifestations publiques ayant pour objet de persuader les autorités nationales de contribuer à la levée de l’embargo mis en place par l’ONU et que la seconde infraction était connexe à la première.

Devant la cour, la relaxe de BC B du chef de trafic d’influence étant acquise en l’absence d’appel du ministère public de ce chef, en l’absence de connexité avec une quelconque infraction commise sur le territoire

national, le conseil de BC B sollicite, au visa des articles 113-2 du code pénal et de l’article 382 du code de procédure pénale, l’infirmation de la décision de première instance aucun fait constitutif de corruption active n’ayant été commis en France ; il ajoute qu’en l’absence de dénonciation officielle la compétence de la juridiction française fondée sur la nationalité française de BC B ne peut être retenue.

S’agissant du conseil de Vitol LTD il reprend le moyen tiré de l’article 113-2 du code pénal qui dispose : « la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République » l’infraction étant réputée commise sur le territoire de la République dès lors que l’un des éléments constitutifs a eu lieu sur son territoire et fait valoir qu’en l’espèce ce n’est pas le cas aucun élément constitutif de l’infraction n’ayant été commis sur le territoire de la République ; il rappelle les dispositions des articles 382, alinéa 3, et 693 du code de procédure pénale et fait valoir que la notion de connexité étant, contrairement à l’indivisibilité, non vérifiée en l’espèce, inapplicable à des faits commis en dehors du territoire de la République la prorogation de compétence des juridictions françaises ne saurait être invoquée ; il ajoute que la cour devra se déclarer incompétente dans la mesure ou aucun des faits de corruption d’agents publics étrangers, en l’espèce sollicitation, paiement ou contrepartie, n’a été commis en France et qu’en application de l’article 113-8 du code pénal la cour ne saurait fonder sa compétence sur sa nationalité en l’absence de dénonciation officielle. Il développe longuement dans ses écritures le schéma des rencontres entre BC B et la Vitol LTD, celui de la transmission des instructions du bureau à Londres au service financier de la Vitol LTD en Suisse et insiste sur le fait que les flux financiers afférents à ces opérations ne passaient nullement par la France.

SUR CE

BC B comme Vitol LTD sont poursuivis en application du second alinéa de l’article 435-3 du code pénal, dont les éléments constitutifs sont la sollicitation ou l’accord de corruption, les versements de dons ou avantages (le paiement), l’acte espéré de l’agent public étranger qui a été accompli ou aurait dû être accompli (la contrepartie).

En l’espèce il est reproché à BC B et Vitol LTD d’avoir en co-action cédé aux sollicitations d’agents publics irakiens, sollicitations visant à obtenir le paiement de compléments de prix ou surcharges versées en dehors du circuit de commercialisation de pétrole irakien en vigueur à cette époque en contrepartie de l’attribution à BC B d’allocations personnelles de pétrole (special request) achetées par celui-ci et financées par celle-ci.

En application de l’article 113-2 du code pénal si l’un de ces faits a été commis en France, il sera loisible à la juridiction française de retenir sa compétence.

Il ressort de l’enquête que l’infraction, caractérisée par le versement de surcharges de 786 205 , liées à l’exécution de trois cargaisons de pétrole, s’inscrit dans une relation d’affaires nouée dès avril 1998 entre Vitol LTD et le cabinet SB consultant de BC B.

C’est dans ce cadre que les surcharges corruptives ont été réglées par Vitol LTD via la société Peakville Ldt, société sise aux BVI et mise à disposition de Vitol LTD, ce que son dirigeant lui-même qualifie de « ses paiements discrets » et que BC B recevait ses commissions de Vitol LTD sur ces contrats de commercialisation.

Les versements ont été décidés en coaction avec BC B qui assurait le lien avec les irakiens, qui transmettait à la Vitol LTD leurs demandes, qui connaissait l’existence du circuit financier via Peakville et percevait, déduction faite des surcharges, sa marge sur les acquisitions faites par la Vitol LTD.

Il est capital de relever que BC B ne se comporte pas au cours de ces opérations comme un simple tiers par rapport à la Vitol LTD, dès lors qu’il se présente, lors des démarches effectuées pour obtenir des barils pour la Vitol LTD sous couvert d’une carte « Vitol France », qui certes est une simple « enseigne », mais a pour unique

objet, ainsi qu’il l’a admis, de permettre à la Vitol LTD d’obtenir des contrats, qu’elle n’aurait pas obtenus sans cela, dans la mesure où, quoique de droit suisse, elle était dans le cadre du programme « OFF » perçue anglo saxonne.

Par ailleurs, il ressort de l’enquête comme des déclarations de BC B à l’audience qu’il co-signait, en accord avec la Vitol LTD, les contrats, faute de quoi aucun n’aurait été débloqué au profit de la Vitol LTD pour la raison sus indiquée.

S’agissant de BC B il est constant qu’il était domicilié à Paris, que sa société SB Consultant avait son siège à son domicile, que le compte bancaire personnel de BC B était ouvert dans les livres de l’agence de Paris de la banque française transatlantique, compte sur lequel il recevait sa marge ; en outre il ressort de l’enquête que c’est de Paris que BC B passait avec la Vitol LTD ses communications téléphoniques relayant les demandes irakiennes ainsi que l’établissent les documents placés sous scellés 194 et 259 qui attestent des relations entretenues entre BC B et la Vitol LTD, concernant très particulièrement les modalités de paiement de surcharges.

Ces éléments établissent que BC B avait son centre d’intérêt économique et financier à Paris.

S’agissant des faits qualifiables sous la prévention de corruption d’agents publics étrangers chacune des parties a arrêté en parfaite connaissance de cause du contournement frauduleux du dispositif onusien par le paiement de surcharges corruptives une coopération fructueuse pour chacune d’elles ; dans ce schéma la personne physique et la personne morale sont, sans connexité, indissociables l’une de l’autre, en ce que sans BC B il ne saurait y avoir de livraison de pétrole et sans la Vitol LTD de financement de ces opérations.

Dès lors qu’il y a eu concertation à Paris, où Monsieur B avait le centre de ses intérêts économiques et financiers (bureau, domicile, comptes bancaires), l’un des éléments constitutifs de l’infraction a été commis sur le territoire national et il y a lieu confirmant, par motifs propres, la décision déférée, de retenir la compétence de la juridiction française, à raison de la localisation à Paris de l’une des parties, BC B, et de la co-organisation de la corruption depuis Paris, où cette personne avait le centre de ses intérêts économiques et financiers.

SUR L’APPEL DU MINISTÈRE PUBLIC DU CHEF DE L’APPLICATION DE LA RÈGLE NON BIS IN IDEM

L’article 6 du code de procédure pénale dispose : » L’action publique pour l’application de la peine s’éteint par la mort du prévenu, la prescription, l’amnistie, l’abrogation de la loi pénale et la chose jugée (…) » texte de portée générale qui ne distingue pas selon que la chose jugée soit française ou étrangère.

Alors que les conseils de la Vitol LTD, société pétrolière de droit suisse, demandent à bénéficier comme en première instance de l’application du principe non bis in idem et sollicitent en application de ce principe l’extinction de l’action publique à son encontre, le ministère public appelant fait valoir, en s’appuyant sur la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation, que les décisions rendues par les juridictions pénales étrangères n’ont pas, en France, l’autorité de la chose jugée, lorsqu’elles concernent des faits commis sur le territoire de la République et que l’exception de la chose jugée, ne saurait faire obstacle à l’exercice de poursuites exercées sur le fondement de la compétence territoriale française ; il ajoute toutefois, que les peines prononcées par les juridictions étrangères doivent être prises en compte par les juridictions françaises appelées à rejuger une infraction condamnée à l’étranger.

La Vitol LTD demande de première part à la cour de constater l’extinction de l’action publique sur le fondement de l’article 113-9 du code pénal et 692 du code de procédure pénale en soulignant que le tribunal a fait une erreur de droit, les conditions d’applications de l’article 692 du code de procédure pénale étant réunies, dès lors qu’il avait retenu qu’aucun élément constitutif de l’infraction n’avait été commis en France.

À cet égard la cour s’étant déclarée supra compétente sur le fondement de l’article 113-2 du code pénal (infraction commise ou réputée commise sur le territoire de la République), les dispositions de l’article 692 du code de procédure pénale, qui dispose que pour les infractions commises hors du territoire de la République « aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite », ne trouvent pas application à l’espèce et seront écartées.

Il sera par ailleurs observé que le litige ne se trouve pas davantage soumis aux conditions d’application de l’article 113-9 du code pénal tirées des articles 113-6 et 113-7 du même code lesquels ne sont pas visés dans la prévention.

À l’appui de sa demande la Vitol LTD invoque l’article 14, 7°, du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques signé à New York le 16 décembre 1966, ratifié par la France par la loi du 25 juin 1980 et publié par décret du 29 janvier 1981 ainsi libellé : « Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays » texte qui ne limite pas la portée de la règle de l’interdiction des doubles poursuites ou condamnations pour un même fait, au seul cas des personnes jugées par les juridictions d’un même État. Elle souligne que cet article a une valeur supérieure à celle de la loi française et une portée générale, en application de l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958.

Elle relève que la France n’a fait aucune réserve d’interprétation à l’article 14, 7°, dans le but de limiter l’application du principe non bis in idem aux seuls jugements rendus par les juridictions nationales.

La Vitol LTD fait également valoir que, s’agissant du principe non bis in idem, la notion d’identité de faits renvoie uniquement aux faits eux même indépendamment de la qualification juridique qui leur est donnée et des intérêts qui sont protégés.

La Vitol LTD indique que le jugement du 20 novembre 2007 de la Cour suprême de l’État de New York vise « le paiement en mars 2001 après une réunion de l’Opep de demandes de surcharges formulées auprès d’un consultant extérieur à Vitol LTD par les autorités irakiennes et relayées à Vitol LTD afin que du pétrole brut irakien supplémentaire soit extrait par la suite Vitol LTD a payé ou a causé le paiement de surcharges sur certains achats de pétrole par des achats directs de sorte qu’une autre société a envoyé des sommes supplémentaires d’un montant d’approximativement 780 000 sur des comptes contrôlés par le gouvernement irakien ou (…) Vitol LTD n’a pas informé l’ONU de ces paiements ».

La Vitol LTD relève que dans l’ordonnance de renvoi il est reproché à Vitol LTD quatre versements effectués via Peakville et BG BH, les 21 juin, 1er septembre 2001 et le 16 janvier 2003 pour un montant de 786 205 dollars, à la demande de la SOMO, relayée par BC B à une réunion de l’Opep de juin 2001.

Le conseil de la Vitol LTD observe qu’il s’en déduit que les faits visés par le jugement et l’ordonnance sont strictement identiques, au-delà de la qualification qui leur est donnée de « grand Iarceny », soit de vol aggravé, dans la décision américaine et alors que l’ordonnance de renvoi retient la qualification de corruption.

Il souligne que ce jugement qui fait suite à un plea agreement conclu le même jour entre le ministère public de l’État de New York et la Vitol LTD a un caractère définitif ainsi qu’énoncé au paragraphe 3 c).

À cet égard il rappelle que selon l’article 14 (7) du pacte des Nations unies relatif aux droits civils et politiques en 1996 le caractère définitif d’une décision s’apprécie au regard du droit de l’État dans lequel il a été rendu et qu’il est

indifférent que la décision ait été rendue après un plea agreement lequel mentionne expressément en son paragraphe 2) b qui deviendra effectif après homologation par la cour.

Il soutient qu’en conséquence ce jugement a éteint l’action publique.

SUR CE

Certes l’application transnationale de la règle non bis in idem trouve application en application de l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE ; reste que cette règle s’applique uniquement dans les relations transnationales européennes.

S’agissant des relations transnationales hors UE le droit pénal Français ne reconnaît l’application transnationale de la règle que lorsque l’action de la justice française se fonde sur la compétence extra territoriale en application des articles 113-9 du code pénal et 692 du code de procédure pénale ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

S’agissant de l’article 14, 7°, du pacte qui pose que nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et la procédure de chaque pays, il est constant qu’il a été ratifié et signé par la France, si bien que comme l’ont justement relevé les premiers juges il a une valeur supérieure à celle de la loi française et une portée générale en application de l’article 55 de la Constitution.

Reste que si le libellé de l’article 14, 7°, du pacte est très proche de celui de l’article 50 de la Charte il convient de s’interroger sur le fait de savoir s’il suffit à lui conférer une dimension transnationale, alors même qu’au regard de la date de son adoption, il ne soumet pas l’application de la règle à la condition que l’État poursuivant les faits en second fonde son action sur une application extra territoriale de la loi pénale et n’assortit la règle d’aucune condition liée à la mise en oeuvre transnationale.

À cet égard il convient de relever que le comité des Nations unies en 1987 a rappelé que l’article 14, 7°, du Pacte ne prohibait les doubles poursuites que dans le cas des personnes jugées dans un État donné.

Pour autant alors que le risque de procédures multiples s’accroît, il est légitime que la protection des justiciables s’insère dans la même logique et c’est à bon droit que les premiers juges ont inscrit leur décision dans le cadre de l’application de l’article 14, 7°, du Pacte y ajoutant que l’article 6 du code de procédure pénale relatif à l’extinction de l’action publique par la chose jugée, ne distingue pas selon que la chose jugée serait une chose jugée française ou étrangère.

Il est constant qu’en l’espèce, il ressort de la lecture du « plea agrement » du 20 novembre 2007 et du jugement rendu le 20 novembre 2007 par la Cour suprême de l’État de New York que la société Vitol a été condamnée définitivement par une juridiction pénale américaine.

Reste que la décision américaine vise des faits de « vol aggravé » ; il s’en déduit que ce faisant le juge américain sanctionne la violation de l’embargo sous le seul angle d’une violation économique.

L’infraction de corruption active introduite en droit français poursuit un objectif radicalement distinct, énoncé dès la rédaction de la convention OCDE, à savoir la garantie de l’intégrité des opérateurs économiques dans un contexte mondial très concurrentiel, ce afin de préserver la loyauté des échanges, d’assainir les marchés.

C’est dans ce cadre qu’il y a lieu de considérer que l’État français, contrairement à ce que soutient la Vitol LTD dans

le cadre des accords internationaux signés par la France, État souverain comme le souligne le ministère public, conserve le droit de juger les agents économiques qui transgressent les règles ci-dessus rappelées et notamment celle de la probité dans le cadre des échanges internationaux.

Dès lors que la décision de la Cour de NYC et l’infraction soumise à la cour, à la supposer établie, sanctionnent des intérêts différents il y a lieu d’infirmer la décision déférée en ce qu’elle a retenu le principe non bis in idem.

AU FOND

I) Sur les infractions de trafic d’influence

Il résulte du schéma général du dossier que des allocations étaient attribuées à des gens qui militaient pour la cause de la levée de l’embargo en Irak, des amis du régime baassiste que les irakiens avaient choisis, répartis dans tous les pays. Il leur était donné des allocations pour permettre à leurs associations ou à leurs partis de fonctionner selon des projets précis présentés tous les six mois pour justifier de ce qui avait été fait pour la levée de l’embargo et ce qui allait être fait dans les six prochains mois. Il s’agissait en fait de mettre en oeuvre un certain nombre d’opérations telles que des conférences pour tenter de briser l’embargo et aussi empêcher la guerre.

À ce jour seul I E est renvoyé, sur appel du parquet, pour avoir, entre 1997 et 2003, depuis temps non couvert par la prescription, sur le territoire national, en sa qualité de responsable d’association (Mouvement chrétien de la Ve République), sollicité et agréé en violation des dispositions de l’ONU sur le programme Pétrole contre Nourriture (notamment résolution 986), des allocations de barils de pétrole irakien (estimés en l’état à 13 millions de barils) vendus par l’intermédiaire des sociétés Addax, Petroline, BC Invest, en contrepartie de son influence réelle ou supposée auprès des autorités françaises pour défendre les intérêts irakiens et obtenir la levée des sanctions contre l’Irak.

LES FAITS

Il apparaissait des documents provenant de la SOM0 et transmis par la commission d’enquête indépendante, que I E avait perçu et commercialisé via les sociétés Addax, Petrolina et BC Invest, des allocations de barils durant les phases 2 à 12, d’août 1997 à juillet 2002 ; selon le tableau figurant à la page 40 de l’ordonnance de renvoi qui reprend la matérialité des faits.

Il ressortait par ailleurs des investigations de la commission d’enquête indépendante que deux contrats s’étaient accompagnés de surcharges lesquelles ne sont plus dans les débats devant la cour le concernant.

Les recherches effectuées par les services de police permettaient d’établir que I E apparaissait comme président ou administrateur de 4 associations (l’association pour la promotion des échanges Ile-de-France / Pays Arabes administrateur), le comité pour la paix au Proche Orient (président, BI C en étant trésorier), I’association Gaullisme et Progrès (président),et l’association Mouvement chrétien de la Ve République créé le 26 octobre 1991 qu’il présidait.

Il relatait son cursus au niveau de son activité associative dans le domaine politique depuis 1963 jusqu’à la création du Mouvement chrétien de la Ve République, qui correspondait à l’époque, à la libération des pays de l’Est et à un renouveau de la pensée chrétienne.

S’agissant de l’association « Mouvement chrétien de la Ve République » I E disait : »Cette association a été créée pour défendre les valeurs chrétiennes dans le cadre d’une activité politique. Au départ elle a eu des activités

peu centrées sur l’Irak. L’activité sur ce pays a été intensifiée en 1996 époque à partir de laquelle nous avons eu plus de moyens. Ces nouveaux moyens découlaient directement du pétrole irakien et de mes allocations. Comme on n’avait plus d’activités franco-françaises, on a commencé à perdre des adhérents. On s’est mobilisé uniquement sur la politique étrangère et l’action pour la levée de l’embargo. Mon association a eu une bonne activité jusqu’à la 2e guerre du Golfe. Je tentais de développer et de renforcer la politique arabe de la France voulue par le Général de Gaulle.

S’agissant de son activité militante contre l’embargo il ajoutait « Nous nous (avec monsieur C à ce jour relaxé définitivement de ce chef) sommes déplacés à deux ou trois occasions en Irak. Il m’a accompagné dans ces déplacements que j’effectuais avec des parlementaires français, dans le but de leur montrer l’état sanitaire du pays et l’état du désastre économique pour qu’en France, ils puissent témoigner et se manifester contre cet embargo, qui était inutile et martyrisait le peuple irakien. Ces voyages ont été effectués sur la période de 1994 à janvier 2002. En tout j’ai dû faire une vingtaine de déplacements dans ce domaine dont trois avec BI C ».

I E énumérait ses actions politiques concernant l’Irak, pays qu’il connaissait depuis 1967 comme suit :

Il avait amené en Irak une mission de médecins et de responsables des Hôpitaux de Paris. Il avait également organisé un grand dîner de presse avec le responsable du programme humanitaire Irak à l’ONU, qui avait démissionné de son poste pour protester contre l’embargo ; à ce dîner étaient présents des journalistes français et étrangers ainsi que quelques officiels français.

Il avait également fait des déjeuners de presse avec des médecins qui revenaient d’Irak pour rendre compte auprès de la presse de leurs voyages et de la situation. Tout cela était organisé par l’association « Mouvement chrétien de la Ve République » sous sa responsabilité.

Il avait fait beaucoup de communiqués de presse prônant la levée de l’embargo sur la période de 1995 à 2002 et ce au travers de son association.

Il avait également écrit des articles dans des journaux (La Croix), ou répondu à des interviews (Le Monde, Libération, jamais Le Figaro), toujours en faveur de la levée de l’embargo.

Il avait appartenu dès le début à la Conférence internationale de Bagdad créée par BR BS qui se réunissait deux fois par an. Participaient, côté français, à cette conférence, l’avocat BJ BK, BI C, un journaliste du Monde, BE BL. Il s’agissait d’obtenir de la part de l’Irak un soutien de ces différentes organisations participantes pour la levée de l’embargo. Il s’agissait d’une succession de discours et de prises de position de la part des intervenants et de compte-rendus des actions menées par chacun sur le sujet ; intervenaient à la tribune des représentants irakiens, BR BS ouvrait la conférence et donnait la parole à chacune des organisations présentes.

Il avait refusé une seule fois de participer à cette conférence quand l’Irak avait refusé de recevoir le pape en 2000 ou 2001.

En perquisition au domicile de I E les policiers saisissaient des photographies représentant I E lors de ses rencontres officielles en Irak, lors de rencontres au Sénat en France ainsi que des cartons d’invitations pour des dîners-débats relatifs à la situation en Irak ; ils saisissaient également des courriers d’invitation et de réponse d’hommes ou de femmes politiques français, un rapport d’information de l’Assemblée Nationale du député AS-BE DM, une intervention de BM G et divers communiqués de l’association « Mouvement chrétien de la Ve République » concernant la question irakienne et la levée de l’embargo, documents à propos desquels I E disait : « Ce sont des activités pour combattre l’embargo qui frappait l’Irak, pour obtenir sa levée. Les derniers doivent être relatifs à mon opposition à la guerre en Irak. Ces documents sont

conservés au siège de l’association au […] à PARIS 13e, association qui n’a plus d’activité depuis 2003 ».

Les policiers saisissaient également un document émanant des « Amitiés Franco-Irakiennes » interpellant les candidats à la présidence de la République Française, la réponse de BN BO, une note de présentation dans laquelle son rédacteur indique les différentes actions mises en place pour combattre l’embargo irakien.

Ils saisissaient également un bordereau de versement d’espèces d’un montant de 150 € sur le compte ouvert au nom du « Mouvement chrétien de la Ve République » sur lequel I E indiquait que ces espèces provenaient de la société anglaise Court Consulting : » Quelqu’un de Court Consulting est venu me les remettre à paris à moins que je sois parti en Suisse les chercher. J’ai dû aller en Suisse en octobre dernier pour rencontrer BP BQ à son bureau de Genève. Il m’a remis 1 000 € ».

Il expliquait ainsi le système des allocations pétrolières mis en place à l’occasion du programme « Pétrole contre Nourriture » : « Depuis 1991, nous avons mené mon mouvement et moi-même un combat contre l’embargo, et sur toute une période, nous avons lutter avec nos moyens. En 1996, il y a donc eu un accord dénommé Pétrole contre Nourriture et à cette occasion, est apparu la possibilité de bénéficier de moyens pour développer notre combat politique. Au cours du deuxième semestre de 1996, j’ai eu un entretien avec Monsieur BR BS, pour lui dire que nous pourrions intensifier nos actions, si nous avions les moyens financiers pour pouvoir le faire. En conséquence, il m’a été indiqué que si j’avais une société pétrolière agréée par l’ONU qui souhaitait participé à l’achat de pétrole irakien dans le cadre légal de la résolution 661, il suffisait que je lui indique.

Je précise que ce n’est pas BR BS qui m’a proposé et qu’il ne m’a jamais demandé quoique ce soit en retour. Je pense qu’il me respectait trop pour me demander cela.

Alors comme je ne connaissais pas le secteur pétrolier qui était totalement inconnu pour moi j’ai eu l’occasion d’en parler avec plusieurs personnes, dont une de mes relations, BT BU, qui m’a dit qu’il connaissait un africain, ancien ministre des Affaires étrangères du Tchad, dont j’ignore le nom, qui a proposé la société Addax en Suisse pour ces affaires. J’ai donc eu un entretien avec un de ces responsables, DF De F, qui a donné son accord. Sa société était donc agréée par l’ONU. Et il a été décidé qu’il serait versé 3 cents par baril que j’obtiendrais ».

Il expliquait ainsi le système des allocations pétrolières mis en place à l’occasion du programme « Pétrole contre Nourriture » :

« Depuis 1991, nous avons mené mon mouvement et moi-même un combat contre l’embargo, et sur toute une période, nous avons lutter avec nos moyens. En 1996, il y a donc eu un accord dénommé Pétrole contre Nourriture et à cette occasion, est apparu la possibilité de bénéficier de moyens pour développer notre combat politique. Au cours du deuxième semestre de 1996, j’ai eu un entretien avec Monsieur BR BS, pour lui dire que nous pourrions intensifier nos actions, si nous avions les moyens financiers pour pouvoir le faire. En conséquence, il m’a été indiqué que si j’avais une société pétrolière agréée par l’ONU qui souhaitait participé à l’achat de pétrole irakien dans le cadre légal de la résolution 681, il suffisait que je lui indique.

Je précise que ce n’est pas BR BS qui m’a proposé, et qu’il ne m’a jamais demandé quoique ce soit en retour. Je pense qu’il me respectait trop pour me demander cela.

Alors je ne connaissais pas le secteur pétrolier qui était totalement inconnu pour moi. J’ai eu l’occasion d’en parler avec plusieurs personnes, et là une de mes relations, BT BU, m’a dit qu’il connaissait un africain, ancien ministre des Affaires étrangères du Tchad, dont j’ignore le nom, qui a proposé la société Addax en Suisse pour ces

affaires. J’ai donc eu un entretien avec un de ces responsables, Monsieur DF De F, qui a donné son accord. Sa société était donc agréée par l’ONU. Il ajoutait « Le montage suivant a donc été retenu : Addax était la société contractante qui recevait et commercialisait le pétrole. Elle reversait les 3 cents à Court Consulting qui avait en charge de gérer ces fonds. Je ne voulais pas qu’ils viennent personnellement sur mes comptes car cela n’avait rien à voir » ».

DF de F confirmait qu’il pensait que I E avait bénéficié de pétrole irakien grâce aux contacts privilégiés qu’il avait avec BR BS, que les organes de contrôle de l’ONU n’étaient pas informés du fait que les allocations réalisées par la société Addax étaient en fait attribuées à I E.

BJ BV qui avait mis en relation I E et DF de F de la société Addax, société qu’il avait connu par l’intermédiaire de BT BU, indiquait qu’il avait été convenu qu’Addax achèterait le pétrole dont disposait I E. Et confirmait que I E obtenait ses allocations par BR BS car il développait un combat contre l’embargo pétrolier et soutenait AW AX. Selon lui les allocations pétrolières rémunéraient l’activisme politique de I E pour la levée de l’embargo.

Il ajoutait que I E lui avait en 2001 cité le nom de Petrolina comme celui de la société ayant remplacé la société Addax dans la gestion des allocations pétrolières le concernant mais qu’il avait fait part à I E de la demande de surcharges de la SOM0 et lui avait clairement expliqué qu’il ne pouvait pas le faire car il considérait cela comme illégal. Il avait même averti les experts pétroliers (« overseers ») de l’ONU. de ces demandes des irakiens de paiements de surcharges. BT BU confirmait l’essentiel des déclarations de DF de F. Il ajoutait que I E était également rémunéré et faisait profiter l’association Mouvement chrétien de la Ve République de ces fonds même s’il était arrivé que I E perçoive des espèces.

I E ne savait pas exactement de quelle quantité de barils il avait bénéficié mais évoquait le chiffre de 10 millions de barils. Il précisait qu’au total la société Court Consulting avait dû obtenir la somme de 350 000 USD ; elle avait reversé 85 000 USD à un ami, Monsieur D, avait fait acheter par cette société un appareil de mammographie pour l’hôpital de Bagdad (100 000 €). Cette société avait aussi financé la plupart des dîners, conférences de presse organisées à travers l’association Mouvement chrétien pour la Ve République ainsi que la plupart de ses déplacements en Irak et dans d’autres pays européens (à hauteur de 150 000 – 200 000 USD).

Dans un second temps il disait avoir demandé à BR BS d’obtenir des allocations pétrolières pour avoir des moyens financiers pour intensifier la lutte contre l’embargo et admettait que les allocations pétrolières attribuées par BR BS avaient permis d’obtenir des moyens financiers pour intensifier son activisme pour la levée de l’embargo.

Sans contester les indications figurant sur les documents provenant de la SOMO transmis par la commission d’enquête indépendante sur les allocations de barils qu’il avait perçues et commercialisées, il insistait sur le fait que toutes ses actions intervenues entre 1993 et 2002, étaient pour la plupart organisées sous l’égide du Mouvement chrétien de la Ve République, même s’il n’avait jamais dit à ces parlementaires qu’il était rémunéré par l’Irak au travers d’allocations de barils de pétrole, ajoutant « j’aurais préféré si j’avais d’autres moyens de me servir d’autres moyens que ceux-là. La rémunération était uniquement pour combattre ce que je considérais comme un embargo qui frappait le peuple irakien ».

Devant le magistrat instructeur, il confirmait le lien entre l’octroi de ces allocations et le développement de son activisme. Il pensait que BR BS décidait d’allouer des barils de pétrole à des personnes qui, comme lui, engageaient des actions pour combattre l’embargo ou à des « personnes qui de par leurs fonctions officielles avaient des réseaux pour obtenir la levée de l’embargo. Je pense qu’il s’agissait de personnes qui, de par leurs fonctions ou de par leurs fonctions passées, étaient en mesure de faire passer des messages ou d’influer pour la levée de l’embargo ».

Il citait BC B, AS-BE Q.

Selon le résumé des déclarations de BR BS devant la commission d’enquête indépendante, il avait recommandé les allocations de I E parce qu’il était à la tête d’un parti en France qui soutient les positions irakiennes.

I E admettait que ce système de paiement n’était pas très transparent et rigoureux ; « la traçabilité des fonds n’est pas limpide ».

À L’AUDIENCE DE LA COUR,

Monsieur E affirme ne s’être jamais réclamé de la qualité de parlementaire. Monsieur E décrit son parcours politique et affirme avoir appartenu à la « jeunesse gaulliste » et s’être toujours intéressé – et non uniquement à partir de 1996 – à la politique étrangère, et particulièrement à la politique arabe, de la France.

Monsieur E dit n’avoir pas fait usage de son influence, par ailleurs limitée, auprès de parlementaires français mais avoir simplement fait entendre sa voix en défendant l’idée qu’ils devaient se rendre en Irak. Sans contester avoir reçu des allocations de barils, il souligne, de première part, ne les avoir pas sollicitées et de seconde part avoir agi par conviction comme gaulliste de longue date, et en conséquence avoir utilisé les allocations à lui remises au sein de son association, sans garder quoique ce fut pour lui ; il ajoute avoir initié des actions humanitaires telles que la création d’un hôpital et n’avoir pas eu conscience de commettre une infraction dans la mesure où les fonds étaient issus des bénéfices d’une entreprise et non de l’État irakien.

Le ministère public souligne que tant les faits que les déclarations du prévenu démontrent qu’il a reçu huit allocations de barils et permettent de retenir que l’infraction est constituée ; il sollicite le prononcé d’une peine de 30 000 € d’amende dont une partie assortie du sursis.

SUR CE

Il convient de rappeler que la relaxe de I E du chef de corruption est définitivement acquise ; il lui est reproché d’avoir, entre 1997 et 2002, depuis temps non couvert par la prescription, sur le territoire national, en sa qualité de responsable d’association (Mouvement chrétien de la Ve République), sollicité et agréé en violation des dispositions de l’ONU sur le programme pétrole contre nourriture (notamment résolution 986), des allocations de barils de pétrole irakien (estimés en l’état à 13 millions de barils) vendus par l’intermédiaire des sociétés Addax, Petroline, BC Invest, en contrepartie de son influence réelle ou supposée auprès des autorités françaises pour défendre les intérêts irakiens et obtenir la levée des sanctions contre l’Irak.

À la date des faits l’article 433-2, alinéa 1, du code pénal relatif au trafic d’influence passif commis par un particulier applicable pour les faits commis du Ier mars 1994 au 1er janvier 2002 dispose : » Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 francs d’amende le fait, par quiconque, de solliciter ou d’agréer, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable ».

L’infraction est réputée commise sur le territoire national même si les dons ou présents ont été fournis par des agents publics étrangers dès lors que le but poursuivi est d’obtenir de I E qu’il abuse de son influence réelle ou supposée en vue d’obtenir du gouvernement français qu’il contribue à la levée de l’embargo mis en place par l’ONU à l’encontre de l’Irak.

Il est constant que parallèlement à son activité professionnelle, I E occupait des fonctions dans de nombreuses associations et que notamment il a créé en 1991 le mouvement chrétien de la Ve République dont il était le président et qui avait pour objet à l’origine le développement d’une action chrétienne en direction des pays d’Europe centrale après la chute du mur de Berlin.

II résulte de l’enquête et des propres déclarations de I E, qu’il connaissait depuis plus de 20 ans BR Azziz, chrétien comme lui, et avait à ce titre participé à la conférence internationale de Bagdad crée par ce dernier et que dès cette époque il avait organisé deux dîners débats auxquels participaient des parlementaires français, ce afin de les motiver à prendre position contre l’embargo.

I E a reconnu qu’après l’instauration de la résolution « Pétrole contre Nourriture » :

BR BS lui avait demandé d’intensifier sa lutte contre l’embargo et proposé de l’aider financièrement avec des dotations pétrolières ;

il lui avait répondu ne pouvoir faire plus financièrement au travers du Mouvement chrétien de la Ve République ;

BR BS lui avait demandé de proposer une société agréée par l’ONU à laquelle il allouerait du pétrole et qui le commercialiserait, l’allocation étant faite à titre personnel ;

la société qui commercialisait le pétrole rétribuerait l’allocataire, personne physique, sur ses bénéfices personnels ce qui permettrait à ceux qui, comme lui, combattaient l’embargo d’avoir leurs moyens augmentés.

Ne connaissant rien au pétrole, via un ami il s’était vu conseiller la société Addax, gros trader et qui avait une raffinerie en Afrique et des concessions au Nigéria, dont le Vice-président DF de F, rencontré fin 1996 ou début 1997 à Paris, avait donné son accord pour commercialiser le pétrole qui lui était proposé et qui recevait 3 cents par baril dont il était allocataire ; qu’il reconnaissait avoir été d’accord pour que sur la base d’un contrat conclu entre Addax et la société Court Consulting, cette société reçoive et rétrocède les sommes ainsi convenues pour éviter qu’elles ne transitent sur ses comptes personnels.

Il ressort des pièces de l’enquête et notamment des documents de la SOMO que I E a bénéficié entre 1997 et 2002 de 8 allocations exécutées de barils personnelles représentant un volume de plus de 12 millions de barils soit le versement de 373 500 environ de marge bénéficiaire.

Il résulte des déclarations de DF de F, de BJ BV et de I E lui-même, du résumé des déclarations de BR BS devant la commission d’enquête indépendante, qu’il existait un lien entre l’attribution de ces allocations et l’action politique menée par I E pour la levée de l’embargo ; il ressort notamment de l’enquête, des pièces découvertes en perquisition et des propres déclarations de I E que les actions menées en faveur de la levée de l’embargo se sont intensifiées en parallèle ; ainsi en perquisition étaient découverts :

une note de sa main adressée à un représentant saharaoui dans laquelle il indiquait notamment : (…) J’ai conduit de nombreuses délégations de parlementaires ainsi que deux médecins, organisé des dîners débats, des conférence de presse, des interventions auprès de personnalités etc… j’ai même violé l’embargo en faisant venir pour l’hôpital de Bagdad un appareil de mammographie ; à cette occasion j’ai tenu une conférence de presse avec le sénateur Pelchat et un cardiologue de saint CY ;

un autre grand diner débat avec BR BS en 1998. Il y avait au moins 140 personnes à la Maison de la Chimie. C’est Court Consulting qui a pris en charge une partie des dépenses payées en liquide à hauteur de 50 000 francs sur

le produit des ventes de pétrole. BR BS était présent à la tribune. Il est exact qu’indirectement ce dîner a été financé pour partie par le produit des ventes du pétrole irakien. Les invités ne savaient pas que c’était payé de cette manière-là ;

des correspondances échangées avec des parlementaires au sujet de voyages organisés en Irak en octobre 1998, un autre en octobre 1999, le courrier du sénateur Pelchat acceptant d’animer une conférence débat en décembre 2000 sur le thème « la France doit lever l’embargo inhumain qui frappe l’Irak » et de se rendre fin 2000 aux États-Unis pour remettre au Congrès une pétition de parlementaires Français contre l’embargo, un sénateur du Pas de Calais acceptant la même démarche pour « Irak Février 99 » ;

un carton d’invitation pour un dîner débat au Sénat en avril 2001 sur le thème « l’ONU doit lever l’embargo inhumain qui frappe l’Irak » dîner organisé par le Mouvement chrétien de la Ve République et 6 parlementaires dont BW BX.

I E admettait lui-même avoir développé ses actions contre l’embargo en contrepartie de l’octroi d’allocations et mentionnait 25 voyages accomplis sur cette période à Bagdad au cours desquels il rencontrait BR BS, des dîners débats en présence de journalistes des plus grands quotidiens et agences de presse au cours desquels des prises de paroles « anti embargo » avaient lieu ; il indiquait avoir aussi organisé la venue du président de « Irak France » pendant une semaine.

Dans des documents de la Somo il était cité comme député français (…) À la tête d’un parti en France qui soutient les positions irakiennes ; dans les télégrammes adressés par le représentant irakien en France à son gouvernement étaient également évoquées des réunions telle que le 12 avril 2000 en présence de madame G au cours desquelles des projets de « visite de solidarité » étaient cités de même que, sous la coordination de I E, une visite de Hans Von Sponek (coordinateur des Nations unies en Irak à Paris) ; il y était ajouté que le président de l’Assemblée Nationale de l’époque était opposé à l’embargo ;

Il résulte des éléments du dossier et des déclarations de I E lui-même qu’il a reçu au cours de la période de prévention 8 allocations de barils qui ont été exécutées.

Si I E soutient qu’elles lui ont été proposées par BR BS pour lui permettre d’intensifier l’action de l’association Mouvement chrétien de la Ve République et qu’il ne les a en aucun cas sollicitées, il est indifférent au regard de la rédaction de l’article 433-2 en son premier alinéa que les dons aient été agréés plutôt que sollicités comme il le soutient.

I E soutient par ailleurs, que comme l’a retenu le tribunal, son influence était relative. Reste que l’article 433-2 du code pénal dispose que l’infraction est constituée que l’influence soit réelle ou supposée et notamment même si l’influence est largement sur estimée par celui qui remet les présents.

À cet égard les éléments ci-dessus rappelés, dont les documents retrouvés en perquisition, attestent de l’activisme de I E non seulement en direction de l’Irak, où il est photographié en compagnie de BR BS et d’autres dirigeants, mais en France et également en direction des États-Unis, actions nécessairement relayées par le représentant irakien en France, ainsi qu’en témoignent des télégrammes, à telle enseigne que dans la synthèse des déclarations de BR BS il est indiqué que les allocations lui ont été allouées « parce qu’il est à la tête d’un parti en France qui soutient les positions irakiennes » ; au demeurant I E menait en France de très nombreuses actions, dont il convient, lesquelles reportées par le représentant de l’Irak en France, entretenaient la conviction que I E avait une réelle influence en France.

En outre il est indifférent que la décision favorable espérée, c’est-à-dire la levée de l’embargo ou à tout le moins son aménagement, n’ait pas été obtenue.

Par ailleurs I E fait valoir avoir agi uniquement au nom de ses convictions de gaulliste historique défendant la politique arabe de la France au service du peuple irakien ; certes il ressort du dossier que I E était dès avant la mise en oeuvre du programme Pétrole contre Nourriture proche de BR BS, dont il partageait les convictions ; il reste que la poursuite de l’engagement idéologique de I E était possible sans réception d’allocations commercialisées par Addax.

Bien plus l’analyse du dossier fait clairement apparaître que l’obtention de ces avantages a permis à I E de décupler parallèlement les interventions de son association si ces allocations de barils de pétrole ont pu être attribuées à l’origine en raison de liens personnels tissés avec des dirigeants irakiens ou en lien avec des prises de positions personnelles analysées par les dirigeants irakiens comme favorables au régime irakien, il reste que durant la période de prévention il a été fait le choix par le prévenu de monnayer ses prises de position en échange d’allocations, choix dont I E avait conscience de l’illicéité puisqu’il a lui-même déclaré n’avoir pas informé les parlementaires et bénéficiaires de voyages des modalités de financement, se doutant que certains s’en offusquent.

En outre que I E fait valoir qu’il n’a en rien profité personnellement des dons reçus, tout étant consacré aux actions menées par l’association dont il était le président, allant jusqu’à des investissements réalisés en Irak dans l’intérêt du seul peuple irakien tel que l’apport de matériel médical ; pour respectable que soit l’engagement idéologique et politique ancien de I E et acquise la réalité de son implication humanitaire, ces arguments s’analysent en de simples mobiles susceptibles d’influer sur le seul quantum de la peine sans faire disparaître les éléments constitutifs de l’infraction.

En conséquence qu’il y a lieu, infamant la décision déférée, de déclarer I E coupable d’avoir entre 1997 et 2002 en sa qualité de responsable de l’association Mouvement chrétien de la Ve République agréé en violation des dispositions de l’ONU sur le programme Pétrole contre Nourriture des allocations de barils irakien estimées à 12 millions 445 000 de barils vendus par l’intermédiaire d’une société Addax en contrepartie de son influence réelle ou supposée auprès des autorités Françaises pour défendre les intérêts irakiens et obtenir la levée des sanctions contre l’Irak.

Sur la peine :

I E, marié, sans enfant à charge, perçoit une retraite mensuelle de 2 800 € au titre de ses nombreuses activités de salarié et paye un loyer mensuel de 887 €.

Au regard de ces éléments de personnalité, de l’ancienneté des faits et de leur nature il y a lieu de prononcer à l’encontre de I E une peine d’amende de 5 000 € assortie du sursis.

SUR LA CORRUPTION D’AGENT PUBLIC ÉTRANGER

Dans la mesure où les conseils des prévenus poursuivis de ce chef concluent essentiellement en droit et soutiennent que les éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas réunis à la date des faits, il sera d’abord répondu à leurs moyens avant d’examiner l’implication personnelle de chacun des mis en cause.

Sur les éléments constitutifs de l’infraction :

Le second alinéa de l’article 435-3 du code pénal dans sa rédaction résultant de la loi du 30 juin 2000 transposant en

droit français la convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics dans les transactions commerciales internationales, traité signé à Paris le 1er décembre 1997 dispose :

« Pour l’application de la convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de dix ans d’emprisonnement et de 1 000 000 francs d’amende le fait de proposer sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public dans un État étranger ou au sein d’une organisation internationale publique, qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction ou de son mandat ou facilité par sa mission, sa fonction ou son mandat en vue d’obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.

Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l’alinéa précédent qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte visé audit alinéa ».

Il est constant que les opérations visées à la présente espèce d’achat en vue de la revente de cargaisons de pétrole provenant d’un État étranger s’analysent en des transactions commerciales internationales.

Sont concernées les opérations conclues postérieurement au premier octobre 2000 et jusqu’au 20 mars 2003 date de l’invasion de l’Irak par la coalition menée par les États-Unis.

Leur contexte et notamment les trois résolutions de l’ONU dans le cadre du programme OFF ont été rappelés supra.

Outre ces trois résolutions qui cernent le litige en droit international, un quatrième document est intervenu. Le 20 mai 1996 était conclu un protocole d’accord entre le Secrétariat général de Nations unies et le gouvernement irakien, dont l’objet était, selon son intitulé, d’assurer la mise en oeuvre par l’Irak de la résolution 986.

Ce protocole avait notamment pour objet d’organiser le plan de distribution de pétrole en Irak des denrées alimentaires et médicaments acquis via les ventes de brut irakien et le fonctionnement du compte séquestre. Il sera revenu sur ce texte dans le cadre de l’analyse des éléments constitutifs de l’infraction visée à l’alinéa 2 de l’article 435-3 du code pénal.

Les conseils des prévenus font principalement plaider que l’infraction de corruption d’agents publics étrangers n’est pas constituée pour des motifs de droit articulés autour du fait que :

* les surcharges n’ont pas été obtenues « sans droit » et que le juge français n’est pas compétent pour juger que des paiements exigés par l’État irakien l’ont été « sans droit » dès lors que le Protocole n’a pas été transposé en droit interne irakien,

* la résolution 986 n’a jamais été introduite en droit interne irakien et la pratique des surcharges n’était pas prohibée en Irak,

* l’État irakien en ayant décidé souverainement et en ayant été le seul bénéficiaire : cette décision ayant été prise en Conseil des ministres irakien par l’État pour financer certaines de ses dépenses,

* l’organisation des flux d’argent était contrôlée par le régime irakien et la SOMO.

Certains des éléments constitutifs de l’infraction ne font pas réellement débat dès lors qu’il est acquis que les prévenus sont renvoyés au visa du second alinéa de l’article 435-3 du code pénal en vigueur en 2000.

Tel est le cas du fait d’avoir « cédé », terme repris dans chacune des préventions et qui correspond à l’attitude qui est reprochée aux neufs prévenus contre lesquels celle-ci est retenue.

Le fait que la personne aux sollicitations de laquelle il a été cédé soit à une personne visée à l’alinéa précédent c’est- à-dire « une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public dans un État étranger ou au sein d’une organisation internationale publique » ne fait pas davantage difficulté dès lors qu’il ressort du dossier que la SOMO (State Oil Marketing Organisation) était une entreprise d’État comme son nom l’indique, rattachée au ministère du Pétrole, et qu’en conséquence ses agents étaient chargés d’une mission de service public, en l’espèce le monopole de la commercialisation du pétrole irakien.

La personne visée à l’alinéa 2 de l’article 435-3 du code pénal doit avoir :

« sollicité », s’agissant de cette action il est constant que les agents de la SOMO sollicitaient en plus du prix de vente Osp versé sur le compte séquestre de l’ONU à NYC des surcharges calculées en cents () par baril dont le montant fluctuait dans le temps ;

« sans droit » ; à cet égard il convient d’abord d’indiquer que la structure même de la phrase dans laquelle le terme « sans droit » est inséré après le verbe « sollicite » suffit à établir que cette locution s’applique au solliciteur, soit en l’espèce aux agents de la SOMO.

Il convient donc de rechercher si comme le soutiennent les conseils de la plupart des prévenus de ce chef ces agents publics étrangers agissaient sans droit ou conformément au droit, voire dans une hypothèse où il n’y aurait pas de règle de droit.

Il ne saurait être raisonnablement soutenu, ce qui serait contraire à la lecture même du dossier telle qu’elle en est proposée par les prévenus, que les agents de la SOMO agissaient en toute « liberté » en l’absence de toute règle, même si celle-ci n’a pas été matérialisée par un écrit.

Dès lors il convient de s’interroger sur le fait de savoir si les agents irakiens agissaient selon des instructions conformes au droit irakien ou contraires à celui-ci, ce qui revient à répondre aux conclusions développées par les prévenus sur le fait que les résolutions de l’ONU n’auraient jamais été intégrées en droit irakien.

C’est à ce stade qu’il convient de revenir sur le protocole signé le 20 mai 1996, soit bien antérieurement aux faits de l’espèce.

Ce protocole a été conclu le 20 mai 1996 entre le Secrétaire général de l’ONU et le gouverneur de l’Irak, au terme d’âpres négociations de 13 mois résultant de l’attachement de AW AX à la souveraineté de l’Irak ; il convient de rappeler que les résolutions adoptées dans le cadre du programme OFF mentionnent systématiquement qu’elles s’inscrivent dans le cadre du respect de la souveraineté de l’Irak.

Ce protocole de plusieurs pages était un protocole d’accord relatif, comme l’indique le terme « Implementation » inséré dans son titre, à la mise en oeuvre de la résolution 986 du conseil de sécurité.

Cet acte n’est pas un acte unilatéral imposé à l’Irak ; il est a contrario un acte bilatéral, négocié et signé par un représentant qualifié de l’Irak et il n’a pas été par la suite dénoncé par l’Irak.

Dès lors qu’il a été ainsi adopté, avec la nécessaire approbation de AW AX sous la tutelle duquel oeuvrait le gouverneur de l’Irak, le protocole a intégré le droit interne irakien et il s’impose à toutes autres normes internes contraires, s’agissant d’un texte à valeur supranationale.

En réponse aux conseils des prévenus qui font valoir que pour autant le juge français n’a pas qualité pour apprécier si les agents irakiens se trouvaient « sans droit »', il sera répondu qu’à cette date soit en 1996, il n’y avait en Irak aucun parlement élu, que le centre du pouvoir était le conseil de commandement de la Révolution, présidé par AW AX, organe qui se substituait à la représentation parlementaire et qu’en conséquence l’intégration de la résolution 986 ne pouvait être le fait d’une loi régulièrement votée.

Les échanges commerciaux internationaux visés à la prévention étaient régis par le programme Pétrole contre Nourriture issu de la résolution 986 du conseil de sécurité laquelle supplantait le droit irakien et toute décision interne, lequel programme ne prévoyait pas, et même interdisait les surcharges, tout paiement devant passer par le compte séquestre, étant observé de surcroît que ces résolutions avaient été intégrées en droit interne par le protocole de 1996.

Il sera retenu en conséquence que les surcharges étaient obtenues sans droit.

« à tout moment », ce point ne souffre pas de réelle difficulté dans la mesure où il ressort du dossier que l’exigence des surcharges corruptrices était antérieure ou a minima concomitant à l’exécution du contrat, dès lors qu’il est acquis aux débats que l’enlèvement physique des cargaisons à partir du port de Bassora était subordonné au paiement de surcharges pendant les phases y donnant lieu ; les surcharges liées à des contrats déterminés en font partie intégrante et en conséquence le pacte de corruption est partie du contrat dont le support est la personnal request ;

« directement ou indirectement », ne pose pas davantage question ;

des offres, des promesses, des dons, des présents ou « des avantages quelconques » ce point n’appelle pas de commentaire dans la présente espèce et n’est l’objet d’aucune contestation étant observé que l’avantage est ici la surcharge ;

la condition relative à « l’enrichissement » : l’article 1, § 1, de la Convention OCDE du 21 novembre 1997 sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales dont est inspirée l’incrimination française de corruption active d’agent public étranger ne prévoit pas davantage que la corruption suppose l’enrichissement personnel du corrompu ; il doit être d’abord rappelé que c’est la loi de 2007 qui a intégré dans la définition des délits de corruption l’expression « pour son compte ou pour autrui » ; par ailleurs sous l’empire des textes antérieurs à 2007, le fait que l’avantage le don profite à autrui pouvait servir de base à une condamnation pour corruption nationale, l’enrichissement n’était pas exigé ; quant au terme « quelconque » il est de longue date retenu que l’avantage ne profite pas au corrompu, c’est-à-dire en l’absence d’enrichissement, dès lors que le délit vient sanctionner non un enrichissement mais comme le signifie sa place au Livre IV du code pénal un manquement à la probité.

Si les surcharges n’ont certes pas enrichi les agents de la SOMO, dès lors qu’elles ont finalement crédité les comptes de la BCI, les prévenus soutiennent qu’elles s’analyseraient en des taxes, en un impôt versé, certes par des voies détournées, à l’État irakien, ce qui ne saurait s’analyser en une volonté de commettre un acte de corruption ; cet argument qui se présente comme une variante du précédent doit également être écarté parce que comme il a été déjà dit la corruption réprime un manquement à la probité que ce soit au plan national ou international.

Au plan international la convention OCDE poursuit clairement un objectif de transparence dans les relations commerciales internationales et des conditions de libre concurrence ; en aucun cas elle ne pose donc l’enrichissement personnel comme élément condition de l’infraction de corruption ; bien au contraire elle retient que l’avantage indu, qui peut ne pas être pécuniaire, peut être au profit d’un autre.

Cette analyse doit être retenue fut ce si le bénéficiaire final est l’État Irakien ; en effet cette hypothèse n’est pas écartée par la convention OCDE, à l’aune de laquelle doit être interprété l’article 453-3 du code pénal, au regard duquel elle tient lieu de travaux parlementaires.

En outre il ressort de pièces du dossier, notamment d’un document coté D 3195 par lequel le fils du président est autorisé à retirer des caisses de la BCI une somme représentant 1 milliard de , qu’il régnait en Irak une confusion entre l’État et son président.

En outre aucun élément du dossier ne vient étayer la thèse selon laquelle les prévenus, personnes rompues au commerce international de pétrole, pour certains diplomates de carrière, auraient, fut ce subjectivement et un seul instant, pu analyser les surcharges en des taxes, dès lors qu’il n’existait aucun texte écrit les fondant, en l’absence de toute caractéristique pouvant les faire analyser comme des taxes en raison notamment de leur caractère éminemment variable à intervalle rapproché selon les phases du programme. Il sera noté en outre que comme l’a maintes fois rappelé le conseil de la société Total, et comme cela est corroboré par les tableaux versés au dossier les surcharges étaient appliquées de façon aléatoire, selon les États et même les cargaisons ; en outre ces « taxes » empruntaient des circuits de règlement clandestins et là encore variables, étaient versés non pas sur des comptes de l’État irakien ni même de la SOMO, mais sur des comptes ouverts hors de l’Irak sous des noms de personnes physiques, en passant par des sociétés écrans. A eux seuls ces éléments suffisaient à démontrer qu’il n’était nullement question de s’acquitter d’un impôt mais de s’inscrire dans un schéma corrupteur.

Pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction ou de son mandat ou facilité par sa mission, sa fonction ou son mandat en vue d’obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international, il s’agissait là d’éviter que la source d’approvisionnement en pétrole irakien ne se tarisse comme l’avaient d’ailleurs relevé des membres de la DTS de Total

Au terme de ces développements la cour retient que les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis et ils ne seront, sauf exception, pas repris lors de l’examen de la situation de chaque prévenu.

A) AS DH H

Il est reproché au prévenu à AS DH H d’avoir d’octobre 2000, courant 2001 et depuis temps non couvert par la prescription, cédé aux sollicitations d’agents publics irakiens, personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif dans un État étranger, sollicitant sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elles-mêmes ou pour autrui, afin d’obtenir qu’elles accomplissent ou s’abstiennent d’accomplir un acte de leur fonction, de leur mission ou de leur mandat, ou facilité par leur fonction, leur mission leur mandat, en l’espèce en acceptant et en organisant la rétrocession, en violation des dispositions des résolutions 661 et 986 de l’ONU, au bénéfice des dirigeants irakiens, sur des comptes ouverts à l’étranger au nom de fonctionnaires irakiens, d’une partie du produit des ventes de la société Ibex d’allocations de barils octroyées par la SOMO, organisation irakienne d’État pour la commercialisation du pétrole, pour obtenir des autorités irakiennes l’attribution de nouvelles allocations de barils de pétrole, AS DH H a créé, en 1981 une société devenue en 1991 la société Ibex France, dont Je siège est à Paris et qui a pour activité le courtage de produits pétroliers, il achetait à des sociétés telles que CG, Glencore, Addax, Trafigura et revendait à des sociétés pétrolières via des introductions de courtage, moyennant

une commission de courtage de 5 cents de par barils. Cette société faisait partie des sociétés agréées et elle avait conclu avec la SOMO trois contrats dont les contrats M/09/81 et M/10/08 comportaient des surcharges.

Il s’appuyait également sur d’autres entités telles que Ibex Bermudes créée pour développer un business en Irak à compter de 1998 ainsi que Ibex BVI à compter de 2001.

Enfin Windmill sise aux BVI avait été « apportée toute faite » par les banquiers de Trafigura et il en était aussi le gérant ; il disait que c’était une société tiroir créée pour les besoins de ces contrats.

Le contrat MI09/81 avait fait l’objet d’une surcharge de 794 594 € réglés par la société Windmill entre le 24 avril 2001 et le 20 juin 2001. Le financier sous-jacent était la société Trafigura créée en 1993 ayant son siège social en Suisse.

Le second avait donné lieu à une surcharge de 838 548 € réglée par Windmill entre le 24 avril 2001 et le 5 octobre, le dernier versement intervenant via Ibex le 17 octobre 2001. Le financier sous-jacent était une société Most.

C’est un total de 4 millions 266 barils qui étaient ainsi auprès de la SOMO par la société de droit français Ibex France.

L’exploitation des scellés laissait penser que Ibex était une coquille vide qui servait de prête nom dans les demandes d’autorisation/ NU (D 2134/8).

Il indiquait que les opérations se déroulaient selon le schéma suivant : Ibex donnait à Windmill qu’il gérait l’ordre de payer les surcharges, ce que celle-ci faisait à partir d’un compte dont elle disposait au Liban ce qui facilitait les versements vers les comptes des agents de la SOMO également ouverts au Liban.

L’examen de ce schéma fait par AS DH H lui-même met en évidence le fait que le pivot de l’opération est Ibex France car elle est la seule à disposer d’un agrément pour acheter du pétrole à la SOMO ; le pétrole entre dans le patrimoine de Ibex France qui le cède à son financier sous-jacent qui lui verse sa marge bénéficiaire de 3 à 8 cents, marge qui permet de financer les surcharges via Windmill BVI gérée également par AS DH H, dont le centre des intérêts économiques et financiers étaient logés dans la société Ibex France, à travers laquelle il prenait les décisions et donnait les instructions de paiement, lui seul possédant la signature tant chez Ibex BVI qu’au sein de Windmill.

En cours d’enquête il disait avoir entendu dire que les dirigeants irakiens veulent donner pétrole à des personnes qui sont des professionnelles pour trouver à les commercialiser ; il ajoutait que l’Irak lui propose des allocations de Barils non à raison de son influence mais pour procéder à des rétrocessions sur des comptes en Jordanie/Liban au titre des surcharges.

Sur les surcharges, il admettait que son représentant sur place mais aussi CA et Razouki de la SOMO lui disaient que si le paiement de surcharges n’était pas intervenu lors de la signature du contrat, il ne serait suivi d’aucun autre et qu’il avait sciemment payé à l’insu de la BNP et directement à la SOMO le montant de surcharges qui évoluait entre 8 à 18 cents lors du paiement de la cargaison. Il ajoutait que le fait de payer des surcharges ne posait pas de problème car les marges restaient importantes.

À l’audience devant la cour il confirmait :

que l’agrément de la SOMO avait été donné à la société Ibex France,

que les versements des surcharges, s’agissant des contrats M/09/81 et M/10/08, ont été effectués par la société Windmill entre les mois d’avril et d’octobre 2001, via la société Windmill, société financière lui appartenant et constituée pour le règlement des surcharges,

que la société Windmill trade limited avait été créée sous le contrôle de Ibex Bermudes pour satisfaire les exigences de la SOMO et que plusieurs personnes faisant fonctionner les comptes de cette société, il était obligé de prendre l’initiative de le faire pour éviter le retard du paiement des irakiens,

que le versement des surcharges était contraire au règlement des Nations unies instaurant le programme « Pétrole contre Nourriture » et que, malgré le paiement de cette surcharge, le prix du baril de pétrole demeurait financièrement intéressant,

qu’il est impossible que le personnel de la SOMO, qui changeait constamment, ait pu bénéficier de ce système et que donc seule la SOMO, qui était rattachée au ministère des Hydrocarbures, en bénéficiait et que l’ensemble des surtaxes était versé à la Banque centrale Irakienne et que dès lors celles-ci n’étaient pas « corruptives » s’agissant d’une sorte de taxe imposée par un État souverain.

Monsieur H poursuit en affirmant que, les « overseaers » basés à New York, qui étaient de fins connaisseurs du pétrole, en fixaient le prix avec les irakiens et la SOMO et qu’à partir de la neuvième phase, les « overseaers » ont augmenté leur marge afin de faire réagir les irakiens.

Monsieur H ajoute enfin que l’obtention des documents par les américains au cours d’une guerre illégale – puisque non approuvée par le Conseil de sécurité des Nations unies – est illicite et ceux-ci ne devraient donc pas être utilisés dans le dossier.

SUR CE

Les développements du système de défense de AS DH H fondés sur l’existence d’un complot américain seront écartés comme hors sujet.

Pour le surplus AS DH H a décrit avec précision comment il avait choisi pour bénéficier d’autres allocations de barils de céder aux demandes de surcharges irakiennes et de les verser via des sociétés écrans sur des comptes irakiens ouverts au Liban et non à la BNP de NYC ce en toute connaissance de cause.

Son conseil développe lui aussi ses conclusions selon lesquelles l’infraction ne serait pas caractérisée, les pièces du dossier ne permettant pas de définir que les solliciteurs se trouvaient « sans droit ».

Il a été répondu supra dans les développements sur les éléments constitutifs de l’infraction à ces moyens.

Sur la peine :

Monsieur H est divorcé, sans enfant à charge, il perçoit 2 500 € par mois au titre de ses revenus fonciers, il possède 25 % des parts d’une SCI familiale (agriculture) ainsi que des parts dans une autre SCI (immobilier). Il est locataire d’un logement dont le loyer mensuel s’élève à 950 €. Au titre de l’année 2014, il a versé environ 42 000 € d’impôts. II n’exerce aucun mandat social ou activité dans le secteur pétrolier. Ses domaines d’expertise ont été celui de la banque et du pétrole.

Au regard des éléments de personnalité, de l’ancienneté des faits mais aussi de leur nature il y a lieu de prononcer en répression une peine de 50 000 € d’amende.

B) BF L

Il est reproché à BF L d’avoir, à Paris et sur le territoire national, à compter d’octobre 2000, courant 2001 et depuis temps non couvert par la prescription, cédé aux sollicitations d’agents publics irakiens, personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une de mission de service public ou investies d’un mandat électif dans un État étranger, sollicitant sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elles-mêmes ou pour autrui, afin d’obtenir qu’elles accomplissent ou s’abstiennent d’accomplir un acte de leur fonction, de leur mission ou de leur mandat, ou facilité par leur fonction, leur mission leur mandat, en l’espèce en acceptant et en organisant la rétrocession, en violation des dispositions des résolutions 661 et 986 de l’ONU, au bénéfice des dirigeants irakiens, sur des comptes ouverts à l’étranger au nom de fonctionnaires irakiens, d’une partie du produit des ventes de la société Tanker Oil & Gas d’allocations de barils octroyées par la SOMO, organisation irakienne d’État pour la commercialisation du pétrole, pour obtenir des autorités irakiennes l’attribution de nouvelles allocations de barils de pétrole.

Un seul contrat est en cause le M/09/64 portant sur 2 millions de barils acquis via Tanker Oil and Gas, le sous-jacent étant Taurus qui était l’acquéreur final.

L’allocation à l’origine de ce contrat est une special request attribuée à BF L en personne, la société agréée pour l’obtention de l’accord de l’ONU était Tanker Oil and Gas, dont il a reconnu détenir 25 % du capital et être gérant de fait.

Il ne conteste pas avoir eu connaissance de l’existence de surcharges « comme tout le monde » avant même la signature du contrat, signé fin décembre 2001.

Ces surcharges de 449 178 ont été versées sur des comptes ouverts à la Jordan Bank au profit de V BY et AW al Zibn CA agents de la SOMO en trois fois en 2001 (19 févr., 19 juill3, 30 juill.). Le rapport de la commission indépendante permettait de retrouver des justificatifs de versements sur les comptes de responsables de la SOMO à la demande de BF L.

BF L a relaté ce qui est confirmé par d’autres protagonistes du dossier, journaliste et écrivain en matière économique ; il avait en 1999 rencontré un hommes d’affaires J qui lui avait raconté que S. AX avait octroyé général K des champs de pétrole pour son rôle dans la guerre Iran/Irak ; l’idée d’exploiter ces champs intéressait BF L qui contactait Louis DI DJ dont il avait un temps couvert le procès et une réunion à 4 dans le bureau de J s’était tenue au terme de laquelle avait été créée Tanker Oil Gas à parts égales à 4 ; s’en était suivi un voyage en Irak (le premier pour lui alors que les autres connaissent déjà l’Irak) à l’occasion duquel avait eu lieu une rencontre avec le président de la North Oil company et AW al Zibn CA de la SOMO, qui débouchait sur une étude de faisabilité qui concluait qu’il était possible de tirer 300 000 M de barils par champs ; était alors signé un accord de joint-venture portant sur 60 % à NOC 40 % Tank Oil Gas ; aux termes d’une vingtaine de voyages il s’avérait que ces projets étaient dépourvus de pertinence.

Selon BF L c’est dans ce contexte que BZ CA lui proposait 2MB « pour compenser cet échec mais aussi pour qu’il amène des gens connus comme étant favorable au régime » allocation qu’il avait un mois pour réaliser.

Il ajoutait que en sachant comment commercialiser cette allocation Louis DI DJ lui avait présenté un

trader du nom de I, qui avait suggéré d’ouvrir un compte en Jordanie au nom de L et de domicilier dans les locaux de la TOG à Paris, I ayant été rémunéré pour sa mission de conseil par la TOG sur un compte d’une société gérée par I seul.

L a toujours admis avoir eu connaissance des surcharges et de l’existence de rétrocessions à payer par l’allocataire sur un compte en Jordanie, ajoutant « pour moi c’est le trésor de guerre de S. AX ».

À l’audience devant la cour BF L confirme avoir souhaité faire des affaires avec messieurs J et K en vue d’exploiter des champs de pétrole situés en Irak et y faire participer à Monsieur DI DJ.

Il confirme avoir créé la société Tanker Oil & Gaz et avoir rencontré, lors d’un voyage en Irak, le président de la SOMO ainsi que BR BS.

Monsieur L confirme avoir signé le contrat M09/64 pour 2 millions de barils de pétrole et reçu une allocation et versé le montant des surcharges sur un compte à la Jordan Bank en trois fois selon lui à Madame M de la SOMO.

Il avoue qu’il connaissait le principe des surcharges et ajoute qu’il aurait été difficile pour lui de l’ignorer eu égard à la fréquence de ses voyages et à sa qualité de journaliste. Il affirme avoir fait du trading dans l’unique but de poursuivre ses relations avec l’Irak et de ne pas être décrédibilisé vis-à-vis de Monsieur BR BS.

Monsieur L CB avoir affirmé que lesdits fonds servaient à alimenter le « trésor de guerre de Monsieur AW AX », personne ne sachant véritablement à quoi servait cet argent, certains pensant qu’il était utilisé pour rémunérer les fonctionnaires non payés.

SUR CE

Il résulte de ces éléments que d’une part BF L avant d’accepter son allocation et de signer son contrat connaissait le système des surcharges et d’autre part qu’il a mis en place depuis Paris, en concours avec J-L I, le dispositif de corruption en faisant ouvrir un compte à son nom en Jordanie.

Ce paiement de surcharges en toute connaissance de cause pour obtenir le maintien d’allocation caractérise le délit de corruption d’agent public étranger à son encontre, lequel a été mis en place depuis Paris, ce qui permet de retenir la compétence de la juridiction française.

Sur la peine :

BF L est marié, avec deux enfants de 37 et 42 ans à charge, il est sans activité et sans revenu depuis un an. Il affirme être aidé par des amis.

Il y a lieu prenant en compte ses éléments de personnalité, l’ancienneté des faits mais aussi la nature et le contexte de l’infraction de prononcer à son encontre une peine d’amende de 20 000 €.

C) CC N

Il est reproché à CC N d’avoir, à Paris et sur le territoire national, à compter d’octobre 2000, courant 2001 et depuis temps non couvert par la prescription, cédé aux sollicitations d’agents publics irakiens, personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif dans un

État étranger, sollicitant sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elles-mêmes ou pour autrui, afin d’obtenir qu’elles accomplissent ou s’abstiennent d’accomplir un acte de leur fonction, de leur mission ou de leur mandat, ou facilité par leur fonction, leur mission leur mandat, en l’espèce en acceptant et en organisant la rétrocession, en violation des dispositions des résolutions 661 et 986 de l’ONU, au bénéfice des dirigeants irakiens, sur des comptes ouverts à l’étranger au nom de fonctionnaires irakiens, d’une partie du produit des ventes de la société EOTC d’allocations de barils octroyées par la SOMO, organisation irakienne d’État pour la commercialisation du pétrole, pour obtenir des autorités irakiennes l’attribution de nouvelles allocations de barils de pétrole,

b) d’avoir, sur le territoire national, à compter d’octobre 2000, courant 2001, depuis temps non couvert par la prescription, en sa qualité de gérant de la SARL EOTC, de mauvaise foi, fait des biens et du crédit de la société un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement, en l’espèce en utilisant la trésorerie sociale pour payer à hauteur d’environ 1,5 millions de dollars des commissions destinées à agents publics irakiens, pour les rémunérer en vue de l’obtention par corruption d’allocations de barils de pétrole, faisant ainsi courir un risque pénal à la société, faits prévus et réprimés par les articles 435-3, 435-14 du code pénal, L. 241-3-4° du code de commerce.

Sur les faits :

Il ressort de l’enquête que CC N après avoir exercé des activités de négoces dans divers domaines principalement la pharmacie a envisagé de pénétrer en Irak dans ce domaine et après avoir essuyé un échec a créé la société EOTC, dont il était le gérant de droit, pour commercialiser du pétrole avec un médecin, DK CH BH, et un homme d’affaires irakien.

Il a obtenu via cet homme l’information selon laquelle « seul S. AX, BR BS et le fils de AX peuvent donner barils confirmation obtenue de la SOMO dont le directeur était un nommé CA ».

Pour se faire connaître il a organisé un vol anti embargo en novembre 2000 intitulé « l’embargo tue des enfants » avec 12 personnes françaises dont des membres du Front national ; à l’occasion de ce voyage, dont il disait que cette rencontre lui avait ouvert les portes pour obtenir des allocations et les revendre avec marge, il rencontrait BR BS.

Figure au dossier une lettre d’une co-mise en examen, dont la relaxe n’a pas été frappée d’appel, madame CD CE qui indique à un nommé CA de la SOMO « (…), il est très anti embargo, il est gaulliste maire du 9e son père est au parlement européen, ils sont proches de Pasqua ministre de l’Intérieur français ».

C’est ainsi qu’il recevait immédiatement après un télex de la SOMO lui demandant de venir pour préciser le montant de son allocation et qu’il recevait 4MB pour 1er semestre 2001.

Il ajoutait que comme sa société n’avait pas l’argent pour financer ces allocations, il faisait appel à CF CG avec lequel il signait un contrat prévoyant la marge de ce dernier pour son entremise.

Il ajoutait que les opérations se déroulaient selon le schéma suivant : la SOMO envoyait un télex indiquant le montant de l’allocation, la date à laquelle elle devait être retirée, précisions qu’il devait donner en retour ; il ajoutait que parallèlement ce télex était adressé à l’ONU qui renvoyait son accord à la SOMO ; il n’était plus formel sur l’existence d’un document contenant la possibilité d’ouvrir une lettre de crédit au nom d’EOTCaillet

Parmi les documents transmis par la commission indépendante figurait une « lettre » du 30/01/01 rédigé par CC N à destination de CA de la SOMO dans lequel il s’engageait à rétrocéder vers les comptes de la SOMO

une surcharge de 0,30 B pour la destination de US et de 0,25 si la destination était l’EU ; sur ce point CC N indiquait « Oui j’ai signé devant CA pensant que pas lié tant que je n’avais pas payé… pensant pouvoir garder la commission ce que j’ai d’ailleurs proposé lors 1er contrat à mon associé qui a refusé pour faire commerce plus longtemps ».

II ressortait des données de l’enquête auprès de la SOMO que sur 5 contrats signés entre SOMOIEOTC deux avaient fait l’objet de surcharges le M/09/39 conclu le 30 janvier 2001 et le M/10/02 conclu le 11juillet 2001 ; le premier avait donné lieu au règlement entre le 21 mars et le 11 novembre 2001 de 992 630 dollars et le second de 497 310 dollars le 11 novembre 2001 soit un total de 1 490 000 dollars, qui dans un premier temps étaient versés sur un compte ouvert à la Jordan Bank par DK CH BH puis reversés dans la même banque sur les comptes Chouaieb et CA.

Les recherches dans les documents bancaires de la Jordan Bank permettaient de retrouver la trace de ces versements effectués sur deux comptes ouverts sous deux noms de Chouaieb et CA fonctionnaires de la SOMO.

Au cours de l’information comme à l’audience il a reconnu avoir payé ces surcharges en 6 versements d’un total de 1 490 000 dollars correspondant à l’achat de 4 millions de barils, via la SARL EOTC, société de droit français sise à Paris, dont il était le gérant de droit. II a confirmé que le financier sous-jacent était en l’espèce CF CG.

Les sommes nécessaires au paiement des surcharges ont transité par la société EOTC entrant puis ressortant de son patrimoine sur la décision du gérant à destination de son associé irakien qui les a reversées sur un compte jordanien.

II a déclaré avoir dès l’origine eu conscience que via son voyage il s’ouvrait les portes pour « acheter la décision d’octroi de ces allocations » et « que l’argent allait être touché par S. AX et son entourage » ; il a ajouté : « je ne suis pas naïf AW AX ne collecte pas de l’argent pour le bien de son pays… je n’ai pas cherché à en savoir plus ».

À l’audience Monsieur N indique avoir créé la société EOTC dans le but d’obtenir l’agrément de la SOMO.

Il précise, qu’en général, il ne participe à aucun marché public. II précise qu’une personne basée en Espagne, et qu’il avait rencontrée par l’intermédiaire de Monsieur CF CG, s’occupait de tout.

Monsieur N affirme avoir hésité avant de signer les contrats mais qu’après leur signature, il a perçu l’argent en tout connaissance de cause. En revanche, il estime qu’il ne s’agit pas de faits de corruption dans la mesure où les contrats ont été signés avec le ministère du Pétrole irakien. Monsieur N affirme qu’il ne pouvait pas savoir qui était le bénéficiaire final des « taxes » payées à une dizaine de personnes de la SOMO. Il ajoute que lorsque l’on traite avec certains pays, une partie des taxes revient aux dirigeants (exemple des droits de douanes).

Monsieur N ajoute que les marges étaient faibles et que l’argent perçu a été dépensé pour payer Monsieur CH BH DK et le vol humanitaire en avion mais il assume avoir perçu ces commissions.

Monsieur N admet qu’il a reçu une allocation avant de verser les surcharges mais affirme cependant qu’il savait que s’il ne payait pas les surcharges, il n’obtiendrait pas de marché supplémentaire.

Son conseil ajoute que le versement des surcharges n’était pas automatique.

Monsieur N affirme prendre l’entière responsabilité de ce qui s’est passé et décharger Monsieur CH BH de la moindre responsabilité.

Monsieur N affirme qu’il n’a jamais rencontré Madame CD’CJ.

Le conseil de la société Total SA affirme que le rapport Volcker a effectivement établi que les surcharges étaient versées à la Banque centrale Irakienne et que leur paiement n’était pas systématique dans la mesure où certains pays/certaines cargaisons n’ont pas fait l’objet de surcharges.

SUR CE

S’agissant de l’infraction de corruption d’agents publics étranger, elle apparaît caractérisée à l’encontre de CC N qui a reconnu la matérialité des versements effectués par sa société pour obtenir des allocations de barils ;qu’à l’audience il a précisé qu’il avait reçu une allocation avant de verser les surcharges et affirmé qu’il savait que s’il ne payait pas les surcharges, il n’obtiendrait pas de marché supplémentaire.

Que le caractère « systématique selon lui des surcharges » ne suffit pas à leur conférer un caractère de taxe, étant observé qu’il a déclaré en cours d’enquête de façon radicalement contradictoire : « dès l’origine avoir eu conscience que via son voyage il s’ouvrait les portes pour acheter la décision d’octroi de ces allocations » et « que l’argent allait être touché par S. AX et son entourage » ; il a ajouté : « je ne suis pas naïf AW AX ne collecte pas de l’argent pour le bien de son pays. Je n’ai pas cherché à en savoir plus », ce qui ne saurait être confondu avec des taxes ou impôts prélevés par un État.

Par ailleurs le défaut d’enrichissement ne fait pas disparaître l’infraction comme il a été vu plus haut.

S’agissant de l’infraction d’abus de biens sociaux, il est constant qu’en utilisant la trésorerie de la société dont il était le gérant pour financer un dispositif de corruption il faisait supporter à celle-ci un risque pénal.

Sur la peine :

Monsieur N est divorcé, sans enfant à charge, il perçoit une retraite mensuelle de 750 €, il ne détient aucun mandat social, aucun bien patrimonial. Son domaine d’expertise est celui des cosmétiques.

Au regard des éléments de personnalité, de l’ancienneté des faits mais également de leur contexte il y a lieu de prononcer à son encontre une peine d’amende de 50 000 €.

D) DK CH BH

Il est reproché à DK CH BH d’avoir, à Paris et sur le territoire national, à compter d’octobre 2000, courant 2001 et depuis temps non couvert par la prescription, en co-action avec CC N, cédé aux sollicitations d’agents publics irakiens, personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif dans un État étranger, sollicitant sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elles-mêmes ou pour autrui, afin d’obtenir qu’elles accomplissent ou s’abstiennent d’accomplir un acte de leur fonction, de leur mission ou de leur mandat, ou facilité par leur fonction, leur mission leur mandat, en l’espèce en acceptant et en organisant la rétrocession, en violation des dispositions des résolutions 661 et 986 de l’ONU, au bénéfice des dirigeants irakiens, sur des comptes ouverts à l’étranger au nom de fonctionnaires irakiens, d’une partie du produit des ventes de la société EOTC d’allocations de barils octroyées par la SOMO, organisation irakienne d’État pour la commercialisation du pétrole, pour obtenir des autorités irakiennes l’attribution de nouvelles allocations de barils de pétrole.

S’agissant des faits, il ressort de l’enquête que DK CH BH, médecin ayant la double nationalité franco- irakienne, alors qu’il cherchait du travail, rencontrait CC N dans le cadre de ses activités de gérant d’une société Exopharma, sise à Paris, qui avait pour activité la distribution de produits pharmaceutiques ; celui-ci lui parlait alors de ses difficultés à travailler en Irak.

II reconnaissait lui avoir alors dit qu’il serait difficile d’obtenir des allocations de barils, dont le principe était décidé seulement par AW AX, BR BS et BR Ramadan peuvent en décider ; il ajoutait savoir parce que cela était dit dans tous les journaux en Irak comme en France et ailleurs que les irakiens donnaient des barils à ceux dont ils pensaient qu’ils pouvaient infléchir la position de leur gouvernement pour agir en vue de la levée de l’embargo ; il s’agissait disait-il d’un échange de services.

II relatait comment CC N était entré en contact avec BR BS lors de l’affrètement du vol d’un avion qui avait emmené des personnalités politiques françaises en Irak, dont madame O, et avait demandé à bénéficier d’allocations de barils via EOTC ; il précisait n’être pas à l’origine de l’idée du vol, n’y avoir pas participé, ne connaître personne du FN, et ajoutait que CC N avait obtenu seul l’autorisation du MAE pour se rendre en Irak, et tenir ces informations de CC N qui les lui avait rapportées.

De même il précisait ne pas s’être rendu, à réception d’un fax au bureau de EOTC, en Irak avec CC N et n’avoir donc pas participé à la signature du contrat avec la SOMO.

S’agissant du paiement des surcharges, il reconnaissait avoir après cette signature à la demande de CC N, car il était irakien et arabe, ouvert un compte à son nom en Jordanie sur lequel CC N avait versé des surcharges pour l,5 M ; il affirmait que CC N s’était contenté de lui donner le numéro du compte (CA et Chouaieb) tenu à la même banque sur lequel il reversait ces sommes en se rendant sur place aux frais de CC N pour opérer le virement final.

Il reconnaissait qu’il n’y avait aucune ambiguïté dans son esprit sur le fait que les sommes qui transitaient sur son compte correspondaient à des surcharges, dont il connaissait le principe.

II reconnaissait avoir reçu en rétribution au titre des surcharges versées sur son compte en 5 versements entre 40 et 50 000 .

Au terme de l’information il devait nuancer ses propos et dire avoir certes accepté ce qui lui était demandé par CC N car il parlait arabe mais avoir été utilisé étant son salarié.

À l’audience devant la cour DK CH BH affirmait dans un premier temps, que la somme de 40 à 50 000 dollars correspondait en réalité à son salaire versé par la société Europharma, société de droit français, au titre de son travail d’agent commercial, soit un salaire mensuel de 12 à 14 000 francs.

Dans un second temps, il affirmait que ladite somme correspondait d’une part au remboursement des frais avancés (hôtel, restaurant…) au cours de ses voyages en Jordanie pour aller effectuer les transferts d’argent, et d’autre part auxquels s’ajoute la somme de l’ensemble de ses salaires.

Interrogé sur la carte de visite à son nom portant le titre de « Manager Middle East », il explique ce titre par le fait qu’il avait un temps travaillé pour plusieurs sociétés de CC N (EOTC, Europharma et Exopharma). Son conseil ajoute que cette carte de visite correspondait à la période durant laquelle Monsieur CH BH était associé de la société EOTC, dont il n’a jamais payé le montant des parts sociales, avant d’être remplacé par Monsieur

Johnson.

Il soutient que tout était géré par Monsieur N et que s’il avait ouvert un compte à la Jordan Bank, c’était pour être en·mesure de verser les surcharges. Monsieur CH BH admet que l’ordre de transfert était fait par lui mais rappelle qu’il ne disposait que du numéro du compte et ignorait l’identité du bénéficiaire du compte.

Son conseil précise que le travail de Monsieur CH BH consistait uniquement à verser l’argent demandé par le gouvernement irakien.

Monsieur l’avocat général met dans les débats, du fait des déclarations de Monsieur CH BH, la qualification de complicité de corruption par fourniture de moyens (par compte bancaire) dont il propose qu’elle soit substituée à celle de corruption.

SUR CE,

Il ressort de l’enquête, de l’analyse des mouvements de comptes, et des déclarations de CH BH qu’il connaissait le mécanisme d’octroi des allocations de barils et le système des surcharges, qu’il a lui-même expliqué à CC N.

Il a reconnu avoir dès après la signature du premier contrat entre EOTC et la SOMO ouvert un compte en Jordanie à son nom et s’être ensuite rendu dans cet État pour effectuer chacun des transferts vers les comptes Chouaieb/CA ouverts dans la même banque compte sur lequel ont transité plus d’un million de surcharges.

Il a par ailleurs admis qu’il n’y avait aucune ambiguïté dans son esprit sur le fait que les sommes qui transitaient ainsi sur son compte correspondaient à des surcharges, dont il connaissait le principe.

S’il soutient à ce jour avoir été simple salarié de la société Exopharma, il reste qu’il ressort de l’enquête qu’il a reçu une rémunération spécifique pour la fourniture de son compte bancaire, distincte de son salaire d’Exopharma.

Il y a lieu de déclarer DK CH BH coupable de complicité, par fourniture de moyens, à savoir la mise à disposition moyennant la rémunération de 50 000 d’un compte de transit à son nom à la Jordan Bank, du délit de corruption d’agents publics étrangers commis par CC N, étant observé qu’à l’audience ce dernier a déclaré exonérer CH BH de « toute responsabilité ».

Sur la peine :

Monsieur CH BH est marié, avec un enfant à charge, il paye un loyer mensuel de 750 €, il est sans activité et perçoit des aides familiales. Son domaine d’expertise est la médecine.

Au regard de la personnalité de l’auteur de l’ancienneté des faits mais aussi du contexte de l’infraction il y a lieu de prononcer à son encontre une peine de 15 000 € d’amende.

E) AS BE Q

II est à ce jour reproché à AS BE Q d’avoir, à Paris et sur le territoire national, à compter d’octobre 2000, courant 2001, 2002 et depuis temps non couvert par la prescription, cédé aux sollicitations d’agents publics irakiens, personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées de mission de service public ou investies d’un mandat électif dans un État étranger, sollicitant sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres,

des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elles-mêmes ou pour autrui, afin d’obtenir qu’elles accomplissent ou s’abstiennent d’accomplir un acte de leur fonction, de leur mission ou de leur mandat, ou facilité par leur fonction, leur mission leur mandat, en l’espèce en acceptant et en organisant la rétrocession, en violation des dispositions des résolutions 661 et 986 de l’ONU, au bénéfice des dirigeants irakiens, sur des comptes ouverts à l’étranger au nom de fonctionnaires irakiens, d’une partie du produit des ventes de la société Aredio d’allocations de barils octroyées par la SOMO, organisation irakienne d’État pour la commercialisation du pétrole, pour obtenir des autorités irakiennes l’attribution de nouvelles allocations de barils de pétrole.

CP, AS BE Q a été de 91 à 95 représentant permanent de la France au Conseil de sécurité à NYC où il a connu BR BS avec lequel il a « négocié Pétrole contre Nourriture », négociations qui mettaient en évidence que l’Irak était très soucieux de sa souveraineté surtout s’agissant de la distribution de nourriture, raison pour laquelle selon lui la résolution ne sera appliquée que tardivement par l’Irak et lorsque la situation interne sera très dégradée. Au moment de la phase de mise en place concrète « de OFF », AS BE Q insiste sur le fait qu’il était en retraite et conseiller pour les affaires diplomatiques et administratives de la Banque marocaine du commerce extérieur.

Un seul contrat M/10/96 signé le 6/10/01 correspondant à une allocation de 22MB accordée à AS BE Q donnait lieu au versement de surcharges de 621 471 .

La société agréée interlocutrice de la SOMO était Fenar, créée et utilisée par Taurus Petroleum, pour commercialiser les allocations pétrolières irakiennes.

Ce contrat était financé par Taurus Petroleum par une lettre de crédit au nom de Fenar tirée sur les lignes de crédit de Taurus à la Société générale, sans être portée à la connaissance des NU.

Ce contrat donnait lieu au versement de 621 471 de surcharges ; ce montant des surcharges était versé sur un compte ouvert à la Jordan Bank en quatre versements avec pour bénéficiaires « CN 60 000 le 30 septembre" 2 de 199 930 et 360 930 en février au nom de CK CL et un de 611,61 au nom de Ahmad, ces deux dernières désignations étant des identités imaginaires utilisées par Taurus trading pour payer les surcharges via Fenar.

De même, s’agissant de CM CN, il ressortait d’un document daté du 3 octobre 2010 qu’un certain « bibi » représentant Fenar s’engageait à remplir les obligations financières, soit le paiement des surcharges, à hauteur de 400 000 ou 540 000 selon que le brut était destiné à une société européenne ou aux États-Unis, correspondant à l’allocation reçue par AS BE Q de deux millions de pétrole de Kirkouk en mentionnant un premier versement de 10 %.

Au regard de ces éléments il apparaissait que Fenar avait réglé l’intégralité des surcharges avec des fonds provenant du destinataire final, Taurus.

Parallèlement selon un document de BNP suisse, valant avis de débit sur le compte de Fenar Petroleum celle-ci virait le 17janvier 2002 167 746 au profit de AS BE Q vers son compte ouvert à la BMCE à Casablanca ce qui représentait le montant de la commission allouée à Q pour ce contrat ; l’exécution d’une commission rogatoire au Maroc confirmait l’existence de ce virement sur les comptes de AS BE Q.

Figure au dossier le relevé d’attribution du contrat M/10/96 établi par le ministère du Pétrole irakien, relevé dans lequel il est bien mentionné que le nom de l’allocataire est AS BE Q et que le support est la société Fenar, alors que pour les contrats M/11/82 et M/13/76 il est précisé dans ces mêmes documents que l’allocataire est AS BE Q et la société support Aredio.

S’agissant de surcharges, AS BE Q a indiqué avoir été informé de leur existence par les sociétés commercialisant le pétrole ; il admettait que ces surcharges étaient un moyen pour tel ou tel irakien de se faire de l’argent.

Le concernant dans un premier temps il admettait avoir reçu une dotation pétrolière mais pas à titre personnel mais dans le cadre de ses fonctions à la banque du Maroc qui ne parvenait pas à recouvrer ses créances, BR BS lui ayant dit tant que l’embargo serait en vigueur une réglementation intérieure interdisait le règlement de cette dette et proposé d’acheter du pétrole de NU en fraude, ce qu’il avait refusé. À la suite de l’audition du président de la banque du Maroc qui affirmait que cette allégation était mensongère, AS BE Q admettait avoir touché une commission et acheté une maison au Maroc. Toutefois il disait avoir laissé Fenar Petroleum s’occuper d’éventuel règlement (…) Sans se préoccuper de rien, se contentant de prendre ce qui lui était donné. Il admettait connaître ce principe au moment où il avait reçu les fonds et qu’il aurait dû donc davantage hésiter à les recevoir.

Figure au dossier outre la trace des mouvements de fonds :

* une déclaration de BR BS qui dit que AS BE Q lui a demandé des allocations, à une époque où il n’était plus CP ;

* un courrier de monsieur P, secrétaire général du MAE de 98 à 2002, daté du 10 septembre 2001 adressé via le ministre des Affaires étrangères aux ambassadeurs Q et B leur rappelant les contraintes de leur fonction telle que la dignité etc… et les invitant à cesser ces opérations avec des pays sous sanction ONU ; Réponse des deux « ou est le pb ? » ;

* une déclaration de monsieur CO CP, chef de la section de protection des intérêts français en Irak à cette époque : « Je ne le savais pas précisément.mais d’une part les irakiens n’en font pas mystère, d’autre part venir en Irak à cette époque n’était pas venir en villégiature… pour les irakiens donner des allocations notamment à AS BE Q pouvait être utile par rapport à ses anciennes fonctions à l’ONU ;

* une lettre de sa main du 7 janvier 2002 faxée depuis Paris adressée à la SOMO au sujet des allocations de la phase 11 (hors prévention) dans laquelle il précise qu’elles devront passer par Aredio.

À l’audience devant la cour Monsieur Q rappelle qu’il était en poste à Rome lors de la mise en place du programme « Pétrole contre Nourriture » et après sa retraite en octobre 1999 n’avoir pas eu la possibilité de rester dans la fonction publique, raison pour laquelle il avait accepté un poste au sein de la Banque Marocaine du commerce extérieur (BMCE) ainsi que le poste de Secrétaire général adjoint des Nations unies.

II réaffirme n’avoir revu BR BS que lors de son premier voyage en Irak réalisé dans l’unique intérêt de la BMCE au cours de l’année 2000 (et non au cours de l’année 1999). Lors des négociations effectuées pour le compte de la BMCE, en vue d’apurer certaines créances, BR BS lui a été proposé de devenir titulaire d’allocations et l’a inscrit sur la liste des allocataires (la BMCE ne souhaitant pas bénéficier de l’inscription sur la liste des allocataires). Monsieur Q précise qu’il ne se rendait en Irak qu’à titre privé pour la BMCE et non en tant que représentant de l’État français ou en tant qu’CP de France. Monsieur Q indique qu’il était dans l’intérêt de l’État irakien de verser des fonds à des États ou personnes physiques dits « amis ». Lors de ses discussions avec BR BS, Monsieur Q affirme qu’il tentait de le convaincre qu’il existait des moyens d’empêcher ou de retarder la guerre.

Il affirme avoir, en septembre 2000, rencontré Monsieur R, un avocat libanais, un « homme de loi », introduit au

sein du parti Baas et excellent connaisseur du secteur pétrolier. Il affirme l’avoir engagé en tant que trustee afin qu’il gère son allocation. Il précise qu’il prenait les décisions de gestion à sa place. Il ajoute que le chiffre de 2 millions est incorrect et qu’il faut retenir celui de 22 millions d’euros.

Monsieur Q nie avoir versé les 160 000 de surcharges. Il affirme que si, à l’époque, il avait eu connaissance du fait que son contrat supportait une surcharge, il ne l’aurait pas signé. II ajoute que Monsieur R ne l’avait pas informé de l’existence de cette surcharge et que, en engageant un trustee, il avait pris toute les précautions pour se mettre en conformité avec les lois française et internationale. Selon lui, la lettre du ministère des Affaires étrangères est postérieure à la signature du contrat intervenue le 21 septembre 2001. Il ajoute que, selon lui, cette lettre vague et infondée ne l’obligeait pas à cesser toute relation avec l’Irak mais l’invitait à séparer les sphères privée et publique dans ses relations avec l’Irak. Il ajoute également que, si le ministère des Affaires étrangères avait souhaité s’entretenir avec lui, il aurait pu le convoquer au Quai d’Orsay.

Monsieur Q soutient que ce montant lui revenait en tant qu'« apporteur d’affaires » intervenant dans le secteur privé. Il ajoute qu’il n’avait aucun doute sur la façon dont le trustee faisait son travail et qu’en l’engageant, il avait pris toutes les précautions nécessaires et qu’il ne pouvait pas faire mieux au regard d’un niveau de vigilance habituel. II précise en outre qu’il n’avait pas à lire le journal officiel irakien qui faisait état de l’obligation du versement des surcharges.

Au regard de la rédaction de la prévention le concernant il rappelle que le contrat avec la société Aredio accepté sur proposition de Monsieur S et qu’il n’a pas fait l’objet d’une exécution et affirme ne pas connaître la société Fenar et n’avoir jamais dialogué avec elle.

Monsieur Q ajoute que le régime irakien était extrêmement sévère à l’époque et que, si un fonctionnaire avait conservé les sommes versées pour son bénéfice personnel, il se serait fait immédiatement sanctionné par l’État irakien, les contrats Feinar ne sont pas dans la prévention et, s’agissant de Aredio, il n’y a pas eu de versement de surtaxes.

Son conseil fait valoir l’inexactitude de la prévention qui vise uniquement des contrats Aredio, lesquels n’ont pas donné lieu à surcharge et doit donc conduire à la relaxe.

Il reprend les moyens selon lesquels l’État irakien, souverain, a mis en place, contrôlé et géré le système des surcharges qui n’étaient pas illégales (cf. décision du juge australien) et les agents publics chargés de recouvrer les surtaxes, agissaient dans l’exercice de leurs fonctions accomplissant, en qualité d’agent de l’État, un acte de puissance publique et qu’en imposant le paiement des surtaxes et mis en oeuvre leur recouvrement ils n’agissaient pas « sans droit ».

Il ajoute qu’il ignorait l’existence d’une surcharge sur son contrat et qu’il n’a accompli aucun acte positif et, de ce fait, qu’aucune complicité de corruption ne peut lui être reprochée.

Sur la rédaction de la prévention :

AS BE Q a été mis en examen sans que soit précisée l’identité de la société agréée, puis il a été entendu sur des contrats où la société Aredio était la société agréée mais qui n’ont pas donné lieu à exécution.

Bien que AS BE Q soit renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits de rétrocession à des agents de la SOMO d’une partie du produit de la vente de l’allocation reçue de la SOMO par le canal d’Aredio, l’ordonnance de renvoi ne pouvait viser que des surcharges versées à l’occasion du contrat Fenar.

En effet, il y a lieu, alors que les contrats Aredio n’ont pas été exécutés et n’ont pas donné lieu à versements de surcharges corruptives, de retenir que la mention contenue dans le texte de la prévention résulte d’une erreur de plume, étant observé dans la motivation de l’ordonnance de renvoi en page 100 il apparaît clairement que c’est la seule exécution du contrat M/10/96,qui est visée.

Par ailleurs AS BE Q a été entendu très longuement en garde à vue comme par le magistrat instructeur sur ce contrat M/10/96 dont le support était Fenar. Dès lors il ne saurait être soutenu qu’il y ait eu atteinte aux droits de la défense, AS BE Q ayant été informé des charges pesant sur lui et s’étant longuement exprimé, l’ordonnance de renvoi ne faisant que reprendre ces charges pour conclure à son renvoi devant le tribunal correctionnel sur le contrat Fenar, lui-même s’étant dans ses conclusions expliqué longuement sur le contrat Fenar.

La cour retient que la mention à la prévention de ventes à la société Aredio aux lieu et place de Fenar est une simple erreur de plume qui n’a causé aucun grief à AS BE Q.

Pour le surplus, son conseil reprend les moyens développés par chacun des prévenus notamment tenant à ce que les paiements de surcharges n’auraient pas été « sans droit ». Il a été répondu à ce moyen dans les développements consacrés plus haut aux éléments constitutifs de l’infraction.

AS BE Q ne saurait utilement prétendre sans se contredire avoir ignoré l’existence d’une surcharge sur son contrat, alors que s’il n’a cessé de varier dans ses déclarations, et qu’il a, s’agissant de surcharges, indiqué avoir été informé de leur existence par les sociétés commercialisant le pétrole et admis que ces surcharges étaient un moyen pour tel ou tel irakien de se faire de l’argent ; en outre il convient de relever qu’au regard de sa qualité d’CP, de sa connaissance de l’évolution des résolutions de l’ONU, de sa proximité avec BR BS, il ne peut raisonnablement prétendre ne pas s’être préoccupé de l’existence de surcharges, ce sans même comme il le dit « avoir à lire le journal officiel irakien » qui faisait état de l’obligation du versement des surcharges. Par ailleurs, cette position est également incompatible avec la procédure mise en place pour commercialiser son allocation, telle qu’elle est décrite par AT S lui-même, que AS BE Q rencontrait à son domicile parisien.

Enfin, il y a lieu de souligner que si AS BE Q avait été comme il le dit été un simple apporteur d’affaires, il n’aurait pas cru devoir se dissimuler derrière une prétendue mission pour le compte de la BMCE non plus que se montrer plus que discret au regard de son employeur, alors qu’il avait la rare qualité d’CP de France, dans sa réponse adressée au MAE le 9 octobre 2001 soit 3 jours après la signature du contrat litigieux.

Il y a lieu en conséquence de déclarer AS BE Q coupable de corruption d’agents publics étrangers.

Sur la peine :

Monsieur Q est marié, sans enfant à charge, il perçoit une retraite mensuelle de 6 228 € ainsi que des revenus fonciers annuels de 2 000 à 4 000 €, il détient 49 % des parts d’une SCI ainsi qu’une propriété à Saint-Cast-le-Guildo. Au regard de l’ancienneté des faits mais aussi de la qualité de AS BE Q, personne particulièrement avisée, et de la nature de l’infraction il y a lieu de prononcer à son encontre une peine d’amende de 50 000 €.

F) Vitol LTD

Il est reproché à la Vitol LTD prise en la personne monsieur T, son représentant légal, d’avoir, à Paris et sur le territoire national, à compter d’octobre 2000, courant 2001, 2002, 2003 et depuis temps non couvert par la prescription, en co-action indivisible avec BC B, cédé aux sollicitations d’agents publics irakiens,

personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif dans un État étranger, sollicitant sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elles-mêmes ou pour autrui, afin d’obtenir qu’elles accomplissent ou s’abstiennent accomplir un acte de leur fonction, de leur mission ou de leur mandat, ou facilité par leur fonction, leur mission leur mandat, en l’espèce en acceptant et en organisant la rétrocession, en violation des dispositions des résolutions 661 et 986 de l’ONU, au bénéfice des dirigeants irakiens, sur des comptes ouverts à l’étranger au nom de fonctionnaires irakiens, d’une partie du produit des ventes de la société Vitol d’allocations de barils octroyées par la SOMO, organisation irakienne d’État pour la commercialisation du pétrole, pour obtenir des autorités irakiennes l’attribution de nouvelles allocations de barils de pétrole, 435.

Il s’agit d’une société créée en 1972 à Genève de droit suisse dont le dirigeant est et est toujours Ian T ; il s’agit d’un groupe au CA de 80 milliards de dollars qui intervient dans le négoce de pétrole et de gaz et qui possède notamment une raffinerie au Canada et terminaux ; elle dispose notamment de deux filiales de Vitol LTD dont le siège est à Genève, société opérationnelle de tête, et d’une autre Vitol Broking LTD à Londres où travaillent 80 personnes dont madame d’U ; en qualité de salariée comme courtier en achat de brut d’Irak ; le représentant légal indique que la raffinerie canadienne marche avec du brut irakien de longue date et que le programme OFF a créé un problème à compter de la phase 4.

Il reconnaît que madame d’U a entendu parler de BC B CP, lequel avait de bons contacts en Irak dont avec BR BS, l’avoir vu en 98 date à laquelle il lui avait proposer de « résoudre les problèmes sur le marché irakien via l’obtention d’allocations (étude + aller sur place) ».

Il ajoutait que c’est dans ces conditions qu’était signé le 27 avril 98 un contrat de consultant prévoyant un fixe de 30 000 à la signature outre 1 cents/Baril au-delà de 3MB ; il précise que via ce contrat BC B avait un « rôle intermédiaire mais non décisionnaire ». Il relève que BC B se présentait avec une carte Vitol France qui n’existait pas, que tout au plus il s’agissait d’une appellation commerciale dans les rapports avec la SOMO.

Il indique que dans ce contexte les relations entre BC B et la Vitol LTD se sont poursuivies jusqu’en 2003 (phase 13) et admet qu’au cours de cette période grâce à lui Vitol LTD a commercialisé 29,5MB et a payé à BC B 582 000 .

S’agissant des surcharges il indique n’avoir jamais acheté en contrebande et dans « OFF » acheter avec les approbations requises dans les conditions de la résolution 661.

Il reconnait toutefois que Vitol LTD a payé des surcharges bien que jusqu’en 2000 la rumeur d’un cout supplémentaire ait couru mais qu’ils aient espéré ne pas avoir à le faire grâce au bon relationnel en Irak de BC B.

Mais il admet qu’après la réunion en 2001 de l’OPEP à laquelle étaient présents des représentants de la SOMO, BC B ainsi que madame d’U, il s’est confirmé que l’Irak exigeait des surcharges ; cette dernière soutiendra que la réunion a eu lieu en 2 temps le premier à sans évocation des surcharges, suivi d’un second temps où elle n’était pas.

Il précise que BC B est venu le voir à Londres et lui a parlé de « 30 cts le baril vers US ou 25 cts le baril vers EU » en 2001 au retour de la réunion de L’OPEP à Vienne, ajoutant qu’il fallait payer des surcharges sur comptes dont les coordonnés étaient données par la SOMO.

Ian T disait avoir transmis ces données à un nommé Favre travaillant à Genève et en charge des paiements.

Ian T indiquait que les motifs avancés étaient de « couvrir des frais » selon Irak, qui en faisait état dans des réunions ministérielles et au conseil des ministres. Il évoquait la notion de « kickback » avec une connotation de paiement à un individu tout en disant que là il était clair qu’il s’agissait de « frais SOMO ».

Il reconnaissait avoir payé sur un compte au Liban ce qui « implicitement était pour lui un compte SOMO puisque BC B lui avait communiqué le n° après sa réunion avec les membres de la SOMO » (confère scellé 474) compte ouvert au Liban au nom de la SOMO sous les signatures bancaires de CA et V.

Il reconnaissait avoir payé sur ce seul compte deux contrats en phase 9 :

M/09/97 2MBarils en trois paiements intervenus entre 25 juin 2001 et 1er septembre 2001 pour un total 545 801 via peakville, société utilisée « pour leur paiements discrets », sans que ces versements soient déclarés à l’ONU.

M/10/78 en un versement du 16 janvier 03 via Amora BH homme d’affaires syrien pour 240 000 (dans les documents SOMO « documents related to document de la SOMO » elle-même notamment en arabe D 1387 intitulé « recettes SOMO »).

Selon Ian T, BC B ne pouvait ignorer les surcharges même s’il n’en avait « pas été parlé clairement car personne ne souhaitait le faire », dès lors que c’était lui qui lui avait donné le mode d’emploi.

Ian T revendiquait le fait d’avoir donné l’ordre ce qu’il n’aurait pas dû faire et n’avoir pas dit à BC B qu’il avait payé et s’agissant du fax il disait le lui avoir adressé parce qu’il était connu de la SOMO.

À l’audience devant la cour, Monsieur W, directeur juridique précise que la société Vitol LTD a été créée en 1966 (et non en 1972) à Rotterdam. Au moment des faits, son siège social était situé à Genève et son président était Monsieur T. Il existe une filiale : Vitol Broking spécialisée dans le courtage et située à Londres. Madame d’Alessando travaillait au sein de cette filiale.

Aujourd’hui, son siège social est situé à Rotterdam, son président est toujours Monsieur T. La société Vitol LTD emploie 1 040 salariés, comprend 400 filiales et réalisait, en 2014, un chiffre d’affaires de 250 milliards de dollars (résultat net de 1,4 milliards de dollars).

Le représentant de la société Vitol LTD précise que le terme « commercialiser » signifie « acheter »et dit ne pas pouvoir répondre aux questions dans la mesure où il ne se trouvait pas dans l’entreprise au moment des faits. Il confirme néanmoins que le rôle de Monsieur B était d’obtenir l’allocation des contrats et non de participer à la négociation.

Vitol LTD fait plaider que :

* le règlement communautaire de 1996 ne la concerne pas s’agissant d’une société de droit suisse ;

* l’absence d’effet direct des résolutions du conseil de sécurité de l’ONU ;

* que l’infraction de corruption d’agent public étranger ne s’applique pas au paiement des surcharges exigé par le gouvernent irakien ;

* l’absence d’acte contraire aux fonctions (« sans droit ») : le paiement des surcharges était requis par la

loi/réglementation irakienne ;

* l’absence d’enrichissement personnel des agents publics étrangers : les surcharges ont bénéficié à la Banque centrale irakienne et ont abondé au budget de l’État irakien ;

* l’embargo est un instrument politique et non juridique alors que l’infraction de corruption vise à protéger l’État : le § 1 de la résolution 986 tempère l’interdiction de verser des surcharges.

SUR CE

La matérialité des faits est reconnue par le président du groupe à la date des faits lors de son audition en 2006 par le magistrat instructeur.

Il convient de remarquer à cet égard que la décision de la Cour suprême de l’État de New York, intervenue sur reconnaissance préalable de culpabilité est datée de 2007 et que l’engagement de non contestation de culpabilité pris à cette époque devant le juge américain ne suffit pas à lui seul à expliquer la reconnaissance de la matérialité des faits intervenue 19 mois avant devant le juge Français.

Le dirigeant de la Vitol LTD reconnaît la matérialité des faits et l’élément intentionnel en l’espèce se confond avec l’élément matériel qui consiste à accepter de répondre à des sollicitations d’un agent public irakien pour qu’il accomplisse un acte de sa fonction, c’est-à-dire autorise l’enlèvement de cargaison de pétrole faisant l’objet d’une spécial request.

Le débat porte donc sur le fait de savoir si la société Vitol pouvait raisonnablement considérer que les surcharges étaient une « taxe » versée à l’État Irakien alors qu’elle n’ignorait pas les conditions particulières de versement de ces surcharges et qu’en raison du caractère particulier des versements sur des comptes de personnes physiques hors d’Irak caractérisant leur opacité à l’égard de l’ONU, elle avait pour sa part organisé la clandestinité de son intervention de payeur en se dissimulant derrière des écrans tels que Peakwille Ltd puis A. BH.

Au-delà des développements effectués supra, cette clandestinité apparaît suffisante pour caractériser l’élément moral de l’infraction, commise en co action avec BC B co titulaire du secret afférent au modalités de paiement puisqu’il conservait jusque dans « l’intimité de son portefeuille » le nom de la société écran.

Pour le reste il y a lieu de renvoyer aux développements effectués sur la caractérisation de l’infraction de corruption d’agents publics étrangers et son applicabilité à l’espèce.

S’agissant de l’imputabilité de l’infraction en l’état des déclarations de Ian T il y a lieu de retenir que l’infraction a été commise pour le compte de Vitol LTD par son président Ian T.

Sur la peine :

La condamnation de la Vitol LTD à une peine d’amende de 300 000 € apparaît adaptée aux faits de l’espèce.

G) BC B

Il est reproché à BC B d’avoir, à Paris et sur le territoire national, à compter d’octobre 2000, courant 2001, 2002 et depuis temps non couvert par la prescription, cédé aux sollicitations d’agents publics irakiens, personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif dans un

État étranger, sollicitant sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elles-mêmes ou pour autrui, afin d’obtenir qu’elles accomplissent ou s’abstiennent d’accomplir un acte de leur fonction, de leur mission ou de leur mandat, ou facilité par leur fonction, leur mission leur mandat, en l’espèce en acceptant et en organisant la rétrocession, en violation des dispositions des résolutions 661 et 689 de l’ONU, au bénéfice des dirigeants irakiens, sur des comptes ouverts à l’étranger au nom de fonctionnaires irakiens, d’une partie du produit des ventes de la société Vitol d’allocations de barils octroyées par la SOMO, organisation irakienne d’État pour la commercialisation du pétrole, pour obtenir des autorités irakiennes l’attribution de nouvelles allocations de barils de pétrole.

Diplomate, BC B a notamment de 85/86 été secrétaire adjoint général du quai d’Orsay puis secrétaire général jusqu’en 1993 date de sa retraite. De 1993 à 1997 conseiller d’État en service extraordinaire, il ira en Irak pour des sujets sans lien avec la présente espèce pour porter, en raison de liens anciens tissés lors de voyages en Irak surtout avec BR BS, un peu AW AX a qui il a porté des messages de divers président de la République française. Il fera aussi connaissance de membres de la SOMO.

Il deviendra consultant d’Eurotradia consortium de grandes sociétés qui veulent se développer à l’étranger ; à ce titre il devient en charge du bureau de Bagdad lorsqu’en 1996 cette entité veut ouvrir un bureau en Irak pour y commercer.

En 1997 il créé la société SB conseil devenue BC B conseil en 2002 société de consultant sans lien apparent avec le secteur du pétrole domiciliée chez Eurotradia à Paris.

En 1998 par ailleurs « la Vice-présidente » de Vitol LTD, société de droit suisse, madame d’U, qui cherche pour cette société des gens pour l’aider à travailler en Irak vient le voir et lui propose un « poste de consultant ». Le 27 avril 1999 sera signée à Paris, dans les locaux de monsieur B, une convention entre Vitol suisse et SB consultant rédigée en ces termes :

« Sera chargé en qualité consultant indépendant dans négoce pétrolier de coordonner les activités mondiales de Vitol LTD en brut et lubrifiants. Rendra compte à Vitol Londres… Et l’informera de tout… sera strictement limitée à un rôle d’intermédiaire… sans aucun pouvoir décisionnaire… sa rémunération sera de 30 000 pour 6 mois outre un intéressement de 1 cents/Barils emportés sous couvert du contrat Vitol LTD et au-dessus de 3MB Vitol versera au consultant 3 cents par baril ».

À ce titre BC B se confectionnait une carte de visite de président Vitol France qui est coquille vide au motif avancé par lui que « c’est compliqué et que Vitol est une société certes suisse mais a ses bureaux à Londres et est perçue en Irak « comme américaine » ».

Il indiquera avoir obtenu pour Vitol suisse qu’elle soit agréée dans le cadre de la résolution 986 via le ministre de l’Industrie irakien et le président de la SOMO CA via son équation personnelle et avoir eu du brut en les rencontrant.

Il ajoute avoir travaillé avec Vitol car il ne pouvait travailler pour Total et s’agissant des allocations qui lui ont été octroyées il en conteste le nombre en indiquant que les tableaux remis à la CEI ont été refaits selon les dires de BR Ramadan.

Deux contrats sur les 8 exécutés sont surchargés M/09/97 qui portent sur 2 millions de barils et relèvent de la phase 9 et l’autre M/10/78 qui porte sur 1 million de barils qui relève de la phase 10.

Le premier donnait lieu au paiement de plus de 545 000 de surcharges effectués par Peakville sur un compte à la Frasabank en trois versements et le second de 240 988 effectué le 16 janvier 2003 sur le compte Al Ahli à la Jordan Bank, effectué par Amora BH.

Le paiement des surcharges via la société Peakville LTD n’a pas été contesté par le président de Vitol LTD qui a dit avoir en toute connaissance de cause pris cette décision, qui indique que cette société était celle choisie « pour les paiements discrets de Vitol ».

Vitol LTD virait sur le compte de BC B à la banque transatlantique à Paris un total de 582 359 entre mai 1998 et en mars 2003 via Peakville 249 984 .

BC B soutient être intervenu uniquement en qualité de consultant dans le cadre du contrat signé entre Vitol et sa société le 27 avril 1998.

Il admet connaître le système des surcharges, dont il aurait été informé lors d’une réunion de l’OPEP par un représentant de la SOMO début juin 2001 et avoir informé le président de Vitol LTD de cette demande lors d’un déplacement à Londres.

Il affirme cependant avoir ignoré que Vitol LTD réglait des surcharges via Peakville entre juin et septembre 2001 d’une part et en janvier 2003 d’autre part.

À l’audience devant la cour, Monsieur B précise, qu’entre 1992 et 1993, il était représentant de l’État au sein du conseil d’administration de Total SA et non administrateur de la société Total SA.

Monsieur B affirme que la société Vitol a fait appel à lui car elle n’était pas agréée et que sa raffinerie canadienne fonctionnait avec le pétrole de Kirkouk.

Il reconnaît que, lors d’une réunion de l’OPEP, Monsieur CR CS l’avait informé du fait que la vente de barils cesserait en l’absence de paiement des surcharges par la société Vitol LTD et de façon vague qu’en l’absence de paiement des surcharges par la société Vitol LTD, il n’obtiendrait plus d’allocations.

Monsieur B affirme avoir protesté contre ce raisonnement qui, selon lui, ne devait pas être appliqué : le non- respect de la résolution 661 empêcherait de bénéficier de l’article 22 de la résolution 687 (levée de l’embargo). Il affirme qu’il a toujours déconseillé à la société Vitol LTD de payer les surcharges et que, au cours des phases 12 et 13, Vitol LTD n’a pas payé de surcharges.

Le conseil de Monsieur B le décrit comme un « facilitateur » qui disposait d’allocations et souhaitait en faire bénéficier la société Vitol LTD qui, bien qu’étant une société de droit suisse, était considérée par la SOMO comme une société anglo-saxonne. Il ajoute qu’en l’absence de contrat, l’allocation est inutile, allocation qui permet à la SOMO de choisir son acheteur selon une sélection.

Il affirme que la négociation des contrats qui s’en suit, lui est totalement étrangère. Son conseil ajoute qu’il y a deux phases distinctes : la phase relative à l’allocation, qui n’entraîne pas nécessairement de contrat, et la phase de la négociation de contrats, qui se déroule sans Monsieur B. Le seul lien entre Monsieur B et les contrats est le montant des commissions reçues par Monsieur B.

Monsieur B affirme ne pas se souvenir d’un voyage à Londres et précise que ce voyage n’a pu avoir lieu juste après la réunion de l’OPEP de juin 2001. Il confirme également qu’il ne se souvient pas s’être fait remettre les

coordonnées bancaires de Fransabank sur un morceau de papier. Il affirme en outre être à l’écart du paiement des surcharges.

Sur le coup de fil faisant référence à Peakwill, il dit avoir reçu un coup de téléphone indiquant « Monsieur B prenez note, […] bonne journée » mais ignorer l’auteur de ce coup de fil (SOMO, ministère du Pétrole irakien,…).

Monsieur B affirme n’avoir jamais entendu parlé du contrat M10/78 et son conseil précise que Monsieur B a continué de recevoir, lors des phases 11 et 12, des allocations qui ne se sont pas traduites en contrat.

Monsieur B admet sur question que la société Vitol LTD lui a demandé de contresigner les contrats, ce qu’il a fait : « à la place et pour ordre » tout en affirmant qu’il n’est pas intervenu dans la rédaction des contrats.

Dans ses conclusions son conseil reprend les mêmes moyens de droit que les autres tendant à démontrer que :

* les surcharges n’ont pas été obtenues « sans droit » et que le juge français n’est pas compétent pour juger que des paiements exigés par l’État irakien l’ont été « sans droit » ;

* la résolution 986 n’a jamais été introduite en droit interne irakien et la pratique des surcharges n’était pas prohibée en Irak ;

* l’État irakien les a décidées souverainement en Conseil des ministres et en a été le seul bénéficiaire ;

* les surcharges étaient imposées par l’État pour financer certaines dépenses et l’organisation des flux d’argent était contrôlée par le régime irakien et la SOMO.

II a été répondu supra dans les développements consacrés au éléments constitutifs de l’infraction à ces moyens qui ont été rejetés.

SUR CE

II reste que BC B, non seulement connaissait comme tout un chacun le principe général d’exigences de surcharges, mais il ressort des scellés 194 et 259 qu’il connaît le montant de la première tranche de surcharges ce au centimes près, le nom de la société écran utilisée par Vitol, son implantation à Hong Kong, le nom du navire transportant cette cargaison et la date d’enlèvement de la cargaison.

II ressort par ailleurs du dossier que son rôle dans le fonctionnement du dispositif allait au-delà de celui de consultant en application du contrat de 1998. En effet il est établi qu’il contre signe les contrats avec la SOMO, ainsi qu’il l’a répété à l’audience devant la cour, pour permettre à la société Vitol, considérée en Irak comme « anglo saxonne » d’obtenir des contrats ; l’allocataire des contrats n’est pas Vitol LTD mais lui.

Ce faisant il excède les termes de son contrat de consultant qui précisément lui interdisait, sauf autorisation spéciale, d’engager Vitol.

Les enquêteurs ont retrouvé une facturation de la société Peakville au bénéfice de SB consultants de décembre 2002 de 25 000 et un ordre de virement du 19 mars 2003 au nom de Peakville au bénéfice de SB consultant d’un montant de 250 000 .

Par ailleurs BC B est mis en cause par les déclarations d’un co prévenu corroborées par les éléments

matériels trouvés chez lui et sur lui un document (scellé 259) écrit de sa main et ainsi libellé « 250 217 Peakville Hong Kong 31 mai 2001 Eliki » ce qui correspond à la surcharge payée le 25 juin 2001 par cette société sur ordre de Vitol pour le contrat M/09/97 attribué à BC B sur le bateau Eliki.

Sur ce point BC B a donné des explications très variables déclarant tantôt que cette note lui avait dictée par un membre de Vitol, plus précisément l’assistante de la Vice-présidente, qualité qui n’a jamais été celle de madame d’U, et que ce texte avait été une révélation pour lui sur les agissements de Vitol, avant de dire que cet appel pouvait émaner d’un représentant de la SOMO. Devant le magistrat instructeur il a par ailleurs indiqué avoir poursuivi ses relations avec Vitol LTD en connaissance des surcharges car il pensait, à compter de la phase 10, que le système des surcharges serait supprimé, ce qui était au demeurant arrivé en septembre 2002.

Il est par ailleurs mis en cause par les déclarations de madame d’U qui elle n’a pas la qualité de co mis en examen, mais de salariée de Vitol LTD, qui a reconnu les faits et n’a donc aucun motif contrairement à ce qu’il soutient à l’audience à témoigner à charge à son encontre, et qui a clairement indiqué que c’était BC B qui avait porté à sa connaissance les demandes de surcharges.

Il sera aussi noté que le directeur juridique de la Vitol LTD a déclaré que madame d’U avait rencontré à la réunion de l’OPEP BC B qui avait dit être prêt à commercialiser les allocations de barils qu’il obtenait par l’intermédiaire de Vitol, le directeur financier, monsieur AB, ayant lui ajouté que Vitol avait rémunéré BC B pour lui procurer du pétrole.

Reste que si le second contrat comme le premier entre dans la période de prévention le versement de la surcharge corruptive intervient le 16 janvier 2003 soit 15 jours après l’expiration de la période visée à la prévention en page 209 de l’ordonnance de renvoi. Mais il n’y a pas lieu pour autant de considérer que le dispositif de cette ordonnance emporte non-lieu partiel de pour ce versement.

Par ailleurs tant lors de l’interrogatoire de première comparution et de la mise en examen de BC B, que lors d’une audition cotée D 1218 il est spécifiquement interrogé sur ce contrat M/10/78 ; en outre ce contrat est repris dans le corps de l’ordonnance de renvoi (p. 76 à 82) notamment dans le tableau récapitulatif des contrats et la date de versement de la surcharge figure au bas de ce tableau. En conséquence la rédaction de la prévention comporte une simple erreur matérielle qui ne fait pas grief à BC B et ne fait pas obstacle à sa condamnation éventuelle au titre de ce versement.

Devant la cour BC B a soutenu que le paiement de la somme de mars 2003 représentait en réalité un « rattrapage de sommes non payées depuis longue date dans le cadre de son contrat de consultant » mais ce sans pouvoir en apporter le moindre commencement de preuve.

Bien que BC B conteste avoir participé directement ou indirectement au paiement de surcharges aux autorités irakiennes, réglées par Peakville pour le compte de Vitol, il apparaît que sur le produit de la commercialisation de pétrole par la société Vitol, de droit suisse, celle -ci versait à BC B les sommes qui lui revenait, sous la cause apparente de son contrat de consultant, puis via interposition d’une société « Peakvill » versaient des sommes sur les comptes bancaires ouverts en Jordanie des agents irakiens, ce afin que soit maintenues les allocations comme les représentants de la SOMO l’avaient fait connaître à BC B.

Il a été répondu aux moyens de droit développés par son conseil supra.

Il y a lieu de déclarer BC B coupable des chefs de corruption d’agents publics étrangers pour les faits commis de 2000 à 2003.

Éléments de personnalité et peine

Monsieur B est marié, sans enfant à charge, retraité, sa société, la société SB Consultant, est actuellement en sommeil, il ne détient pas de part dans une SCI.

Il y a lieu en conséquence, malgré l’ancienneté des faits, de prononcer à l’encontre de BC B au regard de sa qualité, des avertissements qui lui ont d’ailleurs été adressés par son ex ministère de tutelle, son casier judiciaire fut il dénué de condamnation une peine d’amende de 75 000 €.

H) SA Total

Avant d’analyser les infractions reprochées à la SA Total il convient d’en rappeler l’organigramme ainsi que celui de la DTS.

La SA Total est une société anonyme dont le conseil d’administration était à la date des faits présidé par monsieur AC.

Les travaux du conseil d’administration sont préparés par un Comdir (qui assure la coordination des entités) et un Comex instance de direction à laquelle siège le PDG, le vice-président et les directeurs généraux en l’espèce :

* en 1999 AC AE Castaigne (directeur financier) ;

* après fusion AC DP AK CX et Castaigne.

De 1995 à 2000, la DTS est dirigée par monsieur AD en « contact » au Comex avec monsieur AE (pas mex).

Front office se situe à Londres jusqu’en 2000 divisé en trading du brut et du raffiné (produit)

Back office se trouve à Paris.

Les collaborateurs de monsieur AD sont messieurs AF (pas de mis en examen car antérieur à la prévention) et AJ puis à compter fin 2000 fin 2001 c’est-à-dire au moment de la fusion avec Elf, la DTS est intégrée à la direction générale trading gaz électricité dirigée par monsieur AK CX, membre du Comex et en même temps pendant un certain temps directeur de la DTS. Les traders sont transférés à Genève.

En janvier 2002, intervient la séparation de gaz électricité et monsieur AG devient directeur de la DTS reliée au Comex via Castaigne directeur financier.

Il sera la indiqué que les traders traitent 19 000 opérations an et que la prévention qui vise par année 1,5 MB environ porte sur maximum 1 % de celles-ci.

Il est reproché à la SA Total d’avoir, à Paris et sur le territoire national, entre octobre 2000 et 2002 et depuis temps non couvert par la prescription, cédé aux sollicitations d’agents publics irakiens, personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif dans un État étranger, sollicitant sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elles-mêmes ou pour autrui, afin d’obtenir qu’elles accomplissent ou s’abstiennent

d’accomplir un acte de leur fonction, de leur mission ou de leur mandat, ou facilité par leur fonction, leur mission, leur mandat en l’espèce, en finançant, via des intermédiaires, les rétrocessions exigées par les dirigeants irakiens, en contrepartie de la signature des contrats de vente de pétrole brut et de l’octroi de nouveaux contrats.

Sur les faits :

Il est reproché à la SA Total d’avoir au entre la phase 8 et la phase 12, soit entre octobre 2000 et septembre 2002, payé des surcharges évoluant selon le rapport Volker entre 0,10 et 0,50 dollars le barils soit un montant total de 228 millions de .

Sur cette période Total SA va conclure 30 marchés surchargés, étant observé que selon le rapport de la CEI lui-même pour diverses raisons ce sont 99 % des marchés qui ne sont pas surchargés.

Il sera fait référence pour la liste de ces contrats à la cote D 4817 du dossier d’instruction et indiqué que le montant des surcharges représente pour cette période 40 595 580 .

La personne morale Total SA, représentée par Peter Herbel son directeur juridique, lors de l’instruction contestait les faits qui lui sont reprochés.

Il indiquait que le système mis en place pour verser des commissions par l’intermédiaire de la société Telliac ne lui paraissait pas illégal même si c’était un « circuit assez opaque qui serait aujourd’hui probablement inacceptable » :

« C’est certes regrettable qu’on ait créé cette usine à gaz, mais même au coeur de cette usine à gaz je ne vois pas d’activité illégale ; vous avez cité un ou deux passages de l’instruction mais vous n’en avez pas cité d’autres qui montrent d’une part que monsieur AN. a apporté des affaires lui-même et d’autre part qui expliquent pourquoi Total utilisait ce que les enquêteurs ont qualifié de faux nez ; M. AG qui était notre plus grand spécialiste du trading a parfaitement expliqué les mécanismes du programme oil for food qui auraient pu mettre les policiers sur la véritable explication, celle-ci est que le programme oil for food a alloué des quotas de barils aux différents États, la France, le Japon la Chine… et si vous vouliez avoir plus que les quotas vous deviez passer par des tiers établis dans d’autres pays. Le programme oil for food réglementait non seulement les quotas mais aussi le prix du premier marché de la première vente par la SOMO à des acheteurs et donc il fallait, en tout cas à l’époque, tenir compte de ce genre de réalité ».

Selon lui, toutes les commissions payées via la société Telliac correspondaient à des commissions payées à des apporteurs d’affaires. Ces commissions n’étaient pas illégales même si le mécanisme utilisé était extrêmement compliqué.

Il ajoutait que la direction de Total ne pouvait pas être au courant du circuit utilisé : « vous avez un système comme dans tous les grands groupes où les organes de la société regardent certaines décisions macroéconomiques des entités, notamment les investissements majeurs supérieurs à certains niveaux, puis font faire un contrôle financier des résultats et des écritures des entités, chacune des entités dans un grand groupe comme Total (ça vaut pour d’autres grands groupes) agit avec beaucoup d’autonomie sur le plan opérationnel. Comme on l’a vu dans des affaires plus récentes concernant le secteur financier, les traders sont rémunérés sur un certain nombre de critères notamment le volume des affaires qu’ils apportent ou qu’ils traitent. On peut donc imaginer qu’ils aient mis en place un système leur permettant d’engranger des quantités supplémentaires mais en n’en rapportant pas les mécanismes à la hiérarchie ultime notamment les organes de la société.

Vous me faites remarquer qu’en l’occurrence le mécanisme impliquait au moins deux entités de Total, TIL et DTS,

TIL est une filiale de Total SA tandis que la DTS est un département. Vous devez savoir que chaque entité d’un grand groupe utilise sur le plan opérationnel des filiales. Nous avons dans le groupe Total 2 000 filiales et dans la partie trading il doit y en avoir une dizaine dont les responsables de la DTS ont la responsabilité opérationnelle ».

Il indiquait encore que le système d’allocataires individuels, personnes physiques, n’avait été révélé aux responsables de Total qu’après la fin de la période « Pétrole contre Nourriture » à travers les rapports dans la presse.

Pour les surcharges, les dirigeants de TOTAL avaient connaissance de cette exigence de l’État irakien dès le départ. Toutes les majors dont Total avaient alors cessé d’acquérir du pétrole brut irakien. Quoiqu’il en soit, le paiement de ces surcharges n’était pas selon lui constitutif de corruption.

II expliquait qu’à partir de la fin 2000 de petites sociétés qui ne disposaient pas de raffinerie avaient des barils ; elles avaient été agréées par leur État d’origine et lorsque des traders de Total achetaient à ces sociétés, sur le marché secondaire, ce marché n’était pas réglementé par l’ONU. Les cargaisons livrées par ces sociétés à Total étaient toutes accompagnées du certificat onusien au premier niveau.

S’agissant du fait que Total ne souhaitait pas que son nom apparaisse lorsqu’elle payait certaines lettres de crédit pour la société qui contractait avec la SOMO, il disait : » Je pense que vous avez une réponse assez appropriée dans le témoignage de M. AG qui a indiqué pourquoi les traders avaient essayé de cacher de qui provenait le financement : il a expliqué que les traders cachaient de cette manière aux irakiens qui était l’acheteur ultime des cargaisons ; il a précisé aussi que lorsque Total faisait établir des lettres de crédit par la banque, elle vérifiait en même temps auprès des inspecteurs de l’ONU que la cargaison pour laquelle on établissait ou on faisait établir une lettre de change avait bien un certificat ONU. Les traders essayaient de cacher quelque chose vis-à-vis des irakiens mais pas vis-à-vis de l’ONU. C’est pour ça que je persiste à penser et à dire que cette opération est certes une opération opaque mais avec un raisonnement économique compréhensible et deuxièmement pas illégale ».

La position officielle de la SA Total était cependant celle d’avoir respecté scrupuleusement dès l’origine l’embargo mis en place par l’ONU en arrêtant les achats pour les phases 9 à 11 du programme, soit lorsque les surcharges avaient été mises en place ; ainsi AL DP à l’époque directeur général de l’exploration production et membre du Comex indiquait avoir, dès la nouvelle politique de la SOMO à l’évidence arrêtée par AW AX, indiqué au ministre du Pétrole irakien la décision de la SA Total de ne plus enlever de brut dans de telles conditions ; la seule surcharge affectant un contrat de la phase 8 M/08/10 n’était d’ailleurs pas acquittée.

Quant à BE AK CX, il confirmait avoir reçu un fax de la SOMO demandant le paiement de surcharge sur un compte en Jordanie, ce qu’il avait refusé ce qui avait eu pour conséquence que 6 mois plus tard Total ne pouvait plus s’approvisionner directement à la SOMO.

Néanmoins, il apparaissait que Total avait acheté d’importantes quantités de brut irakien auprès de petites sociétés de négoce qui elles-mêmes commercialisaient les allocations attribuées aux personnes dotées de barils en échange de leur action de lobbying pro irakien.

L’existence de ce recours à un marché parallèle ressortait des investigations menées à partir des activités de AS AN et du nommé S.

Deux périodes étaient distinguées.

Au cours de la première, deux contrats M/08/99 et M/08/113 datés de septembre 2000 mettaient en évidence un circuit dans le cadre duquel la société Likkart trading se substituait à la société Teillac.

Dans ce schéma Total versait à Likkart une commission de 17 cents par barils, sur laquelle 15 cents étaient reversés à S qui lui-même versait 463 000 en janvier 2001, soit après la transposition de la convention OCDE sur le compte de la Frasabank de Beyrouth, alors que peu avant à la réunion de l’OPEP de début septembre 2000 Total avait communiqué sa position anti surcharge.

Dans une deuxième période, postérieure à la transposition en droit français de la convention OCDE les procédés se diversifiaient. Tous ne seront pas analysés en détail.

Ainsi s’agissant du contrat M/11/21 le brut était acheté auprès d’une société agréée avec règlement direct par Total de la lettre de crédit correspondant, un paiement complémentaire intervenant auprès d’une société intermédiaire qui procédait au règlement des surcharges

[…]

[…]

intermédiaire Betoil

pour l’achat de 1M de barils réglés par Total pour 23M de le 18juillet 2002, outre un versement à Betoil de 180 453 soit 0,18/baril représentant une surcharge de 60 000 dollars payée le 8 mai.

Dans un autre type de contrat tel que les contrats M/09/29 avec Glencore, M/09/1, 09/04,10/07,10/38 ainsi que le contrat Gunvor M/09/09, l’achat était effectué auprès d’une société agréée, laquelle recevait une prime avec laquelle elle procédait elle-même au règlement des surcharges par virement bancaire ou par dépôt d’espèces sur des comptes ouverts par des personnes physiques au Liban ou en Jordanie.

Dans ce circuit, le règlement de la prime était dissocié de celui du paiement du contrat, dès lors qu’il était obligatoire que l’OSP soit exprimé en euros et que la prime était exprimée en dollar monnaie de compte du trading pétrolier ainsi que l’a précisé à l’audience BE AK CX ajoutant que la société Total SA connaissait l’OSP et la prime, dont le montant variait de 5 à 50 centimes en tenant compte de la qualité du brut et que les prix des transactions comprenaient l’OSP et X centimes, ainsi que cela fonctionnait s’agissant de l’Irak mais également s’agissant d’autres pays producteurs. Total ne saurait donc soutenir que les prix des cargaisons ne permettaient pas à ses filiales de déduire l’existence de surcharges afférentes.

Il ressortait des déclarations de préposés de Total que :

* s’agissant de madame AI opératrice trading elle ne comprenait pas cette distinction ;

* s’agissant de monsieur AG successeur de J. M. AJ en qualité de directeur pétrole brut au sein de la DTS fin 2000 le directeur de la SOMO BZ CA avait renouvelé sa demande de surcharges, à laquelle l’opposition de la direction de Total avait été réaffirmée, qu’au début de la phase 9 Total avait été informée de la rupture de son approvisionnement, et avait après 3 mois de diète découvert que ses concurrents parmi lesquels les big américains s’approvisionnaient en brut irakien auprès de sociétés ayant pignon sur rue.

Total décidait alors de retourner elle aussi sur le marché en insérant une clause par laquelle son co contractant affirmait n’avoir pas payé de surcharge et qu’il n’était pas l’attributaire de la SOMO.

La SA Total soutient que ses filiales ont pris des précautions en exigeant la signature d’une clause. Reste que l’insertion de cette clause ne constitue pas une garantie explicite mais s’analyse en une simple clause anticorruption.

En l’espèce, elle démontre a contrario que Total avait connaissance de l’existence des surcharges et se couvrait par l’introduction de cette clause dans les contrats qu’elle signait, sans pour autant l’assortir d’une procédure de contrôle, ce qu’au demeurant BE AK CX admettait.

Par ailleurs, la mise en place de cette clause artificielle, s’accompagnait de la mise en place de société écran et d’un double circuit de financement, l’un officiel lié au paiement du contrat l’autre parallèle du paiement de primes destinées à permettre aux sociétés écrans de payer les surcharges.

Les déclarations du directeur de la société Betoil, fussent-elles à relativiser, corroborent la thèse selon laquelle toutes les sociétés acheteurs finaux avaient connaissance de l’exigence irakienne et le camouflait en le faisant passer pour une commission dûe à un intermédiaire, même si ce dernier gardait pour lui une part résiduelle.

Le directeur de la société Betoil a par ailleurs indiqué clairement que ces sommes étaient facturées par lui à TIL sur l’indication de CU CV, directeur de la division des achats de brut au MO.

À ce stade, il convient de répondre aux développements effectués par Total dans ses écritures selon lesquels TIL et non SA Total était agréée auprès de la SOMO ; en effet il ressort du dossier que TIL, filiale à 100 % de SA Total était un simple véhicule juridique utilisé par les dirigeants de Total pour la mise en oeuvre des décisions notamment financières. À aucun moment du dossier il n’a été démontré ni même allégué que TIL bénéficiait d’une autonomie décisionnelle ; bien plus il a été indiqué que s’agissant de Totsa comme de TIL les opérations comptables et financières étaient remontées au siège de Total SA, élément corroboré par les déclarations du dirigeant de Betoil notamment.

Pour le surplus le conseil de la SA Total reprend les moyens tirés :

* de ce que le paiement des surcharges n’était pas contraire à la loi de l’État de l’agent public (« sans droit ») : l’État irakien est souverain et la Cour n’est pas compétente pour statuer sur les mesures gouvernementales d’un État ;

* de l’absence d’effet direct des résolutions du conseil de sécurité de l’ONU de ce que l’infraction de corruption d’agent public étranger ne s’applique pas ;

* au paiement des surcharges exigé par le gouvernent irakien ;

* de l’absence d’acte contraire aux fonctions (« sans droit ») : le paiement des surcharges était requis par la loi/réglementation irakienne ;

* de l’absence d’enrichissement personnel des agents publics étrangers : les surcharges ont bénéficié à la Banque centrale irakienne et ont abondé au budget de l’État irakien ;

* de ce que l’embargo est un instrument politique et non juridique alors que l’infraction de corruption vise à protéger l’État et que le § 1 de la résolution 986 tempère l’interdiction de verser des surcharges.

Il a été déjà répondu supra à ces moyens dans la partie traitant des éléments constitutifs de l’infraction.

Total a donc choisi, après uniquement 3 mois d’interruption de rejoindre le marché, en utilisant le marché secondaire

dont il était de notoriété qu’il n’échappait pas à la règle des surcharges. À cet égard il convient de souligner que, contrairement à ce que fait également plaider Total, il ne lui est pas reproché de s’être approvisionnée sur le marché secondaire, mais d’avoir ainsi indirectement payé des surcharges, l’article 435-3 du code pénal dans sa rédaction à l’époque prévoyant déjà les paiements indirects comme indirects, étant observé que la confusion alléguée par Total entre le calcul des prix opérés dans l’ordonnance de renvoi est sans incidence dès lors qu’est établi le principe même de paiement de surcharges.

L’article 121-2 du code pénale s’agissant de la responsabilité de la personne morale dispose « les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants ».

Contrairement à ce que soutient la SA Total un tel revirement de position ne peut avoir été décidé qu’à un niveau élevé de la hiérarchie, s’agissant d’une décision lourde de conséquences dans un climat géo politique tendu qui devait aboutir, trois mois seulement après le terme de la prévention retenu pour Total, au déclenchement de la seconde guerre d’Irak ; dans un tel contexte la gestion des approvisionnements de brut irakien, même s’ils ne représentaient pas la totalité des sources d’approvisionnement en pétrole pour cette société, revêtait une importance stratégique déterminante. En conséquence l’infraction de corruption est imputable à la SA Total.

Certes la doctrine distingue la responsabilité fondée sur une faute individuelle et celle fondée sur une faute organisationnelle et il convient en effet de relever que dans les grandes structures, telles que SA Total la dilution des responsabilités rend mal aisée la recherche d’un ou plusieurs dirigeants, étant observé que les dirigeants ont rarement accompli les faits constitutifs de l’infraction se limitant à les avaliser, voire à donner des accords implicites ; il sera à cet égard relevé que dans le dossier nulle recherche de délégation de pouvoir n’a été effectuée.

En l’espèce Monsieur AC a toujours indiqué avoir tout ignoré de ce recours au versement de surcharges, le conseil d’administration de l’époque et lui-même ayant deux préoccupations centrales : mener à bien la fusion avec Elf et gérer les suites du drame de l’Erika ; les membres du Comex ont déclaré que ce point n’y avait pas davantage été abordé, celui-ci traitant plutôt de grands engagements financiers.

Tout au plus monsieur AK CX a in fine déclaré à l’audience de la cour « se souvenir avoir parlé de la clause juridique à monsieur AC, tout en précisant que ce jour-là ils étaient seuls et non en réunion du conseil d’administration par exemple ».

Reste que l’affirmation de monsieur AC selon laquelle tout aurait été traité au niveau de la DTS sans remonter au Comex ou au conseil d’administration n’est pas crédible alors que le pétrole irakien représente une part importante des approvisionnements de Total, comme adapté aux caractéristiques de certaines de ces raffineries, sans oublier que Total est née en Irak ; en outre la période était une période de crise politique majeure, comportant des risques de guerre d’invasion, des sanctions internationales fortes ayant privé dans un premier temps les sociétés comme Total de tout approvisionnement irakien, nécessitant la mise en oeuvre d’une stratégie permettant de régler ce conflit sur fond de situation politique perturbée.

La stratégie adoptée par Total, qui consiste une fois que le robinet irakien est réouvert sous condition, à utiliser parallèlement à la voie légale de l’ONU le marché secondaire en acceptant le dispositif des surcharges, selon des procédés très sophistiqués, est un choix qui relève d’un niveau de décision élevé, notamment à raison des risques pénaux et aussi d’image qu’elle fait courir à l’entreprise ; il est par ailleurs paradoxal de soutenir que la décision de s’opposer au paiement de surcharges dans le cadre des transactions directes avec la SOMO aurait été affichée par les dirigeants de Total, et qu’a contrario celle de passer par le second marché, fut ce en ayant rédigé une clause « Irak », relèverait d’un niveau inférieur ou informel, « des dirigeants de l’une des plus grandes direction de la compagnie », en l’espèce monsieur AD puis monsieur AK CX, lequel était membre du Comex et siégeait au côté

de monsieur AC, sans voix délibérative certes, au conseil d’administration.

Il sera souligné également que s’agissant des commissions S et du volet Teillac, qui revêt une ampleur bien moindre que la décision sus analysée, les préposés de la SA Total entendus sur ce point ont déclaré que « nul doute que monsieur AD, qui l’a d’ailleurs confirmé, en avait référé à monsieur AE lequel siégeait au Comex au coté à l’époque de messieurs AC, DN et Castaigne directeur financier ».

En l’espèce ce choix de 30 paiements corruptifs au cours de la période de la prévention, par leur nature, leur caractère répété et délibéré en période d’embargo relève nécessairement d’une politique commerciale assumée par les dirigeants de Total dans le cadre d’une organisation sophistiquée qui a nécessité une forte implication ; l’infraction de corruption active d’agents publics étrangers ne peut alors avoir été commise, pour le compte de la société, que par son organe tel qu’il résulte des statuts de la société à l’époque de la société.

Il y a lieu de déclarer la SA Total prise en la personne de son organe statutaire à l’époque, coupable de corruption d’agents publics étrangers et de prononcer à son encontre une peine d’amende de 750 000 €.

I) BE AK CX

Il est reproché à BE AK CX d’avoir à Paris et sur le territoire national, entre octobre 2000 et 2002 et depuis temps non couvert par la prescription, sciemment, par aide et assistance, facilité la préparation ou la consommation du délit de corruption d’agents publics étrangers commis par un ou plusieurs dirigeants de la SA Total et par la personne morale Total SA, en l’aidant ou en l’assistant sciemment dans sa préparation ou sa consommation, et s’en être ainsi rendu complice, en l’espèce en autorisant et en organisant en toute connaissance de cause, en sa qualité de directeur trading gaz et électricité de Total, le financement des rétrocessions exigées par les dirigeants irakiens en contrepartie de l’octroi de contrats.

Il convient de préciser que la période de prévention va en réalité du 1er octobre 2000, date d’entrée en vigueur de la loi de 2000 transposant la convention OCDE de 1997, et s’achève le 31 décembre 2001, date du départ de BE AK CX de la SA Total.

Arrivé en mars 2000 au sein de Total, venant d’Elf, il figure à l’organigramme comme directeur trading and shipping gaz et électricité, membre en sa qualité de directeur général du trading shipping du comité exécutif présidé par le PDG, monsieur AC et composé de 8 membres dont AL DP.

Par ailleurs, il assiste sans voix délibérative au conseil d’administration.

Il a précisé que directeur général gaz électricité, à l’origine il avait la responsabilité de développer le secteur gazier du groupe, en dehors de la production et d’étendre la commercialisation du gaz produit par le groupe, fonctions qui lui donnaient également la responsabilité du secteur génération électrique.

Parallèlement il était directeur trading shipping ce qui lui conférait la responsabilité de l’approvisionnement du raffinage du groupe, de l’achat de produit pétrolier pour le groupe, et d’une façon plus générale de l’ensemble du commerce international de pétrole brut et des produits pétroliers.

Il ajoutait qu’à son départ, CW AG qui était son collaborateur avait été nommé directeur trading shipping.

Il cernait comme suit le rôle du Comex : » organe de direction générale de l’ensemble du groupe, à ce titre, tous les investissements importants lui sont soumis pour décision, il arrête la stratégie qui est ensuite soumise à la décision du

Conseil d’administration, ainsi que le budget et assure un suivi permanent des résultats (…) Le Comex a également pour mission de superviser la politique de ressources humaines ».

Concernant la stratégie des approvisionnements pétroliers du groupe Total, il a un rôle en cas de changement ou d’inflexion notable de cette stratégie définie par le directeur général Raffinage marketing qui était à l’époque AS- DH DN.

II est concerné par les mêmes contrats que la SA Total soit 30 contrats ayant donné lieu par le canal de circuits financiers divers mais tous « discrets » au versement de 40 millions 595 580 € de surcharges sur des comptes ouverts à la Frasabank de Beyrouth et à la Jordan Bank de Amman.

Comme indiqué dans la partie consacrée à la SA Total la cote D 4817 reprend les contrats.

Dès lors que l’on retient que BE AK CX a cessé ses fonctions le 31 décembre 2001 pour prendre sa retraite sa responsabilité pénale éventuelle cesse à la fin de la phase 10 du programme « OFF », s’achevant elle- même le 30 novembre ; en conséquence ce sont seuls 20 contrats qui ont été conclus alors qu’il était au sein de la SA Total, pour un montant de 37 millions 979 350 €, le dernier contrat étant le M/10/66 conclu avec Delta Petroleum.

Il connaissait dès son arrivée à la DTS l’existence de surcharges et n’ignorait pas qu’elles étaient destinées à financer les dirigeants irakiens.

Il indiquait à propos des surcharges : « Il y a eu à partir d’un moment que je situerais au début de l’année 2000, une demande de la SOMO pour payer des compléments de prix pour tout achat de brut SOMO. C’est-à-dire des sommes s’ajoutant au prix contractuel, à verser vers des comptes au Moyen Orient, hors la vue des Nations unies. Le groupe a refusé de payer ces compléments. Les enlèvements ont été réduits dans un premier temps et arrêtés dans un deuxième temps. Quand la SOMO a mis fin à son exigence, les enlèvements ont repris. Ce devait être fin 2001/début 2002. Les versements complémentaires étaient de la même nature qu’une commission mais le programme « Pétrole contre Nourriture » n’autorisait pas, sur le plan du principe, ces paiements ».

Au regard de ses fonctions et de son autorité attachées à ses fonctions à la DTS mais aussi au Comex et au conseil d’administration, organe ultime de décision de la compagnie, il disposait des pouvoirs de s’opposer à la continuation des achats de brut irakien sous le marché secondaire ou parallèle.

Il indiquait qu’à ce titre, quand en 2000 il avait eu connaissance des demandes de la SOMO, il avait indiqué à CW AG, « que nous ne paierions pas de commissions » sans qu’il y ait eu débat sur le sujet et rendu compte au président du groupe, sans discussion dans le cadre du Comex, du Codir ou avec d’autres dirigeants du groupe ; CW AG avait reçu ces instructions à charge pour lui de les diffuser auprès des membres du services et en particulier au collaborateur en contact avec la SOMO

Il n’ignore pas que les relations que la SA Total continue d’entretenir après le système des surcharges avec des intermédiaires proposant du brut irakien sont à risques ; cependant il ne met pas en place au sein de la DTS un système de contrôle interne lui permettant d’exercer pleinement ses fonctions de directeur.

Certes, il s’inquiète du rôle de la société Telliac au fonctionnement de laquelle il ne voulait pas être associé de près ou de loin, dont le rôle économique n’apparaissait pas et dont la plus-value de l’intermédiaire était dès le premier abord inexistant ; pour ce faire il demande une note à son collaborateur monsieur AM, directeur financier de la DTS, sur la base d’un document manuscrit du 11 mars 2000, note dont par la suite il indiquera l’avoir, soit égarée, soit pas même reçue. Il convient de souligner que les investigations demandées initialement le sont sur la SA Teillac

pour l’unique raison que le prévenu connaissait les agissements de monsieur AN par ailleurs.

Il reste que cette note figure au dossier (D 293) et que donc BE AK CX ne peut soutenir qu’elle n’a pas existé, d’autant que son scripteur affirme l’avoir bien fait parvenir à son destinataire ; sur la base de cette note BE AK CX estime que les anomalies relevées sont minimes et demande à monsieur AM de poursuivre ses investigations sur d’autres contrats passés sur le marché secondaire.

Monsieur AK CX précise que le PDG prend les décisions d’investissement et que le comité d’exécution en débat. Il appartient au PDG de présenter au Conseil d’administration les décisions stratégiques.

À l’audience devant la cour le conseil de Monsieur AK CX rappelle que celui-ci a intégré la société Total SA en mars 2000 et qu’il a été chargé de regrouper les activités trading de Total SA et de Elf à Genève ; il affirme que la lettre de Monsieur AM portant la mention au niveau de l’objet « Telliac SA – barils bruts irakiens » a été rédigée en mai 2000, c’est-à-dire à une période au cours de laquelle il n’y avait pas de surcharges.

Monsieur AK CX affirme avoir demandé à Monsieur AO de lui signaler les anomalies susceptibles de se présenter dans le cadre des activités de Total SA et de vérifier qu’aucune transaction n’était contraire à la Convention de l’OCDE. Il affirme que la lettre de Monsieur AO, même si elle n’a pas été reçue par lui, n’était pas très alarmante.

Sur la note du 11 mai 2000, alors que monsieur AO a indiqué que monsieur CX lui avait demandé de regarder comment se passait la procédure interne pour le paiement d’honoraires à la société Telliac qui obtenait des cargaisons pétrolières, il disait que six ans et demi après, CY AM a un souvenir précis que lui n’a pas.

Il affirme qu’il a, en huit mois, mis en oeuvre une nouvelle organisation commune et que, en tant que directeur général, il n’avait aucune raison de demander un audit des transactions des sociétés Total SA et TIL mais demandé à ce qu’on lui signale des éléments qui méritaient sa vigilance et n’avoir reçu aucun signalement, excepté s’agissant de la Russie et du Nigeria.

Le conseil de Monsieur AK CX affirme que Monsieur CW AG a dit à Monsieur AK CX que la SOMO exigeait des surcharges au mois de juin-juillet 2001, soit postérieurement à la phase 8. Monsieur CW AG avait dit à la SOMO que les surcharges ne seraient pas payées sur les contrats Total, Fina et Elf et que, en conséquence, la SOMO a affirmé que les contrats ne seraient pas renouvelés.

Monsieur AK CX affirme que le groupe Total est revenu sur le marché secondaire car, début janvier, ils ont eu vent du fait que les entreprises anglo-saxonnes (Exon, BP,…) étaient revenues et que, dès lors, le risque d’enlever des barils entachés de surcharges était faible. En outre, il affirme que le pétrole était acheté au prix du marché. Il affirme également que l’acquisition sur le marché secondaire était faite au vu et au su des Nations unies et qu’ils ignoraient tout du primo-acheteur, étant observé qu’il était obligatoire que l’OSP soit exprimé en euro et que la prime était exprimée en dollar car c’est la monnaie de compte du trading pétrolier et que la société Total SA connaissait l’OSP et la prime. Les prix des transactions apportées comprenaient l’OSP et X centimes. Il affirme que cela fonctionnait ainsi s’agissant de l’Irak mais également s’agissant d’autres pays producteurs. Il affirme que la prime variait de 5 à 50 centimes en tenant compte de la qualité du brut qui s’est détériorée au fil des mois.

Monsieur AK CX affirme que ce qu’il a dit lors de son audition sur l’hypocrisie du programme « Pétrole contre nourriture » était relatif au refus de la France d’accepter la proposition américaine de revenir sur la liste des entreprises agréées. Monsieur AK CX affirme que lorsqu’il a dit que « tous les États étaient au courant » il voulait dire que tous les États étaient au courant après la publication du rapport Volcker.

Monsieur AK CX indique ne pas connaître Messieurs AP et AQ et qu’ils n’ont jamais établi la preuve de ce qu’un membre de la DTS de Total SA savait. Selon lui, les éléments précis dont parle Monsieur AP concernent des transactions postérieures à son départ de la société Total SA. Il affirme également que les déclarations de Monsieur CW AG démontrent qu’il ne souhaitait pas que le prix de l’OSP soit versé à la société Betoil mais qu’il préférait verser la prime.

Monsieur AK CX affirme que les transactions ont été faites par la société Total SA après avoir fait signer une clause qui avait été validée par des juristes et avalisée par des confrères. Il affirme en outre que la connaissance des surcharges est intervenue au moment de la publication du rapport Volcker. S’agissant de la clause, il soutient qu’il ne s’agissait pas d’une clause de pure forme puisque certains vendeurs ont refusé de la signer et l’ont écartée et qu’elle faisait jurisprudence dans l’industrie pétrolière en 2001. Il rappelle qu’il existe une direction juridique au sein de la DTS.

Monsieur AK CX affirme avoir dit à Monsieur AR que la DTS avait pris la décision d’insérer une clause et ce, en dehors du comité exécutif, sans se souvenir des circonstances précises de la conversation et que Monsieur AR et lui étaient seuls lors de cette conversation.

Il précise que Monsieur AR n’a pris aucune décision, lesquelles ont été prises par lui et Monsieur AG.

Monsieur AK CX affirme, s’agissant du contrat M11/54 que la société Total SA n’a pas eu connaissance du contrat conclu entre les sociétés Petroliva et Betoil mais uniquement du contrat conclu entre les sociétés Betoil et Totsa. Son conseil précise que ce qui se passe en amont n’est absolument pas connu de la société Total SA.

Monsieur AK CX affirme que les contrats cités dans l’ORTC couvrent vingt ou trente cargaisons et que lorsque le magistrat instructeur affirme que « Total a enlevé un contrat », il s’agit en réalité, pour la société Total SA, d’enlever des cargaisons sur ce contrat.

Son conseil soutient l’absence d’infraction principale de corruption par Total SA et plaide comme les autres conseils :

* que la violation de l’embargo (prévue à l’article 459 du code des douanes) n’était pas réprimée à l’époque des faits ;

* qu’aucun versement n’a été effectué à un agent public étranger pour son profit personnel.

Il invoque en outre l’absence d’acte positif de complicité dès lors que BE AK CX n’a pas à exercer une fonction opérationnelle de trading et a pris des mesures de vigilance au moment de la fusion, en insérant une clause, qui n’était pas une clause de style ; il fait valoir l’absence d’élément intentionnel.

SUR CE,

Au-delà de ses réponses embarrassées à l’audience devant la cour, il reste que pour des raisons économiques et pour ne pas laisser la place à la concurrence, il a pris la décision du retour sur le marché secondaire.

Dès lors qu’il connaissait les exigences de surcharges depuis 2000, exigences qui s’appliquaient depuis la phase 8 et qu’enfin la transposition de la convention OCDE venait d’être adoptée par le Parlement et entrait en vigueur le 1eroctobre, il a sciemment arbitré dans le sens du retour sur le marché secondaire.

Comme il n’ignorait pas les risques qu’il prenait et faisait prendre à la SA Total, il se couvre par une clause dite de

garantie, susceptible d’être plus justement qualifiée de clause de non responsabilité, dans la mesure où il sait que le respect de cette clause par les co contractants est invérifiable, ce qu’il a au demeurant admis lors de son audition devant les services de police.

Cette décision caractérise l’acte positif de complicité de l’infraction de corruption d’agents publics étrangers, étant observé que s’agissant de la caractérisation de l’infraction principale la cour a répondu supra, ce du Ier octobre 2000 au 31 décembre 2001.

Sur la peine :

Monsieur AK CX est séparé, il perçoit une retraite annuelle de 300 000 € et 150 000 € de placements financiers, il détient des parts d’une indivision sur une propriété située à Toulon.

II y a lieu au regard de l’ancienneté des faits mais aussi de la qualité de l’auteur, très avisé dans le domaine pétrolier puisqu’ayant antérieurement travaillé chez Elf, de son autorité attachée à ses fonctions à la DTS mais aussi au Comex et au conseil d’administration, fut ce en prenant en compte la brièveté de la période retenue au titre de la culpabilité, de prononcer à son encontre une peine d’amende de 30 000 €. AS AN après avoir travaillé à la BNP suisse a exercé à compter de 1996 comme consultant en matières premières indépendant en nom propre ; il recevait alors déjà des versements de Petroléum service ldt émanation de TIL (100 % Total).

SUR LES INFRACTIONS DE COMPLICITÉ D’ABUS DE BIENS SOCIAUX

a) Reprochées à AS AN

En mai 1997, il créait la SA Teillac et signait avec TIL des contrats d’assistance achat/revente pétrole dans CEI et 1 en Irak.

II est prévenu de complicité d’abus de biens sociaux au préjudice de Total :

via le versement entre 1999 et 2000 à S et les personnes qui le représentent de fonds reçus de Total dans le cadre de la commercialisation d’un contrat de brut irakien ;

via des versements en avril 2001 de fonds provenant de Total destinés à rémunérer des intervenants dans le cadre conclus avec des pays de la CEI.

À ce titre, il recevra entre 1997 et 2001 de Total 10 097 977 francs suisses ; sur ce sommes il reversera 6 655 734 francs suisses et 1 245 154 , ce qui représente, une fois les conversions dans la même unité opérées, 79 % des sommes reçues de Total. Au dossier figure la liste des 11 tiers bénéficiaires, dont le nom de S apparaît une fois.

II ressortait des notes du service comptable de Total (DC et Huneau) que son rôle était purement passif, se limitant à exécuter les instructions de la DTS et adresser à Total des factures fictives, dans la mesure où ce n’est pas lui qui fixe le coût de son travail mais Total qui lui adresse les calculs et les instructions pour que la totalité des sommes reparte vers d’autres comptes de sociétés et de particuliers.

La plupart portent des noms à connotations russes et y figure notamment une société Mesgrove, qui n’est autre qu’une entité dirigée par un trader de Total en Russie.

S’agissant de la commission Mesgrove payée le 12 avril 2001 elle a été calculée sur la base de 13 centimes de francs

suisses par baril, pour une cargaison de 1 308 000 barils et son coût s’élève à 294 000 francs suisses.

Elle est accompagnée d’une note de calcul de Huneau.

AS AN ne contestait pas que son rôle se limitait à transférer l’argent au profit de prestataires de Total sur la base des calculs du service comptable de celle-ci.

Quant aux cadres de la DTS, ils ne pouvaient que reconnaître ce rôle au regard des documents trouvés, sur lesquels tout était indiqué (taux de commission, bénéficiaire, date de versement, opération s’y rattachant).

Les auditions de CZ AD, de AS I AJ, DA DB, AS DC, chef comptable, confirment toutes le schéma de ces opérations.

On peut relever en 2001 deux versements du 20 mars 2001 (solde d’un contrat avec la CEI de 1999) ou le 19 avril Teillac SA reçoit 294 000 CHF alors que Huneau écrit le 9 « avant vous allez recevoir… à transférer a mesgrove + d’autres noms russes » et où la SA Teillac émet une facture à DTS le 10.04 payée le 12 par TIL.

Ce versement est le dernier intervenu à raison de l’entrée en vigueur de la loi de 2000.

Quant à AS AN il a dit avoir avec AD des liens personnels quasi familiaux.

II dit a dit « oui je travaille pour Total mais quoi exactement ?… Je communique oralement a AD et AF (non poursuivi) des éléments sur les possibilités ou non de conclure des contrats »… « des éléments utiles sur les mouvements pétroliers ».

Ni chez lui ni au sein de Total ne seront retrouvées de pièces justifiant de la réalité de ses prestations.

II admet in fine « qu’à travers Teillac SA, il transfert de l’argent à des prestataires de Total sur instructions de la DTS, l’intérêt de Total de passer par lui et de payer au lieu de le faire directement se résumant dans la volonté d’éloigner le versement de commissions.

Les destinataires sont souvent désignés sous des lettres de l’alphabet A, B etc ».

Sur le plan de l’analyse juridique s’agissant du versement du 12 avril, le fait de complicité est avéré : il consiste dans la mise à disposition par AS AN des comptes de SA société par lesquels transitent la commission de 294 000 FS.

Quant à la notion d’usage abusif des biens de la société Total, il résulte de ce que la convention OCDE ayant été transposée cette opération fait courir un risque pénal incontestable à Total, étant précisé que dès lors que le risque est encouru même s’il ne se réalise pas l’infraction est caractérisée.

Reste à déterminer si AS AN peut être déclaré coupable de complicité d’abus de biens sociaux alors que les auteurs ne sont pas poursuivis.

L’on sait qu’il est admis que le complice soit poursuivi dans le cas où l’auteur n’a pu être identifié, dès lors que l’existence du fait punissable est démontrée ou que l’on peut être complice d’une infraction qu’on ne peut soi-même avoir commise.

Reste que l’article L. 242 -6 du code de commerce donne une liste limitative des auteurs possibles d’abus de biens

sociaux au sein d’une SA comme Total.

En l’espèce plusieurs cadre de Total ont déclaré que selon eux la décision d’accepter de s’approvisionner en pétrole Irakien via S était remontée jusqu’au plus haut niveau de la hiérarchie (AJ, AD).

Certes il ne s’agit pas là d’une preuve parfaite mais il apparaît que dans une entité aussi importante que la SA Total et au regard des éléments de contexte qui se contrarient (OFF, entrée en vigueur de la convention OCDE mais aussi nécessité de maintenir un niveau d’approvisionnement suffisant en pétrole irakien) les éléments recueillis constituent un faisceau d’indices suffisants pour déclarer AS AN coupable de complicité d’abus de biens sociaux.

b) Infractions reprochées à CZ AD, AS I AJ et DA DL

CZ AD est à ce jour renvoyé devant la cour pour avoir sciemment, à Paris sur le territoire national, courant 1999, depuis temps non couvert par la prescription, par aide ou assistance facilité la préparation ou la consommation du délit d’abus de biens sociaux commis au préjudice de la société Total, par un ou plusieurs dirigeants de cette société, via la rétribution d’AT S et des personnes qu’il représentait avec des fonds de Total, pour la commercialisation de dotations pétrolières attribuées par les dirigeants irakiens en violation des résolutions de l’ONU en l’espèce en autorisant ou organisant l’acquisition de certains contrats et le paiement de commissions et rétrocessions afférentes à AT S par l’intermédiaire de la société Telliac.

AS I AJ est à ce jour renvoyé devant la cour pour avoir sciemment, à Paris sur le territoire national, entre 1999 et 2001, depuis temps non couvert par la prescription, par aide ou assistance facilité la préparation ou la consommation du délit d’abus de biens sociaux commis au préjudice de la société Total, par un ou plusieurs dirigeants de cette société, via la rétribution entre 1999 et 2000 d’AT S et des personnes qu’il représentait avec des fonds de Total, pour la commercialisation de dotations pétrolières attribuées par les dirigeants irakiens en violation des résolutions de l’ONU en autorisant ou organisant en sa qualité de responsable pétrole brut de la DTS, acquisition de certains contrats et le paiement de commissions et rétrocessions afférentes.

DA DD est à ce jour renvoyé devant la cour pour avoir sciemment, à Paris sur le territoire national, courant 1999, 2000, depuis temps non couvert par la prescription, par aide ou assistance facilité la préparation ou la consommation du délit d’abus de biens sociaux commis au préjudice de la société Total, par un ou plusieurs dirigeants de cette société, via la rétribution d’AT S et des personnes qu’il représentait avec des fonds de Total, pour la commercialisation de dotations pétrolières attribuées par les dirigeants irakiens en violation des résolutions de l’ONU en l’espèce en mettant en relation à la demande de AL DP AT S qui proposait des dotations et AS I AJ puis en relançant la DTS pour accélérer les paiements à AT S.

Ces trois infractions concernent des versements effectués entre août 1999 et juin 2000 pour un montant total de 3 520 000 francs qui transitent par la société Teillac dirigée par monsieur AN.

Il convient de s’interroger sur le risque pénal et d’image que faisaient courir les services coûteux de AT S.

De première part, il convient de rappeler que la société de AT S, la SA Telliac, est une société « taxi » qui fabrique des factures pour la société Total, qui l’utilise uniquement à des fins de dissimulation.

Les factures émises par la SA Telliac et utilisées en connaissance de cause par Total sont des fausses factures, en ce qu’elles ne correspondent à aucune plus-value économique ainsi que le soulignera le service comptable de la DTS.

Le premier risque pénal est donc celui de poursuites pour faux.

L’autre risque lié est un risque fiscal, l’administration au cas où elle découvrirait la fictivité de ces factures est en droit de refuser d’assimiler les commissions versées à des charges supportées par la SA Total.

Il existe enfin un risque lié à la violation du décret du 2 août 1990 réglementant les relations financières avec les personnes physiques ou morales résidant en Irak ou au Koweït ou ayant la nationalité de ces deux États (ce texte est devenu aujourd’hui l’article 151-2 du code monétaire et financier dont les sanctions sont prévues par renvoi au code des douanes.

S’agissant de ces versements monsieur AJ a déclaré « je suis certain que monsieur AE, qui était directeur général-non poursuivi dans le présent dossier – et siégeant donc au Comex était au courant de ces commissions payées à S via le système AN/Teillac ; en effet lors de notre discussion avec CZ AD nous avons eu à étudier ces circuits juridiques et financiers « complémentaires » CZ AD a demandé un délai de réflexion avant de revenir avec une réponse positive. Je pense qu’il en avait référé à sa hiérarchie DA AE (son N + 1) qui était le point de communication du trading avec le Comex ou messieurs AC, DN, AE, Castaigne (DAF) siégeaient ; pour des contrats qui n’étaient pas strictement Totinter/SOMO le président ne pouvait ignorer que des compléments étaient achetés et des heures payées ».

Au regard de ces éléments, l’infraction d’abus de biens sociaux apparaît caractérisée.

Reste à définir les actes de complicité accomplis par chacun des prévenus.

S’agissant de DA DD son rôle est d’avoir, à la demande de AL DP avec lequel il travaillait à l’époque, mis en relation AT S et I AJ responsable pétrole brut de la DTS, puis d’avoir relancé cette direction qui tardait à payer S.

Si ces faits sont constants, un doute persiste au regard des éléments du dossier sur le fait de savoir, si ce faisant, le mis en cause avait connaissance du contenu des interventions de S. Il y a lieu de renvoyer DA DD des fins de la poursuite.

S’agissant de AS I AJ il a admis les circonstances de sa rencontre avec S via DA DD.

Il a indiqué que S avait fait état de sa parfaite connaissance des autorités irakiennes et dit en conséquence qu’il pouvait obtenir des contrats pour 3 à 4 M de barils par semestre de pétrole de kirkouk :

« Bien que nous n’ayons pas parlé d’allocations il est apparu que nous devions choisir une société agréée dans le cadre du programme OFF… sans que nous parlions de tarif j’ai compris que nous aurions à payer des commissions… j’ai pris le temps de réfléchir car je n’avais pas les sociétés et voulait en référer à ma hiérarchie ».

C’est dans ces conditions que AS I AJ transmettait à CZ AD une première proposition de 3 à 4 millions de barils avec un commissionnement de 12 et 15 cents et faisait état de la nécessité de trouver une société.

En effet, il déclarait que Totinter sans doute parce que trop proche de Total ne pouvait plus payer de commission. C’est dans ces conditions selon lui que CZ AD acceptait de passer par la société Telliac.

Par la suite AS I AJ disait avoir proposé deux sociétés écrans déjà connues de Total en l’espèce Genmar et Mero, société suisses de trading.

Il ressort de ces déclarations que AS I AJ avait connaissance du contenu de l’intervention pour laquelle S était rémunéré ainsi que du circuit de rémunération très sophistiqué élaboré dans le but d’éloigner l’entité qui payait les commissions S de Total.

En revanche l’étude du dossier démontre que les contrats signés en 2001 ayant donné lieu à versement de commissions l’ont été après son départ.

Les développements faits dans le volet abus de biens sociaux imputés à AS AN seul sur la complicité d’une infraction dont l’auteur n’est pas poursuivi sont tenus pour acquis.

Il y a lieu d’entrer en voie de condamnation à l’encontre de AS I AJ, renvoyé des fins de la poursuite pour l’année 2001, dans les termes de la prévention pour les années 1999 et 2000 et de prononcer à son encontre une peine de 20 000 €

S’agissant de CZ AD, il a confirmé pour les contrats M/06/66 et M/06/70 avoir donné son accord pour l’acquisition de brut via S, qu’il connaissait pour des interventions précédentes en Irak, et le recours à la structure de AN pour le rémunérer.

Il disait que la DTS qui traitait environ 100 millions de tonnes de brut par an avait vu ses contrats directs avec la SOMO baisser légèrement, alors que Total était « un consommateur naturel de brut irakien ».

II ajoutait avoir ensuite naturellement pensé à réactiver le circuit AN utilisé pour les contrats CEI.

Les développements faits dans le volet abus de biens sociaux imputés à AS AN seul sur la complicité d’une infraction dont l’auteur n’est pas poursuivi sont tenus pour acquis.

Il y a lieu d’entrer en voie de condamnation à l’encontre de CZ AD du chef de complicité d’abus de biens sociaux mais au seul titre des commissions versées pour les contrats M/06/66 et M/06/70 et de prononcer à son encontre une peine de 30 000 €.

Dans ce volet, les éléments constitutifs de l’infraction de complicité d’abus de biens sociaux sont également caractérisés à l’encontre de AS AN.

Il y a lieu de prononcer à son encontre au titre de l’ensemble des faits de complicité d’abus de biens sociaux une peine d’amende de 100 000 €.

Par ces motifs, la cour, statuant publiquement, contradictoirement, en la forme

Reçoit l’appel de la Vitol LTD sur la compétence de la juridiction nationale et l’appel du ministère public ;

Prend acte des désistements d’appel du ministère public intervenus à l’audience et limitant son appel aux seules dispositions du jugement concernant l’application de la règle non bis in idem à l’égard de la Vitol LTD, à l’infraction de trafic d’influence à l’encontre de I E, de corruption d’agent publics étrangers à l’encontre de la SA Total, la Vitol LTD, BC B, AS DH H, BF L, CC N, CH BH, AS BE Q, du chef de complicité de corruption d’agents publics étrangers à l’encontre de BE AK CX (réputé commis de mars 2000 à déc. 2001), des chefs de complicité d’abus de biens sociaux à l’encontre de AS AN, de DA DD, de CZ AD, de AS I AJ et du chef d’abus de biens sociaux à l’encontre de CC N ;

Rejette les exceptions de nullité de l’acte d’appel soulevées par les conseils de BE AK CX et AS I AJ ;

Confirme le jugement déféré par motifs propres en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la Vitol LTD et BC B ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à l’exception tirée du principe non bis in idem à l’égard de la Vitol LTD ;

Sur le fond

Infirme la décision déférée et statuant à nouveau, déclare :

I E coupable de trafic d’influence la SA Total, la Vitol LTD, BC B, AS DH H, BF L, CC N, AS BE Q, coupables de corruption d’agents publics étrangers dans les termes de la prévention à chacun applicable

DK CH BH coupable de complicité de corruption d’agents publics étrangers

BE AK CX coupable de complicité de corruption d’agents publics étrangers, pour les seuls faits commis entre octobre 2000 et décembre 2001

AS AN, CZ AD, AS I AJ coupables de complicité d’abus de biens sociaux au préjudice de la SA Total ;

Renvoie DA DD des fins de la poursuite ;

CC N coupable d’abus de biens sociaux au préjudice de la Société EOTC

En répression,

Condamne I E à la peine de 5 000 € d’amende assortie du sursis ;

Et aussitôt, le président de la juridiction, après le prononcé de la peine assortie du sursis simple, a donné l’avertissement prévu à l’article 132-29 du code pénal, qui dispose qu’en cas de condamnation pour une nouvelle infraction qui serait commise dans les délais prévus par les articles 132-35 à 132-37 du code pénal, le sursis pourra être révoqué par la juridiction.

Conformément aux dispositions des articles 707-3 et R. 55-3 du code de procédure pénale, le président a avisé le condamné, que :

s’il s 'acquitte du montant de l’amende et du droit fixe de procédure mentionné ci-dessous, dans un délai d’un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % (réduction maximale de 1 500 €),

le paiement de l’amende ne prive pas le condamné du droit de former un pourvoi en cassation.

Condamne la SA Total à la peine de 750 000 € d’amende ;

Condamne la Vitol LTD à la peine de 300 000 € d’amende ;

Condamne BC B, à la peine de 75 000 € d’amende ;

Condamne AS DH H, à la peine de 50 000 € d’amende ;

Condamne BF L à la peine de 20 000 € d’amende ;

Condamne CC N à la peine de 50 000 € d’amende ;

Condamne DK CH BH à la peine de 15 000 € d’amende ;

Condamne AS BE Q à la peine de 50 000 € d’amende ;

Déclare BE AK CX coupable de complicité de corruption d’agents publics étrangers, pour les seuls faits commis entre octobre 2000 et décembre 2001 à la peine de 30 000 € ;

Condamne AS AN, à la peine de 100 000 € d’amende ;

Condamne CZ AD, à la peine de 30 000 € d’amende ;

Condamne AS I AJ à la peine de 20 000 € d’amende ;

Ordonne la confiscation des scellés ;

Conformément aux dispositions des articles 707-3 et R. 55-3 du code de procédure pénale, le président a avisé les condamnés CC N, AS I AJ, et la SA Total en la personne de AS-BJ DO que :

s’ils s’acquittent du montant de l’amende et du droit fixe de procédure mentionné ci-dessous, dans un délai d’un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % (réduction maximale de 1500 €),

le paiement de l 'amende ne prive pas les condamnés du droit de former un pourvoi en cassation.

Compte tenu de l’absence des autres condamnés au prononcé de la décision, le président n’a pu les aviser, conformément aux dispositions des articles 707-3 et R. 55-3 du code de procédure pénale, que :

s’ils s’acquittent du montant de l’amende et du droit fixe de procédure mentionné ci-dessous, dans un délai d’un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % (réduction maximale de 1 500 €),

le paiement de l’amende ne prive pas les condamnés du droit de former un pourvoi en cassation.

Composition de la juridiction :

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Cour d'appel de Paris, 26 février 2016, n° 13/09208