Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 3, 28 juin 2017, n° 16/18824

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 3, 28 juin 2017, n° 16/18824
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/18824
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 5 septembre 2016, N° 14/09684
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 13 juin 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 28 JUIN 2017

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/18824

Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 Septembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 14/09684

APPELANTE :

SAS CHICAGO PIZZA PIE (C.P.P.) Prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 431 954 460

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998, avocat postulant

Assistée de Me Jacques GUILLEMIN de la SELAS SAUTIER -GUILLEMIN- MEUNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R022, avocat plaidant

INTIMÉE :

SARL SOUTHERN PARIS prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 325 274 744

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant

Assistée de Me Diane-Élisabeth DUMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : R073, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente

Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère

Monsieur Fabrice VERT, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : lors des débats : Madame Anaïs CRUZ

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente et par Madame Anaïs CRUZ, greffier présent lors du prononcé.

*********

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 29 mai 2006 à effet au 1er juin 2006, la société SOUTHERN PARIS a donné à bail commercial à la société CHICAGO PIZZA PIE des locaux de 750 m² environ situés au niveau -1/2 donnant sur la [Adresse 2], dépendant d’un ensemble immobilier sis [Adresse 3], moyennant un loyer de 250 000 € hors taxes hors charges, à destination de 'restaurant-bar dans le cadre d’un établissement haut de gamme'.

Saisi par la société CHICAGO PIZZA PIE, le juge des loyers commerciaux par jugement du 15 février 2013 a constaté que, par l’effet de l’application de la clause d’échelle mobile du bail, le loyer s’est trouvé augmenté de plus du quart par rapport au prix précédemment fixé et a désigné un expert pour donner son avis sur la valeur locative des locaux loués.

L’expert a déposé son rapport le 9 septembre 2014 concluant à une valeur locative de 216 400 €. Par jugement du 26 août 2015, le juge des loyers commerciaux a fixé à 309 742,84 € le prix du loyer annuel à compter du 1er juillet 2012 et condamné la société SOUTHERN PARIS à restituer les loyers trop perçus depuis le 1er août 2012.

Parallèlement, par acte du 27 juin 2014, la société SOUTHERN PARIS a fait assigner la société CHICAGO PIZZA PIE devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de voir ordonner à cette dernière, sous peine de voir prononcer la résiliation du bail avec expulsion de la locataire, de respecter les clauses de celui-ci dans le mois de la signification du jugement, à savoir celles relatives à sa destination, aux horaires de fermeture et au respect du voisinage, de supprimer tout support publicitaire toute référence à une activité de night-club.

Par acte d’huissier du 30 novembre 2015, la société SOUTHERN PARIS a mis en demeure la société CHICAGO PIZZA PIE notamment de cesser dans le délai d’un mois toute activité de danse et discothèque conformément à la destination du bail, de fermer l’établissement à 3 heures du matin conformément à l’article 9 du bail sur les horaires de fermeture, de cesser toutes nuisances et tout trouble anormal du voisinage.

Parallèlement, par acte d’huissier du même jour, la société SOUTHERN PARIS a fait délivrer à la société CHICAGO PIZZA PIE un congé pour le 31 mai 2016 avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime lui reprochant la modification non autorisée de la destination contractuelle du bail, le non respect des horaires d’ouverture contractuels, le non respect de la clause d’usage des lieux et la violation de la tranquillité du voisinage, le non respect de la clause relative aux travaux réalisés pendant le cours du bail et les nuisances notamment sonores constitutives de troubles anormaux de voisinage.

Par jugement en date du 6 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris’a :

— Donné acte à la société SOUTHERN PARIS de ce qu’elle a retiré des débats le procès-verbal de constat dressé par Me [D] les 25, 26 septembre et 18 octobre 2012 ,

— Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de bail en date du 29 mai 2006 portant sur les locaux situés au niveau -1/2 auxquels on accède [Adresse 2] dépendant de l’ensemble immobilier sis [Adresse 3],

— Ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quatre mois de la signification du présent jugement, l’expulsion de la société CHICAGO PIZZA PIE et de tout occupant de son chef des lieux situés au niveau -1/2 auxquels on accède [Adresse 2] dépendant de l’ensemble immobilier sis [Adresse 3], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier,

— Dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu’a défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux – enchères publiques, sur autorisation – du juge de l’exécution, ce conformément aux dispositions légales ;

— Condamné la société CHICAGO PIZZA PIE à payer à la société SOUTHERN PARIS une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer contractuel, taxe et charges en sus que la locataire aurait payé si le bail s’était poursuivi, à compter du présent jugement jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés;

— Dit n’y avoir lieu d’ordonner à la société CHICAGO PIZZA PIE de cesser toute activité non-autorisée par le bail, de respecter les horaires de fermeture et de cesser tout trouble de voisinage tels que des nuisances sonores, ainsi que de supprimer toute référence à une activité de night-club de tout support publicitaire que la société CHICAGO PIZZA PIE édite notamment sur internet et de cesser toute communication externe dans ce sens, la résiliation du bail étant prononcée,

— Débouté la société CHICAGO PIZZA PIE de sa demande tendant a voir condamner la société SOUTHERN PARIS à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts,

— Condamne la société CHICAGO PIZZA PIE à payer à la société SOUTHERN PARIS une indemnité de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— Débouté la société CHICAGO PIZZA PIE de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

— Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la présente décision,

— Rejeté les autres demandes,

— Condamné la société CHICAGO PIZZA PIE aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître F. [A], avocat en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La SARL CHICAGO PIZZA PIE a interjeté appel de la décision par déclaration du 16 septembre 2016.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 avril 2017 au visa des articles 763 à 787 et 907 du code de procédure civile et 1134 et 1184 du code civil, la société CHICAGO PIZZA PIE demande à la Cour de':

A titre principal, avant dire droit,

— Désigner tel huissier de justice qu’il vous plaira aux frais avancés de la société CHICAGO PIZZA PIE (C.P.P.), avec mission de :

— Se rendre sur place, au Titty Twister sis [Adresse 1]

— Effectuer toutes constatations concernant l’activité exercée dans les lieux et plus précisément indiquer s’il existe un billard, un flipper, une piste réservée à la danse, des tables, des chaises, des canapés,

— Indiquer le nombre de clients présents, le nombre de clients assis, le nombre de clients debout consommant un verre et, le cas échéant, éventuellement le nombre de clients en train de danser,

— Prendre toutes photographies,

— Autoriser l’huissier instrumentaire à poser, aux personnes présentes lors de sa mission, toutes questions relatives à la mission qui lui est impartie,

— Dire que l’huissier instrumentaire dressera procès-verbal du tout, auquel seront annexées toutes pièces recueillies et photographies effectuées en exécution de sa mission,

— Autoriser l’huissier à procéder à ses opérations en dehors des heures légales, et même les jours fériés,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour ne faisait pas droit à la demande de désignation d’un huissier aux fins de constat,

— Déclarer la société CHICAGO PIZZA PIE (CPP) recevable et bien fondée en son appel.

— Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 septembre 2016 par la 18ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de PARIS,

Et statuant de nouveau,

— Constater l’absence de fondement des griefs invoqués contre la société CHICAGO PIZZA PIE,

En conséquence,

— Déclarer la société SOUTHERN PARIS irrecevable et mal fondée en sa demande de résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la société CHICAGO PIZZA PIE,

— Débouter en conséquence la société SOUTHERN PARIS de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la société CHICAGO PIZZA PIE,

— Condamner la société SOUTHERN PARIS à payer à la société CHICAGO PIZZA PIE la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts,

— La condamner au paiement d’une somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— La condamner aux entiers dépens de procédure dont le recouvrement, pour ceux le concernant, sera directement poursuivi par Me Frédéric BURET, Avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 mars 2017, au visa des articles 808, 809 et 917 du Code de procédure civile et 1728, 1729, 1741 et 1184 et s. du Code civil, la SARL SOUTHERN PARIS demande à la Cour de':

— Rejeter la demande formée par voie d’incident, joint au fond, de voir désigner un huissier aux fins de constat, formée par CHICAGO PIZZA PIE,

— Dire et juger recevable et bien fondée les demandes de la société SOUTHERN PARIS à l’encontre de la société CHICAGO PIZZA PIE,

Par conséquent,

— Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 6 septembre 2016,

En tout état de cause,

— Dire irrecevable à tout le moins débouter la société CHICAGO PIZZA PIE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— Condamner la société CHICAGO PIZZA PIE à payer à la société SOUTHERN PARIS la somme de 30 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner la société CHICAGO PIZZA PIE aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés par Me Marie-Catherine VIGNES en application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 3 mai 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de désignation d’un huissier de justice :

La société locataire a sollicité le 14 mars 2017 la désignation d’un huissier de justice concernant l’activité exercée dans les lieux et plus précisément pour indiquer s’il existe un billard, un flipper, une piste réservée à la danse, des tables, des chaises, des canapés.

Selon le calendrier de procédure, la clôture étant prévue pour le 15 mars 2017, cet incident a été joint au fond.

La cour constate que les parties ont déjà fait réaliser des constats d’huissier de justice, sur les faits qu’elles allèguent et qu’il n’est pas nécessaire de faire procéder à un nouveau constat.

Sur la demande de résiliation du bail :

La société bailleresse soutient que la société locataire viole l’article 3 sur la destination des lieux, l’article 9 sur les horaires de fermeture ainsi que l’article 4.IX sur le respect dû au voisinage en causant d’importantes nuisances sonores du fait de son activité de night-club non autorisée et sollicite en conséquence le prononcé de la résiliation du bail en application de l’article 1184 du code civil.

Le contrat de bail du 29 mai 2006 mentionne en son article 3 – destination des locaux loués indivisibilité': «'le preneur ne pourra utiliser les locaux loués que pour l’exercice de l’activité de restauration-bar dans le cadre d’un établissement haut de gamme'».

Ainsi que l’ont rappelé les premiers juges dans un premier temps l’établissement exploité dans les locaux portant l’enseigne «'Queenie'» exerçait effectivement l’activité de bar et celle de restauration En 2012, la société CHICAGO PIZZA PIE a fait réaliser des travaux de réaménagement des locaux et leur a donné pour nouvelle enseigne le «'TITTY TWISTER'», par référence au nom du bar figurant dans le film avec [V] [Y] «'Une nuit en enfer'», dont s’inspire la décoration. Les locaux ainsi réaménagés sont décrits dans les articles de presse produits comme un lieu «'à l’ambiance industrielle, avec murs en briques, graffitis, Chesterfield patinés, tapis rapés…'», «'mêlant cocooning et esprit rock n’roll'», description corroborée par de nombreuses photographies.

Il résulte des pièces du dossier et notamment des constats d’huissier que désormais la restauration est limitée au réchauffage de plats pré-cuisinés, le personnel en cuisine étant réduit. Cette activité est désormais une partie très accessoire de l’activité, mais le preneur n’étant pas obligé d’exploiter les lieux pour la totalité de la clause de destination, il ne peut lui en être fait grief.

La société CHICAGO PIZZA PIE soutient que si dans le cadre de la présente procédure, la société SOUTHERN PARIS lui reproche d’avoir modifié la destination commerciale des lieux en créant une discothèque, elle avait, pour solliciter une augmentation de loyer devant le juge des loyers, demandé de prendre en compte cette activité de bar-discothèque, si bien qu’elle se contredit à son détriment.

Ainsi que l’ont jugé de manière pertinente les premiers juges, une renonciation à un droit doit être expresse et dépourvue d’équivoque, or parallèlement à son argumentation visant à obtenir un loyer conforme à l’activité réellement exercée, la société SOUTHERN PARIS contestait depuis 2012 le changement de destination opéré par le locataire notamment par lettres recommandées avec accusé de réception des 8 octobre 2012 et 15 avril 2013, mettant en demeure la société CHICAGO PIZZA PIE de se conformer à la clause de destination du bail. Dans ces conditions, la société SOUTHERN PARIS est recevable à reprocher à son locataire le non respect de la clause de destination du bail.

La société SOUTHERN PARIS reproche à la société CHICAGO PIZZA PIE d’exploiter dans les lieux loués un night-club ou encore une discothèque sous le nom de Titty Twister.

La société bailleresse fonde ses demandes sur des éléments recueillis sur internet notamment sur des comptes Facebook. Elle soutient qu’il existerait une piste de danse, cet élément étant mis en avant sur le propre site de la société locataire et par de nombreux commentaires d’internautes. Elle soutient que l’éclairage serait celui d’une boîte de nuit, de même il existerait un service de boissons proposé comme dans les boîtes de nuit, c’est à dire dans des vasques avec des bougies fontaines. Il existerait également un service de vestiaire propre aux boîtes de nuit. La société bailleresse a fait réaliser des constats d’huissier sur Instagram et Youtube. C’est ainsi que Maître [O] huissier de justice, en visionnant des photos et vidéos sur cette application et ce site, a constaté le 22 janvier 2016, «'qu’une personne dansait au premier plan et d’autres dansent en arrière-plan'», que «'des personnes dansent au premier plan'». Un autre constat dressé par le même huissier le 17 octobre 2016 relève que «'la salle est pleine de personnes debout, qui dansent et lèvent les bras avec de la musique et des spots lumineux au milieu d’une ambiance sombre'» l’huissier poursuivant':'«'je constate des personnes qui dansent au premier plan et d’autres qui dansent en arrière plan lorsque la caméra se soulève'».

En ce qui la concerne, la société locataire a fait dresser différents constats d’huissier, mettant en évidence le fait qu’il n’existe pas de piste de danse, l’huissier mandaté, insistant sur le fait dans son constat dressé le 18 mars 2017 que l’aménagement du «'premier espace est installé sous une forme labyrinthique où les positionnements des canapés et des tables tentent à contenir la clientèle dans un espace restreint'». L’huissier constate également «'qu’il n’existe pas plus de 1m à 2m entre les éléments de mobiliers équipant cet espace à savoir les canapés ou les tables basses limitant ainsi les capacités d’expression d’une clientèle jeune et festive'». L’huissier ajoute qu’en opposition au QUEEN, qui est une discothèque, il n’y a pas de droit d’entrée payable avant de pénétrer dans l’établissement, et constate que si le niveau sonore est supérieur à celui d’un usage domestique, il n’en n’est pas pour autant assourdissant.

Le bailleur a fait dresser le 17 octobre 2016 un constat d’huissier sur internet avec le moteur de recherche google pour une recherche «'instagram titty twister'». L’huissier a ainsi visionné des vidéos sur lesquelles il indique voir «'des personnes qui dansent dans la salle en arrière plan, avec des spots lumineux qui tournent et une personne au premier plan qui allume un bâton à étincelles et qui danse avec'». L’huissier indique également avoir récupéré une vidéo à l’adresse «'paris fashion week party@titty twister hosted by ono& sweete monke’y'». Il décrit le contenu de la vidéo et constate qu’il voit des personnes qui attendent devant l’entrée du Titty Twister, puis des personnes qui dansent en intérieur au premier plan, (') puis des personnes qui dansent dans la salle et également sur une partie centrale surélevée. Puis (il) constate la présence d’un seau à glace avec des bouteilles d’alcool et des canettes, puis une cabine de DJ avec son équipement, puis des personnes qui dansent dans la pièce'».

Un blog tenu par un client du Titty twister (pièce 61-1 de l’intimée) présente cet établissement comme un «'club'» et précise «'the music here is a mix of hip hop and electro. There is no way you can go here and not dance. I can honestly say that I’ve never seen dancing like I’ve seen here.(…)'» ce que le bailleur traduit ainsi sans être contredit par le preneur «'c’est impossible d’y aller et de ne pas danser. Je peux honnêtement dire que je n’ai jamais vu danser comme ici.'» Un site «'Etvous'», qui se présente comme étant un guide des «'meilleurs clubs et discothèques à [Localité 2] en 2016'» indique dans le 8ème arrondissement le Titty Twister, avec de la musique «'rock, pop'», le Queen Club diffusant lui de la musique «'techno,house'».

Le preneur a fait dresser un autre constat le 12 mars 2017, dans lequel l’huissier a constaté que «'quelques consommateurs dansaient debout face à leur table, mais que la majorité de la clientèle demeurait assise ou installée face au bar'».

La cour relève que la société Chicago Pizza indique dans le référé qu’elle a introduit devant le juge des référés administratif exploiter «'un établissement ayant une activité de bar musical avec danse incidente'». Dans ces conditions, elle reconnaît ainsi une activité de danse.

D’après tous ces éléments communiqués par les parties, il est établi que l’établissement n’est pas une véritable discothèque, puisque sans aucun droit d’entrée, ne disposant pas de réelle piste de danse, et ne bénéficiant de la présence d’un DJ que de façon intermittente, mais plutôt un établissement «'branché'» mêlant les concepts dans lequel il est admis que la clientèle danse au son d’une musique amplifiée. L’établissement n’a d’ailleurs aucune autorisation administrative pour une activité de danse.

Dans ces conditions, le preneur n’a pas de ce chef contrevenu à la clause de destination de son bail.

Sur le non respect des horaires :

L’article 9 des conditions particulière du bail stipule que «'le bailleur consent au preneur la faculté de fermer l’établissement à 3 heures du matin en lieu et place de 2 heures du matin, étant précisé que cette condition particulière est consentie par le bailleur à M. [M] [M] à titre personnel, en considération de ses besoins et modalités propres d’exploitation (…)'»

Le preneur verse aux débats les arrêtés préfectoraux, régulièrement renouvelés lui donnant l’autorisation d’exploiter son établissement toute la nuit et lui rappelant que le classement actuel de son établissement en type N au titre de la sécurité préventive ne permet pas l’organisation d’activité de danse.

Le bailleur établit par la tentative de sommation interpellative du 3 janvier 2016, que l’huissier a rencontré à 3H48 du matin cinq personnes qui sortaient du Titty Twister. Par ailleurs, la page Facebook de l’établissement indique une fermeture les dimanches, lundis et mardis, mais une ouverture les mercredis, jeudis, vendredis et samedis de 23 heures à 5 heures (pièce 59 de l’intimée).

Le preneur ne conteste d’ailleurs pas ne pas respecter la clause du bail, mais soutient qu’il ressort d’une attestation de son expert comptable qu’il a perdu 92,64% de son chiffre d’affaire pendant la période où il a été dans l’obligation de fermer à 2 heures du matin.

Il soutient également que la clause du bail viserait simplement à permettre d’obtenir une dérogation administrative à l’obligation légale de fermer à deux heures concernant les établissements titulaires d’une licence 4. Cependant, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, il n’apporte pas la preuve de ses dires, les autorisations préfectorales délivrées ne faisant aucune allusion aux clauses du bail.

La cour rappelle que les contrats doivent être exécutés de bonne foi et font la loi des parties. Le preneur ne peut s’affranchir des clauses de son bail, au motif qu’il aurait obtenu des autorités préfectorales l’autorisation d’ouvrir toute la nuit. Compte tenu des nuisances sonores résultant de l’ouverture d’un commerce toute la nuit, le bailleur, surtout comme au cas présent lorsqu’il est également propriétaire d’un établissement hôtelier voisin, peut exiger, sans mauvaise foi de sa part, que l’établissement exploité dans des locaux qu’il donne en location ne soit pas ouvert toute la nuit.

En conséquence, la société CHICAGO PIZZA PIE a commis une infraction aux clauses contractuelles, en restant ouvert au delà de 3 heures du matin, alors que son bail visait expressément une fermeture de l’établissement à 3 heures.

Sur les nuisances sonores :

Le bail liant les parties stipule dans son article 4 IX que «'le preneur (') devra veiller à ce que la tranquillité et la bonne tenue de l’immeuble ne soient troublées en aucune manière par son fait ou celui de son personnel, ou de ses clients'».

La société bailleresse verse aux débats les nombreuses plaintes des clients de l’hôtel [Établissement 1] laissées sur le site Tripadvisor et booking relatives aux nuisances sonores provoquées par le Titty Twister.

La société locataire conteste la pertinence de ces commentaires comme celle des contrôles opérés par la préfecture de police.

La cour relève qu’il importe peu que l’hôtel [Établissement 1] soit contrôlé par les dirigeants de la société SOUTHERN PARIS, compte tenu des réclamations formulées par les clients de l’hôtel. Certes, il existe sur internet de faux commentaires, mais l’hôtel n’a pas intérêt à émettre de faux commentaires sur la tranquillité des chambres qu’il donne en location. Surtout, ces plaintes sont confortées par les constats d’huissier qu’a fait établir l’hôtel le 17 novembre 2012 et le 9 février 2015 ainsi que par les procès-verbaux de contravention de 5ème classe dressés le 2 décembre 2013 et 16 juin 2014, à l’encontre du gérant du Titty Twister. Bien que la société locataire ait fait réaliser des travaux dans les lieux loués afin de limiter les nuisances sonores, la société bailleresse justifie que celles-ci persistent. C’est ainsi qu’un nouveau contrôle a été opéré par la préfecture de Police le 17 décembre 2016 entre 1 heure et 2 heures. Les relevés sonométriques enregistrés sur place dans la chambre n°111 de l’hôtel, ont relevé une émergence de bruit de 10db(A), alors que «'compte tenu de la durée cumulée d’apparition du bruit particulier, supérieure à 8 heures, l’émergence tolérée en période nocturne est de 3dB(A) en niveau global'». Le courrier de transmission du procès-verbal établi par l’inspecteur de salubrité M. [Q] vise expressément les nuisances sonores causées par la diffusion de musique amplifiées de l’établissement à l’enseigne «'Titty Twister'» et indique que l’exploitant n’a pas été en mesure de présenter au technicien une étude finalisée de l’impact des nuisances sonores sur l’environnement immédiat de son établissement requise par la réglementation en vigueur'». Ce procès-verbal ne fait pas état de nuisances sonores provenant d’autres établissements diffusant également de la musique amplifiée, mais vise expressément la musique provenant de Titty Twister.

Il importe peu que la Préfecture ait délivré le 24 janvier 2017 à la société CHICAGO PIZZA PIE une nouvelle autorisation d’ouvrir toute la nuit, tous les jours, des nuisances sonores provenant de son établissement ayant été constatées dans une chambre de l’hôtel voisin, ce qui constitue un trouble anormal de voisinage.

Dans ces conditions, les nuisances sonores répétées ainsi que le non respect des clauses du bail relatives à la fermeture de l’établissement à trois heures du matin, sont suffisamment graves pour entraîner la résiliation du bail et il convient de confirmer le jugement entrepris.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le délai pour délaisser les lieux loués,

Statuant à nouveau sur ce point,

Ordonne à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quatre mois de la signification du présent arrêt, l’expulsion de la société CHICAGO PIZZA PIE et de tous occupants de son chef des lieux situés au niveau -1/2 auxquels ont accède [Adresse 2] dépendant de l’ensemble immobilier sis [Adresse 3], avec le concours, en tant que de besoin de la force publique et d’un serrurier,

Y ajoutant,

Condamne la société CHICAGO PIZZA PIE à payer à la société SOUTHERN PARIS une somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CHICAGO PIZZA PIE aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Marie-Christine Vignes, avocat en application de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE



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