Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 14 mars 2018, n° 15/09551

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www.oolith.eu · 6 novembre 2023

Vous êtes en situation de discussions précontractuelles, sachez que la rupture abusive des pourparlers peut engendrer des conséquences juridiques significatives. Il est essentiel de comprendre les principes qui guident cette situation et de savoir comment réagir en cas de rupture abusive. Dans cet article, nous explorerons la notion de rupture abusive des pourparlers, ses principes fondamentaux et nous fournirons des exemples de jurisprudence pour une meilleure compréhension. Qu'est-ce que la rupture abusive des pourparlers ? Les pourparlers précontractuels représentent les échanges …

 

Yver Katia · Lettre des Réseaux · 17 décembre 2021

CA Paris, 14 mars 2018, n°15-09.551 Il est de principe établi que la faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers n'est pas la cause du préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser les gains espérés à la conclusion du contrat. Ce qu'il faut retenir : La liberté contractuelle implique celle de ne pas contracter, notamment en interrompant les négociations préalables à la conclusion d'un contrat ; les partenaires doivent alors participer loyalement aux négociations, ce dont il résulte que seules les circonstances de la rupture peuvent constituer …

 

Simon François-luc · Lettre des Réseaux · 17 décembre 2021

Etude d'ensemble La prorogation du contrat de franchise obéit à différentes conditions, qui impliquent de prendre en considération le droit commun (C. civ., art. 1213), le devoir général d'information (C. civ., art. 1112-1) et l'obligation d'information précontractuelle (C. com., art. L.330-3). Ce qu'il faut retenir : La prorogation du contrat de franchise obéit à différentes conditions, qui impliquent de prendre en considération le droit commun (C. civ., art. 1213), le devoir général d'information (C. civ., art. 1112-1) et l'obligation d'information précontractuelle (C. com., art. …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 14 mars 2018, n° 15/09551
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/09551
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 21 décembre 2014, N° 2013054142
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 14 MARS 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/09551

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Décembre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2013054142

APPELANT

Monsieur Z Y

né le […] à […]

Demeurant : Poulo

[…]

[…]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant : Me Nicolas VIGUIE de l’AARPI VIGUIE SCHMIDT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R145

INTIMÉES

- SARL FUX. NATIONAL DEVELOPPEMENT

Ayant son siège social : […]

[…]

N° SIRET : 493 459 838 (PARIS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

- SAS SENDA

Ayant son siège social : […]

[…]

N° SIRET : 447 794 785 (PARIS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentées par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Ayant pour avocat plaidant : Me Jérémie BOULAY de la SELEURL CABINET BOULAY – Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : D0748

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame I J, Présidente de chambre

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère,

Madame B C, Vice-Présidente Placée, rédacteur

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame B C dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame D E

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame I J, président et par Madame D E, greffier présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Senda est titulaire des droits d’exploitation de la marque ' Fuxia l’Épicerie ' dont elle franchise le concept par l’intermédiaire de Fux National Developpement, ci-après la société Fux ND, société concessionnaire.

Le 31 août 2010, M. Z Y et la société Fux ND ont conclu un contrat de réservation de zone pour une durée de 6 mois, soit jusqu’au 28 février 2011, aux termes duquel la société Fux ND a réservé à M. Z Y le territoire de Boulogne-Billancourt (92), à charge pour M. Z Y de trouver un local satisfaisant aux critères d’implantation définis par le franchiseur, moyennant le paiement de la somme de 7.000 euros par M. Z Y à la société Fux ND au titre de la réservation.

M. Z Y a signé le 25 juillet 2012 un contrat de bail pour exploiter un restaurant à Toulouse sous enseigne Fuxia l’Epicerie. Par courrier du 29 octobre 2012, M. Z Y et la société Senda levaient la condition suspensive du contrat de bail. La société Senda s’est ensuite retirée du projet.

Par actes des 12 et 20 août 2013, M. Z Y a assigné les sociétés Fux ND et Senda devant le tribunal de commerce de Paris en rupture fautive des relations contractuelles.

Par jugement du 22 décembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

— débouté M. Z Y de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société Fux National Développement,

— débouté M. Z Y de ses demandes de remboursement de frais,

— condamné la société Senda à payer la somme de 5.000 euros à M. Z Y au titre de son préjudice moral,

— débouté la société Fux National Développement de sa demande de remboursement de frais de formation,

— débouté les sociétés Fux National Développement et Senda de leurs demandes au titre d’un préjudice moral et de l’atteinte à leur image,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou autres,

— condamné la société Senda à payer à M. Z Y la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Senda, qui succombe, aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros dont 17,42 euros de TVA.

M. Z Y a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 23 avril 2015.

La procédure devant la cour a été clôturée le 23 janvier 2018.

LA COUR

Vu les conclusions du 20 juillet 2015 par lesquelles M. Z Y, appelant, invite la cour, à :

— infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 22 décembre 2014,

et statuant à nouveau,

— dire qu’il était engagé avec les sociétés Fux.N.D et Senda dans une relation contractuelle,

— dire que les sociétés Fux.N.D et Senda ont commis une grave faute en mettant brutalement fin à leur relation contractuelle,

en conséquence,

— condamner in solidum les sociétés Fux.N.D et Senda à lui payer la somme de 77.500 euros au titre de la perte de chance d’occuper l’emploi de dirigeant d’un point de vente sous enseigne Fuxia,

— condamner in solidum les sociétés Fux.N.D et Senda à lui payer la somme de 161.093 euros au titre de la perte d’espoir des bénéfices tirés de l’exploitation d’un point de vente sous enseigne Fuxia,

— condamner in solidum les sociétés Fux.N.D et Senda à lui payer la somme de 12.142,80 euros au titre des dépenses engagées pour les besoins de l’activité d’exploitation d’un point de vente sous enseigne Fuxia,

— condamner in solidum les sociétés Fux.N.D et Senda à lui payer la somme de 20.000 euros au titre du préjudice moral subi,

— ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir à son bénéfice,

— condamner in solidum les sociétés Fux.N.D et Senda à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner in solidum les sociétés Fux.N.D et Senda aux entiers dépens don’t distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris-Versailles, en application de l’article 699 du Code de procédure civile ;

Il fait notamment valoir que :

— il convient, contrairement à ce qu’a analysé le tribunal de commerce de Paris, d’apprécier conjointement les relations entretenues par l’appelant avec d’une part, la société Fux ND et d’autre part, avec la société Senda, compte tenu de l’interdépendance opérationnelle existant entre ces deux sociétés,

— les relations contractuelles nouées avec la société Fux ND ont été maintenues après la date d’expiration du contrat de réservation, initialement prévue au 28 février 2011,

— la prorogation du contrat de réservation de zone a notamment été formalisée par l’attestation du 19 septembre 2012 de M. X,

— il a noué avec la société Senda une relation qui ne se limitait pas à un projet de collaboration,

— l’entrée en vigueur du bail commercial, suite à la levée de la condition suspensive par courrier conjoint du 29 octobre 2012 de la société Senda et de M. Z Y, caractérise l’existence d’une relation contractuelle entre les parties,

— au vu de la participation de la société Senda aux négociations du prix du loyer et de sa qualité de professionnel avisé, la société Senda s’est nécessairement engagée à lever la condition suspensive du bail en ayant connaissance des stipulations du bail relatives au prix du loyer,

— il existait entre les parties une relation contractuelle matérialisée par des actes d’accompagnement positifs du franchiseur à l’égard de son franchisé,

— la société Senda a fait preuve de mauvaise foi,

— ses allégations sur sa prétendue méconnaissance des conditions du bail sont mensongères ;

Vu les conclusions du 18 septembre 2015 par lesquelles les sociétés Fux.N.D et Senda, intimées, demandent à la cour, au visa des articles 1101, 1134 et 1315 du code civil et des articles 32-1 et 700 du code de procédure civile, de :

— rejeter les demandes de Monsieur Y pour être irrecevables et mal fondées,

— confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions,

— condamner l’appelant à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner l’appelant aux entiers dépens ;

Elles expliquent notamment que :

— elles sont totalement indépendantes l’une de l’autre,

— les relations contractuelles entre M. Z Y et la société Fux ND ont cessé le 28 février 2011, soit au terme du contrat de réservation de zone conclu le 31 août 2010 pour une durée de 6 mois,

— aucune prorogation du contrat n’est intervenue et aucun contrat de franchise n’a été conclu,

— à supposer qu’une prolongation du contrat de réservation soit admise, l’impossibilité pour M. Z Y d’obtenir d’une part, le local dans le périmètre défini par le contrat et d’autre part, les financements nécessaires a entraîné la cessation de la relation contractuelle avec la société Fux ND,

— elles contestent toute relation contractuelle établie entre M. Z Y et la société Senda,

— M. Z Y a seulement invité la société Senda à entrer en pourparlers pour une éventuelle collaboration quant à l’éventuelle ouverture d’une enseigne Fuxia à Toulouse,

— le dossier prévisionnel qui leur a été remis par M. Z Y était incomplet et trompeur, et ne tenait pas compte de l’augmentation du montant du loyer stipulée au contrat de bail du 25 juillet 2012,

— c’est sur la base de cette information tronquée que la société Senda et M. Z Y ont informé le bailleur de la renonciation à la condition suspensive,

— la découverte par la société Senda, le 19 novembre 2012, des clauses du bail qui prévoyaient une augmentation du loyer de près du double qui lui aurait été dissimulée sciemment par M. Z Y, a conduit la société Senda à rompre les pourparlers ;

SUR CE

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur les liens entre les parties

M. Z Y soutient que ses liens contractuels avec les sociétés Fux.N.D et Senda doivent être appréciés sans distinction, les deux sociétés étant interdépendantes. Il précise que la société Fux a réalisé à ses côtés des démarches pour aboutir à l’ouverture d’un magasin à Toulouse, et notamment la négociation du bail commercial et du prix, et en déduit que ces démarches matérialisent l’existence d’une relation contractuelle entre les parties depuis la signature du contrat de réservation. Il excipe aussi que la levée de condition suspensive et sa conséquence directe, à savoir l’entrée en vigueur immédiate et définitive du bail, caractérisent l’existence d’une relation contractuelle entre les parties, allant bien au-delà « d’un projet de collaboration ».

Les sociétés Fux.N.D et Senda expliquent qu’elles ont deux personnalités morales distinctes, et que seule la société Fux ND a signé le contrat de réservation avec M. Z Y le 31 août 2010. Elles relèvent que l’impossibilité pour ce dernier d’obtenir un local et les financements nécessaires pour permettre la franchise a entraîné la cessation de sa relation contractuelle avec la société Fux au 28 février 2011, le contrat de réservation n’ayant pas été prorogé. Elles expliquent que ce n’est qu’entre le 29 octobre 2012 et le 19 novembre 2012 que M. Z Y est entré en pourparlers avec la

société Senda. La société Fux ND conteste avoir réalisé des actes d’accompagnement aux côtés de M. Z Y.

Sur la relation contractuelle entre les parties

Le contrat de réservation signé le 31 août 2010 par la société Fux ND et M. Z Y prévoit notamment que :

— à l’article 3 intitulé « Territoire » : « le territoire réservé par le franchiseur pendant la durée fixée à l’article 4, et sur lequel le candidat franchisé s’engage à rechercher un local en vue de l’ouverture d’un site « FUXIA L’EPICERIE » est délimité en annexe 1 du présent contrat »,

— à l’article 4 intitulé « Durée » : « le présent contrat est conclu pour une durée de 6 mois commençant à courir à compter de la signature des présentes. Toute prorogation éventuelle du présent contrat devra être constatée par un acte écrit conclu entre les parties »,

— à l’annexe 1 intitulée « Territoire réservé » : « la réservation de territoire concerne la zone de Boulogne Billancourt (92). Toutefois, afin de garantir une recherche optimale, il est autorisé au franchisé d’élargir sa zone de recherche aux villes limitrophes, sans que celles-ci soient des zones réservées : Neuilly/Seine, Levallois Perret, Issy les Moulineaux ».

Il est constant qu’à l’issue du délai de 6 mois, soit le 28 février 2011, M. Z Y n’avait pas trouvé le local sur le territoire réservé, local qu’il s’était engagé à rechercher en vertu des dispositions de l’article 5 dudit contrat.

Ainsi, aux termes du contrat, les parties ont entendu limiter les effets de la réservation au bénéfice de M. Z Y, qui porte spécifiquement sur un territoire donné, à savoir Boulogne-Billancourt, sur une durée de 6 mois.

Dès lors, si à l’expiration du délai aucun local n’a été trouvé par le candidat à la franchise, et si aucun contrat de franchise n’a été signé, il ne peut être soutenu par M. Z Y que les relations contractuelles se sont poursuivies par la prorogation du contrat de réservation du 31 août 2011 entre les parties sur un autre territoire.

En outre, les parties n’ont pas eu de contact pendant plus d’une année avant de renouer le contact, par les échanges suivants :

* M. Z Y a échangé par courriel des 12 et 18 avril 2012 avec un des salariés de la société Fux en lui demandant son avis sur un loyer annuel de 140.000/150.000 euros, puis sur une proposition de 13.000 euros et 5 mois de franchise, auquel M. F X a répondu « 100 ke plus 3 mois de franchise puis 130 ke puis 150 ke » : ce seul échange ne peut caractériser des actes d’accompagnements positifs du franchiseur,

* M. Z Y a signé seul un contrat de bail le 25 juillet 2012 avec la SCI LES COTEAUX pour un local commercial à Toulouse pour y ouvrir un restaurant sous enseigne Fuxia, avec notamment un article M intitulé « condition suspensive » qui dispose que « il est convenu que l’effet du présent bail est subordonné à la condition suspensive suivante, stipulée dans l’intérêt exclusif du preneur : la société preneuse doit obtenir un prêt bancaire d’un montant de 400 k€ à un taux maximum de 4,5% sur une période de 7 ans. Elle doit avoir déposé son dossier complet de demande de crédit auprès de 3 banques minimum avant le 20 septembre 2012 et en justifier impérativement au bailleur, au plus tard à cette date. A défaut de justification le bailleur pourra signifier au preneur que les présentes seront réputées nulles et non avenues dès cette date. Cette condition doit être levée au plus tard le 30 octobre 2012 »,

* M. F X, au nom de la société Fux ND, a autorisé M. Z Y « à ouvrir en franchise un établissement Fuxia dans la ville de Toulouse (31) », par attestation du 19 septembre 2012,

* la société Senda, représentée par M. G H, son président, a, par courrier du 29 octobre 2012 adressé à la SCI LES COTEAUX, levé avec M. Z Y la condition suspensive du contrat de bail.

Ainsi, suite à la volonté de M. Z Y de rechercher un local à Toulouse, les seuls échanges ultérieurs entre les parties ne démontrent pas la manifestation de la poursuite de relations commerciales.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point, en ce qu’il a considéré que les relations contractuelles ne s’étaient pas poursuivies entre les parties à l’expiration du délai de 6 mois du contrat de réservation.

Sur les pourparlers contractuels pour l’ouverture d’une enseigne à Toulouse

Les sociétés Fux.N.D et Senda demandent dans le dispositif de leurs conclusions la confirmation du jugement querellé en toutes ses dispositions, alors que dans le corps des conclusions elles sollicitent l’infirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société Senda au paiement de la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral de M. Z Y et donc le rejet de toutes ses demandes à ce titre.

M. Z Y soutient que ses relations avec les intimées sont contractuelles et non pas basées sur des pourparlers et sollicite l’infirmation du jugement.

En vertu de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile précité, la cour n’est saisie que par le dispositif.

La période précontractuelle tend vers la conclusion d’un contrat qui, par hypothèse, n’existe pas encore, et donc vers la perspective d’un contrat futur, qui pourra ne pas aboutir.

Il a été relevé ci-dessus que certains échanges avaient eu lieu entre les parties à compter du mois d’avril 2012, concernant l’ouverture d’un restaurant sous enseigne « Fuxia » à Toulouse.

Il est constant qu’aucun contrat de réservation n’a été conclu entre les parties sur le territoire de Toulouse.

Par ailleurs, les courriels des 12 et 18 avril 2012 ne peuvent constituer un acte de pourparlers entre deux parties pour la signature d’un contrat de franchise, les échanges étant trop vagues et informels. En outre, il n’est pas établi par M. Z Y qu’il a envoyé les termes du contrat de bail à ses interlocuteurs préalablement à sa signature du 25 juillet 2012, ni que les parties ont discuté les termes d’un contrat de franchise entre elles sur cette même période. Il ne peut donc être considéré que les parties étaient à cette date entrées en pourparlers.

En revanche, il ressort de la lettre du 19 septembre 2012 émise par la société Fux ND et de celle du 29 octobre 2012, citées ci-dessus, corroborées par l’attestation de la directrice commerciale de la SCI LES COTEAUX, que les sociétés Fux ND et Senda se sont impliquées aux côtés de M. Z Y pour son entrée en vigueur par la levée de la condition suspensive, et pour l’ouverture d’un restaurant sous enseigne « Fuxia » à Toulouse par l’appelant.

Ces éléments permettent de considérer que les parties, la société Fux ND, comme la société Senda s’étant impliquées dans le même projet de concert et étaient engagées dans des pourparlers

contractuels, en vue de conclure un contrat de franchise pour l’exploitation dudit restaurant.

Sur la rupture des pourparlers

Il est constant que le contrat de franchise n’a pas été signé entre les parties et le restaurant n’a pas été ouvert, la société Senda, qui a levé la condition suspensive, s’étant ensuite retirée du projet au mois de novembre 2012 au motif qu’elle ne connaissait pas l’ensemble des termes financiers du contrat de bail au moment de la levée de la condition suspensive.

A titre liminaire, il sera rappelé que la liberté contractuelle implique celle de ne pas contracter, notamment en interrompant les négociations préalables à la conclusion d’un contrat, sans toutefois que les partenaires pressentis ne soient dispensés de participer loyalement aux négociations et de coopérer de bonne foi à l’élaboration d’un projet, ce dont il résulte que seules les circonstances de la rupture peuvent constituer une faute pouvant donner lieu à réparation. Il sera ajouté que pour apprécier le caractère fautif de la rupture de pourparlers contractuels, il convient de prendre en considération notamment la durée et l’état d’avancement des pourparlers, le caractère soudain de la rupture, l’existence ou non d’un motif légitime de rupture, le fait pour l’auteur de la rupture d’avoir suscité chez son partenaire la confiance dans la conclusion du contrat envisagé ou encore le niveau d’expérience professionnelle des participants.

La société Senda a décidé de s’engager aux côtés de M. Z Y afin de permettre la levée de la condition suspensive. Il lui appartenait pour lever cette option de se faire communiquer l’intégralité du contrat de bail avant de signer la lettre du 29 octobre 2012.

Dès lors, si la société Senda est libre de rompre des pourparlers, elle engage toutefois sa responsabilité si elle commet une faute dans la circonstance de la rupture.

Ainsi, en s’engageant aux côtés de M. Z Y sans avoir pris en compte l’ensemble des informations essentielles du contrat de bail et compte tenu du caractère substantiel de ce contrat dans la réalisation du projet d’ouverture sous franchise du restaurant, et des enjeux financiers liés à l’entrée en vigueur du contrat de bail, la société Senda a commis une négligence fautive engageant sa responsabilité à l’égard de M. Z Y, alors que ce dernier pouvait au regard de ces circonstances légitimement penser que les négociations aboutiraient.

De même, la société Fux ND, en signant le 19 septembre 2012 une attestation à destination du bailleur par laquelle elle indique qu’elle autorise M. Z Y à ouvrir un restaurant sous enseigne Fuxia, a pu laisser croire M. Z Y qu’un contrat de franchise allait être signé entre eux pour l’ouverture du restaurant dont il est question. Dans ces conditions, la rupture des pourparlers du contrat de franchise, constitue une faute engageant sa responsabilité à l’égard de M. Z Y.

Ces fautes des sociétés Fux ND et Senda ont concourru à la réalisation de l’entier dommage subi par M. Z Y. Elles sont donc condamnées in solidum à réparer le dommage subi du fait de ces fautes.

Il est de principe que la faute commise dans le droit de rupture unilatérale des pourparlers n’est pas la cause du préjudice consistant dans la perte de chance de réaliser les gains espérés de la conclusion du contrat. Le préjudice subi du fait de la rupture de pourparlers n’inclut que les frais de négociation et d’étude préalables.

Les préjudices invoqués par M. Z Y concernant la perte de chance d’occuper l’emploi de dirigeant d’un point de vente sous enseigne Fuxia, la perte d’espoir des bénéfices tirés de l’exploitation d’un point de vente sous enseigne Fuxia, et les dépenses engagées pour les besoins de l’activité d’exploitation d’un point de vente sous enseigne Fuxia, ne sont pas consécutifs à la rupture des pourparlers, en ce qu’ils ne constituent pas les frais de négociation et d’étude préalables.

M. Z Y sera donc débouté de ses demandes de ce chef.

En revanche, il apparaît que la faute commise par les sociétés Fux ND et Senda a causé un préjudice moral à M. Z Y par leurs fautes dans les circonstances de la rupture des pourparlers que les premiers juges ont justement évalué à la somme de 5.000 euros, et que ne contestent pas les intimées.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur le quantum, mais de l’infirmer seulement en ce que seule la société Senda a été condamnée. Il y a lieu de condamner in solidum les sociétés Fux ND et Senda à payer à M. Z Y la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Sur la demande d’exécution provisoire :

L’arrêt n’étant pas susceptible d’une voie ordinaire de recours est exécutoire de droit. La demande tendant au prononcé ou au rappel de l’exécution provisoire est donc sans objet et doit être rejetée.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l’application qui y a été faite des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. Z Y, partie perdante en cause d’appel, doit être condamné aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer aux sociétés Fux ND et Senda chacune la somme supplémentaire de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l’article 700 du code de procédure civile formulée par M. Z Y.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société Senda à payer la somme de 5.000 euros à M. Z Y au titre de son préjudice moral ;

L’infirmant sur ce point ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE in solidum les sociétés Fux ND et Senda à payer à M. Z Y la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

CONDAMNE M. Z Y aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer aux sociétés Fux ND et Senda chacune la somme supplémentaire de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

REJETTE toute autre demande ;

Le Greffier La Présidente

D E I J

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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