Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 29 janvier 2019, n° 17/11182

  • Sur le fondement du droit des dessins et modèles·
  • Volonté de profiter des investissements d'autrui·
  • Déclinaison d'un modèle antérieur du demandeur·
  • Reproduction des caractéristiques essentielles·
  • Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui·
  • Volonté de profiter de la notoriété d'autrui·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Identification des produits incriminés·
  • Protection au titre du droit d'auteur·
  • Appropriation de l'effort d'autrui

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’originalité du sac invoqué découle des différents choix esthétiques opérés, indépendants de toute nécessité fonctionnelle, lui conférant une physionomie propre portant l’empreinte de la personnalité de ses créateurs et le distinguant des autres sacs du même genre. En revanche, il n’est pas démontré que les déclinaisons de ce sac présentent un caractère original par les choix opérés et qu’elles se démarquent du sac autrement que par des différences mineures. Les sacs incriminés constituent la contrefaçon du sac invoqué dont ils reprennent la combinaison des caractéristiques originales, essentiellement le matelassage, la chaîne associant cuir et métal, le jeu de formes géométriques entre rectangles, ronds et losanges, et ce, malgré des différences mineures. La tolérance éventuelle du titulaire des droits à l’égard d’autres contrefacteurs est sans incidence en l’espèce. Le pendentif plaqué or incriminé constitue la contrefaçon du motif invoqué dont il reproduit la combinaison des caractéristiques essentielles, à savoir une forme de camélia stylisé comprenant un c¿ur et des pétales formant un réseau ayant l’aspect d’une dentelle ajouré, le c¿ur central étant entouré de pétales formant des vagues en arabesques irrégulières de différentes tailles allant en s’agrandissant du c¿ur vers le pourtour et se chevauchant. La bague incriminée constitue la contrefaçon de la bague invoquée dont elle reproduit la combinaison de caractéristiques essentielles, à savoir un anneau plat en or jaune, large et rigide, bordé de chaque côté d’un liseré plain, ajouré en son centre de manière à dessiner un motif de camélia vu de dessus présentant un c¿ur arrondi entouré de pétales formant des arabesques irrégulières de différentes tailles. Le sac incriminé ne constitue pas la contrefaçon du modèle de sac invoqué en raison de la différence, très apparente et prédominante par rapport aux ressemblances, résultant de la présence d’un matelassage. Cette différence était suffisamment importante aux yeux du titulaire du modèle pour qu’il l’ait mise en avant pour soutenir que l’autre sac invoqué, qui en est une déclinaison, constituait, au titre du droit d’auteur, une ¿uvre distincte. En outre, les godrons sont plus épais. En revanche, les modèles de bague et de fermoir invoqués sont contrefaits par la bague et le sac incriminés, l’impression visuelle globale n’étant pas différente.

Commentaires2

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www.cabinet-greffe.com · 11 mai 2021

L'année 2020 n'aura pas apporté de grands bouleversements dans le domaine des dessins et modèles mais elle confirme utilement un certain nombre de principes. La CJUE a condamné, en droit d'auteur, comme elle l'avait fait en droit des dessins et modèles et en droit des marques, le critère de la multiplicité des formes. Le cumul a fait l'objet d'une question écrite au ministre de la culture dont la réponse est rassurante. Un projet de réforme du droit des dessins et modèles a, par ailleurs, été initié par la commission européenne. Plusieurs décisions de la cour d'appel de Paris ont, …

 

www.cabinet-greffe.com · 11 mai 2021

Par Pierre Greffe L'année 2020 n'aura pas apporté de grands bouleversements dans le domaine des dessins et modèles mais elle confirme utilement un certain nombre de principes. La CJUE a condamné, en droit d'auteur, comme elle l'avait fait en droit des dessins et modèles et en droit des marques, le critère de la multiplicité des formes. Le cumul a fait l'objet d'une question écrite au ministre de la culture dont la réponse est rassurante. Un projet de réforme du droit des dessins et modèles a, par ailleurs, été initié par la commission européenne. Plusieurs décisions de la cour d'appel …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 29 janv. 2019, n° 17/11182
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/11182
Publication : Comm. com. électr., 9, septembre 2019, p. 21, note d'Anne-Emmanuelle Kahn ; PIBD 2019, 1113, IIID-164
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 29 mars 2017, N° 15/05884
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 30 mars 2017, 2015/05884
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE ; MARQUE
Marques : CC
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : DM/078340 ; DM/076977 ; DM/078202 ; 1524958 ; 3977077
Classification internationale des marques : CL01 ; CL02 ; CL03 ; CL04 ; CL05 ; CL06 ; CL07 ; CL08 ; CL09 ; CL10 ; CL11 ; CL12 ; CL13 ; CL14 ; CL15 ; CL16 ; CL17 ; CL18 ; CL19 ; CL20 ; CL21 ; CL22 ; CL23 ; CL24 ; CL25 ; CL26 ; CL27 ; CL28 ; CL29 ; CL30 ; CL31 ; CL32 ; CL33 ; CL34 ; CL35 ; CL36 ; CL37 ; CL38 ; CL39 ; CL40 ; CL41 ; CL42 ; CL43 ; CL44 ; CL45
Classification internationale des dessins et modèles : CL03-01 ; CL08-07 ; CL11-01
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Référence INPI : D20190005
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 29 janvier 2019

Pôle 5 – Chambre 1

(n°017/2019, 25 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/11182 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3OVI Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS -RG n° 15/05884

APPELANTE SARL TOURNESOL Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 389 .440.9 00 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] 75003 PARIS Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148 Assistée de Me Erick L, avocat au barreau de PARIS, toque : D0786

INTIMÉE SAS CHANEL Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 542 052 766 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] 92200 NEUILLY SUR SEINE Représentée et assistée de Me Gérard D, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 04 décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur David PEYRON, Président de chambre Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère M. François THOMAS, Conseiller qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Isabelle DOUILLET, conseillère, dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRET : Contradictoire

• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. • signé par David PEYRON, Président de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE La société CHANEL est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur :

- les marques françaises figuratives dites double C croisés déposées le 18 avril 1989 sous le numéro 1 524 958 et le 24 janvier 2013, sous le numéro 3 977 077 pour designer en particulier, en classe, 14 la 'bijouterie fantaisie’ respectivement représentées ainsi :

- les dessins et modèles suivants :

•le modèle international de sac Boy, désignant la France déposé le 7 mai 2012 sous le n° DM/078340 :

•le modèle international de fermoir désignant la France, déposé le 8 septembre 2011 sous le n° DM/076977 :

•le modèle international désignant la France de bague Ultra, déposé le 19 avril 2012 sous le n° DM/078202 :

La société CHANEL se prétend également titulaire de droits d’auteur sur :

- un sac 2.55 créé à l’initiative de Gabrielle C par son bureau d’étude et de style au mois de février 1955 en deux versions (l’une avec une chaîne dorée entièrement métallique à petits maillons, et l’autre avec une chaîne à maillons métalliques plus grands entrelacés d’un ruban de cuir de la même couleur que le sac), divulgué sous son nom en février 1956 et exploité par elle depuis lors :

- sur les déclinaisons suivantes de ce sac 2.55 :

•les références A35843 et Mini A35311 créées en 2006 :

•la référence Walleton Chain A35301 créée en 2007 :

•la référence A16522 créée en 2001 :

— la déclinaison du sac Boy référence A66281, créée et commercialisée en 2012 :

— la Nouvelle bague Ultra créée en 2010 et commercialisée depuis 2012 ;

- le motif Camélia ajouré qui est décliné en boucles d’oreilles et pendentifs, créé au sein de son bureau de style et exploité sous son nom depuis 2003 :

- le motif Camélia ajouré avec un cœur en forme de trèfle créé en 2007 sous forme de boucles d’oreille, pendentifs et sautoirs commercialisés depuis 2008 sous son nom, les droits sur ces bijoux lui ayant en outre été cédés par l’auteur par contrat du 4 juillet 2008 :

- la bague Bague modèle Camélia ajouré conçue et réalisée au sein de son studio de création de bijouterie/joaillerie en 2009 et commercialisée depuis 2010 sous son nom:

La société TOURNESOL a pour activité principale déclarée le commerce de gros interentreprises.

Le 5 février 2015, la société CHANEL a été informée par la Brigade de Surveillance Intérieure des douanes de Paris Sud de la retenue de 33 modèles de sacs (soit un total de 503 articles) susceptibles de contrefaire ses droits.

Par trois courriels du 17 février 2015, la société CHANEL a :

•demandé la destruction de 21 modèles de sacs, •estimé que 7 modèles de sacs n’étaient pas contrefaisants, •considéré que 5 autres modèles de sacs portant les références C2 (6 pièces), C6 (25 pièces), C12 (43 pièces), C19 (3 pièces) et C30 (3 pièces) portaient également atteinte à ses droits.

Les informations prévues à l’article L. 716-8 alinéa 6 du code de la propriété intellectuelle, communiquées à la société CHANEL révélaient que la société TOURNESOL avait la qualité de détenteur des produits retenus.

Par ordonnance du 18 février 2015 rendue par le délégataire du président du tribunal de grande instance de Lille, la société CHANEL a été autorisée à faire pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux des douanes.

Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 19 février 2015.

Expliquant que la société TOURNESOL exploite le site Internet www.gugustar.com, dont le nom de domaine a été réservé par un tiers, qui propose à la vente aux professionnels différents produits de maroquinerie et de bijouterie, dont des bijoux qui portent atteinte à ses droits d’auteur et de modèles français, la société CHANEL a fait

dresser sur ce site, par huissier, un procès-verbal de constat, le 16 mars 2015.

C’est dans ces conditions que, par acte d’huissier du 20 mars 2015, la société CHANEL a assigné la société TOURNESOL devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de ses droits d’auteur, de marque et de modèles français ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire.

Par un jugement contradictoire du 30 mars 2017, le tribunal de grande instance de Paris, notamment : •a rejeté les fins de non-recevoir opposées par la société TOURNESOL tant au titre du droit d’auteur qu’au titre des modèles français, à l’exception de celles tirées du défaut d’originalité des déclinaisons du sac 2.55,

•a déclaré ainsi irrecevables les demandes de la société CHANEL au titre de la contrefaçon des déclinaisons du sac 2.55 référencées A35843 et Mini A35311, Wallet on Chain A35301 et A16522,

•a déclaré sans objet les demandes en nullité des modèles présentées par la société TOURNESOL au titre de la référence A66281 [cette déclinaison du sac Boy étant revendiquée au titre du droit d’auteur] et des différents bijoux incorporant le motif Camélia Ajouré avec ou sans cœur de trèfle [ce motif étant revendiqué au titre du droit d’auteur],

•a rejeté la demande de nullité de l’ordonnance du 18 février 2015 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 19 février 2015 présentée par la société TOURNESOL,

•a dit que la société TOURNESOL était à l’époque des faits litigieux éditeur du site www.gugustar.com qu’elle exploite pour offrir en vente ses produits,

•a dit que la société TOURNESOL a commis : •des actes portant atteinte aux droits d’auteur de la société CHANEL : •sur le sac 2.55 en détenant pour les revendre les références C30, C19, C6 et C12 retenues par les douanes qui reproduisent ses caractéristiques originales, •sur le sac A66281 [déclinaison du modèle Boy] en détenant pour la revendre la référence C2 retenue par les douanes, •sur la bague [Nouvelle bague] Ultra en offrant à la vente sur le site www.gugustar.com la référence 925 Argent Bague, qui en est la copie servile,

•des actes de contrefaçon des modèles français de la société CHANEL :

•de fermoir déposé sous le numéro DM/076977 en détenant pour le revendre la référence C2 retenue par les douanes comportant un fermoir identique, •de bague Ultra déposé sous le numéro DM/078202 en offrant à la vente la référence 925 Argent Bague sur le site www.gugustar.com,

•a rejeté les demandes de la société CHANEL au titre de la contrefaçon [de droits d’auteur] des motifs Camélia Ajouré et Camélia Ajouré avec cœur de trèfle,

•a rejeté la demande de la société CHANEL au titre de la contrefaçon du modèle international désignant la France de sac Boy déposé sous le numéro DM/078340,

•a rejeté les demandes de la société CHANEL au titre de la contrefaçon de ses marques françaises,

•a déclaré irrecevables les demandes indemnitaires indéterminées et indéterminables de la société CHANEL au titre de la contrefaçon,

•a interdit à la société TOURNESOL, sous astreinte de 50 euros par infraction constatée pendant 4 mois à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours courant dès la signification du jugement, de fabriquer, d’importer, d’offrir en vente, de vendre et de mettre sur le marché sur le territoire français les références C2, C6, C12, C19 et C30 retenues par les douanes ou tout produit identique à celles-ci ainsi que la référence 925 Argent Bague ou toute autre bague identique et tout produit comportant un fermoir identique à celui dont est muni sa référence C2 retenue par les douanes,

• a ordonné, sous les mêmes conditions de délai et d’astreinte mais par jour de retard, à la société TOURNESOL de procéder sous contrôle d’un huissier de justice et à ses frais à la destruction des stocks de ces références et de tout produit identique à ces dernières, • a rejeté les demandes de publication judiciaire et de confiscation présentées par la société CHANEL,

•a ordonné à la société TOURNESOL de communiquer à la société CHANEL, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 4 mois à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours courant dès la signification du jugement, une attestation certifiée conforme par un expert-comptable indépendant ou toute facture précisant l’identité des fournisseurs et des acquéreurs des références objet de la mesure d’interdiction ainsi que les quantités acquises et vendues et les prix d’achat et de vente de ces références,

•s’est réservé la liquidation des astreintes,

•a dit qu’en détenant aux fins de commercialisation une gamme de sacs reproduisant servilement ou quasi servilement sans nécessité une gamme de sacs commercialisée par la société CHANEL, la société TOURNESOL a commis à son préjudice des actes distincts de concurrence déloyale,

•a rejeté les autres demandes de la société CHANEL au titre de la concurrence déloyale [pour 2 autres bijoux Etoile et Comète] et du parasitisme, • a condamné la société TOURNESOL à payer à la société CHANEL la somme de 20 000 € en réparation de son préjudice [découlant de la concurrence déloyale], • a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la société TOURNESOL au titre de la destruction des marchandises retenues, • a condamné la société TOURNESOL à supporter les entiers dépens et à payer à la société CHANEL la somme de 15 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à lui rembourser les frais afférents à la saisie-contrefaçon du 19 février 2015,

•ordonné l’exécution provisoire à l’exception de la mesure de destruction. Le 6 juin 2017, la société TOURNESOL a interjeté appel de ce jugement. Dans ses dernières conclusions numérotées 2 transmises le 3 janvier 2018, la société TOURNESOL demande à la cour :

•de la juger recevable et bien fondée en son appel,

•en tout état de cause, de juger les défenses et demandes au principal et les demandes reconventionnelles de la société CHANEL irrecevables à tout le moins mal fondées,

•en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en qu’il a :

•accueilli les fins de non-recevoir opposées par la société TOURNESOL tant au titre du droit d’auteur qu’au titre des modèles français tirées du défaut d’originalité des déclinaisons du sac 2.55, déclaré ainsi irrecevables les demandes de la société CHANEL au titre de la contrefaçon des déclinaisons du sac 2.55références A35843 et Mini A35311, Wallet on Chain A35301 et A16522, •rejeté les demande de la société CHANEL au titre de la contrefaçon des motifs Camélia Ajouré et Camélia Ajouré avec Cœur de trèfle, rejeté la demande de la société CHANEL au titre de la contrefaçon du modèle international désignant la France de sac Boy déposé le 7 mai 2012 sous le numéro DM/078340,

rejeté les demandes de la société CHANEL au titre de la contrefaçon de ses marques françaises, •déclaré irrecevables les demandes indemnitaires indéterminées et indéterminables de la société CHANEL au titre de la contrefaçon, •rejeté les demandes de publication judiciaire et de confiscation présentées par la société CHANEL, • rejeté les autres demandes de la société CHANEL au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme que celle de détention aux fins de commercialisation une gamme de sacs reproduisant servilement ou quasi servilement sans nécessité une garniture de sacs commercialisée par la société CHANEL, • pour le surplus, de réformer le jugement et statuant de nouveau,

sur la contrefaçon :

à titre principal :

• d’annuler l’ordonnance du 18 février 2015 et la saisie contrefaçon du 19 février 2015,

en conséquence, •de rejeter l’action en contrefaçon de la société CHANEL contre la société TOURNESOL en raison de la détention des marchandises mises en cause, •de juger que la société CHANEL n’était pas en droit de faire procéder à la destruction d’articles dont la mainlevée était acquise et sans autorisation de la société TOURNESOL,

en conséquence,

•de condamner la société CHANEL à lui verser une indemnité réparatrice de 5 000 euros,

à titre subsidiaire : • de juger qu’au moment des faits, la société TOURNESOL n’était pas propriétaire du nom de domaine www.gugustar.com et qu’elle n’a pas offert à la vente de produits sur ce site et en conséquence la mettre hors de cause pour toute demande relative à l’offre à la vente d’articles sur ce site Internet, • de juger que la société CHANEL ne démontre pas par des pièces probantes ayant date certaine, la création des modèles opposés, des usages de marque et que la société TOURNESOL ait porté atteinte à un quelconque droit d’auteur attaché à une quelconque 'œuvre présentant un caractère original précisément 'défi’ [lire défini], • de juger que la société CHANEL ne caractérise pas le caractère propre de chacun des modèles opposés et, en conséquence, de prononcer la nullité de chacun desdits modèles,

en conséquence, •de juger la société CHANEL irrecevable et mal fondée en ses demandes en contrefaçon, donc de la débouter,

sur la concurrence déloyale et parasitaire :

•de juger que la société CHANEL ne démontre aucun acte autonome de concurrence déloyale, indépendant de ceux argués de contrefaçon, •de juger que tout produit qui n’est pas mis en cause sur le terrain de la contrefaçon ne saurait être poursuivi en concurrence déloyale, à titre principal ou à titre subsidiaire,

en conséquence,

•de débouter la société CHANEL de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire,

sur les astreintes :

•de juger que la cour est incompétente pour statuer sur la demande de liquidation d’astreinte, en lieu et place du tribunal qui s’est réservé la liquidation des astreintes, donc renvoyer la société CHANEL à mieux se pourvoir,

à titre infiniment subsidiaire :

•de juger que la société TOURNESOL n’a tiré aucun profit des stocks de marchandises mises en cause et que la société CHANEL n’a subi aucun préjudice réel, personnel, direct et justifié tant dans son principe que dans le quantum sollicité •en tout état de cause, de juger que la société CHANEL est irrecevable et mal fondée en ses demandes indemnitaires globales sans une quelconque distinction entre les produits argués de contrefaçon, de publication, de liquidation d’astreinte, donc de la débouter,

à titre encore plus subsidiaire,

•de confirmer, au mieux pour l’intimée, le jugement dont appel, •de condamner la société CHANEL à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2 transmises le 3 septembre 2018, la société CHANEL demande à la cour : • de confirmer le jugement en ce qu’il a :

• rejeté la demande de nullité de l’ordonnance du 18 février 2015 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 19 février 2015, • dit que la société TOURNESOL était à l’époque des faits litigieux éditeur du site www.gugustar.com qu’elle exploite pour offrir en vente ses produits, • dit que la société TOURNESOL a commis des actes de contrefaçon : • de ses droits d’auteur en détenant pour les revendre les références C30, C 19, C6, C 12, C2 retenues par les douanes, et en offrant à la vente sur le site www.gugustar.com la référence 925 Argent Bague qui est la copie servile de la bague Ultra, • de ses droits de dessin et modèle, à savoir (i) de son modèle français de fermoir n° DM/076977 en détenant pour la revendre la référence C2 retenue par les douanes, (ii) de son modèle français de bague Ultra déposé le 19 avril 2012 sous le numéro DM/078202 en offrant à la vente la référence 925 Argent Bague sur le site www.gugustar.com,

•dit qu’en détenant aux fins de commercialisation une gamme de sacs reproduisant servilement ou quasi servilement sans nécessité une gamme de sacs commercialisée par la société CHANEL, la société TOURNESOL a commis à son préjudice des actes distincts de concurrence déloyale, •condamné la société TOURNESOL au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de la concurrence déloyale, •rejeté les demandes de nullité de ses dessins et modèles, • déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la société TOURNESOL au titre de la destruction des marchandises retenues, • prononcé les astreintes et interdictions précitées à l’encontre de la société TOURNESOL, • rejeté la demande de la société TOURNESOL au titre des frais irrépétibles, • condamné la société TOURNESOL à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à lui rembourser les frais afférents à la saisie-contrefaçon du 19 février 2015,

pour le surplus, d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

•de juger qu’en détenant en vue de la vente et en offrant à la vente les sacs retenus par les douanes le 5 février 2015, et saisis entre ses mains le 19 février 2015, la société TOURNESOL a également commis des actes de contrefaçon des droits d’auteur sur les modèles de sacs Wallet on Chain A35301 et A16522, et de l’enregistrement de dessin et modèle international n° DM/078340 (sac Boy), •de juger qu’en détenant en vue de la vente, en offrant à la vente et en reproduisant les bijoux mis en vente sur son site Internet www.gugustar.com, la société TOURNESOL a également commis des

actes de contrefaçon des marques françaises monogramme double C croisés n° 3 977 077 et n°1 524 958, et de ses droits d’auteur sur les modèles de bijoux Camélia ajouré (boucles d’oreilles, pendentif, collier et bracelet, bague-anneau), •de condamner la société TOURNESOL à lui payer:

— au titre de la contrefaçon de droit d’auteur :

—  25 000 euros pour sac 2.55,
- 20 000 euros pour le sac Boy [déclinaison du sac Boy '],
- 10 000 euros pour la bague Nouvelle Bague Ultra,
- 10 000 euros pour le sac Wallet on Chain A35301,
- 10 000 euros pour le sac A16522,
- 15 000 euros pour les modèles de bijoux Camélia ajouré (boucles d’oreilles, pendentif, collier et bracelet, bague-anneau),

— au titre de la contrefaçon de marques,

—  15 000 euros pour les deux marques françaises n°3 977 077 et n°1 524 958,

— au titre de la contrefaçon de droits de dessins et modèles :

—  10 000 euros pour le modèle N° DM/076977 (fermoir du sac Boy),
- 10 000 euros pour le modèle DM/078340 (sac Boy),
- 25 000 euros pour le modèle DM/078202 (Nouvelle Bague UltraL),
- au titre de la concurrence déloyale : une somme supplémentaire de 30 000 euros,

•de l’autoriser, à titre de complément de réparation, à faire publier, par extraits ou par résumés, le jugement à intervenir dans trois journaux ou périodiques de son choix, aux frais de la société TOURNESOL dans la limite de dix mille euros hors taxes (10 000 euros HT), par publication, •d’ordonner la publication, par extraits ou par résumés, du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site Internet de la société TOURNESOL (www.gugustar.com) de façon visible et facilement accessible grâce à un lien figurant sur la page d’accueil de ce site pendant un délai de 3 mois, la première publication devant intervenir dans un délai maximum de 15 jours à compter du prononcé du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, •d’ordonner la confiscation de tous articles ou documents contrefaisants, ou ayant donné lieu à une condamnation pour concurrence déloyale et parasitisme, se trouvant en la possession de la société TOURNESOL, ou détenus pour son compte, et leur remise à la société CHANEL aux fins de destruction aux frais de la société TOURNESOL, à titre de complément de dommages et intérêts,

en toute hypothèse,

• de liquider à la somme de 12 000 euros le montant de l’astreinte ayant couru à l’encontre de la société TOURNESOL entre le 24 juin 2017 et le 24 octobre 2017 et de condamner la société TOURNESOL au paiement de ce montant, • de condamner la société TOURNESOL à lui payer une somme complémentaire de15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est du 16 octobre 2018.

SUR CE

Considérant qu’en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées ;

I – SUR LA CONTREFAÇON

A – Sur l’existence des droits d’auteur et la validité des modèles

1 – Les droits d’auteur

a) La titularité (la recevabilité des demandes)

En ce qui concerne le sac 2.55 et ses déclinaisons Considérant que la société TOURNESOL conteste la titularité des droits de la société CHANEL sur le sac 2.55 arguant, pour l’essentiel, que la créatrice Coco CHANEL a toujours revendiqué la titularité des droits sur ce sac, que l’œuvre n’est pas qualifiable d’œuvre collective et que le juge ne peut suppléer l’absence de preuve de titularité des droits par une simple présomption tirée de l’exploitation du sac litigieux, que la jurisprudence relative à la présomption de titularité est contra legem et en outre contraire à la jurisprudence Marc S et Sara D (C-301/15, 16 novembre 2016) de la CJCE ;

Que la société CHANEL répond qu’elle est propriétaire des droits d’auteur sur le sac 2.55 devenu emblématique de la Maison CHANEL depuis 1955, indiquant que le sac a été créé dans le studio de création CHANEL au mois de février 1955 (d’où son nom de code 2.55) et divulgué pour la première fois par la société, sous son nom, en février 1956, et qu’elle l’exploite depuis de manière publique et paisible, sans revendication de quiconque, ce qui l’autorise à invoquer le bénéfice de la présomption de titularité ;

Considérant que le principe, dégagé par la jurisprudence, est qu’en l’absence de revendication du ou des auteurs, fussent-ils identifiés, l’exploitation paisible et non équivoque d’une œuvre par une personne

morale sous son nom fait présumer, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne morale est titulaire sur l’œuvre des droits patrimoniaux d’auteur ;

Que pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d’identifier précisément l’œuvre qu’elle revendique et, à défaut, de démontrer les conditions ou la date certaine de la création, d’établir qu’elle exploite sous son nom l’œuvre en cause de manière paisible et non équivoque et que les caractéristiques de l’œuvre revendiquée sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ; que si les conditions de l’exploitation apparaissent équivoques, il lui appartient de préciser les circonstances de fait et de droit qui la fondent à agir en contrefaçon ;

Considérant que c’est par des motifs pertinent et exacts, tant en fait qu’en droit, que les premiers juges ont estimé, après avoir écarté l’argumentation de la société TOURNESOL relative à la critique de la présomption prétorienne de titularité, que la société CHANEL, par les pièces qu’elle verse aux débats, démontrait une exploitation paisible et non équivoque du sac sous son nom, du reste non contestée, et bénéficiait ainsi, en l’absence de tout revendication de l’auteur, de la présomption de titularité ;

Qu’il sera ajouté que, contrairement à ce que soutient la société TOURNESOL, le tribunal n’a pas méconnu les principes de neutralité du juge, du contradictoire et de l’égalité des armes en estimant que l’argumentation de la société CHANEL, qui invoquait à titre principal, des droits sur une œuvre collective et subsidiairement le bénéfice de la présomption de titularité, était 'illogique’ et devait être 'inversée’ et a en conséquence examiné la seule question de la présomption de titularité ; qu’en effet, comme le rappelle le jugement, en application de l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droits qui lui sont applicables, dans le respect du principe du contradictoire conformément à l’article 16 du même code ; qu’en l’occurrence, le moyen tiré de la présomption de titularité était dans le débat, fût-il invoqué à titre subsidiaire par la société demanderesse, et la société TOURNESOL a pu en débattre et présenter son argumentation contraire ;

Que les déclinaisons du sac 2.55 étant privées d’originalité, comme il sera dit ci-après, la question de la titularité des droits de la société CHANEL ne sera pas examinée ;

En ce qui concerne le sac A66281, la Nouvelle bague Ultra, le motif Camélia ajouré avec ou sans cœur en forme de trèfle, la bague Bague Camélia ajouré

Considérant que la société TOURNESOL ne développe pas d’argumentation pour contester le jugement en ce qu’il a retenu la

titularité des droits de la société CHANEL sur ces œuvres après avoir estimé que cette dernière démontrait la commercialisation univoque, sous son nom, des produits concernés ;

Que le jugement sera, par motifs adoptés, confirmé de ces chefs et, par suite, en ce qu’il a rejeté les fins de non-recevoir de la société TOURNESOL tirées de l’absence de titularité des droits de la société CHANEL au titre du droit d’auteur ;

b) L’originalité

Considérant que pour contester l’originalité des produits revendiqués au titre du droit d’auteur, la société TOURNESOL argue que l’originalité doit être constante et intangible et non pas évolutive au fil de la procédure ou au gré des contentieux, qu’elle ne doit pas porter sur une combinaison générale relevant d’un genre non appropriable mais 'tenir compte des antériorités de 1929 et d’origine appartenant au domaine public, dont différentes sources mentionnent comme étant rappelé par Coco Chanel, tout en excluant une quelconque influence de l’apparence fonctionnelle de la fermeture du sac (rabat et verrou) et des anses réglables (chaîne et œillets)' ; qu’elle précise, pour le sac 2.55, que les éléments dont la protection est réclamée relèvent d’un fonds commun ou sont fonctionnels (fermoir à tourniquet) ; que critiquant le jugement, elle avance que 'le défaut d’identification des caractéristiques non fonctionnelles et de motivation du caractère original de la combinaison ou par de combinaison interdise tout débat sur l’originalité donc contradictoire, principe rappelé par le Tribunal amis qui n’est pas respecté dans ses motifs’ (sic) ;

Que la société CHANEL demande la confirmation du jugement en ce qu’il a reconnu l’originalité des sacs 2.55 et A66281, de la Nouvelle bague Ultra et du motif Camélia ajouré avec ou sans cœur en forme de trèfle et son infirmation en ce qu’il a dénié l’originalité des quatre déclinaisons du sac 2.55 ; qu’elle fait valoir à cet égard que : • le sac Mini A3511 est une déclinaison du sac initial, créée en 2006, se caractérisant par le choix de reprendre dans un sac de petit format (dimensions : 14 cm x 18 cm), la combinaison originale des caractéristiques ornementales précédemment décrites, à savoir la forme rectangulaire en largeur avec matelassage en losanges, associée à une bandoulière faite d’une chaîne et d’une lanière de cuir entrelacée dans les maillons de la chaîne, un rabat à bord concave partiellement-couvrant et un fermoir métallique rectangulaire à tourniquet placé ici au centre d’un empiècement arrondi placé sous le rabat ; • le sac dit Walleton Chain A35301 est une déclinaison éloignée du modèle initial 2.55, qui se caractérise par des éléments qui lui sont propres, à savoir : (i) la forme rectangulaire d’un sac, (ii) un rabat couvrant la quasi-totalité de la face avant du sac avec un bord inférieur rectiligne, (iii) le rabat est recouvert d’un matelassage en losanges se

raccordant sur les losanges du bas du sac, (iv) une bandoulière fine composée d’une chaîne à petits maillons métalliques entrelacés d’un ruban, qui vient s’accrocher discrètement sur chaque côté du sac, sous le rabat, (v) l’absence des gros œillets métalliques, (vi) un fermoir métallique rectangulaire à tourniquet placé non pas sur un empiècement, mais dans une ouverture pratiquée dans le bas du rabat, et en son centre ; •le sac A16522 est une déclinaison éloignée du modèle initial 2.55 et se caractérise par des éléments qui lui sont propres, à savoir : (i) la forme rectangulaire d’un sac, (ii) un rabat couvrant la quasi-totalité de la face avant du sac avec un bord inférieur rectiligne, (iii) le rabat est recouvert d’un matelassage en losanges tout comme le bas du sac, (iv) une bandoulière fine composée d’une chaîne à petits maillons métalliques entrelacés d’un ruban, (v) un fermoir métallique rectangulaire à tourniquet qui est placé, non pas sur un empiècement, mais dans une ouverture pratiquée dans le bas du rabat, et en son centre, (vi) quatre 'œillets en ligne et groupés par deux sur le dessus du sac et par lesquels coulisse la bandoulière ;

Que la société CHANEL ne développe pas d’argumentation particulière quant au sac A35843, si ce n’est pour affirmer, que comme le sac Mini A3511, il comporte par rapport au sac 2.55 'des différences mineures’ et que ces différences (essentiellement le bord concave) ne modifient pas la physionomie d’ensemble qui est celle du sac 2.55 (pages 44 et 47 de ses écritures) ;

Qu’elle soutient néanmoins que les auteurs ont, sur ces quatre déclinaisons, procédé à un ensemble de choix libres relevant d’un effort créatif et révélateur de partis pris esthétiques, indépendamment de toute nécessité fonctionnelle, conférant aux modèles une physionomie propre portant l’empreinte de la personnalité des créateurs et qui les distingue des autres sacs du même genre ;

Considérant que l’article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protège par le droit d’auteur toutes les 'œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales ; que selon l’article L.112-2 14°, les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure sont considérés comme œuvres de l’esprit ;

Qu’il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale ; que cependant, lorsque cette protection est contestée, l’originalité d’une œuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend l’auteur, seule ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité ;

Que l’originalité d’une œuvre est l’expression de la personnalité de son auteur, traduisant l’existence d’un parti-pris esthétique et de choix

arbitraires donnant à l’œuvre une physionomie propre reflétant l’empreinte de la personnalité de l’auteur ;

Considérant qu’en l’espèce, comme en première instance, seule l’originalité du sac 2.55 et de ses quatre déclinaisons est en débat ;

En ce qui concerne le sac 2.55

Considérant, en l’absence de nouveau moyen ou de nouvelle pièce présenté en cause d’appel, que c’est par des motifs exacts et pertinents, tant en droit qu’en fait, que la cour adopte, que les premiers juges ont reconnu l’originalité du sac 2.55, les différents choix esthétiques opérés, indépendants de toute nécessité fonctionnelle, lui conférant une physionomie propre portant l’empreinte de la personnalité de ses créateurs et le distinguant des autres sacs du même genre ;

En ce qui concerne les déclinaisons du sac 2.55

Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, tant en droit qu’en fait, que la cour adopte, que les premiers juges ont estimé que la société CHANEL ne démontrait pas en quoi les choix opérés par les créateurs sur les quatre 'déclinaisons’ du sac 2.55 seraient originaux et démarqueraient ces déclinaisons du sac 2.55 lui-même autrement que par des différences mineures, impropres à leur permettre de bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur ;

Considérant, en conséquence, que le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu que les sacs 2.55 et Boy A66281, les bagues Nouvelle bague Ultra et Camélia ajouré, les motifs Camélia ajouré avec ou sans un cœur en forme de trèfle étaient originaux et que les sacs A35843, Mini A35311, Wallet on Chain A35301 et A16522 ne l’étaient pas et qu’il a, en conséquence, déclaré irrecevable la société CHANEL en ses demandes en contrefaçon des déclinaisons du sac 2.55, référencées A35843, Mini A3511, Wallet on Chain A35301 et A16522, sauf à préciser que l’appréciation de l’originalité relevant du débat au fond et non pas de la recevabilité de l’action, la société CHANEL doit être déboutée de ses demandes en contrefaçon au titre de ces 4 déclinaisons et non pas déclarée irrecevable ;

2 – Sur la validité des modèles

Considérant que la société TOURNESOL, au-delà de la confusion consistant à mentionner au titre des dessins et modèles des produits revendiqués au titre du titre du droit d’auteur (le sac A66281, la Nouvelle bague Ultra, les motifs et la bague Camélia ajouré), conteste la validité des trois modèles opposés par la société CHANEL en reprenant son argumentation développée en première instance, soutenant pour l’essentiel i) quant au sac Boy (DM 078340), que la présence de godrons, habituelle dans la technique de la maroquinerie,

ne peut être invoquée au titre de la nouveauté et que les éléments revendiqués présentent un aspect fonctionnel, ii) quant à la bague Ultra (DM 078202), que 'Faute d’antériorité en l’état, le caractère propre est susceptible de s’appliquer à ce modèle, sous réserve que la société Chanel justifie sa qualité d’ayant droit seule à même de permettre d’accéder à la protection. La société Chanel n’apporte toujours pas la preuve de sa qualité d’ayant droit, exigence légale préalable à toute discussion au fond pour la validité du titre’ et iii) quant au fermoir (DM 076977), que l’argumentation de la société CHANEL 'n’efface pas la fonction de fermoir’ ;

Que la société CHANEL demande la confirmation du jugement pour les motifs qu’il contient ;

Considérant, en l’absence de nouveau moyen ou de nouvelle pièce présenté en cause d’appel, que c’est par des motifs exacts et pertinents, tant en droit qu’en fait, que la cour adopte, que les premiers juges ont écarté les moyens de nullité soulevés par la société TOURNESOL et reconnu la validité des trois modèles de la société CHANEL ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

B – Sur la validité de la requête aux fins de saisie-contrefaçon, de l’ordonnance rendue le 18 février 2015 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 19 février 2015

Considérant que la société TOURNESOL poursuit l’annulation de la requête, de l’ordonnance du 18 février 2015, des opérations de saisie- contrefaçon et du procès-verbal établi en suite de ces opérations et, par voie de conséquence, le rejet des débats de l’ensemble des pièces et actes qui y sont attachés ; qu’elle soutient que la retenue douanière des marchandises intervenue le 5 février 2015 aurait dû être levée de plein droit dès lors que la mesure ne lui a pas été signifiée dans un délai de 10 jours ouvrables prévu aux articles L.335-10 et L.521-14 du code de la propriété intellectuelle ; que l’appelante en déduit que la saisie-contrefaçon du 19 février 2015 a porté sur des produits retenus illégalement par les douanes et est par conséquent entachée de nullité ; que la société TOURNESOL fait valoir en outre que l’huissier s’est abstenu de décrire les produits saisis et qu’avec la brigade de surveillance intérieure (BSI), il n’a pas respecté les termes de l’ordonnance du 18 février 2015 qui n’autorisait le prélèvement d’échantillons qu’en contrepartie de leur paiement ;

Considérant que la société intimée demande la confirmation du jugement ;

Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, tant en droit qu’en fait, que la cour adopte, que le tribunal a écarté le moyen de

nullité de l’ordonnance tiré de l’écoulement d’un délai de plus de dix jours (articles L. 335-10 et L. 521-14 du code de la propriété intellectuelle) entre la notification de la retenue des marchandises et l’ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon dans les locaux des douanes et estimé par conséquent que, la retenue ayant été notifiée le 5 février 2015, l’ordonnance rendue le 18 février 2015 était régulière et la saisie-contrefaçon effectuée le 19 février 2015 avait valablement fait obstacle à la mainlevée de plein droit de la saisie ; qu’il s’infère de ces motifs adoptés que la requête aux fins de saisie- contrefaçon présentée par la société CHANEL était également régulière ;

Que c’est par des motifs tout aussi pertinents et exacts, également adoptés par la cour, que le tribunal a écarté les moyens tirés de la nullité du procès-verbal de saisie, en relevant notamment que l’huissier a exécuté personnellement sa mission et n’a commis aucune faute, dès lors notamment que le paiement du prix des articles, non obligatoire aux termes de l’ordonnance, était en outre impossible, l’administration des douane n’étant pas habilitée à recevoir le paiement du prix des marchandises pour le compte de la société TOURNESOL ; qu’il sera précisé que le reproche du défaut de description par l’huissier des produits saisis est vain dès lors que, comme la relevé le tribunal, cet huissier a procédé à des photographies, lesquelles étaient autorisées par l’ordonnance présidentielle, et que ces clichés valent description ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de l’ordonnance du 18 février 2015 et du procès- verbal de saisie-contrefaçon du 19 février 2015 présentée par la société TOURNESOL ; que la demande de nullité de la requête aux fins de saisie-contrefaçon présentée par la société TOURNESOL sera également rejetée ;

C – Sur la responsabilité de la société TOURNESOL dans l’exploitation du site gugustar.com

Considérant que la société TOURNESOL conteste sa qualité d’éditeur du site www.gugustar.com, expliquant qu’elle n’est pas propriétaire de ce nom de domaine qui appartient à la société GUGUSTAR située à Londres et qu’elle n’a aucune responsabilité dans l’offre à la vente ou la vente des articles présents sur ce site à la date des faits ; qu’elle précise qu’on ne doit pas confondre enseigne et nom de domaine et que ce n’est pas parce qu’une personne juridique acquiert un nom de domaine qu’elle doit être assimilée au vendeur et assumer son activité ; qu’elle ajoute que le tribunal a méconnu ses droits de la défense en faisant peser sur elle la charge de la preuve et en présumant la détention du site par elle-même alors qu’elle fournit une attestation contraire du gérant de la société GUGUSTAR UK ;

Que la société CHANEL demande la confirmation du jugement pour les motifs qu’il contient ;

Considérant que c’est par des motifs pertinents et exacts, adoptés par la cour, que le tribunal, au vu de l’extrait Kbis de la société TOURNESOL et après avoir relevé les liens mis en évidence par le procès-verbal de constat dressé le 16 mars 2015 sur le site www.gugustar.com entre ce site et une boutique 'Milady’ exploitée par la société TOURNESOL à Paris et la société TOURNESOL elle- même, a retenu l’existence d’éléments précis et concordants permettant de retenir que la société TOURNESOL exploitait le site litigieux au moment des faits, peu important qu’elle n’ait pas personnellement réservé le nom de domaine, l’attestation contraire fournie par la société appelante, également produite en appel, étant dépourvue de toute valeur probante ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef également ;

D – Sur les actes de contrefaçon

1 – Sur la contrefaçon de droits d’auteur

a) sur les sacs 2.55 et A66281 Considérant que pour contester la contrefaçon du sac CHANEL 2.55, en dehors d’arguments relevant de la titularité des droits d’auteur et de l’originalité, inopérants au stade de l’examen des actes de contrefaçon allégués, la société TOURNESOL se borne à faire valoir, d’une part, que le sac litigieux C30 a une forme aux côtes arrondis très allongée et un rabat concave ainsi que quatre œillets, et non deux, ce qui lui confère une apparence différente de celle du sac 2.55 et, d’autre part, que 'le tribunal ne s’explique pas sur l’usage répandu au sein des marques dite de 'luxe’ de tout ou partie de la combinaison de l’apparence du 2.55 sans que cela n’entraîne d’action de la société CHANEL’ ; que pour contester la contrefaçon du sac CHANEL A66281 par le sac C2 saisi en douane, la société TOURNESOL fait valoir que le sac litigieux combine la présence de godrons avec la présence d’un matelassage, ce qui lui donne une impression d’ensemble très différente, et que la société intimée se fonde sur une définition trop restrictive de 'l’observateur averti’ et des caractéristiques objectives du sac argué de contrefaçon, ce qui lui permet de revendiquer une sorte de monopole sur le matelassage ;

Que la société CHANEL demande la confirmation du jugement ;

Considérant que c’est par des motifs pertinents et exacts, tant en fait qu’en droit, adoptés par la cour, que le tribunal a estimé que les sacs référencés C30, C19, C6 et C12 saisis dans les locaux des douanes constituaient des contrefaçons du sac 2.55 dont ils reprennent la combinaison des caractéristiques originales, essentiellement le matelassage, la chaîne associant cuir et métal, le jeu de formes

géométriques entre rectangles, ronds et losanges, et ce, malgré des différences mineures ;

Qu’il sera ajouté qu’une éventuelle tolérance de la société CHANEL à l’égard d’autres contrefacteurs du sac 2.55 est sans emport sur la réalité des actes de contrefaçon constatés au cas d’espèce et ne saurait permettre à la société TOURNESOL de s’exonérer de sa responsabilité ;

Considérant que c’est par des motifs pertinents et exacts, tant en fait qu’en droit, adoptés par la cour, que le tribunal a estimé par ailleurs que le sac référencé C2 saisi dans les locaux des douanes constituait la contrefaçon du sac référencé A66281 (lequel constitue une déclinaison du sac Boy protégé par le modèle DM 078340) dont il reprend la combinaison des caractéristiques originales et constitue la copie servile ;

Que le jugement sera confirmé de ces chefs ;

b) sur la Nouvelle bague Ultra, le motif Camélia ajouré (avec ou sans coeur en forme de trèfle) et la bague Camélia ajouré

Considérant que pour contester la contrefaçon, la société TOURNESOL ne fait valoir que des arguments relevant de la titularité des droits d’auteur et de l’originalité, inopérants au stade de l’examen des actes de contrefaçon allégués ;

Que la société CHANEL demande la confirmation du jugement en ce qui concerne la contrefaçon de la Nouvelle bague Ultra et, invoquant les captures et impressions d’écran faites par l’huissier, son infirmation pour le motif Camélia ajouré et la bague Camélia ajouré, faisant valoir que les éléments qu’elle produit aux débats permettent de constater les actes de contrefaçon qu’elle allègue ;

Considérant que c’est par des motifs pertinents et exacts, tant en fait qu’en droit, adoptés par la cour, que le tribunal a estimé que la bague Argent Bague référencée 925 offerte à la vente sur le site www.gugustar.com constitue la contrefaçon de la Nouvelle bague Ultra CHANEL dont elle reprend la combinaison des caractéristiques originales et constitue la copie servile ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant que l’examen auquel a procédé la cour, d’une part, du procès-verbal de constat d’huissier du 21 juin 2002 établi pour la datation de la collection 'Accessoires saison 03C-2003", de la fiche technique de la référence A20571 pour le motif sans cœur de trèfle, des photographies présentes sur les extraits de catalogue de février 2008 et septembre 2009 pour le motif avec cœur de trèfle

et, d’autre part, des captures et impressions d’écran réalisées par l’huissier pour son procès-verbal de constat réalisé le 16 mars 2015 sur le site www.gugustar.com la conduit à retenir :

•que le pendentif plaqué or référencé 18029 constitue la contrefaçon du motif Camélia ajouré sans cœur en forme de trèfle dont il reproduit la combinaison des caractéristiques essentielles, à savoir une forme de camélia stylisé comprenant un cœur et des pétales formant un réseau ayant l’aspect d’une dentelle ajouré, le cœur central étant entouré de pétales formant des vagues en arabesques irrégulières de différentes tailles allant en s’agrandissant du cœur vers le pourtour et se chevauchant ;

•que le collier en argent référencé 81127630180311 du site www.gugustar.com constitue la contrefaçon du motif Camélia ajouré avec cœur en forme de trèfle dont il reproduit la combinaison des caractéristiques essentielles, identiques à celles du motif précédent si ce n’est que le cœur de la fleur présente la forme d’un trèfle ;

Que l’examen des pièces aux débats permet encore de constater que la bague référencée 2367012000041 sur le site www.gugustar.com constitue la contrefaçon de la bague Camélia ajouré (sans cœur en forme de trèfle) de la société CHANEL (pièces 12, 12bis, 58) dont elle reproduit la combinaison des caractéristiques essentielles, à savoir un anneau plat en or jaune, large et rigide bordé de chaque côté d’un liseré plain, ajouré en son centre de manière à dessiner un motif de camélia vu de dessus présentant un cœur arrondi entouré de pétales formant des arabesques irrégulières de différentes tailles ;

Que le jugement sera donc infirmé de ces derniers chefs ;

2 – Sur la contrefaçon des modèles

Considérant que la société CHANEL soutient que le sac référencé C2 saisi dans les locaux des douanes constitue la contrefaçon de son modèle de sac Boy (DM 078340), arguant que la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances et non par les différences, peu important que ces différences excluent un risque de confusion, et que le tribunal s’est à tort basé sur la seule différence résidant dans le matelassage du sac litigieux alors que le produit argué de contrefaçon incorpore le modèle protégé puisqu’il en reprend i) la forme rectangulaire, ii) le rabat couvrant intégralement la face avant du sac, iii) le fermoir rectangulaire placé en bas du rabat au centre des éléments tubulaires (godrons) bordant celui-ci, présentant sur ses côtés gauche et droit des éléments parallélépipédiques et en son centre une pièce cylindrique, iv) la bandoulière associant une chaîne composée d’épaisses mailles métalliques et un élément de cuir et v) les anneaux par laquelle cette bandoulière coulisse ; qu’elle demande la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu la contrefaçon de ses

modèles de bague Ultra DM 078202 et de fermoir DM 076977 ; qu’elle ajoute que l’observateur averti sait que les société de maroquinerie déclinent un même modèle de sac en ajoutant ou supprimant certains éléments ornementaux et qu’elle même propose le modèle Boy sous différentes déclinaisons, dont certaines avec matelassage ;

Que la société TOURNESOL ne conteste pas précisément la réalité de la contrefaçon mais invoque pour l’essentiel le défaut de caractère propre des modèles opposés et l’impossibilité, pour la société CHANEL, de bénéficier de droits privatifs sur des formes naturelles, argumentation déjà réfutée lors de l’examen de la validité des modèles de la société CHANEL et donc inopérante au stade de l’examen des actes de contrefaçon ;

a) le modèle de sac Boy DM 078340

Considérant que c’est à juste raison que le tribunal, après avoir exactement décrit les représentations du modèle revendiqué et le sac litigieux C2 saisi dans les locaux des douanes, a estimé que le sac référencé C2 ne constitue pas la contrefaçon du modèle de sac Boy DM 078340 en raison de la différence, très apparente et prédominante par rapport aux ressemblances, constituée par la présence d’un matelassage sur le sac litigieux, différence suffisamment importante aux yeux de la société CHANEL pour qu’elle l’ait mise en avant pour soutenir que le sac A66281, qui est selon l’intimée une déclinaison du sac Boy, constituait néanmoins, au titre du droit d’auteur, une œuvre distincte du modèle Boy ; qu’en outre, les godrons du sac litigieux sont plus épais que ceux du sac CHANEL ; qu’il est indifférent que la société CHANEL commercialise des versions matelassées du sac Boy, l’examen de la contrefaçon devant s’effectuer par rapport au modèle enregistré et non par rapport à l’exploitation que peut réaliser le titulaire de ce modèle ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société CHANEL de ses demandes en contrefaçon au titre de son modèle de sac Boy DM 078340 ;

b) le modèle de bague Ultra DM 078202 et le modèle de fermoir DM 076977

Considérant que c’est par des motifs pertinents et exacts, tant en fait qu’en droit, adoptés par la cour, que le tribunal a estimé que la bague référencée Bague Argent 925 offerte à la vente sur le site www.gugustar.com constitue la contrefaçon du modèle de bague Ultra DM 078202 ; qu’en raison des ressemblances existant, l’impression visuelle globale produite sur le consommateur averti par les représentations figurant au dépôt du modèle et par l’apparence du produit litigieux n’est pas différente ;

Que c’est par des motifs tout aussi pertinents et exacts, également adoptés par la cour, que le tribunal a estimé que le sac référencé C2 saisi dans les locaux des douanes constitue la contrefaçon du modèle de fermoir de la société CHANEL ; qu’en raison des ressemblances existant, l’impression visuelle globale produite sur le consommateur averti par les représentations figurant au dépôt du modèle et par l’apparence du produit litigieux n’est pas différente ;

Que le jugement sera confirmé de ces chefs ;

3 – Sur la contrefaçon des deux marques françaises figuratives Considérant que la société CHANEL, qui comme devant le tribunal, persiste à évoquer sa marque au singulier qu’elle qualifie de marque 'monogramme double C, alors qu’elle invoque expressément les deux marques représentées supra, soutient que la société TOURNESOL imite le signe constituant ses marques pour des produits identiques (bijoux), dès lors que les bagues Argent 925 Rhodié et Argent 925 Godrons et Entrelacs offertes à la vente sur le site www.gugustar.com reprennent de façon quasi-identique (structure, proportions, forme) la construction graphique constituée de deux C entrecroisés laissant paraître, à leur jonction, une lumière oblongue’ située au centre où le regard se porte naturellement ; qu’elle souligne que les signes en présence produisent une impression d’ensemble similaire de nature à engendrer un risque de confusion ou au moins d’association chez le consommateur normalement attentif n’ayant pas simultanément sous les yeux un article CHANEL authentique et un article argué de contrefaçon ; qu’elle ajoute que le fait qu’un signe soit perçu comme une décoration ne fait pas obstacle, en soi, à la protection conférée à une marque renommée, lorsque le degré de similitude est tel que ce public établit un lien entre le signe et la marque et qu’en l’espèce, compte tenu de la notoriété de sa marque monogramme double C, le signe utilisé conduit nécessairement à croire que les bagues litigieuses ont la même origine que les bijoux authentiques revêtus de cette marque ;

Que la société TOURNESOL fait valoir que seul un usage à titre de marque peut être mis en cause au titre d’une contrefaçon de marque, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’une ornementation du produit lui-même, comme en l’espèce où le signe argué de contrefaçon n’a qu’une visée décorative et ne remplit pas la fonction d’identification de l’origine des produits ;

Considérant que la cour fait sienne l’appréciation du tribunal selon laquelle la mauvaise qualité de la photographie de la bague référencée Argent 925 Rhodié ne permet pas d’apprécier l’existence d’une contrefaçon eu égard aux formes complexes particulièrement difficiles à observer de la bague litigieuse ;

Qu’en ce qui concerne la bague Argent 925 Godrons et Entrelacs, la cour partage l’analyse des premiers juges selon laquelle les signes en débat ne sont pas similaires mais présentent une différence essentielle en ce que la bague incriminée ne comporte pas deux C entrecroisés qui se referment à leurs extrémités comme les marques de la société CHANEL, mais des lettres U ouvertes sans fin à l’horizontal ; que la demande en contrefaçon de la société CHANEL au titre de la bague Argent 925 Godrons et Entrelacs sera rejetée pour ce seul motif sans qu’il soit par conséquent nécessaire d’examiner la question de la notoriété des marques invoquées ;

Que le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la société CHANEL au titre de la contrefaçon de ses marques françaises ;

II – Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant que la société CHANEL soutient que la société TOURNESOL a commis à son préjudice des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire en recherchant un risque de confusion par la reproduction servile ou quasi-servile de gammes entières de ses créations, tant dans le domaine de la maroquinerie que dans celui de la bijouterie-joaillerie, et en se plaçant délibérément dans son sillage afin de réaliser de substantielles économies en profitant, sans bourse délier, de son travail intellectuel, de son savoir- faire, des investissements qu’elle a consacrés depuis des années à la recherche de style ainsi qu’à la promotion et à la publicité de ses articles, et enfin de sa notoriété ; qu’elle ajoute que la société TOURNESOL a en outre copié de façon quasi-servile le pendentif Etoile et les boucles d’oreille Comète présentés dans son catalogue de novembre 2018 ;

Que la société TOURNESOL oppose que les faits invoqués ne sont pas distincts de ceux examinés au titre de la contrefaçon, qu’elle n’a pas à répondre d’un effet de gamme en sa qualité d’intermédiaire et que les investissements allégués ne sont pas prouvés, ajoutant que les produits Etoile et Comète n’ont pas été invoqués au titre de la contrefaçon et associent en outre des caractéristiques appartenant au domaine public ;

Considérant que c’est par des motifs pertinents et exacts, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu l’existence d’actes de concurrence déloyale distincts de ceux de contrefaçon du fait de l’effet de gamme résultant de la contrefaçon du sac CHANEL 2.55 par quatre références litigieuses (C30, C19, C6, C12) et de celle du sac CHANEL A66281, comportant de surcroît un fermoir caractéristique protégé par un modèle également contrefait, par la référence C2 ;

Qu’à cet effet de gamme concernant les sacs s’ajoute celui concernant les bijoux puisque la société TOURNESOL se voit reprocher la

contrefaçon de la bague Ultra et de la Nouvelle bague Ultra par la bague 925 Argent Bague, mais aussi celle du motif Camélia ajouré avec cœur en forme de trèfle, du motif Camélia ajouré sans cœur en forme de trèfle et de la bague Camélia ajouré ;

Que c’est en revanche pour de justes raisons que le tribunal a écarté la demande en ce qu’elle portait sur les bijoux Etoile et Comète ;

Que le jugement doit donc être confirmé du chef de la concurrence déloyale, l’ampleur des pratiques étant cependant plus étendue que celle retenue par les premiers juges ;

Considérant par ailleurs que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, toutes les reprises constatées établissent que la société TOURNESOL s’est délibérément placée dans le sillage de la société CHANEL afin de profiter indûment de ses efforts, notamment de création et de développement, ainsi que de son incontestable notoriété, ce qui caractérise des faits fautifs de parasitisme ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées par la société CHANEL du chef du parasitisme ;

III – Sur les mesures réparatrices

A – Les demandes indemnitaires

1 – Au titre de la contrefaçon Considérant qu’en application des articles L. 331-1-3 et L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, 2° le préjudice moral causé à cette dernière et 3° les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits ou le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui- ci a retirées, la juridiction pouvant, toutefois, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte aux droits ou le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte, cette somme n’étant pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ;

Considérant qu’en l’espèce, la masse contrefaisante ne peut être établie avec précision puisque pour les sacs, le nombre d’articles saisis par les douanes (33 modèles soit 503 sacs, dont 80 sacs reconnus contrefaisants : 6 sacs C2, 25 sacs C6, 43 sacs C12, 3 sacs C19, 3 sacs C30) ne reflète pas le nombre total d’articles vendus par la société TOURNESOL avant leur intervention, étant précisé que les

douanes ont appréhendé les marchandises dans les locaux de la société pendant les activités de cette dernière et non pas à l’occasion de leur dédouanement à l’importation ; que de même, le nombre d’articles de bijouterie vendus sur le site www.gugustar.com n’est pas connu ; que la société TOURNESOL n’a pas fourni, en effet, les informations comptables demandées par les douanes, ni communiqué les éléments comme ordonné par le tribunal dans le jugement dont appel ;

Que la société TOURNESOL affirme que les produits contrefaisants n’ont pas été vendus mais, comme l’observe à juste raison, la société CHANEL, cette affirmation ne vaut que pour les sacs puisque le constat d’huissier effectué sur le site www.gugustar.com le 16 mars 2015 montre que les bijoux litigieux étaient proposés à la vente ;

Que la société CHANEL forme une demande d’indemnisation forfaitaire ;

Que les actes de contrefaçon de droits d’auteur et de dessins et modèles ont causé à la société CHANEL un préjudice résultant de l’atteinte portée à ses droits privatifs de propriété ; que le sac 2.55 est un sac iconique de la maison CHANEL ; que le sac Boy, dont le sac contrefait A66281 constitue une déclinaison, est l’un des sacs les plus vendus de la planète (article du Monde de mars 2015, pièce 35) ; que la contrefaçon par des produits de faible qualité a entraîné une banalisation et donc une dépréciation des sacs et bijoux CHANEL contrefaits ;

Que la cour dispose ainsi des éléments suffisants pour chiffrer ainsi qu’il suit les préjudices de la société CHANEL :

au titre de la contrefaçon de droits d’auteur :

• 20 000 € pour le sac 2.55 • 15 000 € pour le sac A66281 • 7 500 € pour la bague Nouvelle bague Ultra •10 000 € pour les motifs Camélia ajouré et la bague Camélia ajouré

au titre de la contrefaçon de modèles :

• 7 500 € pour le modèle de fermoir DM 076977 • – 7 500 € pour le modèle de bague Ultra DM 078202 ;

2 – Au titre de la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant qu’eu égard à l’ampleur des pratiques, telle que retenue par la cour, la somme allouée par le tribunal sera majorée et portée à 30 000 € ;

B – Les autres demandes

1 – L’interdiction et la destruction sous contrôle d’huissier

Considérant que le sens de cette décision conduit à confirmer la mesure d’interdiction prononcée par le tribunal, qui doit être cependant étendue aux bijoux proposés à la vente sur le site www.gugustar.com référencés 18029 (pendentif plaqué or), 81127630180311 (collier en argent), 2367012000041 (bague) ;

Que sera également confirmée la mesure de destruction sous contrôle d’huissier ordonnée par le tribunal qui doit être pareillement étendue aux bijoux référencés 18029, 81127630180311 et 2367012000041 ;

2 - Les mesures de publication

Considérant que le préjudice étant suffisamment réparé par les dommages et intérêts alloués et les mesures d’interdiction et de destruction ordonnées, il n’y a lieu de faire droit aux demandes de publication formées par la société CHANEL ;

3 - La liquidation de l’astreinte fixée par le tribunal au titre de la communication de pièces comptables

Considérant qu’il est constant que la société TOURNESOL n’a pas communiqué à la société CHANEL, comme ordonné par le tribunal, une attestation certifiée conforme par un expert-comptable indépendant ou une facture précisant l’identité des fournisseurs et des acquéreurs des références objet de la mesure d’interdiction ainsi que les quantités acquises et vendues et les prix d’achat et de vente de ces références ;

Que le tribunal a fixé une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 4 mois à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours courant dès la signification du jugement ;

Qu’il y a lieu, en conséquence, de liquider le montant de l’astreinte ayant couru entre le 24 juin et le 24 octobre 2017 à la somme de 12 000 € ;

IV - Sur la demande indemnitaire de la société TOURNESOL relative à la destruction par la société CHANEL des produits retenus en douane

Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la société TOURNESOL ;

V - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que la société TOURNESOL qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;

Que la somme qui doit être mise à la charge de la société TOURNESOL au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société CHANEL peut être équitablement fixée à 15 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance ;

PAR CES MOTIFS,

Rejette la demande de nullité de la requête aux fins de saisie- contrefaçon présentée par la société TOURNESOL,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a : • rejeté les fins de non-recevoir de la société TOURNESOL tirées de l’absence de titularité des droits de la société CHANEL au titre du droit d’auteur, • dit que les sacs 2.55 et Boy A66281, les bagues Nouvelle bague Ultra et Camélia ajouré, les motifs Camélia ajouré et Camélia ajouré avec un cœur en forme de trèfle sont originaux, • dit que les sacs A35843, Mini A3511, Wallet on Chain A35301 et A16522 (les 4 déclinaisons du sac 2.55) ne sont pas originaux et rejeté les demandes de la société CHANEL en contrefaçon au titre de ces mêmes sacs, étant précisé que le défaut d’originalité des œuvres revendiquées entraîne un débouté au fond du demandeur à l’action en contrefaçon et non son irrecevabilité, • rejeté les moyens de nullité soulevés par la société TOURNESOL quant aux modèles de sac Boy (DM 078340), de bague Ultra (DM 078202) et de fermoir (DM 076977) de la société CHANEL et reconnu la validité de ces trois modèles, • déclaré sans objet les demandes en nullité des modèles présentées par la société TOURNESOL au titre de la référence A66281 et des différents bijoux incorporant le motif Camélia Ajouré avec ou sans cœur de trèfle, • rejeté la demande de nullité formée par la société TOURNESOL de l’ordonnance du 18 février 2015 et du procès-verbal de saisie- contrefaçon du 19 février 2015, • dit que la société TOURNESOL était à l’époque des faits litigieux éditeur du site gugustar.com qu’elle exploitait pour offrir en vente ses produits, • dit que la société TOURNESOL a commis : • des actes portant atteinte aux droits d’auteur détenus par la société CHANEL : sur le sac 2.55 en détenant pour les revendre les références C30, C19, C6 et C12 retenues par les douanes ; sur le sac

A66281 en détenant pour la revendre la référence C2 retenue par les douanes ; sur la bague Nouvelle bague Ultra en offrant à la vente sur le site www.gugustar.com la référence 925 Argent Bague, • des actes de contrefaçon des modèles français de la société CHANEL : de fermoir déposé sous le numéro DM/076977 en détenant pour la revendre la référence C2 retenue par les douanes comportant un fermoir identique ; de bague Ultra déposé sous le numéro DM/078202 en offrant à la vente la référence 925 Argent Bague sur le site gugustar.com, • rejeté la demande de la société CHANEL au titre de la contrefaçon du modèle international désignant la France de sac Boy déposé sous le numéro DM/078340, •rejeté les demandes de la société CHANEL au titre de la contrefaçon de ses marques françaises figuratives déposées le 18 avril 1989 sous le numéro 1 524 958 et le 24 janvier 2013 sous le numéro 3 977 077, •prononcé des mesures d’interdiction, de destruction et de communication de pièces comptables à l’encontre de la société TOURNESOL, sous astreinte, • rejeté les demandes de publication judiciaire et de confiscation de la société CHANEL, • dit qu’en détenant aux fins de commercialisation une gamme de sacs reproduisant servilement ou quasi servilement sans nécessité une gamme de sacs commercialisée par la société CHANEL, la société TOURNESOL a commis des actes distincts de concurrence déloyale, • déclaré irrecevable la demande indemnitaire reconventionnelle de la société TOURNESOL au titre de la destruction des marchandises retenues, • condamné la société TOURNESOL aux dépens, au paiement à la société CHANEL de la somme de 15 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au remboursement à la société CHANEL des frais afférents à la saisie-contrefaçon du 19 février 2015,

Infirme le jugement pour le surplus et y ajoutant,

Dit que la société TOURNESOL a commis des actes portant atteinte aux droits d’auteur détenus par la société CHANEL sur le motif Camélia ajouré, avec ou sans cœur en forme de trèfle, en proposant à la vente sur le site www.gugustar.com : un pendentif référencé 18029, un collier argent référencé 81127630180311 et une bague référencée 2367012000041,

Dit que la société TOURNESOL a commis des actes de concurrence parasitaire au préjudice de la société CHANEL,

Condamne la société TOURNESOL à payer à la société CHANEL :

•au titre de la contrefaçon de droits d’auteur : la somme globale de 52 500 € à titre de dommages et intérêts,

•au titre de la contrefaçon de modèles : la somme globale de 15 000 € à titre de dommages et intérêts, • au titre de la concurrence déloyale et parasitaire : la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts,

Dit que les mesures d’interdiction et de confiscation ordonnées concernent également les bijoux référencés 18029 (pendentif plaqué or), 81127630180311 (collier en argent) et 2367012000041 (bague),

Rejette les demandes de publication du présent arrêt formées par la société CHANEL,

Condamne la société TOURNESOL à payer à la société CHANEL la somme de 12 000 € au titre de la liquidation de l’astreinte ordonnée par le tribunal quant à la communication d’éléments comptables,

Condamne la société TOURNESOL aux dépens d’appel et au paiement à la société CHANEL de la somme de 15 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 29 janvier 2019, n° 17/11182