Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 1er juillet 2020, n° 18/03858

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 6, 1er juill. 2020, n° 18/03858
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/03858
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Melun, 27 décembre 2017, N° 17/00310
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 01 JUILLET 2020

(n° 2020/ , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/03858 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5IXL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Décembre 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de E – RG n° 17/00310

APPELANTE

SASU D

[…]

N° SIRET : 703 78 0 2 47

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIME

Monsieur C F X

[…]

Représenté par Me Isabelle VAREILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0977

COMPOSITION DE LA COUR :

En application :

— de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;

— de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;

— de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ;

L’affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 25 mai 2020, les avocats y ayant consenti

expressément ou ne s’y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure ;

La cour composée comme suit en a délibéré :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Pauline MAHEUX

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. C X a été embauché par la société D, par contrat à durée indéterminée du 1 er septembre 2007, en qualité de chef de chantier, catégorie ETAM, niveau C. Le salarié était affecté à l’agence de E TELECOM et percevait au dernier état une rémunération mensuelle brute s’élevant à 2 255 €.

La société emploie plus de dix salariés et la convention collective nationale des travaux publics, dont l’accord de branche du 6 novembre 1998 portant annualisation du temps de travail.

M. X a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement par courrier recommandé du 8 janvier 2013.

M. X a été licencié pour faute grave par lettre en date du 1er février 2013.

Par acte du 15 février 2013, M. X a saisi le conseil des prud’hommes de E afin d’obtenir la requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que diverses sommes à titre de rappels de salaire.

Le conseil des prud’hommes de E, dans un jugement du 28 décembre 2017, a fait partiellement droit aux demandes de rappels de salaire formulées par M. X.

La société D était ainsi condamnée à verser au salarié les sommes suivantes :

' Rappel de salaire sur heures supplémentaires ……………………………………….10 310.89 €

' Congés payés afférents ……………………………………………………………………… 1 031.09 €

' Prime de vacances afférentes …………………………………………………………………. 247.46 €

' Rappel de salaire sur heure de nuit …………………………………………………………. 488.53 €

' Congés payés afférents …………………………………………………………………………….48.85 €

' Primes de vacances…………………………………………………………………………………..11.72 €

' Indemnité compensatrice de repos compensateur………………………………………..697.76 €

' Rappel de salaire grand déplacement Angoulême…………………………………….1 548.59 €

' Congés payés afférents………………………………………………………………………….. 154.85 €

' Primes de vacances afférentes…………………………………………………………………..37.16 €

' Rappel de salaire grand déplacement Saint Florentin…………………………………..224.28 €

' Congés payés afférents …………………………………………………………………………… 22.42 €

' Primes de vacances afférentes …………………………………………………………………. 5.38 €

' Indemnité légale de licenciement …………………………………………………………. 3 946.25 €

' Indemnité compensatrice de préavis ………………………………………………………… 4 510 €

' Congés payés afférents ………………………………………………………………………………451 €

' article 700 du CPC…………………………………………………………………………………. 1 000 €

Par acte du 6 mars 2018, la société D interjetait appel de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 24 octobre 2018, auxquelles il est expressément fait référence, la société D formule les demandes suivantes :

— infirmer le jugement rendu le 28 décembre 2017 par le conseil des prud’hommes de E dans toutes ces dispositions

— débouter M. X de son appel incident

I / SUR LES DIFFERENTS RAPPELS DE SALAIRE SOLLICITES PAR MONSIEUR X

[…]

— constater que M. X avait choisi de se faire transporter sur son lieu de travail par la société D, aux frais de cette dernière

— constater que M. X n’apporte aucun élément de preuve permettant d’établir la réalité des prétendues heures travaillées

Par conséquent,

— dire et juger que M. X n’était pas à la disposition de son employeur durant les heures en cause

— rejeter les demandes de rappels de salaire sur heures supplémentaires formulées par M. X

[…]

— constater l’usage en vigueur depuis 2006 au sein de la société D

— constater que les heures en cause étaient des heures programmées et que M. X n’apporte aucun

élément de preuve démontrant leur caractère exceptionnel

Par conséquent,

— rejeter l’intégralité des demandes de rappels de salaire formulé au titre des heures de nuit

[…]

— constater que M. X ne justifie aucunement de l’existence des différents trajets justifiant sa demande de rappel de salaire

— constater que la société D avait payé des heures de route à M. X

Par conséquent,

— rejeter les demandes de rappels de salaire sur heures de grand déplacement formulées par M. X

A titre subsidiaire,

— limiter le montant du rappel de salaire sur heures de grand déplacement à la somme de 1 123.37 €, outre 112.34 € au titre des congés payés afférents

II / SUR LE BIENFONDE DU LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE DE MONSIEUR X

— constater que M. X avait refusé d’exécuter les directives de son supérieur hiérarchique le 20 décembre 2012

— constater que M. X avait emporté, et conservé, des documents indispensables à la poursuite de l’activité de l’entreprise entre le 20 décembre 2012 et le 21 janvier 2013

— constater que M. X avait mis 48 heures à avertir son employeur de son absence

— constater que malgré la demande expresse de la société D en ce sens, M. X n’avait pas restitué l’ordinateur portable qui lui avait été mis à disposition

Par conséquent,

— dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. X était justifié

— rejeter l’intégralité des demandes de M. X formulées au titre de la rupture de son contrat de travail

A titre subsidiaire,

— limiter le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 3 908.54 €

A titre infiniment subsidiaire,

— limiter le montant des dommages et intérêts sollicités par M. X à la somme de 13 530 €

III / A TITRE RECONVENTIONNEL, SUR LES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

— condamner M. X au paiement de la somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article

700 du CPC

— condamner M. X aux entiers dépens de l’instance d’appel

— fixer comme point de départ des intérêts légaux l’audience du 21 septembre 2017

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 25 juillet 2018, auxquelles il est expressément fait référence, M. X formule les demandes suivantes :

— sur les heures supplémentaires:

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de E, en ce qu’il a reconnu le

principe d’heures supplémentaires effectuées par M. X.

— infirmer le jugement en ce qu’il a fixé les sommes dues à ce titre à 10 310,89 €, au titre des HS, outre les congés payés afférents 1 031,08 € et la prime de vacances afférente à 247,46 €.

Et statuant sur ce point condamner la société D E au paiement des sommes de :

*30 932,66 € à titre de rappel d’heures supplémentaires,

* 3 093,26 € au titre des congés payés afférents.

* 742,38 € au titre de l’incidence sur la prime de vacances article 5.8 de la convention collective,

— Sur les heures de nuit de juin 2012

confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de E, et condamner la société D au paiement des sommes de :

*488,53 € au titre de rappel de salaire sur heure de nuit

* 48,85 € au titre de l’incidence sur les congés payés

* 11,72 € au titre de l’incidence sur la prime de vacances

*697,76 € à titre d’indemnité compensatrice de repos compensateur

— Sur les grands déplacements à Angoulême

confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de E, en ce qu’il a jugé que des heures de grands déplacements étaient dues pour le chantier d’Angoulême.

Infirmer le jugement en ce qu’il a fixé les sommes dues à ce titre à 1 548,59 € à titre d’indemnité de trajet article 8.13 de la convention collective, outre la somme de 154,85 € à titre d’incidence sur les congés payés et celle de 37,16 € à titre d’incidence sur la prime de vacances

Et statuant sur ce point condamner la société D E au paiement des sommes de :

* 2 056,08 € au titre de rappel de salaire ;

* 205,60 € au titre des congés payés afférents ;

* 63,26 € au titre de l’incidence sur la prime de vacances

A titre subsidiaire, confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de E sur ce point et condamner D E au paiement de :

*1 548,59 € à titre de rappel de salaire :

*154,85 € à titre d’incidence sur les congés payés :

*37,16 € à titre d’incidence sur la prime de vacances

— Sur les grands déplacements à St Florentin

confirmer le jugement du conseil de Prud’hommes de E, en ce qu’il a jugé que des heures de grands déplacements étaient dues pour le chantier de St Florentin.

infirmer le jugement en ce qu’il a fixé les sommes dues à ce titre à 224,28 € à titre d’indemnité de trajet article 8.13 de la convention collective, outre la somme de 22,42 € à titre d’incidence sur les congés payés et celle de 5,38 € à titre d’incidence sur la prime de vacances.

Et statuant sur ce point condamner la société D E au paiement des sommes de :

* 445,00 € au titre de rappel de salaire.

* 44,50 €, au titre des congés payés afférents ;

* 10,68 € au titre de l’incidence sur la prime de vacances.

A titre subsidiaire, confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de E sur ce

point et condamner D E au paiement de :

*224,28€ à titre de rappel de salaire

*22,42€ à titre d’incidence sur les congés payés

*5,38 € à titre d’incidence sur la prime de vacances

— sur le licenciement

confirmer le jugement rendu en ce qu’il n’a pas retenu la faute grave, et condamné la société D E au paiement des sommes de :

*4 510 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 451 €, au titre de l’incidence sur les congés payés ;

* 3 946,25 € au titre de l’indemnité de licenciement conventionnelle ;

infirmer le jugement en ce qu’il a retenu une cause réelle et sérieuse à l’origine du

licenciement de monsieur X.

Statuant à nouveau :

Dire et juger que le licenciement de monsieur X est dénué de cause réelle et sérieuse

Condamner D E au paiement de :

-18 040 € à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

Outre :

-3.000 € au titre de l’article 700 du C.P.C.

Remise de bulletins de salaire sur cinq ans sous astreinte de 50 € par jour

Condamner la Société D en tous les dépens.

En application de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale prise en application de l’article 11-I-2° c) de la loi N°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, la cour a décidé de prendre l’affaire selon la procédure sans audience et en a informé les parties par message en date du 28 avril 2020 . Les conseils des parties ne s’y sont pas opposés.

La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 20 mai 2020.

MOTIFS :

Sur la demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires, les congés payés afférents et l’incidence sur la prime de vacances.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Parce que le préalable pèse sur le salarié et que la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties, le salarié n’a pas à apporter des éléments de preuve mais seulement des éléments factuels, pouvant être établis unilatéralement par ses soins. Encore s’agit-il néanmoins que ces éléments revêtent un minimum de précision afin que l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail accomplies, puisse y répondre utilement.

M. X expose que les deux heures journalières comprises entre 7 heures et 8 heures puis entre 16 et 17 heures en hiver ou 17 et 18 heures en été n’étaient pas comptabilisées dans l’horaire de travail et donc pas rémunérées, seules les plages 8 heures /12 heures et 13 heures / 17 heures ou 18 heures étant payées. Il revendique le paiement de ces heures de février 2008 à janvier 2013.

L’article L .3121-1 du code du travail dispose que : « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. »

Il a été jugé que les salariés tenus de se rendre au siège de l’entreprise avant l’heure d’embauche et

après l’heure de débauche sur les chantiers, afin de prendre et de ramener le camion et les matériels, se tenaient à disposition de leur employeur pour participer à l’activité de l’entreprise, ce dont il résultait que cette période de temps devait être rémunérée comme temps de travail effectif.

En l’espèce, M. X prétend rapporter la preuve par la production de la note de service de D, puis de l’attestation de son collègue M. Z de ce qu’il était tenu d’arriver au dépôt à 7 heures chaque matin, quel que soit l’éloignement du chantier sur lequel il devait se rendre, afin de préparer les outils, préparer le travail des équipes, puis se rendre sur le chantier en véhicule de l’entreprise conduit par un autre salarié. De même en fin de journée, après l’heure de fin de travail sur le chantier, il devait ranger les outils, refaire le parcours jusqu’au dépôt en camionnette afin de déposer et ranger son matériel.

Le document versé en pièce 2 par M. X, qu’il qualifie de 'note de service' n’est pas expressément intitulée comme telle mais porte sur les horaires de travail du personnel de chantier et vise des plages mobiles avant 8 heures et après 16 heures ou 17 heures.

Ce document n’édicte pas d’obligation à la charge du salarié d’être présent à ces moments là.

En outre, l’article 6-1 du contrat de travail de M. X est ainsi rédigé : « Cependant, ayant eu à choisir entre les options en vigueur dans l’entreprise en terme de transport sur chantier, vous avez opté pour un transport sur chantier en utilisant le véhicule de l’entreprise, et non pas en utilisant votre véhicule personnel. De ce fait, vous devrez vous rendre chaque matin à notre agence de rattachement afin de se faire transporter gratuitement par l’entreprise sur les chantiers. Cette option est valable jusqu’à la fin de l’année civile en cours et renouvelable par tacite reconduction » (pièce 1 de la SAS D).

L’attestation de M. Z selon laquelle M. X et lui étaient tenus d’arriver au dépôt à 7 heures chaque matin est contredite par l’attestation de M. A qui indique que ces deux salariés 'passaient au dépôt pour se faire déposer gratuitement par les véhicules de l’entreprise ('). Lorsque les chantiers étaient plus proches de leur domicile, ils n’avaient même pas besoin de passer par l’agence et se rendaient directement sur chantier (') »

Ensuite, les bulletins de paie de M. X font apparaître des heures de route et des indemnités de trajet de même que des indemnités d’intempéries remettant en cause les calendriers versés en pièces 9 à 13.

Il ressort abondamment de ce qui précède que les éléments factuels du salarié sont utilement contredits par les pièces versées par l’employeur et dès lors les demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et l’incidence sur la prime de vacances seront rejetées; le jugement étant infirmé de ces chefs.

Sur le rappel de salaires sur heures de nuit.

L’article 4.2.10 de la convention collective des travaux Publics applicable au contrat de travail indique :

« Si, par suite de circonstances exceptionnelles, un ETAM est appelé à travailler, soit de nuit (entre 20 heures et 6 heures), soit un dimanche, soit un jour férié, les heures ainsi effectuées sont majorées de 100 %. La majoration pour travail exceptionnel, de nuit, du dimanche ou d’un jour férié ne se cumule pas avec les majorations pour heures supplémentaires. Lorsqu’un même travail ouvre droit à plusieurs de ces majorations, seule est retenue la majoration correspondant au taux le plus élevé. Les heures supplémentaires effectuées de nuit sont récupérées par un repos de même durée. '

La société D indique avoir instauré, après un avis favorable du CCE du 13 juin 2006, un

usage prévoyant la majoration des heures de nuit de la façon suivante :

100% pour les heures de nuit exceptionnelles

30% pour les heures de nuit programmées.

Pour s’opposer à la majoration de 100 % concernant les heures de nuit effectuées en juin 2012, la société expose qu’il s’agissait d’heures programmées.

Elle ne le démontre cependant nullement et ne peut valablement inverser la charge de la preuve en affirmant que le salarié n’établit pas qu’il s’agissait d’heures exceptionnelles.

C’est à bon droit que M. X de ce chef sollicite les sommes suivantes:

Rappel de salaire sur heure de nuit : 697,76 – 209,23 = 488,53 €

incidence sur les congés payés soit : 48,85 €

incidence sur la prime de vacances/ (48,85 x 4/5°x 3%) = 11,72 €

somme correspondant à la période de repos compensateur = 697,76 €

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur les heures de route lors des grands déplacements à Angoulême et Saint Florentin.

En application de l’article L3121-4 du code du travail, 'le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire. '

De février à juin 2008, M. X indique avoir travaillé sur un chantier à Angoulême pendant 21 semaines, au cours desquelles 11 heures de travail n’ont pas été payées, soit 231 heures impayées au total. Ensuite, du 21 au 31 janvier 2013, il indique avoir travaillé sur un chantier près d’Auxerre, (Saint Florentin) où il devait se rendre de chez lui et retour chez lui le soir, situé à 150 kilomètres de la région parisienne. Il précise qu’il lui reste dû 25 heures non rémunérées.

Il est clair, en l’état des éléments du débat, que ces temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail ont dépassé le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, et doivent faire l’objet d’une compensation financière.

C’est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le conseil des prud’hommes a admis le principe puis chiffré le quantum de ces compensations.

En l’état des pièces versées au dossier, s’agissant des déplacements à Angoulême, il en effet doit être retenu un temps de 4h35 x 2 (à l’aller et au retour du chantier) soit 9 h10 de route par semaine sur 21 semaines d’où un nombre d’heures de 192 h 30 dont il convient de soustraire les 75 heures de route payées par l’employeur, soit un total d’heures dues de 117 h30, soit : 13,18 € x 117 heures 30 = 1 548,59 € brut, outre les congés payés afférents, soit 154,85 € ainsi que la prime de vacances Article 5.8 de la Convention Collective: 154,85 x 4/5 x 30% = 37,16€.

En l’état des pièces versées au dossier, s’agissant des déplacements à Saint Florentin, il doit être

retenu un temps de 15 heures 45 soit les sommes de 15 h 45 X 14, 24 € = 224,28 €

outre l’incidence sur les congés payés soit ………………………………………………….. 22,42 €,

outre l’incidence sur la prime de vacances : 22,42 x 4/5 x 30% = 5,38 €

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur la rupture du contrat de travail.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Elle implique une réaction de l’employeur dans un délai bref à compter de la connaissance des faits reprochés au salarié.

En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l’espèce, l’administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l’entreprise et justifier le licenciement du salarié, n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

En revanche la charge de la preuve de la qualification de faute grave des faits reprochés qui est celle correspondant à un fait ou un ensemble de faits s’analysant comme un manquement du salarié à ses obligations professionnelles rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et le privant de tout droit au titre d’un préavis ou d’une indemnité de licenciement, pèse sur l’employeur.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en effet en rapporter la preuve ; à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche à M. X les griefs suivants :

— refus d’exécuter les missions contractuelles

— refus de restituer les documents de l’entreprise

— information tardive de son absence par le salarié

— refus de restituer l’ordinateur portable.

Il y a lieu de déterminer si l’employeur prouve la réalité de ces manquements et si, à les supposer établis, ils sont constitutifs d’une faute grave.

Le refus d’exécuter les tâches professionnelles le 20 décembre 2012 ainsi que l’abandon de poste subséquent ne sont pas démontrés dès lors que M. X produit un avis d’arrêt de travail à cette date. Il fait valoir avoir ressenti un malaise ce jour là. Si cet évènement précis n’est pas établi, il reste que l’avis d’arrêt de travail qu’il verse en pièce 28 prouve l’existence de problèmes de santé à ce moment là qui excluent un quelconque manquement professionnel de sa part de sorte que les griefs de l’employeur ne peuvent être retenus. Ensuite, l’avis de dépôt d’un courrier recommandé du 21 décembre 2012 révèle que le salarié a dûment avisé son employeur de cet arrêtde travail dans les délais. De la même façon l’avis de prolongation du 7 janvier 2020 jusqu’au 20 janvier 2013 a été adressé dès le 8 janvier ainsi qu’en atteste à nouveau l’avis de dépôt à la poste versé en pièce 29/2.

Pourtant, dès le 8 janvier 2013, la SAS D lui a adressé une lettre recommandée pour le convoquer à un entretien en vue d’un éventuel licenciement.

En dépit de ce contexte, M. X a continué de travailler du 21 janvier 2013, date de sa reprise, au 31 janvier 2013, veille de la notification de son licenciement; ce qui apparaît à l’évidence de nature à exclure la faute grave du salarié sur le fondement de laquelle il a pourtant été licencié.

La non restitution des documents de travail ne peut davantage être assimilée à un refus imputable au salarié dès lors que celui-ci avait subi des problèmes de santé ayant conduit à un arrêt de travail et en outre, ces documents n’ont jamais été réclamés officiellement par l’employeur avant l’engagement de la procédure disciplinaire. Le grief tiré de la non restitution de l’ordinateur n’est pas non plus avéré dès lors qu’ici encore aucun refus du salarié n’est objectivé.

Il ressort de ce qui précède que l’employeur n’a pas établi, à l’occasion de la présente instance, la cause réelle et sérieuse justifiant, au sens de l’article L. 1235-1 du Code du travail, le licenciement de M. X'; en conséquence, le licenciement de ce dernier est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. X’était justifié.

Sur les indemnités de rupture.

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement, l’indemnité de préavis et les congés payés afférents.

C’est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le conseil des prud’hommes de E a retenu de ces chefs les sommes respectives de 3.946,25 €, 4510 € et 451 €; le jugement étant confirmé sur ces points et les moyens contraires des parties étant rejetés.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est constant qu’à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. X’avait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise de 11 salariés et plus ; il y a donc lieu à l’application de l’article L. 1235-3 du Code du travail dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. X, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice du salarié doit être évaluée à la somme de 13.530 €.

Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera alloué une somme de 1500 € à M. X de ce chef.

Sur les autres demandes.

La demande de remise de bulletins de salaires conforme sans astreinte sera confirmée.

En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt. Les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2017.

La SAS D sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS.

LA COUR,

INFIRME le jugement du conseil des prud’hommes de E en date du 28 décembre 2017 en ce qu’il a retenu que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité pour licenciement abusif et en ce qu’il a accordé des rappels de salaires pour heures supplémentaires.

Statuant à nouveau de ces chefs.

DIT que le licenciement de M. C X est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

CONDAMNE la SAS D à allouer à M. C X la somme de 13.530 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

DÉBOUTE M. C X de ses demandes au titre des rappels de salaire sur heures supplémentaires, les congés payés afférents et l’incidence sur la prime de vacances.

CONFIRME jugement du conseil des prud’hommes de E en date du 28 décembre 2017 pour le surplus.

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS D à allouer à M. C X la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

DIT que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et dit que les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2017.

CONDAMNE la SAS D aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 1er juillet 2020, n° 18/03858